• Aucun résultat trouvé

Chapitre IV : Le corpus de travail

B) Lettres par secrétaire avec signature autographe

δa question de l‟imitation s‟est posée aussi pour εarguerite de Valois. Elle-même a

écrit à Henri IV que des serviteurs étaient capables de contrefaire son écriture (C.M.V.,

nþ251). En réalité, il s‟agissait pour elle de nier les liens qu‟elle avait noués avec les Guises durant la période de la δigue, liens prouvés par une lettre de sa propre main. Elle n‟a jamais

possédé de secrétaire imitateur132.

B) Lettres par secrétaire avec signature autographe

Dans le cas où la lettre est rédigée par un secrétaire mais porte une souscription et une signature de la main royale, on peut considérer que le roi ou la reine adhère à tout ce qui y est

écrit et en approuve la formulation. Il/elle a pu demander d‟ailleurs des modifications afin d‟obtenir une version finale qui lui convienne. Toutefois, son degré d‟implication dans la

ré-daction de la lettre peut être très variable. Certains indices permettent de se rendre compte si la lettre a été dictée ou confiée plus ou moins totalement aux bons soins et à la compétence du secrétaire.

δa présence et la dictée du /de la signataire sont sensibles lorsqu‟il ou elle fait référence au moment de l‟énonciation et aux circonstances qui l‟empêchent d‟écrire de sa main. Ainsi,

Anne de Bretagne précise-t-elle au milieu d‟une lettre à Louise de Savoie : « Ma cousine,

131

Eugène Jung, Henri IV écrivain, op. cit., p. 325-347.

112

vous ne serez ebaïe si je ne vous escris de ma main, car aujourd‟hui est venu au Roy nouvelles d‟Espagne et je suis enbesongnée de fayre reponse aux letres que le Roy et la Royne d‟Espagne m‟ont escriptes, pour ce que la posete [poste] se depeche demain au matin133

». De même, fatigué par la chasse, François Ier explicite son recours à un serviteur : « La main de ce secrétaire vous peult faire sçavoir que je ne suys point à Angolesme, mais à Jarnac, où sommes venus prendre le cerf, à une lieue près » (P.F.C., p. 205). ηn note même le cas d‟une lettre de εarguerite d‟Angoulême à Guillaume de εontmorency, dont la première moitié est dictée et la seconde autographe, sans qu‟il y ait rupture de thème ou de ton, puisque l‟enchaînement se fait autour de plaisanteries grivoises :

εon cousin, j‟ay receu vostre lettre par où j‟ay sceu de vostre santé, que, je vous asseure, m‟a esté ung merveilleux plaisir, pour autant que j‟en étais en peyne. Vous me louez vostre Escouen, toutesfois que cela ne me gardera de vous souhaiter à Argentan, pour autant qu‟il y faict tant beau et que je y treuve l‟air si bon, qu‟il me semble que vous en trouverez beaucoup mieulx. Je ne vous dis point comme je fais

bien le mesnage134, et vous laisse à penser [ce] que, en lieu et avecques la compaignie qui y est, peult faire ou dire.

(Elle ajoute de sa main :)

J‟ay monstré vostre lettre à la damoyselle εarguerite de δorraine, qui n‟a laissé pour son gris habit

à avoir souvenance du temps passé, et vous asseure qu‟elle s‟acquitte sy bien à prier Dieu pour vous, que

sy toutes les dames quy vous ont donné la tous en faisoyent aultant, vous ne deveries point avoir regret au temps passé, car leurs oraisons vous metteroient en paradis, où, après longue et bonne vie, désire vous voir

Vostre bonne cousine et amye, Marguerite (L.M.A., I, 150-151).

εême quand on ne dispose pas d‟indices aussi clairs attestant que le roi ou la reine avait

son secrétaire à ses côtés pour lui dicter la lettre, on peut encore se fier à la familiarité du style

ou à certaines remarques personnelles ou incongrues, qui ne sauraient provenir d‟une autre

personne.

Au contraire, on sent parfois que le soin de mettre en forme la lettre a été entièrement

laissé au secrétaire et que le souverain s‟est contenté d‟apposer sa signature. Eugène Jung propose pour l‟étude de celles de Henri IV de se fier aux formules finales : les secrétaires ne se permettent pas d‟introduire des variations à cet endroit alors que le roi, lorsqu‟il dicte,

re-nonce facilement à la pure étiquette, même dans des lettres solennelles135.

