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L’EXEMPLE DU BURKINA FASO

2. Le mode d’évaluation

Tant le concept de la qualité que celui de l’alphabétisation sont difficiles à évaluer car ils ne sont pas directement quantifiables.

Si le nombre, absolu ou relatif, de personnes "alphabétisées" ou, inversement "analphabètes" (encore faut-il savoir selon quels critères, UNESCO ou autres normes), est souvent utilité pour mesurer le niveau d’alphabétisation d’une population, il n’est pas sans poser problème tant sur le fond que sur la méthode.

Comme le souligne le dernier rapport EPT consacré à l’alphabétisation, l’estimation de l’alphabétisation sur la base des données du recensement fait d’abord intervenir la question du contenu. Tous les questionnaires de recensement ne sont pas identiques. Dès lors, les questions relatives à l’alphabétisation peuvent varier fortement d’un pays à l’autre. Elle peuvent contenir plus ou moins les différentes capacités citées par l’UNESCO (savoir lire, écrire, compter, écrire un court message en lien avec son quotidien, dans sa langue ou une autre langue, etc.). Au Turkménistan, par exemple, la référence en matière d’alphabétisation est la suivante : "savoir lire et écrire, ou seulement lire, quelle que soit la langue". En Inde, il s’agit de : "savoir lire et écrire en le comprenant, dans n’importe quelles langues". Au Pakistan, l’alphabétisation s’interprète de la façon suivante "savoir lire un journal et écrire une lettre simple"34. Et, enfin, au Burkina Faso, la définition officielle selon le questionnaire du recensement est : "Est-ce que

(nom) sait lire et écrire couramment dans une langue (étrangère ou nationale) ?"35). On le voit, cette diversité rend difficile l’évaluation et, a

fortiori, les comparaisons internationales entre pays telles qu’elles sont effectuées dans les rapports de suivi EPT.

L’estimation de l’alphabétisation soulève ensuite la question de la population de référence. Selon la plupart des recensements, la population adulte est celle âgée de 15 ans et plus. Toutefois, dans certains cas, la limite de l’âge peut se situer à 10, 7 voire 5 ans. Mais le plus gros problème demeure l’actualisation des données du recensement. Alors que dans les pays développés les recensements sont effectués tous les dix ans, dans les pays en développement, ils sont souvent beaucoup plus espacés, ce qui rend les données fragiles et caduques.

Enfin, évaluer l’alphabétisation par référence unique aux données de type déclaratif issues des recensements induit des biais importants, comme cela a été mentionné précédemment. Des biais apparaissent également lorsque le niveau d’alphabétisation est estimé sur la base du nombre d’années de scolarité accomplies (généralement entre 4 et 5 ans). Ce proxi peut alors cacher de grosses disparités dans les niveaux de connaissances acquises. C’est pourquoi, il est utile de compléter ce type d’informations avec des évaluations directes des niveaux de connaissances (cf. supra).

Pour ce qui concerne l’évaluation de la qualité, le problème est également complexe. En effet, la dimension qualitative ne s’apprécie pas de façon unique mais à tous les niveaux du système éducatif, tant sur ses capacités d’accès aux ayants droit, sur ses capacités d’utilisation des ressources disponibles que sur celles liées à son bon fonctionnement. Ce dernier inclut notamment la coordination entre les différents acteurs et la garantie de résultats en termes d’apprentissage. Si l’on se réfère au rapport de suivi EPT 2005, on relève au moins cinq déterminants de la qualité de l’éducation. Il s’agit de :

- La durée de la scolarité. La qualité de l’éducation améliore

indéniablement l’espérance de vie scolaire et donc les chances d’acquérir un minimum de connaissances, garantes de la qualité du système. Or, on constate de grandes inégalités au niveau mondial. Selon l’UNESCO, un enfant d’Afrique subsaharienne peut s’attendre à 5 ou 6 années de moins de scolarité qu’un enfant d’Europe occidentale ou des Amériques36. A cette indication vient s’ajouter celle relative au nombre réel d’heures d’enseignement effectif par année scolaire. Là encore, de très grandes inégalités peuvent surgir. Au demeurant, celles-ci

35 Issus du questionnaire officiel du recensement au Burkina Faso 36 UNESCO [2005], op. cit., p. 2

constituent non seulement des freins à la qualité mais aussi des entraves à l’effectivité du droit à l’éducation, comme nous le verrons pour le Burkina Faso (cf. adaptabilité du système).

- Les scores aux tests. L’objectif est de garantir à toutes et à tous un

minimum éducatif quel que soit l’origine culturelle, sociale ou économique de l’élève ou de l’apprenant (principe de non discrimination, cf. accessibilité du système). La qualité est d’abord la capacité du système éducatif à faire face à ses obligations de résultats. (cf. adaptabilité du système)

- Les ressources. Accroître les dépenses d'éducation pour fournir une

meilleure couverture aux enseignants, en matériel didactique et en installations scolaires a un impact positif sur l’apprentissage et ceci vaut particulièrement pour les pays à faible revenu. Cependant, il convient de préciser que, pour autant, l’amélioration de la qualité ne passe pas uniquement par l’accroissement des dépenses. Elle tient avant tout à une utilisation adaptée des ressources disponibles (cf. dotation adéquate et adaptabilité du système).

- L’intégration. Par intégration, le groupe de travail de suivi EPT entend

les capacités du système à prendre en considération la diversité des besoins en regard du contexte (cf. accessibilité du système, in tableau de bord du droit à l’éducation). Ces besoins peuvent varier en fonction de l’état de santé (problèmes liés à la malnutrition, au HIV, ou autres), de l’origine culturelle (ex. nomades) et sociale (migrants, femmes, statut de l’enfant par rapport au confiage) ou encore des conditions économiques. (cf. accessibilité du système). L’accessibilité du système à toutes les personnes autrement dit, le respect du principe de non-discrimination, définit la qualité du système.

- La coordination. Il s’agit ici non seulement de la capacité du système à

assurer une coordination entre les différents acteurs (cf. acceptabilité du système), mais aussi de la capacité du système à considérer la problématique de l’éducation dans son ensemble, en lien avec son contexte. A cet égard, l’approche par le droit prend tout son sens car elle repose sur le principe de l’indivisibilité des droits. Ce principe postule l’interconnexion entre les droits ; ce qui signifie que le droit à l’éducation est interdépendant d’autres droits tels que le droit à une alimentation adéquate, le droit aux soins, le droit à une formation, le droit d’être protégé de toutes formes d’exploitation ou encore le droit à l’information. Le principe d’indivisibilité des droits est par conséquent garant de la qualité du système.