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II. 2.4.2.2 Choix de la configuration

II.3. AUTOMATISATION ET TRAITEMENT DES DONNEES

II.3.3. Etude des cinétiques

II.3.3.4. Limitations du modèle

Le modèle que nous avons décrit dans la partie II.3.3.1, séduisant par sa simplicité, doit toutefois être utilisé avec précaution car il ne prend pas en compte les problèmes liés au transport de masse, aux changements de conformation, à l’encombrement stérique ou à la possibilité de modèles d’interaction plus complexes [122].

• Transport de masse [118]

Dans certains cas, le taux d’association mesuré lors d’une interaction peut refléter le transport de l’analyte vers la surface comme illustré par la Figure 77. La constante de transport de masse km dépend alors du flux φ d’injection de la solution, de la géométrie de la

cellule d’interactions et du coefficient de diffusion des analytes et se traduit par une nouvelle formulation de l’interaction : (II-33) volume surface A m A L a m diss k k k + k yyyw yyywy xyyy xyyyyss LA

Sous des conditions de transport de masse, les valeurs apparentes de kass et de kdiss

peuvent être réduites d’un large facteur (correspondant à la surestimation de la concentration locale en analytes près de la surface). Mais, ce facteur étant le même en association et en dissociation, le rapport de ces deux constantes reste donc, sous ces conditions, approximativement voisin de la vraie constante d’équilibre KA.

Figure 77 : Phénomène de transport de masse des analytes par diffusion du flux laminaire injecté par la pompe dans la cellule vers la surface d’or fonctionnalisée.

De plus, au fur et à mesure de la réaction, le nombre de sites libres sur les sondes disponibles pour l’interaction diminue et finalement, le taux d’association observé reflète alors de plus en plus le taux intrinsèque. Cette « constante » d’association va donc varier au cours de l’expérience, ce qui pose un problème pour l’ajustement des données par des mono- exponentielles (une seule constante de temps) et donc empêche une détermination fiable de la constante d’affinité.

Pour éviter les problèmes de transport de masse, la solution consiste d’abord à utiliser le débit le plus élevé possible durant l’expérience. Mais l’augmentation du flux d’analytes s’accompagne évidemment d’une augmentation de la consommation de produits biologiques, chers et/ou disponibles en petites quantités. Ensuite, il faut que la densité de sondes fixées soit la plus faible possible pour que le transport de masse ne limite pas la réaction. Mais, cette densité de sonde doit tout de même être suffisante pour que nous puissions détecter un signal fiable. Pour ces deux paramètres, il faut donc trouver un juste milieu qui va dépendre de l’application envisagée. Enfin, la géométrie de la cellule d’interactions doit être étudiée. Par exemple, une diminution de la hauteur de la cuve permet de limiter le temps de diffusion des cibles entre le flux laminaire et la surface du capteur (Figure 77).

• changement de conformation

Dans certains cas, après la fixation de l’analyte sur le ligand, le complexe formé peut changer de conformation (dans certaines interactions anticorps/antigène par exemple). La constante de temps de ce changement est supposée voisine dans les deux directions et, pour que l’analyte puisse se dissocier, le complexe doit d’abord revenir dans son premier état de liaison. Cela se traduit de nouveau par une nouvelle formulation de l’interaction :

( )

L A ass LA r LA r diss r k k k k

+ xyyyyyyywy xyyyyyyw (II-34)

Ce n’est pas immédiatement apparent qu’un changement de conformation puisse avoir un effet sur la réponse mesurée. En effet, la réponse que nous mesurons est proportionnelle à la masse déposée, or cette masse reste constante durant un changement de conformation. Ce changement perturbe la réponse de manière indirecte car l’existence de la seconde conformation va déplacer l’équilibre entre les analytes libres et ceux associés au ligand.

En utilisant le formalisme de la partie II.3.3.1, les deux réactions chimiques de la formule (II-34) peuvent se traduire par les équations différentielles suivantes où R, la réponse du système, est décomposée en R1 pour la première conformation et en R2 pour la seconde

conformation du complexe formé.

