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Nous présentons ici la méthodologie globale dans laquelle s’inscrivent les différentes méthodes que nous avons employées. En effet, un dispositif étant composé d’éléments hétérogènes, il nous a été nécessaire, pour l’appréhender, de construire des corpus distincts et hétérogènes, sur différents terrains, correspondant aux différents éléments que nous avons étudiés. Nous avons approché nos terrains, construit et appréhendé nos corpus avec une méthode de recueil et une méthode d’analyse spécifiquement élaborées pour chacun. Afin d’éviter au lecteur des va-et-vient continuels entre ce premier chapitre et le chapitre particulier s’appuyant sur l’un des corpus, nous avons choisi de détailler à la fois la méthode de recueil et la méthode d’analyse du corpus la première fois que nous l’utilisons dans notre propos. Le Tableau 1 page 37 référence la page à laquelle le lecteur trouvera le détail méthodologique pour chaque corpus étudié.

En considérant notre objet de recherche à la lumière du concept de dispositif et plus particulièrement de dispositif info-communicationnel hybride, nous avons souligné que l’appréhender signifiait comprendre ce qu’il donne à voir ou non ; ce qu’il permet ou non de dire ; son modèle communicationnel et les phénomènes inattendus qu’il provoque ; ainsi que l’examiner à la fois sous ses formes et ses contenus. Enfin, dans cette approche, il est également nécessaire d’attacher un intérêt particulier à ses acteurs et à la nature des liens qui les unissent. Aussi, pour répondre à notre question de recherche, nous avons mis au point une méthodologie essentiellement fondée sur une analyse des discours qui traversent

le dispositif, en les recherchant « autour des foyers diffus de pouvoir (et de résistance) mis en jeu » (Deleuze, 2004, p. 26), car « comprendre les “logiques d’acteurs” suppose de savoir analyser leurs productions discursives » (Bonnafous, 2013, p. 218). Les choix méthodologiques que nous détaillons ci-dessous reposent sur une volonté de mettre au jour les interactions entre les différents éléments du dispositif par le biais des énoncés qu’ils produisent.

En nous fondant sur l’analyse du discours, nous adoptons un point de vue spécifique, qui nous permet d’examiner à la fois les règles de l’interaction, les variations linguistiques et les modes d’argumentation (Maingueneau, 2009, p. 19) à l’œuvre dans les énoncés qui forment nos corpus. De plus, en adoptant cette perspective méthodologique, nous pouvons saisir les logiques politiques et idéologiques du dispositif, en ce sens que l’analyse du discours ne le considère pas comme « l’expression d’un sujet parlant et de son intention, mais comme l’expression d’un complexe idéologique et politique qui transcende le sujet » (Bonnafous, 2013, p. 215). Par ailleurs, du fait que l’analyse du discours « ne sépare l’énoncé ni de sa structure linguistique, ni de ses conditions de production, historiques et politiques, ni des interactions subjectives, ni des préconstruits qui contraignent le sens » (Mazière, 2015, p. 9), nous sommes en mesure, avec cette posture, de saisir un contexte grâce à la production de sens que constitue le discours. Cette approche nous permet également, dans la recherche du sens produit par le discours, et en tenant compte des préconstruits qui le contraignent, de repérer les représentations sociales qui sont véhiculées par le discours analysé. Par « préconstruits » nous entendons « les traces dans le discours d’éléments discursifs antérieurs dont on a oublié l’énonciateur » (Pêcheux, 1990, p. 43), qui fonctionnent comme des évidences ne nécessitant aucune justification car considérées comme admises dans le contexte discursif. Nous utilisons la notion de représentation sociale en tant que construction sociale d’une certaine réalité, c’est-à-dire « une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social » (Jodelet, 1989, p. 36), qui exprime « le rapport que les individus et les groupes entretiennent avec le monde et les autres » et qui est forgée « dans l'interaction et au contact des discours circulant dans l’espace public » (Jodelet, 2002, p. 119). Les représentations sociales peuvent être croisées et comparées dans l’analyse du discours, du fait, entre autres, de la nature nécessairement interdiscursive de celui-ci : pour Dominique Maingueneau, le discours « ne prend sens qu’à l’intérieur d’un interdiscours, à travers lequel il doit se frayer un chemin et qu’il modifie »

(Maingueneau, 2009, p. 47). Cet interdiscours étant compris par l’auteur comme un ensemble d’éléments discursifs antérieurs ou contemporains avec lesquels le discours tisse des liens de façon implicite ou explicite.

Dominique Maingueneau définit le discours (qui, dans ce cas, ne peut être susceptible de pluriel) comme « l’activité de sujets inscrits dans des contextes déterminés produisant des énoncés d’un autre ordre que celui de la phrase » (Maingueneau, 2009, p. 44). En suivant ainsi Dominique Maingueneau, nous entendons par contexte à la fois le cotexte, c’est-à-dire l’environnement linguistique dans lequel s’insère l’énoncé considéré ; la mémoire au sens des savoirs partagés antérieurs à l’énonciation ; et enfin les participants, le cadre spatio-temporel et le but que se donnent les participants au discours (Maingueneau, 2009 ; 2012). Ces trois derniers éléments du contexte sont largement dépendants de ce que Dominique Maingueneau désigne comme étant les genres du discours, c’est-à-dire « des dispositifs de communication socio-historiquement définis » qui prescrivent « des rôles pour les participants, une finalité, une organisation textuelle, etc. » (Maingueneau, 2013, p. 75). Dans ce cadre, nous avons examiné, pour chaque corpus d’énoncés analysé, dans quel genre de discours il se situait, notamment pour celui construit directement par le RSE, qui comme nous l’avons souligné, se situe au croisement de deux mondes distincts. La notion de rôle est également essentielle dans notre travail, car elle nous a permis d’éviter de rattacher un discours au statut des locuteurs, qui peuvent, en fonction du contexte, endosser des rôles différents et donc s’inscrire dans des genres de discours différents, ce que nous avons constaté dans l’examen exploratoire de nos terrains.

En nous appuyant sur l’analyse du discours, nous avons également considéré ce que Dominique Maingueneau désigne comme des « scènes d’énonciation », dans lesquelles il distingue trois composants : la scène englobante, correspondant à un type de discours fondé sur l’activité sociale (notamment, pour ce qui nous intéresse, en prenant en compte la visée communicationnelle de celui-ci : informative, prescriptive, didactique, etc.) ; la scène générique fondée sur le genre du discours ; et enfin la scénographie « par laquelle l’énonciateur aménage à travers son énonciation même la situation à partir de laquelle il prétend énoncer », la scénographie étant « ainsi à la fois ce dont vient le discours et de qu’engendre ce discours » et légitimant « un énoncé qui, en retour, doit la légitimer » (Maingueneau, 2013, p. 78).

Notre volonté étant de croiser et faire dialoguer nos résultats, issus de corpus distincts, nous avons déterminé un modèle général d’analyse. Il consiste à déterminer, d’une part, les

normes et représentations sociales véhiculées par les discours caractérisés, et, d’autre part, le modèle communicationnel à l’œuvre dans le dispositif formé par le RSE. Nos analyses sont plus particulièrement orientées sur les visions, dans ces discours, des notions de management, de travail et de RSE, ainsi que sur l’image donnée des pratiques informationnelles, collaboratives et communicationnelles dans les organisations. Nous avons ensuite conçu spécifiquement pour chaque corpus une grille d’analyse déclinant ce modèle général, adaptée au matériau que nous avons recueilli, fondée sur notre cadre théorique général et sur les concepts particulièrement retenus pour chacun. Ce que nous synthétisons dans le Tableau 1 page 37.