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Chapitre 1 Cadre théorique et conceptuel

1.6 Méthodologie

1.6.1 Source et collecte des données

Pour répondre à l’objectif principal de ce projet de recherche, soit de documenter les représentations de l’espace naturel nordique québécois et les processus de mise en valeur patrimoniale s’y rattachant, des données primaires et secondaires ont été récoltées.

Les deux premiers objectifs spécifiques portant sur le contexte régional plus général, la plus grande partie des données recueillies proviennent de sources secondaires, tels que des articles scientifiques, des thèses ou des mémoires, des ouvrages de référence, des autobiographies ou des films documentaires. Certaines sources primaires ont également appuyé l’analyse, notamment des textes de lois, des rapports ou plans gouvernementaux, des ententes et conventions, ainsi que des articles de presse. Tous les documents utilisés étaient disponibles en ligne, en libre-accès ou via les bases de données de la bibliothèque de l’Université Laval.

Le troisième objectif spécifique de ce projet de recherche étant de caractériser le processus ayant mené la rivière Nastapoka à acquérir une valeur patrimoniale, et ce, en procédant par l’analyse de discours, un plus grand nombre de sources primaires a été requis. Nous avons donc effectué en 2017 une revue de presse exhaustive sur les thèmes « Grande-Baleine » et « Nastapoka » via le logiciel

Eurêka afin de documenter la couverture médiatique francophone portant sur l’étude de cas, puis sur

le site Internet de Nunatsiaq News pour intégrer l’actualité d’un point de vue plus local.

En juillet 2018, un séjour de terrain a été effectué par l’auteure afin de consulter les archives au bureau du Parc national Tursujuq (Umiujaq), ainsi qu’à Kuujjuaq, à la bibliothèque scientifique de la société Makivik et aux bureaux administratifs de Parcs Nunavik à l’Administration régionale Kativik (ARK). Lors de ce même séjour de terrain, des excursions au Parc national Tursujuq – au Lac Guillaume-Delisle et à la chute Nastapoka notamment – ont permis de relever une série d’observations in situ. Les documents récoltés en archives sont des publications et des rapports disponibles au public, mais qui ne sont pas disponibles en ligne ou en bibliothèque. Nous avons cherché notamment les mémoires, les rapports d’audiences publiques, les procès-verbaux de réunions, les plans provisoires d’aménagement, ainsi que les différentes études d’impact en lien avec la rivière Nastapoka, du projet Grande-Baleine aux négociations de conservation. Plusieurs documents comportant des cartes

géographiques, des documents de correspondance (lettres et courriels), de même que des relevés photographiques, nous ont également été remis par la direction des Parcs Nunavik directement.

Enfin, un certain nombre de personnes ont été consultées à titre d’experts, sous forme d’entrevues informelles et ce, à la fin de la collecte de données. Ces experts ont été ciblés par le rôle qu’ils ont joué (ou qu’ils jouent toujours) dans les négociations pour la protection de la rivière Nastapoka. Ces personnes ne seront pas citées dans ce projet de recherche. À titre d’experts mais également de témoins, nous nous sommes référés à eux afin d’éclaircir certains éléments manquants ou pour mieux contextualiser les discours et les acteurs qui les ont tenus. Le recours à des experts à un stade avancé du projet poursuit par ailleurs l’objectif de contrer les limites des différentes sources argumentaires. En effet, chaque document consulté – qu’il soit une publication gouvernementale ou un rapport de consultation – porte le poids des représentations de son auteur, tel que mentionné plus tôt.

Le recours à un plus grand nombre d’entrevues – avec la population notamment – n’a pas semblé nécessaire à la complétion de ce projet de recherche, en raison de l’accessibilité à des enquêtes déjà effectuées auprès de la population d’Umiujaq (Martin, 2001 ; Joliet, 2012), de même que par l’accès à plusieurs procès verbaux et comptes-rendus.

1.6.2 Mode de traitement des données

En cohérence avec le cadre théorique de ce projet de recherche, à travers lequel nous cherchons à analyser, d’un point de vue critique, le rôle des représentations territoriales dans les pratiques d’aménagement du territoire et plus précisément dans sa mise en patrimoine, nous procédons à une analyse de contenu appliquée aux discours, telle que proposée (entre autres) par Molina et al., (2007) et Seignour (2011). Ces auteurs proposent une analyse de la dialectique entre les représentations et les pratiques (Figure 6). La dialectique est définie par Molina et al. (2007) comme l’espace dynamique à travers lequel « le vécu [se] construit », et l’analyse de cette dynamique permettrait « d’éclairer la complexité des mécanismes de construction des rapports à l’espace » (2007 : 318).

