Les marchés publics globaux : une alternative à la loi MOP intéressante pour le Ministère de la Défense

La parution de l’ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics introduit la notion de marchés publics globaux (qui existait déjà dans l’ancien code des marchés publics).

La Conception / Réalisation (CR), la Conception / Construction / Aménagement / Entretien / Maintenance (CCAEM) ou la Conception / Réalisation / Entretien / Maintenance (CREM14) sont des procédures particulières (autres que les marchés classiques de maîtrise d’œuvre privée) qui permettent à un maître d’ouvrage de confier à un groupement d’opérateurs économiques ou, pour les seuls ouvrages d’infrastructure, à un seul opérateur économique, une mission portant à la fois sur l’établissement des études (conception) et l’exécution des travaux (réalisation).

Que disent les articles 33, 34 et 35 de l’ordonnance n°2015-899 ?

L’article 33 précise que le recours à un marché public de type Conception / Réalisation n’est possible, quel qu'en soit le montant, que si des motifs d'ordre technique ou un engagement contractuel sur un niveau d'amélioration de l'efficacité énergétique rendent

14 _{Le décret n°2011-1000 du 25 aout 2011 avait introduit dans l’ancien Code des Marchés Publics un article}

73 qui définissait une nouvelle catégorie de contrats globaux, les contrats de conception, de réalisation, d’entretien et de maintenance (CREM). L’exploitation ou la maintenance sont associées à la conception et à la réalisation de prestations afin de remplir des objectifs chiffrés de performance définis notamment en termes de niveau d’activité, de qualité de service, d’efficacité énergétique ou d’incidence écologique. Ces engagements sont mesurables et définis dans le temps.

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nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage. Un tel marché public est confié à un groupement d'opérateurs économiques. Il peut toutefois être confié à un seul opérateur économique pour les ouvrages d'infrastructures.

Conclusion partielle :

1/ - Le Ministère de la Défense ne pourra recourir à un marché global de conception / réalisation dans une opération SCORPION uniquement pour motifs d'ordre technique ou un engagement contractuel sur un niveau d'amélioration de l'efficacité énergétique : cette forme de marché public ne devrait donc pas être utilisé.

L’article 34 permet d’associer l’exploitation et la maintenance à la réalisation (REM) ou à la conception/réalisation (CREM) afin de remplir des objectifs chiffrés de performance définis notamment en termes de niveau d'activité, de qualité de service, d'efficacité énergétique ou d'incidence écologique. Ces marchés publics comportent des engagements de performance mesurables.

Conclusion partielle :

2/ - Le Ministère de la Défense pourrait recourir à un marché global de Réalisation – Exploitation – Maintenance ou de Conception – Réalisation – Exploitation - Maintenance dans une opération SCORPION, mais uniquement dans le cas d’une réhabilitation des plusieurs bâtiments et il faudrait qu’il y ait un intérêt environnemental et énergétique non négligeable pour le site. Ce cas de figure ne devrait pas se présenter.

L’article 35 permet aux acheteurs de confier à un opérateur économique une mission globale portant sur la conception, la construction, l'aménagement, l'entretien et la maintenance (CCAEM) des immeubles affectés à la Police Nationale, à la Gendarmerie nationale, aux armées ou aux services du Ministère de la Défense.

Conclusion partielle :

3/ - On retrouve ici la dérogation à la loi MOP qui libère le Ministère de la Défense des objectifs d’amélioration thermique, d’efficacité énergétique ou d’incidence écologique.

Quels sont les avantages et les inconvénients des marchés globaux ?

Les 3 avantages et les 5 inconvénients présentés dans le tableau ci-après sont issus de mon propre retour d’expérience des marchés globaux de CR (construction de la zone technique VBCI à Nîmes) et CCAEM (construction d’un atelier de grenaillage et de peinture à Clermont-Ferrand) qui j’ai eu à conduire.

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Avantages Inconvénients

Avantage n°1 : Le maître d’ouvrage n’a qu’un seul interlocuteur (un groupement

composé d’un ou plusieurs maîtres d’œuvres [architectes, bureaux d’études] et d’une ou plusieurs entreprises) et n’a besoin de passer qu’un seul marché pour l’ensemble de l’opération. Il en résulte un gain calendaire et financier, ainsi qu’une meilleure exécution

des prestations car l’entrepreneur et le concepteur sont associés au projet très en amont de celui-ci.

Le dialogue entre les entreprises et les maîtres d’œuvre (architecte et bureau d’études), partenaires dès la phase de conception, peut faire naître un projet plus innovant, tenant davantage compte des technologies existant sur le marché et de l’expérience du constructeur.

Avantage n°2 : Le groupement titulaire du marché global s’engage sur les coûts et les délais

de réalisation et assure très tôt au maître d’ouvrage (le Service d’Infrastructure de la Défense) la compatibilité entre son estimation financière initiale et la réalité économique du projet. « Global et forfaitaire, cet engagement est réputé inclure tous les aléas de conception et de réalisation imputables au groupement ».

Avantage n°3 : Un marché global est un gain calendaire pour le SID de l’ordre de 9 mois

par rapport au déroulement d’une opération de maîtrise d’œuvre privée classique (MOP). Le groupement s’engage dès la notification du marché sur un prix et il appartient alors à l’entreprise de présenter des entreprises sous-traitantes pour certaines prestations, tout en ne dépassant pas le prix indiqué dans l’acte d’engagement.