Parfois aussi, un post-scriptum autographe contraste avec le ton de la lettre, comme si les souverain-e-s voulaient atténuer la froideur du style de chancellerie. On note par exemple ces quelques lignes de Henri IV placées à la fin d‟une lettre cérémonieuse adressée à la

du-chesse de Nevers : « Ma cousine, si vous estes honneste femme, vous viendres a Tours voir

vostre cousin, pour y passer une partie de l‟hiver ; et là nous rirons a bon escient, et passerons

133 Abbé Durville, « Quelques lettres d‟Anne de Bretagne », op. cit., lettre XXVII du 30 mars 1506, p. 57-58.

134 Marguerite est à ce moment-là une jeune mariée. 135

Eugène Jung, Henri IV écrivain, op. cit., p. 87-88. Il remarque aussi qu‟Henri privilégie l‟enchaînement

113

bien le temps. Faictes cela, je vous prie » (L.M.H. IV, t. III, p. 104). Il arrive souvent que quelques lignes autographes résument brièvement une requête exprimée au-dessus, ce qui lui donne sans doute plus de poids. On trouve plusieurs exemples de cette pratique chez Marie de

δorraine dans les lettres qu‟elle adresse à ses frères :

A msrs mes freres

Msr duc d'Aumale et cardinal de Guise

Messieurs mes freres, je n'ay vouleu laisser partir ce porteur le cappne Labit sans l'acompagner de la pnte et vous fere congnoistre le devoir qu'il a faict en homme de bien pour le service du roy, depuis le temps qu'il est arrivé par deca, et combien que l'on ayt eu plaincte quelque foys des subgectz du pays, si est-ce que de lieu ou sa compaignie et luy ay eut esté, je n'en ay oy parler, et a ceste occasion vous prie messrs mes freres l'avoir pour bien recommandé, comme personnage qui mérite l'on recongnoisse son bon

service […..] je prie dieu εessrs mes freres vous donner bonne vie et longue. De δislebourg, le xxiiiie jour de novembre 1549.

(Autographe) : mesieu mes frere, se porteur n'a etté de seus quy ont fet le desordre car ettant a

homme [quand il est au service de quelqu‟un] y s'en fet fort aimé, et n'oy guere de plainte de luy, que

j'es-time fort, pour la pene que se met de donné ordre aus otre. Y marite de la voir pour recommandé ; monsr de Monleuc m'an a ausy prié, car yl et son parens136.

Avec un peu d‟attention, on peut donc distinguer parmi ces lettres celles qui sont l‟expression directe du souverain ou de la souveraine, et celles qui reflètent davantage le style

cérémonieux ou protocolaire du secrétaire, la signature autographe restant dans les deux cas la

garantie de l‟approbation royale. Toutefois, il faut craindre que ceci ne se vérifie pas tout au long de notre période. D‟une part, selon Eugène Jung, Henri IV, bien qu‟il n‟ait jamais

délé-gué sa signature à son secrétaire Du Pin, faisait des blancs-seings quand il savait qu‟il ne pourrait pas écrire et qu‟il aavait des lettres à faire faire. δe fait qu‟il y ait une signature ne signifie donc pas forcément qu‟il ait lu la lettre137. D‟autre part, si l‟on en croit ε. Berger de

Xivrey, il y aurait entre Henri IV et ses principaux ministres une telle unité de vue et

d‟inspiration qu‟il serait difficile de distinguer leur style : « Telle est, dans cette correspon-dance, l‟influence vraiment monarchique de Henri IV, avant et depuis son avènement au trône de France, qu‟il communique à ses secrétaires non seulement ses vues, mais jusqu‟aux formes

de son style et de son langage, même dans des lettres où on serait loin de s‟attendre à

retrou-ver les vives traces de sa brillante inspiration » (L.M.H. IV., t. I, p. XXIX). Il nous faudra bien sûr nous interroger sur les raisons et les étapes de cette évolution (sans doute commencée avant) qui conduirait à la contamination du style de chancellerie par le style personnel du roi.

Dans ce cas, le style royal ne serait pas l‟apanage du seul monarque, mais plutôt un code dont les initiés connaissent la clé afin de l‟imiter.

136

BnF Ms Fr 20457, fol. 223, lettre par secrétaire, post-scriptum autographe. 137 Eugène Jung, Henri IV écrivain, op. cit., p. 58.

114

II) Compléments inédits

Comme nous l‟avons dit plus haut, les publications des correspondances royales ont été

très inégales. Notre étude risquait, pour certain-e-s souverain-e-s, de porter sur un trop petit nombre de lettre : nous avons donc cherché pour ceux-là des compléments dans les manus-crits inédits de la Bibliothèque nationale de France.