En considérant les discours comme un véhicule des représentations (Foucault, 1969), nous admettons que le discours laisse transparaître non seulement les représentations du locuteur, mais contribue également à influencer les représentations de son auditoire : « un discours ne se contente pas de décrire un réel qui lui préexiste mais construit la représentation du réel que le locuteur souhaite faire partager par son allocutaire. Il en résulte que pour la plupart des spécialistes du langage, énoncer un

discours, c’est vouloir agir sur autrui. Le discours a ainsi un objectif performatif : c’est un acte volontariste d’influence » (Seignour, 2011 : 31). Dans cet ordre d’idées, l’analyse de discours implique nécessairement de situer non seulement le locuteur et l’auditoire auquel il s’adresse, mais également le contexte à travers lequel ce discours est émis. Dans le cadre de notre analyse, nous comprenons le discours comme tout acte permettant d’émettre une idée et de la faire comprendre ; celui-ci peut donc prendre plusieurs formes, notamment des phrases (écrites ou prononcées oralement), mais également des images telles que des photographies (Molina et al., 2007 ; Joliet, 2012).

Ainsi, l’analyse de discours constitue en un premier temps en une lecture critique de l’énoncé ; dans un deuxième temps, celui-ci est mis en contexte en fonction du locuteur (qui ?), de l’audience à laquelle celui-ci s’adresse (à qui ?), du contexte dans lequel il s’insère (où, quand ?), des moyens employés pour être compris (comment ?) et enfin des intérêts qu’il véhicule (pourquoi ?).

Vu les différentes formes et langues que prennent les discours que nous avons recueillis, un logiciel de codage informatique n’a pas été utilisé pour l’analyse. Quoique permettant de traiter un grand nombre d’informations en limitant la subjectivité par l’emploi de méthodes quantitatives, ces logiciels n’ont pas semblé adaptés aux données ni au type d’analyse retenu pour ce projet de recherche.

Une deuxième phase de l’analyse vise à situer les pratiques, lesquelles seront comprises à travers la mise en œuvre d’actions concrètes telles que l’adoption de lois, la publication de rapports ou encore la production de cartographie. Pour l’analyse des pratiques, nous procéderons à l’analyse cartographique de l’évolution des limites du parc, du premier tracé de 1992 à son inauguration en 2013. Cette analyse est présentée au troisième chapitre de ce mémoire.

1.6.3 Portée et limites des données

Ce projet de recherche base son analyse sur une étude de cas très riche en documentation, s’étalant sur une longue période et ayant mené à diverses consultations de la population. Un projet de recherche, principalement en analyse de discours, est toujours tributaire des données disponibles. Dans ce cas-ci, la quantité de données recueillie paraît suffisante pour une analyse portant sur le concept de patrimoine. Le grand nombre de données disponibles, s’il apparaît en premier lieu comme un avantage aux fins de l’analyse, peut toutefois s’avérer comme une limite, dans le sens où certains documents ont été plus amplement analysés que d’autres, et ce traitement inégal des données peut affecter les résultats de la recherche.

Enfin, comme le site d’étude est situé au Nunavik, où la population locale s’exprime principalement en inuktitut, les discours analysés sont soit accessibles sur des documents traduits par un tiers, ou encore ont été prononcés dans une langue seconde, ce qui peut nuancer le propos et l’idée ayant été communiquée. Certains discours, prononcés oralement par exemple ou inaudibles lors de la transcription des procès-verbaux d’audiences publiques, sont tout simplement inaccessibles. À Umiujaq, la création du parc a engendré plusieurs débats dans la population (voir chapitre 3) : or, la plupart de ces débats ont été tenus au micro de la radio communautaire et en inuktitut, ce qui les rend inaccessibles, quoiqu’ils auraient été un appui très utile à l’analyse.

1.6.3.1 Limites de la recherche

L’auteure, une Qallunaat2, en admettant d’emblée cette recherche dans une approche constructiviste, se doit bien d’admettre que l’analyse reflète, du moins en partie, le filtre de ses propres représentations – comme c’est toujours le cas en sciences sociales. D’une autre façon, l’analyse de discours se limite

2 « Le mot Qallunaat est utilisé globalement par les Inuit pour décrire les personnes blanches. Mais il ne réfère pas tellement

à la couleur de peau qu’à un état d’esprit, une culture ayant rejoint tous les coins de la planète, incluant le territoire inuit » (Sandiford, 2006 ; traduction de l’auteure).

évidemment aux discours auxquels nous avons accès : les résultats et l’analyse sont donc largement tributaires des sources disponibles.

Par ailleurs, nous suivons volontairement pour ce projet une méthodologie et une compréhension des concepts (notamment celui de patrimoine), qui ne reflète pas nécessairement les travaux en recherche autochtone. Afin de pallier à cette relative limite théorique, nous avons consulté des sources documentaires telles que des autobiographies, reflétant le mieux possible le point de vue des communautés locales.

Conclusion

En somme, avec ce premier chapitre, nous avons établi les bases du projet de recherche par la présentation de la problématique, des questions de recherche, de l’hypothèse et des objectifs. Nous avons également établi les bases théoriques, conceptuelles et méthodologiques de l’analyse. En s’appuyant sur la littérature existante, nous avons cherché à établir la perspective de recherche que nous avons adoptée afin de répondre à la question de recherche, en justifiant le choix de l’étude de cas à travers les différents concepts que nous cherchons à documenter.

Chapitre 2 Le Nord québécois, le Nunavik et le(s) projet(s) du