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III. APPLICATIONS DE L’IMAGERIE SPR

III.1. ACIDES DESOXYRIBONUCLEIQUES

III.1.1. Généralités

III.1.1.1. Structure de l’ADN

Les acides nucléiques sont les constituants principaux du noyau de la cellule. Ces molécules sont à la base d’un système de communication intermoléculaire très complexe et sont principalement divisés en deux types : les Acides RiboNucléiques (ARN) et les Acides DésoxyriboNucléiques (ADN). Ces derniers portent l’information génétique dans la cellule, sont capables d’autoréplication et de synthèse d’ARN et constituent les 23 paires de chromosomes présentes dans le noyau d’une cellule humaine.

L’ADN est composé de deux longues chaînes, ou brins, jointes par des liaisons hydrogène entre une multitude de petites molécules appelées bases. Un brin d’ADN est construit autour d’une structure de sucres phosphatés sur laquelle sont fixés chimiquement les bases. Ces bases sont au nombre de quatre et se divisent en deux types : les bases puriques comprenant l’Adénine (A) et la Guanine (G), et les bases pyrimidiques comprenant la Thymine (T) et la Cytosine (C). Ces bases ne peuvent s’apparier qu’entre bases complémentaires (A avec T et C avec G). Un brin d’ADN peut donc être considéré comme un empilement de nucléotides (un sucre phosphaté lié de manière covalente à une base). L’ordre de succession de ces nucléotides est à l’origine même du codage génétique, il détermine les caractéristiques héréditaires individuelles. Un double brin d’ADN est constitué de deux brins d’ADN complémentaires, c’est-à-dire de deux brins dont toutes les bases sont complémentaires, et est structuré en forme de double hélice (Figure 87).

Figure 87 : Structure de l’ADN. De gauche à droite, les bases puriques (Guanine et Adénine), les bases pyrimidiques (Cytosine et Thymine), un exemple de nucléotide et un double brin d'ADN formé de deux brins d’ADN complémentaires. Chaque brin se décompose

en une suite de briques élémentaires appelées nucléotides. Un nucléotide est composé d’une des 4 bases possibles liées à un groupement phosphate (5’) et à un groupement hydroxyle (3’)

via un sucre (désoxyribose). Les bases s’apparient entre bases complémentaires par des liaisons hydrogènes représentées en pointillés sur cette figure (3 liaisons entre G et C, 2 entre

III.1.1.2. Hybridation et dénaturation

Au cours du cycle cellulaire, l’ADN ne se trouve pas toujours sous la forme de doubles brins. Pour les besoins, par exemple, d’une duplication (copie du double brin à l’identique lors de la division cellulaire) ou d’une transcription (copie d’un brin d’ADN en brin d’ARN), l’ADN subit une dénaturation pour se retrouver sous forme de simples brins. Puis, lorsque ces opérations sont finies, il retrouve sa forme de double brin par une hybridation des brins complémentaires entre eux.

Ces processus d’hybridation et de dénaturation (ou déshybridation) correspondent à la formation ou à la rupture des liaisons hydrogènes présentes entre les bases complémentaires du double brin d’ADN par le changement des propriétés du milieu où se trouve l’ADN, ce qui perturbe sa stabilité. Ces deux phases d’association/dissociation de l’ADN peuvent être reproduites in vitro, en particulier, en ce qui nous concerne, sur un biocapteur.

La stabilité d’un duplex d’ADN dépend du nombre de liaisons hydrogènes et donc, par voie de conséquence, du nombre de bases le constituant et de la fréquence en bases G et C puisque les bases G et C sont liées par trois liaisons hydrogènes tandis que les bases A et T sont liées par deux liaisons hydrogènes (Figure 87). Cette stabilité dépend aussi de la température et de la concentration ionique du milieu. La température de fusion (Tm),

température moyenne à laquelle 50 % de l’ADN double brin considéré dans un milieu donné est dissocié, est un bon indicateur de cette stabilité. Un duplex sera d’autant plus stable que sa température est inférieure à la température de fusion.