Remarque : Dans un marché de MOP, l’appel d’offres pour les marchés de travaux en phase ACT présente un risque d’infructuosité de la procédure.

Cela retardera ainsi le calendrier global de l’opération. De plus, le prix des marchés de travaux lot par lot peuvent s’avérer supérieur à l’estimation qu’en a fait le maître d’œuvre privé : cela engendrera alors un coût supplémentaire pour le maître d’ouvrage.

Inconvénient n°1 : Le programme rédigé par le conducteur d’opération doit être exhaustif, plus précis et plus détaillé que pour une opération en MOP classique car :

- Le maître d’ouvrage n’a pas la possibilité comme en MOP classique, tout au long des phases APD et PRO, d’enrichir progressivement son programme dans le cadre de son enveloppe financière, de faire évoluer le niveau de qualité des matériaux, produits, matériels, équipements dans le projet avant la consultation des entreprises.

- Dans un marché global, les groupements d’entreprises candidats ont besoin d’un programme précis pour chiffrer au mieux le projet au stade de l’offre (pour ne pas laisser la place à l’interprétation des différents candidats ou aux impasses possibles).

Inconvénient n°2 : Le maître d’ouvrage ne bénéficie plus de l’assistance du maître

d’œuvre, contrairement à une procédure classique de MOP. En effet, ce dernier étant devenu le partenaire de l’entrepreneur, il « n’est plus dans la même position pour défendre les intérêts de la maîtrise d’ouvrage en matière de qualité architecturale, de qualité générale des prestations en particulier dans la mise en œuvre, face aux intérêts de l’entreprise ». En marché global, le mandataire sera toujours une entreprise de travaux.

Inconvénient n°3 : Toute modification du besoin a des répercussions sur le coût et les

délais sur lesquels le groupement s’est engagé (des devis supplémentaires « au prix fort » et des demandes de prolongation du délai d’exécution sont courants dans cette situation). Avec certains mandataires de groupements, même sans modification du besoin, c’est une lutte de chaque instant pour faire respecter le programme. Cela se produit lorsque le prix du marché est trop bas et que le mandataire a fait des « impasses » en conception, ou en organisation de chantier, et/ou qu’il souhaite réaliser une marge financière plus importante sur son marché au détriment du maître d’ouvrage.

Le rôle du conducteur d’opération est primordial afin d’éviter des mémoires de réclamation en fin de chantier.

Inconvénient n°4 : Le jugement des offres est plus difficile car il requiert une analyse plus détaillée portant sur des projets architecturaux et des prestations d’un niveau au moins égal à un APS à comparer au programme, avec l’intervention d’une commission technique, en sachant que l'offre retenue à l'issue de la procédure de remise des offres devient contractuelle dès la signature du marché.

Ainsi, la mise au point du marché pourra s’avérer difficile face à certaines entreprises mandataires.

Inconvénient n°5 : Le travail de conduite que demande un marché global, tout au long

de la procédure de passation du marché et durant son exécution, exige des compétences spécifiques, ainsi une grande rigueur de la part du maître d’ouvrage.

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Analyse du tableau ci-avant :

A la simple lecture du tableau précédent sur les avantages et les inconvénients d’un marché global, la balance penche plus du côté des inconvénients ; ce qui laisse à penser que ces marchés globaux n’apportent pas une grande plus-value par rapport à un marché classique de maîtrise d’œuvre privée.

En effet, un marché global demande beaucoup plus d’investissement quotidien à un conducteur d’opération qu’un marché de MOP classique puisqu’il se retrouve en première ligne pour défendre les intérêts du maître d’ouvrage face au mandataire du groupement (une entreprise majeure du BTP) qui lui défendra ses intérêts financiers.

En MOP classique, c’est le maître d’œuvre privé qui défend les intérêts du maître d’ouvrage face aux entreprises.

Conclusion partielle :

Un marché global donne plus de garantie dans le suivi de la réalisation qu’un marché de MOP classique pour la bonne et simple raison qu’il est assuré par le conducteur de travaux de l’entreprise mandataire du groupement titulaire du marché global.

Le métier principal d’un architecte (maître d’œuvre) est de concevoir, puis d’en assurer le suivi des travaux.

Un conducteur de travaux ne conçoit rien, son métier est de suivre les travaux.

Je l’ai d’ailleurs constaté personnellement lors de mes 2 expériences de marchés globaux. L’avantage incontestable d’avoir une entreprise associée à un maitre d’œuvre dès le début, est qu’en termes de rendu final, c’est l’image de marque de l’entreprise que l’on retrouve dans le suivi de la réalisation. Le rendu est toujours conforme aux attentes du programme et du maître d’ouvrage, même si le conducteur d’opération a du se battre pour le faire respecter tout au long de l’opération.

En MOP classique, l’image de marque du maître d’œuvre privée est bien souvent l’image du bâtiment et la conception (la propriété intellectuelle), au détriment du suivi de la réalisation ; surtout si les moyens financiers sont insuffisants pour le suivi de la réalisation. Un contrat global, c’est un gain de temps, une meilleure maîtrise financière du projet (à condition que le programme soit très précis) et l’assurance pour le maître d’ouvrage d’un bon suivi de la réalisation par l’entreprise titulaire du groupement.

En contrepartie, cela demande un travail beaucoup plus important pour le conducteur d’opération et il arrive parfois que la place du maître d’œuvre privée soit réduite à la seule phase conception.

Le bilan est selon moi plus positif que négatif avec un marché global.

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La pratique de la loi MOP à l’ESID de Lyon