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LA MESURE DU DROIT À L’ÉDUCATION DE BASE AU BURKINA FASO

1. la dotation adéquate

Programmes éducatifs et infrastructures, approvisionnement en eau potable, enseignants formés et payés, matériel pédagogique, etc.

2. l'accessibilité

Trois dimensions se chevauchent : - le principe de non-discrimination - l'accessibilité physique

- l'accessibilité d'un point de vue économique

3. l'acceptabilité

Forme et contenu de l'enseignement

4. l'adaptabilité

Besoins des sociétés et des communautés en mutation

3.2 LE PARTENARIAT DE LA RECHERCHE

La recherche sur la mesure du droit à l’éducation est le fruit d’un partenariat interinstitutionnel entre la DDC (appui stratégique et apport financier), l’Institut interdisciplinaire d’éthique et des droits de l’homme (IIEDH) de l’Université de Fribourg et l’Association pour la promotion de l’éducation non formelle (APENF)12 et d’un partenariat entre individus par

la création d’un groupe de pilotage de la recherche (réflexions, enquêtes de terrain, analyse des données). Chaque partenaire du groupe de pilotage s’est approprié la recherche en priorité selon son centre d’intérêt (chercheur(e) et/ou acteur(e) de terrain) mais aussi eu égard à ses fonctions13 au sein des institutions14 et des organismes15 engagés dans la mise en œuvre du

12 L’Association pour la promotion de l’éducation non formelle est un groupe de travail de l’Association pour le

Développement de l’Education en Afrique (ADEA). Les premiers contacts avec les membres de l'APENF ont été établis dès ma première mission à Ouagadougou en septembre 2001. L’association a été créée en 1997. Elle regroupe un ensemble de chercheurs, des représentants d'institutions et des responsables d'associations. Grâce au soutien de l'ADEA, elle a procédé en 1999 à un état des lieux de l'éducation non formelle au Burkina. Cet important travail fut complété l'année suivante par une étude d'impact de quinze programmes d'éducation de base non formelle au Burkina Faso. Le réseau qu’entretient l’APENF avec les différents acteurs de l’éducation au Burkina nous a permis de rencontrer au moins une vingtaine de personnes du Ministère de l’éducation de base et de l’alphabétisation (MEBA), d’institutions gouvernementales, d’organisations non gouvernementales et d’associations diverses.

13 IIEDH/APENF [2005], La mesure du droit à l’éducation. Tableau de bord de l’éducation pour tous au Burkina

Faso, ed. Karthala, pp. 7-8

14 Le Ministère de l'enseignement de base et de l'alphabétisation (MEBA), l'Institut national d'alphabétisation

(INA), la Direction des études et de planification (DEP/ MEBA), l'Institut national de la statistique et de la démographie (INSD), le secrétariat d'Etat chargé de l'alphabétisation et de l'éducation non formelle, Fonds national pour l’alphabétisation et l’éducation non formelle (FONAENF).

PDDEB. Les partenaires ont ainsi mené conjointement un travail de recherche indépendant et un travail de sensibilisation et d’ancrage institutionnel. A cet égard, l’APENF et le programme alpha/formation du bureau de coopération suisse ont joué un rôle central.

La configuration particulière de ce partenariat est sans aucun doute une clé de son succès. De fait, elle atteste d’une volonté forte des partenaires qui ont accompli un travail supplémentaire important étant donné que les séances ont eu lieu en dehors des heures de travail (soir + week-end). De même, les enquêtes de terrain ont exigé une disponibilité en temps et un travail conséquent de la part des partenaires qui ont assuré l’ensemble du processus allant de l’élaboration des guides d’enquête à la collecte des données sur le terrain jusqu’à la rédaction des rapports d’enquêtes (cf. DT, n° 8 et 9)16. La participation active des personnes engagées tout au long de ces quatre années de recherche a été une condition de sa réussite. Au demeurant, elle constitue un gage indéniable de la qualité des résultats et de la pertinence du tableau de bord du droit à l’éducation en tant qu’outil d’information et d’alerte, de gouvernance et de développement.

