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L’EXEMPLE DU BURKINA FASO

1. Les budgets limités

2.1.3 LES LOGIQUES D’ÉVALUATION DE L’EPT

Issues des observations faites par le PNUD sur un vaste ensemble de pays en développement, les principales contraintes à la réalisation des objectifs de l’EPT sont classés en trois grandes catégories : 1) les budgets limités, 2) l’inégalité et 3) l’inefficacité des systèmes éducatifs. Mais ces trois catégories couvrent-elles véritablement toutes les difficultés de mise en œuvre de l’EPT ? Quels types de logiques évaluatives font intervenir ces trois catégories et en quoi permettent-elles d’expliquer les difficultés de mise en œuvre de l’EPT ?

Quelles logiques d’évaluation sous-tendent les trois catégories de contraintes susmentionnées ? La première catégorie aborde la question des ressources financières. Lorsque l’on évalue les résultats du système éducatif en fonction des ressources disponibles, financières ou autres (matérielles et humaines), on définit l’efficience du système. La deuxième catégorie s’attache à l’inégalité. Elle concerne le droit d’accès au système. Ce droit porte non seulement sur l’accès à l’école et aux centres d’alphabétisation mais aussi sur l’accès à des conditions d’apprentissage égales pour tous. La question de l’inégalité fait ainsi référence à la cohérence du système face aux priorités qu’il s’est assigné en matière d’EPT. Enfin, la troisième catégorie de contraintes, comme son nom l’indique, concerne l’efficacité du système. L’efficacité met en lien les résultats en fonction des objectifs fixés. Elle touche principalement le fonctionnement du système éducatif.

Ces trois logiques d’évaluation, de l’efficience, de l’efficacité et de la cohérence du système éducatif en regard des objectifs de l’EPT touchent non seulement la dimension relative aux ressources mais également celle relative au droit. Cette dimension concerne le droit d’accès au système autrement dit, son accessibilité à toutes les personnes, enfants, jeunes et adultes, dont les besoins éducatifs fondamentaux n’ont pas été satisfaits. Ainsi, le système éducatif n’est pas considéré uniquement à l’aune de ses moyens et de ses résultats mais à la lumière de certains principes fondamentaux du droit (ex. principe de non discrimination).

Au vu de ce qui précède, on peut formuler quelques remarques sur les contraintes de mise en œuvre de l’EPT et sur les logiques d’évaluation qui en découlent :

- La mise en œuvre de l’EPT suppose de considérer les six objectifs comme un ensemble cohérent qui forme système. Pour cela, les besoins éducatifs fondamentaux de tous les sujets du droit, du petit enfant à l’adulte, doivent être pris en compte. Par conséquent, les efforts pour la

réalisation des objectifs de l’EPT doivent être déployés tant au niveau de l’éducation formelle qu’au niveau de l’éducation non formelle.

Dès lors, les ressources financières, y compris l’APD, devraient être réparties de façon équitable entre l’éducation de base formelle et l’éducation de base non formelle. Or, si l’on revient sur l’initiative IMOA (cf. supra), on constate que celle-ci porte exclusivement sur le financement de la scolarisation primaire sans considération pour les programmes d’alphabétisation et de formation adressés aux personnes exclues du système formel d’éducation.

Certes, la scolarisation primaire universelle constitue un des meilleurs moyens de lutte contre l’analphabétisme. En attestent d'ailleurs les données du dernier rapport de suivi EPT sur l’alphabétisation. Ces données montrent que les plus forts taux d’alphabétisation des adultes se situent parmi la population qui a accompli au moins 4 à 6 années de scolarité primaire27. Ces taux sont moindres parmi la population qui a accompli seulement 1 à 3 années de scolarité et nettement moindres parmi celle qui n’a jamais eu accès à l’école.

Néanmoins, le choix de l’initiative IMOA risque de biaiser les objectifs de l’EPT voire, plus gravement, d’entraver leur mise en œuvre. En effet, considérant la forte corrélation, par ailleurs maintes fois attestée28, entre le niveau de formation des parents, en particulier la mère, et le niveau de scolarisation des enfants, il apparaît évident que l’objectif de scolarisation primaire universelle ne pourra être atteint que si des efforts sont consacrés simultanément à l’éducation des adultes. Cette remarque vaut tout particulièrement pour les pays qui présentent un déficit important au niveau de la scolarisation primaire.

En effet, lorsque seule une minorité des enfants atteint la dernière année de scolarité primaire, comme c’est le cas au Burkina Faso (env. 25 % des enfants âgés de 12 ans29), une attention particulière doit être portée non seulement sur les dysfonctionnements du système formel d’éducation, mais aussi sur les contraintes qui pèsent, de ce fait, sur le système non formel d’éducation. Ce dernier doit alors pallier les manques des parents analphabètes et accroître conjointement ses capacités afin de pouvoir répondre aux besoins éducatifs croissants de ceux qui sont ou ont été exclus du système formel. Il apparaît dès lors

27 UNESCO [2006], op. cit. p. 174 28 Ibid. p. 31

29 Selon les données officielles du Ministère de l’éducation, MEBA cf. anexe 1 : tableau de bord sur le droit à

l’éducation : Adaptabilité du système, indicateur n° 3.6 relatif au taux d’achèvement du primaire (correspondant en réalité à un taux d’inscription en dernière année du primaire).

évident que les objectifs de l’EPT ne seront atteints que si l’ensemble de ces besoins est pris en compte.

- En conséquence, l’évaluation des progrès vers l’EPT n’a de sens que si elle porte sur les six objectifs de façon interdépendante et systémique. En outre, pour que l’évaluation puisse véritablement déceler les dynamiques, positives ou négatives, elle doit intégrer les différentes logiques en jeu. Ces logiques évaluatives comprennent à la fois les dimensions relatives aux ressources (l’efficacité et l’efficience du système) et celles relatives au droit (la pertinence et la cohérence du système). Ces logiques évaluatives sont exposées dans le schéma récapitulatif de la méthode des capacités ou des 4 " A " inspiré du commentaire relatif à l’article 13 sur le droit à l’éducation du PIDESC (cf. infra, sous-chapitres 3.1 et 3.3)

- Enfin, l’évaluation du système éducatif en regard des objectifs de l’EPT doit mettre en lumière la création de capacités individuelles et institutionnelles. Pour cela, l’évaluation doit porter sur la dynamique des capacités du système éducatif. Elle ne peut donc pas se restreindre à quelques indicateurs mais elle doit reposer sur un ensemble varié et cohérent d’indicateurs. C’est cela qui donne sens à l’évaluation.