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L’EXEMPLE DU BURKINA FASO

1. Les budgets limités

2.2 LES INDICATEURS DE SUIVI EPT

Concrètement, comment sont évalués les progrès réalisés vers l’EPT ? Sur quel type d’information porte l’analyse et quels indicateurs sont choisis à cet effet ? Pour répondre à ces interrogations, il convient d'analyser les rapports de suivi EPT établis depuis 2000 lors de l’adoption du cadre d’action de Dakar. Ces rapports ont été pilotés par un groupe de travail sous l’égide de l’UNESCO. Les tâches de ce groupe de travail sont d’observer et d’analyser régulièrement les progrès accomplis vers l’EPT au niveau mondial. Pour ce faire, le groupe se réfère à différents indicateurs. Le choix des indicateurs révèle ainsi les logiques sur lesquelles se fonde l’évaluation de l’EPT. Dès lors, l’objectif consiste ici à voir de quelle façon les indicateurs EPT rendent compte de l’efficacité et de l’efficience du système éducatif mais aussi de sa pertinence (les objectifs du système sont-ils pertinents en regard du droit) et de sa cohérence (les moyens sont-ils en adéquation avec le droit) ? A cet effet, nous passerons en revue les principaux indicateurs retenus pour le suivi EPT et ceux, plus spécifiques, du Burkina Faso relatifs au suivi du Plan décennal de développement de l’éducation de base (PDDEB) et du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) (cf. infra sous-chapitres 2.3.1 et 2.3.2).

Cet exposé nous permettra d'introduire par la suite la méthode d’observation du droit à l’éducation que nous avons développée dans le cadre de la recherche menée au Burkina Faso et de présenter les différents indicateurs y relatifs que nous avons retenus pour mesurer l'effectivité du droit à l'éducation.

2.2.1 L’ÉVALUATION D’UNE EPT DE QUALITÉ

Les différents rapports de suivi EPT30 ont pour but d’évaluer les progrès accomplis vers l’ensemble des six objectifs de Dakar. Néanmoins, compte tenu de l’importance de chaque objectif, chaque rapport a pour thème spécifique un des six objectifs. Ainsi, le rapport de suivi 2003-2004 est consacré à la dimension genre en lien avec l’objectif n° 5 sur l’élimination des disparités entre les sexes. Le rapport de suivi 2005 approfondit la dimension relative à la qualité de l’éducation en lien principalement avec l’objectif n° 6 visant l’obtention de résultats d'apprentissage reconnus et quantifiables. Mais la qualité est également abordée dans les objectifs n° 2 sur l’enseignement primaire obligatoire, gratuit et de qualité et n° 3 concernant l’acquisition, pour tous les jeunes, de connaissances et de compétences nécessaires dans la vie courante. Enfin, le rapport de suivi 2006 développe le volet relatif à l’alphabétisation relayé par l’objectif n° 4 concernant l’accès équitable pour tous les adultes aux programmes d'éducation de base et d'éducation permanente.

Les deux objectifs de l’EPT relatifs à la qualité de l’éducation et à l’alphabétisation retiennent ici notre attention. La dimension de la qualité, d’abord, car elle n’est pas seulement un objectif spécifique de l’EPT mais elle est un objectif transversal, qui plus est, l’objectif majeur de tous les systèmes éducatifs. La qualité définit en effet la création de capacités. Elle constitue de ce fait un principe fondamental du droit à l’éducation. Quant à la question de l’alphabétisation, elle suscite un intérêt particulier car elle constitue, aujourd’hui encore, un réel enjeu (771 millions d’analphabètes estimés sur 2000-2004, soit env. 18 % de la population mondiale31). Or,

comme cela a été mentionné plus haut, l’alphabétisation est souvent peu, voire mal considérée en regard des autres objectifs de l’EPT (ex. : scolarisation primaire universelle). Mais ce n’est pas tout. Ce qui retient

