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Les matières animales et l’artisanat

Certaines parties anatomiques, séparées rapidement du reste de l’animal lors de la découpe des carcasses, sont vraisemblablement récupérées et employées dans diverses activités artisanales. Les objets finis sont rares au sein des ensembles étudiés et seuls parviennent jusqu’aux archéozoologues les déchets liés à la phase de fabrication et rejetés au milieu des déchets domestiques. Il s’agit de faire ici un rapide tour d’horizon des différentes matières animales qui paraissent avoir fait l’objet de traitement à des fins artisanales sur les sites étudiés.

Le bois de cervidés

Les fragments de bois de cervidés sont les témoins les plus nombreux de ce type d’activité, avec la présence de bois de massacre, de bois de chute et de fragments de bois indéterminés. Ils sont au nombre de 99 restes et sont recensés sur 11 des 19 sites, toutes phases chronologiques confondues. Ils sont toutefois très peu représentés sur les sites littoraux, avec seulement 12 occurrences (sites de

Locquémeau-Trédrez et de Plougasnou). Le cadre environnemental du site, et notamment la proximité de massifs forestiers, semble donc être à l’origine de ce décalage. Excepté les trois bois de massacre mis au jour sur les sites de Fontenay- le-Marmion, de Basly et de Touffréville, les fragments de bois n’apportent aucune information sur la chasse du cerf, mais ils témoignent de la

récupération de matière animale et de son utilisation comme matière première. Ainsi, plus de la moitié de ces fragments de bois de cervi- dés sont porteurs de traces, de découpe ou de chauffe, illustrant une pratique anthropique (fig. 54).

L’observation des différentes traces montre une récurrence dans la pré- paration de ces bois. En effet, la première étape consiste à démunir le bois de ses ramifications annuelles, les andouillers, et de sa partie supé- rieure, les épois (terminologie d’André Billamboz 1979). La seconde étape consiste en la séparation des deux merrains permettant l’obtention d’une zone de travail satisfaisante, en termes de taille et de texture, pour la confec- tion d’objets. Certains de ces restes ont été chauffés, vraisemblablement pour les rendre plus malléables ; c’est le cas notamment sur les sites de Plougasnou et de Locquémeau-Trédrez. Si, pour les périodes les plus anciennes, les frag- ments semblent découpés (Fontenay-le-Marmion, Basly, Locquémeau-Trédrez), les ensembles datés de La Tène finale et de la fin du ier siècle avant notre ère

montrent des coupes réalisées exclusivement à la scie. Ces fragments de ramure ne sont toutefois jamais sciés entièrement, une pression manuelle est exercée à mi-parcours afin de séparer les deux parties (le Grand Barberie à Saint-Martin- de-Fontenay et Touffréville). Seul le site de Plougasnou a livré des objets finis sous la forme d’un manche d’outil et d’un manche de couteau (Le Goffic 1997).

La corne

Très peu d’éléments attestent la récupération de la corne sur les sites du corpus : quatre chevilles osseuses de bœuf et deux de caprinés porteuses de coups, d’en- tailles ou de traces de sciage (Locquirec, Plougasnou, Saint Martin-de-Fontenay : le Chemin de May et le Grand Barberie). Si l’utilisation de cette matière pre- mière dans la fabrication d’objets, de placages, mais également comme fondant dans la métallurgie, a été démontrée pour la période de l’âge du Fer, elle appa- raît spécialisée (Krausz 1992). Elle est, en effet, très peu présente en contexte domestique, que ce soit pour l’ouest ou le reste de la France.

Les peaux et les tendons

Les traces de préparation des cuirs et des peaux sont rarement décelables à partir des vestiges osseux. Seule la phase de dépouillement laisse quelques traces sur certaines parties crâniennes et sur les métapodes. Elles se présentent sous la forme de fines incisions répétitives situées aux endroits où la peau est directement positionnée sur l’os (Foucras 2011). Ce type de traces a été observé sur quelques parties proximales de métacarpes de bœuf provenant des sites de Touffréville et d’Hoëdic. La confection de vêtements et d’objets en peau et en cuir ne peut être attestée archéologiquement, mais une mention de Strabon fait état de voiles en cuir, dont les bateaux des Vénètes auraient été pourvus « C’était des voiles de cuir, en raison de la violence des vents, tendues à l’aide non de cor- dages, mais de chaînes » (Strabon, IV, 4, 1 cité dans Thollard 1985, p. 116). Des traces de prélèvement de tendons sont également perceptibles sur des phalanges proximales de bovins issues des sites de Basly, de l’île aux Moutons et d’Hoëdic.

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Fig. 54 : Fragment de bois de cerf scié et découpé, Saint-Martin-de-Fontenay le Grand Barberie (© A. Baudry, Inrap).