(

)

(

)

1

max 1 2

2

1 2

ass i ass i diss r r ass i

r r dR k R C k C k k R k k C R dt dR k R k R dt − −  = ⋅ − ⋅ + + ⋅ +    = ⋅ −  (II-35)

A l’équilibre, ces deux dérivées sont nulles et, sachant que R = R1 + R2, nous obtenons

la relation suivante équivalente à l’équation (II-28) dans le cas du modèle monovalent simple : max i eq D r i r r R C R K k C k k − − ⋅ = + + (II-36)

Par analogie avec la relation (II-28), nous allons appeler KD’ la constante de

dissociation apparente lorsque la formation d’un complexe s’accompagne d’un changement de conformation.

' D r D r r K k K k k − − ⋅ = + (II-37)

Lorsque nous utilisons le modèle simple monovalent théorique, nous allons donc surestimer la constante d’affinité entre le ligand et l’analyte (et inversement sous-estimer KD).

• encombrement stérique et problèmes liés à la densité des sondes

Nous avons vu précédemment que, pour éviter que les problèmes de transport de masse influent sur la réaction, il faut que la densité de sondes fixées soit la plus faible possible tout en restant suffisante pour une détection fiable du signal. D’autres raisons s’ajoutent à cette nécessité d’une densité minimale.

Lorsque la densité des sondes est trop élevée, peuvent intervenir des problèmes d’encombrement stérique, c’est-à-dire que la grande proximité des sondes diminue l’accessibilité des cibles aux sites de fixation. Cela va conduire à une phase d’association plus lente. Le choix de la densité des sondes doit donc tenir compte a priori de l’encombrement du complexe sonde/cible et doit bien sûr ensuite faire l’objet d’une optimisation expérimentale.

Pendant la phase de rinçage, lorsque les cibles se dissocient des sondes, elles peuvent s’associer à nouveau avec une autre cible présente dans le voisinage, ce qui diminue la constante de dissociation apparente mesurée. Pour limiter cela, le débit utilisé pendant le rinçage doit être le plus élevé possible. De plus, selon le modèle monovalent théorique, la constante koff mesurée durant le rinçage ne dépendant pas de la concentration d’injection Ci, il

est judicieux de la mesurer après l’injection d’une concentration élevée ayant induit une réponse saturante [123]. Tous les sites disponibles des sondes étant occupés, la probabilité d’association des sondes venant de se dissocier sont alors très faibles et la constante mesurée est alors plus proche de la constante réelle.

• interactions complexes

Contrairement aux différentes limitations que nous avons déjà présentées qui n’empêchent pas d’utiliser le modèle simple monovalent, lors d’interactions complexes, il n’est plus possible d’ajuster la réponse du capteur par une simple exponentielle. Différents phénomènes peuvent être à l’origine de ces modèles plus complexes.

Tout d’abord, plusieurs ligands différents peuvent être fixés sur le même capteur (dans le cas d’anticorps polyclonaux par exemple) ou alors plusieurs sites de fixation d’un même ligand peuvent être également accessibles. Dans ce cas, il y aura autant d’affinités différentes qu’il y a de ligands ou de sites différents. La phase d’association est alors le résultat de différentes associations indépendantes. La cinétique reflète alors une somme d’interactions indépendantes avec des constantes différentes. Ensuite, un analyte peut avoir deux sites de fixation identiques (un anticorps par exemple). Lorsque l’un de ces deux sites s’est fixé sur un ligand, l’autre, toujours libre, peut alors se fixer avec un autre ligand dans le voisinage immédiat du premier complexe. La seconde interaction ne va pas se traduire par une augmentation de la réponse mais, comme pour le changement de conformation par un déplacement de l’équilibre. Ce type d’analytes bivalent va donc conduire à deux couples de constantes kass et kdiss différents pour ces deux étapes. Ce type d’interactions dites complexes

reste très difficile à analyser en dehors du calcul de l’affinité dominante.

Bien entendu, toutes ces limitations ont été étudiées séparément mais peuvent intervenir simultanément pendant une interaction. En résumé, pour que nous puissions appliquer le modèle théorique monovalent, il faut une cellule d’interactions la moins profonde possible, un transducteur fonctionnalisé avec des sondes en densité suffisamment élevée pour avoir un signal et suffisamment faible pour limiter les effets du transport de masse et de l’encombrement stérique, injecter les sondes avec un débit le plus élevé possible compte tenu de l’augmentation de la consommation en produits biologiques que cela impose et injecter la solution de rinçage au débit maximal du système d’injection (pas de problème de consommation). Ces conditions initiales, déterminées a priori, doivent ensuite toutes faire l’objet d’une optimisation expérimentale pour chaque nouvelle application.