Le tableau de bord sur le droit à l’éducation de base au Burkina Faso a donc été construit et validé par les différents acteurs du système éducatif représentés au sein d’un groupe de pilotage. Compte tenu de son implication tout au long du processus de construction des indicateurs, le comité de pilotage a pris soin de veiller à ce que l’opérationnalité du tableau reste constamment dans la ligne de mire. Ainsi, le groupe de recherche piloté par l'APENF avec l'appui scientifique de l'IIEDH a su créer des capacités personnelles et un réseau institutionnel.

3.3 LA MÉTHODE DES CAPACITÉS OU DES 4 "A"

Le tableau de bord du droit à l’éducation est construit sur la base des valeurs établies par les acteurs en référence aux quatre capacités du système éducatif ou 4 "A" issues de l’Observation générale: 1) Acceptabilité, 2) Adaptabilité, 3) dotation Adéquate et 4) Accessibilité.

15 Les partenaires techniques et financiers (PTF – coopération suisse, autrichienne, canadienne et des Pays-Bas),

l'APENF et ses différents membres dont l'association des éditeurs et des publicateurs de journaux en langues nationales (AEPJLN), l'organisation suisse d'entraide ouvrière (OSEO), la Fédération Wend-Yam, l'Association Tin Tua, l'Association AMZ Nomgana, de même que le Cathwell Relief Services, la Fédération nationale des groupements NAAM, le Centre d'Etudes et d'Expérimentations Economiques et Sociales pour l'Afrique de l'Ouest (CESAO A.I), l'Association des femmes Burkinabès (AFBO), l'AFED les associations des mères éducatrices et les associations de parents d'élèves.

16 IIEDH [2003], Mesurer un droit de l’homme ? L’effectivité du droit à l’éducation II. Enquêtes, FRIBOULET J.-

J., LIECHTI V. (éd.), document de travail DT n° 8, IIEDH, Fribourg

IIEDH [2003], Mesurer un droit de l’homme ? L’effectivité du droit à l’éducation III. Premiers résultats et

Selon l'Observation générale, l'acceptabilité s'attache à la forme et au contenu de l'enseignement, y compris les programmes scolaires et les méthodes pédagogiques. L'enseignement est considéré comme acceptable s'il est pertinent, culturellement approprié et de bonne qualité à la fois pour les apprenants et les parents, "sous réserve des objectifs auxquels doit viser l'éducation et des normes minimales en matière d'éducation qui peuvent être approuvées par l'État." [Observation générale, 1999]17 L'adaptabilité est définie en fonction des besoins de la société et des communautés en mutation. La dotation concerne l'équipement en établissements d'enseignement et en programmes éducatifs. Elle doit être adéquate et couvrir l'ensemble du territoire de l'Etat. La répartition des dotations est également une question d'accessibilité du système. Enfin, l'accessibilité touche l'accessibilité physique mais aussi l'accessibilité selon le statut social, l'origine et les capacités économiques des personnes.

Les définitions des 4 "A" ou capacités du système données par le Comité ont servi de base à notre réflexion. Ayant estimé le modèle des 4 "A" pertinent pour rendre compte de l'effectivité du droit à l'éducation au Burkina Faso, le groupe de pilotage de la recherche et les acteurs de l'éducation impliqués ont alors entrepris de compléter sa base d'information. A cet effet, le groupe de pilotage a d'abord repensé le sens donné aux 4 capacités du système. Ainsi, il s'est efforcé de définir en priorité l'acceptabilité et l'adaptabilité alors que l'Observation les plaçait après l'accessibilité et la dotation du système (cf. supra). Puis, il a précisé et défini chacune des 4 capacités par un certain nombre de valeurs qui sont les suivantes:

L'acceptabilité définit la légitimité démocratique : la pertinence par rapport

au droit à l'éducation compris dans l’ensemble des droits humains. Elle est l’appropriation de valeurs que les acteur(e)s doivent constamment contrôler et développer au sein d'un espace public auquel ils peuvent tous participer. En quoi le système éducatif contribue-t-il au plein épanouissement de la dignité humaine et au respect des droits fondamentaux de la personne? Quelles formes et quels contenus éducatifs confèrent aux individus la capacité de jouer un rôle dans une société démocratique? La structure et le fonctionnement du système comprenant les institutions, les associations, les communautés et les individus répondent-ils aux besoins exprimés ?