Les matières dures

Les fragments d’os travaillés sont très peu nombreux au sein du corpus. Si quelques os longs de grands mammifères paraissent taillés ou polis, aucun véri- table dépotoir de rejets artisanaux n’a été mis au jour. quelques ébauches d’ob- jets ont toutefois été mêlées aux rejets domestiques et témoignent indirectement du travail de l’os. Il s’agit notamment de l’ébauche d’un poinçon sur le site de Basly ou de celle d’une aiguille à Saint-Martin-de-Fontenay (le Grand Barberie). Malgré leur rareté, la présence d’objets finis mérite une attention particulière. Des aiguilles ont été mises au jour sur les sites d’Hoëdic (fig. 55), de Saint- Martin-de-Fontenay (le Grand Barberie) et de Touffréville17. Des fragments de

fusaïoles attestent le travail du filage, comme celle de Touffréville, de forme bitronconique qui présente des extrémités soulignées d’une double incision (fig. 56). Les objets en os en relation directe avec la cuisine sont illustrés par la présence d’une cuillère dans les niveaux datés du début du ier siècle de notre

ère du site de Touffréville. Ces cuillères, généralement appelées cochlearia, sont utilisées pour la consommation de coquillages, d’escargot et d’œufs (fig. 57). L’extrémité pointue du manche faciliterait, en effet, l’extraction des mollusques ou permettrait de percer la coquille des escargots. Elles ont également pu servir à manipuler des produits pharmaceutiques et cosmétiques (Béal 1983 ; Bertrand 1998 ; Dubois-Thuet 1999).

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17. Les études de petit mobilier de Saint-Martin-de-Fontenay le Grand Barberie et de Touffréville ont été réa- lisées par Mélanie Demarest.

Fig. 55 : Aiguille en os, Hoëdic Port-Blanc (© M.-Y. Daire, CNRS). Fig. 56 : Fusaïole en os, Touffréville (© A. Cocollos, Service archéologie du département du Calvados). Diamètre max : 3 cm ; Ht. : 1,95 cm ; Diamètre min. perforation : 0,5 cm. Fig. 57 : Cuillère en os de type

cochlearia, Touffréville (© A. Cocollos,

Service archéologie du département du Calvados). Longueur : 5,6 cm. Fig. 58 : Dé parallélépipédique, Hoëdic Port-Blanc (© M.-Y. Daire, CNRS).

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Le jeu est représenté par un dé en os, mis au jour au sein de l’une des salles de l’habitat gaulois de Port-Blanc sur l’île d’Hoëdic (fig. 58). Il s’agit d’un petit dé, de forme parallélépipédique (2 x 1 cm), légèrement fendillé mais en bon état de conservation et présentant des arêtes vives (Daire et al. 2009b). Il a probable- ment été confectionné à partir d’un os long de grand mammifère. un atelier de fabrication de dé mis au jour à Levroux a permis l’étude de la chaîne opéra- toire et montré que l’utilisation de métapodes d’équidés est adaptée à la confec- tion de ce type d’objets (Horard-Herbin 1997). Le traitement des surfaces et le travail de chiffrage, obtenu par le creusement de petites cavités, sont soignés. Le chiffrage est organisé selon la suite 3-5-4-6. Les petites faces ne présentent aucune marque et l’absence des numéros 1 et 2 peut être notée. Les faces 3 et 4 sont opposées aux faces 5 et 6 formant ainsi des totaux différents (Daire et

al. 2009b). Cette forme parallélépipédique est caractéristique des dés en os de

l’âge du Fer, en opposition à la forme cubique des dés d’époque romaine. Ces dés préromains sont généralement numérotés de 2 à 6 ou de 3 à 6. Des dés aux caractéristiques très proches ont été mis au jour à urville-Nacqueville (Manche) (Lefort, Marcigny 2008), au Fâ à Barzan (Charente-Maritime) (Robin 2007), à Naintré (Vienne) (Bertrand 2007), quatre autres ont été mis au jour à Béruges au cours de prospections (Vienne) (Bertrand, Maitay 2008). Deux sanctuaires datés du second âge du Fer ont également livré des dés chiffrés de 3 à 6. Il s’agit d’Agris (Charente) (Gomez de Soto, Boulestin 1996 ; Bertrand 2007) et de Bessines Grand Champ Est (Deux-Sèvres) (Maguer et al. 2009). En contexte d’habitat, comme à Hoëdic et à urville-Nacqueville, une interprétation comme élément de jeu a été privilégiée, tandis que les contextes de sanctuaires de Bessines (Deux-Sèvres) ou d’Agris (Charente) indiqueraient davantage une utili- sation du dé comme objet de divination ou du moins lié à une fonction religieuse ou rituelle (Daire et al. 2009b).

L’utilisation des matières animales dans la confection d’objets est donc attestée sur quelques-uns des sites étudiés. Toutefois, comme sur la majorité des sites de l’âge du Fer, seules quelques unités, la plupart du temps sous la forme de déchets, sont présentes au sein des rejets domestiques (Krausz 2000). Il s’agit, par conséquent, soit d’objets importés soit de déchets résultant d’un artisanat domestique mis en œuvre occasionnellement. Si ce type d’activités est relati- vement fréquent, au second âge du Fer, il apparaît essentiellement pratiqué en milieu urbain (Augier et al. 2007).

Du territoire à l’espace,