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Depuis quelques années, la micro-assurance santé (MAS) reçoit une attention croissante en tant que mécanisme de financement potentielle-ment utile pour faire progresser la couverture universelle de santé dans les pays à faible et à moyen revenu. Dans les milieux où la capacité du gouvernement à établir des régimes d’assurance sociale ou des régimes fondés sur l’imposition est contrainte par le contexte sociopolitique et économique, la MAS comble une lacune dans la protection sociale de la santé. Elle offre une couverture aux personnes qui ne seraient pas cou-vertes par une autre forme d’assurance. La MAS applique le concept d’assurance au niveau micro. Elle favorise le partage du risque et la mise en commun des ressources au sein d’une communauté pour faciliter l’accès aux soins et offrir une protection financière par rapport au coût de la maladie. La MAS favorise une solidarité des personnes en santé envers les malades et dissocie le paiement de la date des soins donnés. En pratique, cela signifie que les personnes paient des contributions régulières en espèces (appelées des primes) dans un panier commun. L’argent accumulé est alors utilisé pour couvrir les coûts de soins médicaux lorsqu’une des personnes ayant contribué tombe malade. Selon les contextes, la MAS est aussi décrite comme une assurance-maladie collective, une assurance santé communautaire ou une mutuelle de santé.

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La participation dans ces programmes est habituellement volontaire (sauf dans quelques rares exceptions à travers le monde), ce qui signifie que les membres d’une communauté sont libres de décider de s’affilier ou non à la MAS.

Les écrits scientifiques ont surveillé de près l’expérience de nombreux programmes implantés à travers l’Afrique et l’Asie afin de mesurer les impacts engendrés par la mise en place de MAS. Ils ont conclu que la participation dans les MAS peut mener à un meilleur accès aux soins et fournir au moins une protection partielle par rapport au coût de la maladie.

Il existe cependant un mythe qui persiste dans le dialogue politique concernant la MAS. Ce mythe circule particulièrement parmi les ONG et les donateurs intéressés à promouvoir le développement de ces pro-grammes. Il s’agit de l’idée qui établit que la MAS représente une assu-rance en faveur des personnes pauvres et suggère que les programmes de MAS fournissent une protection sociale en santé efficace pour les plus démunis. Ce mythe prévaut malgré l’ensemble de preuves à son encontre.

En général, hormis les pays où la participation est soutenue par le gouvernement (comme au Ghana ou au Rwanda), les programmes de MAS ont des faibles taux d’affiliation, au maximum 20 %. De plus, la MAS ne réussit pas toujours à atteindre les plus démunis dans une communauté.

Les expériences dans des pays aussi divers que le Burkina Faso, la Tanzanie, le Sénégal, l’Inde et le Cambodge indiquent que les plus dému nis sont les derniers à s’affilier. Le Ghana et le Rwanda constituent des exemples intéressants sur la manière dont les iniquités dans l’affiliation prévalent, même lorsque la participation est soutenue par le gouverne-ment. La MAS est relativement efficace pour atteindre les travailleurs du secteur informel, mais seulement s’ils vivent au-dessus du seuil de pau-vreté et ont accès à une source de revenu stable. Cela signifie que les programmes sont conçus dans l’intention d’atteindre des grands frag-ments de populations rurales défavorisées, mais qu’ils finissent par atteindre uniquement une proportion limitée de personnes des commu-nautés cibles, et le plus souvent les moins pauvres.

En outre, l’expérience de beaucoup (mais pas tous) suggère qu’une fois affiliés, les plus démunis sont les derniers à bénéficier de la couverture d’assurance. Des femmes pauvres, affiliées au programme SEWA en Inde, ont continué à avoir un moins bon accès aux soins comparativement aux

personnes affiliées moins pauvres, même après la mise en place de mesures pour simplifier l’accès aux soins et les procédures de remboursement. Des résultats similaires ont été observés au sein du programme Gonoshasthaya Kendra au Bangladesh, où la participation à la MAS n’a pas éliminé les disparités entre les femmes les plus pauvres et les moins pauvres concer-nant l’utilisation de services de santé maternels. Les personnes pauvres semblent souffrir de nombreuses privations, telles qu’un accès limité à l’information sur leurs droits et un accès très restreint aux ressources financières pour couvrir la portion des coûts des soins non couverts par le programme, que la MAS toute seule n’est pas capable d’offrir.

