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La métaphorisation par énantiosémie

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TYPES DE CVS

3. Les procédés de métaphorisation

3.4. La métaphorisation par énantiosémie

La métaphorisation par énantiosémie consiste à utiliser un terme métaphorique dans deux sens directement opposés l’un à l’autre. L’énantiosémie est un phénomène linguistique qu’on observe dans toutes les langues sémitiques et en vertu duquel un mot possède deux sens contraires. Ces mots ayant deux sens antithétiques sont désignés par les philologues arabes par le terme /addad/ (s. /did/). L’opinion qui prévaut en linguistique générale est que l’énantiosémie ne peut être expliquée en fonction d’un principe unique. Selon l’Encyclopédie

Les procédés de métaphorisation dans le discours médical arabe 31

de chaque /did/, il faut donc considérer l’un des deux sens comme primitif et l’autre comme adventice ».

Dans le domaine de la transplantation, une forme en particulier peut avoir une signification opposée à celle qu’elle a usuellement : il s’agit de /zāric/. Ce mot possède comme sens

primitif celui impliqué par son schème15 /fācil/ soit l’agent de l’action, en l’occurrence « celui qui plante quelque chose, le planteur ». Mais on constate dans les textes de notre corpus un sens concurrent et antonyme de ce même mot qui est « celui qui subit l’action de planter » sans avoir toutefois le schème du nom de patient /mafcūl/. Ce sens adventice (« receveur » pour /zāric/) pourrait s’expliquer par une focalisation et un changement de point de vue : dans le premier cas (sens primitif), le point de vue met en relief le médecin greffeur comme agent de l’action de planter et par conséquent le patient est vu comme /mazrūc/

« celui qui subit l’action de planter » (sous-entendu par le médecin). En revanche, dans le deuxième cas (sens adventice), l’agent de l’action de planter est perçu comme le patient lui- même, présenté comme actif dans son opération : il est par conséquent le « planteur » /az- zāric/.

Transcription du terme arabe Glose littérale Equivalent français

az-zāric Le planteur Le receveur

az- zāricūn Les planteurs Les receveurs

az-zārica La planteuse La receveuse

az-zāricāt Les planteuses Les receveuses

4. Conclusion

Ces différents procédés de métaphorisation aident à mieux comprendre comment les usages métaphoriques de la greffe sont conceptualisés et sémiotisés en arabe médical. Il en ressort que la création métaphorique dans le discours de la transplantation relève d’un double processus interlinguistique et intralinguistique et tend davantage à l’innovation culturellement acceptable qu’au calque. La terminologie arabe de la transplantation, en tant que vaste métaphore filée du domaine agricole, semble être un moyen privilégié pour capitaliser sur l’importance de l’agriculture, principale source de revenu de plus de 30% des populations arabes16, permettant ainsi d’investir, grâce à la prégnance des images agricoles,

un autre domaine tout aussi vital, la médecine.

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15 Le schème est le « moule » syllabique qui sert à la formation des mots en arabe. Selon le schème

combiné avec la racine du verbe, nous pouvons obtenir le nom verbal, le nom d’agent (ou participe actif), le nom de patient (ou participe passif), le nom de lieu, le nom d’instrument, le nom d’abondance, le nom de métier etc. Pour plus de détails, voir Guidère (2001).

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LE CONCEPT DE PHRASE CANONIQUE EN LINGUISTIQUE

FRANÇAISE

Antoine GAUTIER

antoine.gautier@paris4.sorbonne.fr EA 4089 Sens, Texte, Histoire Université Paris Sorbonne 75005 Paris

Abstract : The concept of ‘canonical sentence’ is quite common in French linguistics and grammar. Its current definition remains fuzzy and the how and why of its use also remains unclear. The philosophy of science has much to tell about this kind of theoretical artefact, and in particular it seems able to dissociate several functions of the canonical sentence, such as a metalinguistic use.

1. Introduction

Très peu de grammaires du français contemporain font l’économie d’une allusion à la phrase

canonique (désormais PC) que ce soit explicitement ou par l’entremise d’une formulation approchante comme phrase type. Pour peu que l’on confronte les différents usages d’un ouvrage à l’autre, on constate que le concept est instable et mal délimité, et qu’en outre il prend place dans une procédure descriptive incertaine car trop intuitive. Aussi semble-t-il essentiel de proposer une définition précise du concept et de sa place dans le métadiscours linguistique, en voyant en particulier à quoi rattacher cette « canonicité » dont l’acceptation spontanée est suspecte. Cette démarche est susceptible de permettre la différenciation des outils épistémologiques que, selon nous, la PC recouvre indistinctement.