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Plumes royales : l’art épistolaire chez les souverains et souveraines de Navarre et de France au XVIe siècle.

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Plumes royales : l’art épistolaire chez les souverains et

souveraines de Navarre et de France au XVIe siècle.

Chloé Pardanaud-Landriot

To cite this version:

(2)

1

UNIVERSITÉ JEAN MONNET – SAINT-ÉTIENNE

ÉCOLE DOCTORALE LINGUISTIQUE LANGUES LETTRES ARTS ED 3LA

Doctorat Lettres Modernes

Chloé PARDANAUD-LANDRIOT

PLUMES ROYALES :

L’ART ÉPISTOLAIRE CHEZ LES SOUVERAINS ET SOUVERAINES

DE NAVARRE ET DE FRANCE AU XVIe SIÈCLE.

Sous la direction d’Éliane Viennot

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2

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3

Remerciements

Mes remerciements vont tout d‟abord à Éliane Viennot, qui a dirigé ce travail avec

beaucoup d‟exigence, d‟attention et de patience, et dans le souci de me faire entrer

véritable-ment dans le monde de la recherche. Tout ce qu‟un directeur ou une directrice de thèse peut faire pour accompagner au mieux un-e doctorant-e, elle l‟a fait.

Je remercie également l‟Université Jean εonnet qui m‟a permis d‟occuper successive-ment un poste de monitrice puis d‟A.T.E.R. à mi-temps, sans quoi ce travail n‟aurait jamais

vu le jour. Je suis particulièrement reconnaissante à Yves Clavaron, Stéphane Chaudier, Anne Martineau, Christelle Bahier-Porte, Corinne Perrin et Antony McKenna, qui ont été pour moi

d‟abord d‟excellents professeurs, puis des collègues attentionnés, soucieux de me voir mener à bien ce travail de recherche. Chacun à leur manière, ils m‟ont apporté aide et soutien.

Je remercie tout spécialement Évelyne Lloze, qui, après avoir dirigé mon mémoire de

maîtrise, m‟a littéralement mise sur les rails de la thèse. Elle fait partie des enseignant-e-s

formidables qui savent accorder bienveillance, confiance et amitié à leur étudiant-e-s. δ‟avoir rencontrée a été pour moi une expérience très précieuse.

Précieux également ont été les encouragements de Gilbert Schrenck, professeur de litté-rature des XVIe et XVIIe siècles à l‟Université εarc Bloch de Strasbourg et de Diane Desro-siers-Bonin, professeur de littérature française du XVIesiècle à l‟Université de εontréal.

Je remercie chaleureusement Tristan Vigliano, maître de conférence en littérature du XVIe siècle à l‟Université δumière δyon II, pour ses conseils et pour les documents qu‟il m‟a fait parvenir.

Je n‟oublie pas tous les ami-e-s qui m‟ont entourée au cours de ce long travail et qui m‟ont soutenue dans les moments de découragement : merci à Géraldine Louis pour ses

relec-tures, à Élodie Argaud pour son optimisme, à Ioana Manea pour les longues conversations à la B.n.F., merci à Jean-Yves Caro pour son « coaching », à Danièle qui m‟a prêté sa maison pour travailler, merci enfin à Hélène à et Quyên, pour leur amitié tout simplement.

Ce travail n‟aurait pas pu être achevé sans l‟aide précieuse de ma mère, qui a grande-ment participé à la relecture et qui a consacré bien des journées à s‟occuper de mon fils

Guil-hem pendant les vacances. Je peux dire qu‟elle est un exemple de transmission maternelle et de solidarité féminine digne des princesses du XVIe siècle.

Enfin, je remercie plus que je ne saurais dire mon époux Antoine. C‟est parce qu‟il est

(5)

4 Résumé :

δa première partie présente l‟état des connaissances actuelles sur les souverains et

sou-veraines de Navarre et de France au XVIe siècle. Elle recense les publications de leurs écrits ainsi que les différents angles sous lesquels ils ont été envisagés jusqu‟à présent par les cher-cheurs. Elle précise enfin selon quels critères a été établi le corpus étudié (choix des lettres, compléments inédits).