Une puce à ADN est composée d’un substrat (un film mince d’or dans notre cas) sur lequel sont fixés de nombreux simples brins d’ADN différents et identifiés (ADN sondes). Lorsque cette puce est recouverte d’un milieu contenant un simple brin d’ADN (cible) et favorisant l’hybridation, ce simple brin va s’associer avec l’ADN sonde complémentaire. Le système de transduction sur lequel est fondé le biocapteur utilisé va alors nous permettre de repérer le plot où la cible s’est fixée et, par la même occasion, d’en déduire la séquence de bases constituant l’ADN cible. Ceci constitue le principe de reconnaissance de l’ADN.

Afin de rentabiliser l’utilisation d’une puce à ADN (au niveau coût mais aussi au niveau du temps de préparation d’une puce), il peut être intéressant de pouvoir utiliser plusieurs fois une même puce à ADN. Entre deux utilisations, il est nécessaire de dénaturer

les duplex précédemment formés. Deux méthodes sont principalement utilisées : la dénaturation thermique qui consiste à porter la puce à une température supérieure à la température de fusion et la dénaturation alcaline par injection de soude (NaOH) qui va modifier le pH du milieu (et diminuer le Tm en dessous de la température de travail).

III.1.1.3. Intérêt biomédical des puces à ADN

Comme nous venons de le voir dans la sous-partie précédente, les puces à ADN peuvent être utilisées pour décrypter une séquence d’ADN inconnue, c’est la technique de séquençage par hybridation, technique qui a connu un développement phénoménal ces dernières années dans le cadre du projet de séquençage du génome humain.

Lorsqu’un brin d’ADN voit une ou plusieurs de ses bases supprimées (délétion) ou remplacées par d’autres bases (mutation), il y a une perte de l’information génétique qui peut se traduire par un grand nombre de pathologies. Ces mutations font, à ce jour, l’objet de recherches accrues, notamment dans le domaine des maladies héréditaires [98, 124 ], en infectiologie [125], en cancérologie [126] et en toxicologie [127]. A la différence de la technique de séquençage, la recherche de mutations s’appuie sur la connaissance a priori d’une séquence complémentaire dont une ou plusieurs des bases auraient été modifiées. Une puce à ADN pour la recherche de mutations comprend des sondes représentant la séquence sauvage (séquence non mutée) et les différentes mutations connues de cette séquence.

L’interaction d’un brin muté avec un brin complémentaire du brin sauvage (et vice- versa) est alors moins forte que dans le cas où les deux brins sont totalement complémentaires mais existe tout de même. Tout l’art de l’utilisation d’une puce à ADN consiste en la maximisation du contraste entre le signal provenant de l’hybridation de deux brins complémentaires et celui provenant d’un double brin avec un mésappariement (un couple de bases n’est pas complémentaire), aussi appelé SNP (Single Nucleotide Polymorphism). Le cas d’une délétion où toutes les bases situées après cette modification sont décalées et le cas d’une mutation de plusieurs bases sont évidemment plus aisés à différencier que le cas du SNP.

Grâce au banc de mesure en imagerie SPR que nous avons développé, nous avons réalisé une puce à ADN pour la détection de la mucoviscidose [98] dont les différentes séquences ont été optimisées pour faciliter la détection des SNP. Les protocoles

d’optimisation ainsi que les résultats obtenus avec cette puce, fonctionnalisée par auto- assemblage moléculaire (voir II.1.2.1) font l’objet du manuscrit de thèse de N. Bassil [128]. Afin d’illustrer la fonctionnalisation par électrocopolymérisation de l’ADN, la sélectivité de la mesure d’hybridation et la possibilité de détection des mutations ponctuelles, nous allons maintenant présenter les expériences que nous avons réalisées sur des oligonucléotides dont la séquence correspond à une partie du gène κ-ras lié à certains cancers [129].