Ayant reconnu l’importance de la pauvreté en tant que barrière pour la participation à la MAS, certains pays ont instauré des politiques pour assurer l’inclusion des plus démunis. Par exemple, le Cambodge a instauré des fonds d’équité en santé. Ces fonds ne sont pas encore appliqués de façon efficace dans tous les districts du pays, ce qui signifie qu’une grande proportion des plus démunis n’a toujours pas accès à une protection sociale adéquate en santé. Il y a actuellement des expériences en cours pour amé-liorer l’intégration entre ces fonds et les programmes existants de MAS.

De la même façon, le ministère de la Santé en Tanzanie a pris des disposi-tions et a alloué des budgets réservés aux districts de santé pour soutenir la participation des ménages à faible revenu dans les fonds de santé com-munautaire. La mise en œuvre manque cependant d’orientations poli-tiques, probablement à cause d’une difficulté globale de cibler efficacement les plus démunis. Des nombreux organismes travaillent actuellement pour renforcer le ciblage des personnes pauvres afin d’assurer une participation plus équitable dans les fonds de santé communautaire.

En regardant les données probantes, on peut presque perdre espoir et abandonner l’idée d’investir dans le développement des MAS pour aller vers une protection sociale de santé plus grande pour les communautés défavorisées en Asie et en Afrique. Toutefois, heureusement, il existe quelques histoires positives à partager sur la manière dont les obstacles à la participation peuvent être surmontés ainsi que la manière dont les personnes pauvres peuvent être accompagnées pour bénéficier de la cou-verture d’assurance. Depuis 2007, l’introduction d’une subvention en faveur des personnes pauvres couvrant la moitié des coûts de la prime dans un programme d’assurance-maladie communautaire en milieu rural au Burkina Faso a considérablement diminué les iniquités dans l’affiliation.

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Il est intéressant de noter que la subvention a produit un effet sur l’utili-sation de services, faisant en sorte que les personnes pauvres affiliées les utilisent plus que les équivalents non affiliés (bien que de façon moindre que les affiliés moins pauvres). Cela suggère que la campagne de ciblage et l’offre subséquente de subvention de la prime pourraient avoir aidé indirectement à sensibiliser les personnes pauvres concernant leurs droits à l’assurance. De façon similaire, des expériences dans les milieux ruraux de Bihar et d’Uttar Pradesh en Inde démontrent que lorsque les pro-grammes sont conçus depuis le début en accordant une attention parti-culière et explicite aux personnes pauvres, au statut socioéconomique et à d’autres mesures socioculturelles de la pauvreté et de l’exclusion sociale (par exemple, les castes), ils constituent moins un obstacle pour l’affiliation.

Ainsi, la MAS n’est pas faite en soi pour servir les personnes pauvres, sauf si des mesures de ciblage sont prévues dans sa mise en œuvre. Il faut aborder le développement d’un programme de MAS avec prudence. Les organismes intéressés dans son implantation doivent être préparés à faire face aux faibles taux d’affiliation, au moins pendant les premières années, et être conscients que des stratégies explicites doivent être mises en place depuis le début d’un programme afin d’assurer son efficacité pour les plus démunis. Ces stratégies incluent, entre autres, un ciblage en faveur des personnes pauvres, une subvention de la prime ou des primes ajustées selon le revenu, des informations additionnelles en faveur des personnes pauvres et des campagnes de sensibilisation sur les droits à l’assurance santé.

Pour aller plus loin

De Allegri, M. (2006). To enrol or not to enrol in Community Health Insurance – Case Study from Burkina Faso. Frankfurt , Peter Lang.

Rösner, H.J., Leppert, G., Degens, P. et OueDraogo, L. M. (2012). Handbook of Micro Health Insurance in Africa. Berlin, Lit Verlag.

Soors, W., DevaDasan, N., Durairaj, V. et Criel, B. (2010). Community Health Insurance and Universal Coverage : Multiple paths, many rivers to cross. Background Paper, 48 to the World Health Report 2010. Geneva, The World Health Organization.