Les valeurs de l'acceptabilité sont :

L'appropriation du droit (définition des valeurs et des objectifs, clarté et

respect des règles institutionnelles eu égard au droit à l’éducation).

La participation à la définition et à la mise en œuvre des politiques

(reconnaissance de la diversité des acteur(e)s, de la nécessité de leurs interventions et de leurs interactions).

L'exercice des libertés dans la diversité culturelle et sociale (liberté de

choix des établissements, langue, religion; droit des enfants et des apprenant(e)s; liberté académique; pertinence, ouverture et équilibre des programmes).

L'adaptabilité définit l’adéquation des objectifs et des résultats. C’est ce

lien qui définit l’efficacité du système. Elle peut être mesurée notamment par les capacités réelles acquises par les apprenant(e)s (fonctionnement adapté du système).

Les valeurs de l'adaptabilité sont:

L'engagement des acteur(e)s apprenant(e)s, formateurs/trices et institutions

(capacité d'utilisation des crédits alloués ou degré de mobilisation des ressources existantes).

La diversité du système (diversité des filières de formation; opportunités

d’insertion; valorisation des acquis).

La connaissance des résultats (efficacité interne et externe; évolution;

résultats).

La circulation d’une information adéquate.

La dotation adéquate met l'accent sur la diversité des ressources humaines

et non humaines, afin de repérer quand il y a richesse : diversité interactive et capacité des personnes et des institutions à rassembler les ressources diverses et nécessaires. La variété, la qualité et le montant de la dotation en ressources bien utilisées définissent l’efficience du système.

Les ressources humaines sont très variées : non seulement les apprenant(e)s, les enseignant(e)s et les formateurs/trices mais les parents, familles et communautés sont appelés à collaborer. Les dotations touchent en premier lieu la santé et la nutrition des apprenant(e)s qui conditionnent leur accès à l'école ou au centre d'alphabétisation et leur capacité d’apprentissage. Elles concernent ensuite le statut, la formation et les conditions d’exercice des enseignant(e)s et des formateurs/trices.

Les valeurs de la dotation adéquate sont:

Les ressources humaines:

apprenant(e)s; enseignant(e)s; formateurs/trices; inspecteurs/trices.

Les ressources non humaines :

B/ infrastructures (bâtiments sécurisés; équipement minimal; environnement lettré, aménagé et sain; matériel pédagogique).

L'accessibilité décrit la disponibilité réelle des ressources en fonction de la

diversité de situations des apprenant(e)s. Elle permet l’adéquation des moyens aux droits et définit une cohérence. On distingue l'accessibilité : a) sociale et culturelle: il s'agit d'assurer l'accès de toutes et de tous quelles que soient les conditions sociales et les appartenances culturelles ;

b) géographique: il convient de prendre en compte les obstacles liés aux distances ;

c) économique: interviennent à ce niveau les coûts effectifs de l'éducation et les coûts d’opportunité (manque à gagner).

D'une façon générale, les valeurs de l'accessibilité sont :

Les principes de non-discrimination: mesures de lutte et de soutien à

l'entrée, à l'intérieur et à l’extérieur.

On le voit, la méthode des 4 "A", emprunte à la législation internationale en matière de droits humains, s'inscrit clairement dans une approche des capacités selon A. Sen. D'une part, les 4 "A" reposent sur cette double dimension des moyens de la liberté (acceptabilité et accessibilité) et de son accomplissement (adaptabilité et dotation). Cette double dimension est illustrée par le schéma ci-dessous qui distingue les capacités relatives aux droits (moyens de la liberté) des capacités relatives aux ressources et aux résultats du système (accomplissement de la liberté). D'autre part, les 4 "A" sont interconnectées et forment système. Les capacités ne se développent par conséquent que dans l'interaction: les capacités du système éducatif lient celles des individus et celles des institutions. C’est l’analyse des 4 capacités du système et de leur interaction qui définit l’effectivité du droit à l’éducation.

Schéma: L’effectivité du droit à l’éducation : un nœud de capacités Un droit est effectif lorsque les capacités qui le fondent sont appropriées, observables et vérifiées.

Si l'on rapporte maintenant le modèle des 4 "A" aux cinq libertés instrumentales du développement définies par A. Sen, on retrouve également une cohérence.