30 UNESCO [2002], Rapport mondial de suivi sur l’éducation pour tous. Le monde est-il sur la bonne voie ?,

UNESCO, Paris

UNESCO [2003-2004], Rapport mondial de suivi sur l’éducation pour tous. Genre et éducation pour tous : le pari

de l’égalité, UNESCO, Paris

UNESCO [2005], Rapport mondial de suivi sur l’éducation pour tous. L’exigence de qualité, UNESCO, Paris UNESCO [2006], Rapport mondial de suivi sur l’éducation pour tous. L’alphabétisation, un enjeu vital, UNESCO, Paris

notre attention sur ces deux objectifs tient en particulier à leur difficulté commune à être correctement évalués. Cela s’explique pour trois raisons au moins :

1. Le contenu

Le concept de la qualité aussi bien que celui de l’alphabétisation n’ont pas de définition claire.

Prenons la qualité de l’éducation. Certains s’accordent pour dire que la qualité s’apprécie par le développement strictement cognitif des apprenants. D’autres, en revanche, soutiennent que la qualité dépasse largement les connaissances cognitives et qu’elle couvre la promotion de valeurs partagées et du développement créatif et affectif. Il existe néanmoins un terrain d’entente vers lequel convergent les différents avis. Chacun s’accorde à dire que la qualité passe obligatoirement par le respect des droits individuels impliquant une plus grande équité dans l’accès et les résultats et une plus grande pertinence des contenus de l’apprentissage par rapport à la vie quotidienne32. Il apparaît dès lors que chaque indicateur du droit à l’éducation est en soi un indicateur de qualité. Nous y reviendrons par la suite.

Pour ce qui concerne l’alphabétisation, il existe bel et bien une définition standard qui fut adoptée lors de la Conférence générale de l’UNESCO en 1958 : "A person is literate / illiterate who can/cannot with understanding

both read and write a short simple statement on his [or her] every day life."33 . Mais cette définition ne fait plus consensus aujourd’hui, et ce, pour plusieurs raisons.

Premièrement, en tant que standard de comparaison internationale, cette définition a eu pour effet de privilégier une vision restreinte de l’alphabétisation. Ainsi, l’alphabétisation a été associée aux capacités essentiellement cognitives des individus, telles que savoir lire et écrire un texte. Aussi, ces capacités ont-elles été assimilées à celles que chacun acquiert soit à l’école, soit par le biais des campagnes d’alphabétisation et des programmes d’éducation non formelle. De plus, elles peuvent être aisément évaluées indépendamment du contexte au sein duquel elles ont été développées.

Dès les années quatre-vingts, la définition de l’UNESCO a été sérieusement mise en question en raison de son mode de calcul. Basé essentiellement sur des évaluations indirectes (informations de type déclaratives issues des recensements), le calcul du taux d’alphabétisation de la population présente

32 UNESCO [2005], op. cit., p. 6 33 UNESCO [2006], op. cit., p. 162

en effet deux inconvénients majeurs. D’une part, il est peu fiable et, d’autre part, il classe de façon dichotomique les personnes alphabétisées et les personnes non alphabétisées. Pour remédier à cela, le calcul du niveau d’alphabétisation de la population devrait intégrer des évaluations directes des connaissances acquises (ex. tests et parfois certaines enquêtes auprès des ménages : démographiques, de santé ou sur les conditions de vie). Ces évaluations directes présentent en outre l’avantage de donner une appréciation plus fine des connaissances selon une échelle à différents degrés ; ce qui évite la classification dichotomique susmentionnée (cf. infra, données sur le Burkina Faso).

Enfin, l’évaluation et les comparaisons des niveaux d’alphabétisation pose le problème de la diversité des langues. Il existe, en effet, différentes façons de considérer une personne alphabétisée selon si celle-ci est alphabétisée en langues nationales ou dans la langue officielle voire étrangère. Ce qui pose évidemment problème pour les comparaisons entre pays au niveau international.