La deuxième partie définit les contextes culturels et matériels des correspondances

royales. Elle fait le point sur l‟état du genre épistolaire à la Renaissance, sur l‟éducation et la

culture des princes et princesses, ainsi que sur les contraintes matérielles qui pèsent sur la rédaction de leurs missives.

δes deux dernières parties sont consacrées à l‟étude des lettres. δes stratégies discur-sives mises en place par les rois et les reines dépendent du rapport qu‟ils entretiennent avec

leur destinataire. Cela oblige à distinguer les lettres adressées aux membres de la sphère pu-blique de celles qui sont réservées à la sphère privée. Au-delà de cette distinction, on constate

que les différences stylistiques dépendent également de l‟exercice (ou non) de l‟autorité

royale ainsi que du genre (masculin ou féminin) de l‟épistolier. δes différences de genre ne sont nullement « naturelles », mais construites socialement pour répondre à des objectifs pré-cis.

À partir de ces travaux, on peut faire l‟hypothèse que la pratique épistolaire des rois et

des reines exerce une influence sur les théories de l‟époque. Enfin, ils confirment qu‟au-delà

d‟une pratique d‟écriture commune, la plupart des souverains et souveraines possèdent un

véritable style personnel.

Mots-clés : Art épistolaire Genre

Pouvoir royal

(6)

5 Abstract

The first part shows what is known today about the Royals of Navarre and France in the six-teenth century. It lists the publications of their writings as well as different researchers‟ points of view about them up to now. Finally it specifies under which criteria the studied corpus has been established (choice of letters, unpublished works).

The second part describes the cultural and material contexts of the royal correspondence. It demonstrates the genre of letter writing during the Renaissance period, the education and cul-ture of princes and princesses as well as the material constraints which influenced the ability of writing their letters.

The last two parts are devoted to the study of letters. The language used by the kings and queens depended on the relationship between them and their correspondents. This makes a distinction between letters to members of the public and those intended for personal corre-spondence. Beyond this distinction, it is noticed that the differences in style depend also on the exercising (or not) of royal authority, as well as on the gender of the writer. The different

genres used in writing are in no way “natural” but dictated by society in order to address

spe-cific requirements.

From these works the following hypothesis can be madeμ the kings‟ and queens‟ practices of

letter writing influenced the theories of the period. Furthermore, this study confirms that be-yond the practice of a universal way of writing, the majority of kings and queens had their own unique personal style.

Key words:

The art of letter-writing Genre

Royal power

(7)

6

INTRODUCTION ... 17

D li itatio de l’o jet d’ tude ... 17

État pr se t des re her hes sur l’art pistolaire à la Re aissa e ... 18

Un problème : la pla e des fe es au so et de l’État ... 21

Problématique : art d’ rire, ge re, pouvoir. ... 23

Méthode de sélection et de lecture des textes ... 24

Progression ... 27

PREMIERE PARTIE :LE CORPUS ... 31

Chapitre I : État des connaissances sur les rois et les reines... 33

Galerie de portraits. ... 33

I) Les souverain-e-s les mieux connu-e-s ... 36

A) Catherine de Médicis (1519-1589) ... 36 B) François Ier (1494-1547) ... 38 C) Henri IV (1553-1610) ... 38 D) Jea e d’Al et -1572) ... 40 E) Marguerite de Navarre (1492-1549) ... 40 F) Marguerite de Valois (1553-1615) ... 41 G) Marie Stuart (1542-1587) ... 42

II) Les souverain-e-s récemment (ré)étudié-e-s... 43

A) Anne de Bretagne (1476-1514) ... 44

B) Charles IX (1550-1574) ... 44

C) Henri II (1519-1559) ... 45

D) Henri III (1551-1589) ... 46

E) Louis XII (1462-1515) ... 47

III) Les célèbres méconnu-e-s ... 48

A) Él o o e d’Aut i he -1558) ... 48 B) Élisabeth de Valois (1545-1568) ... 49 C) François II (1544-1560) ... 50 D) Louise de Lorraine (1553-1601) ... 51 E) Louise de Savoie (1476-1531) ... 51 F) Marie de Guise (1515-1560) ... 53

IV) Les oublié-e-s ... 54

A) Antoine de Bourbon (1518-1562) ... 54

B) Claude de France (1499-1524) ... 55

C) Élisa eth d’Aut i he -1592) ... 55

D) He i d’Al et -1555) ... 55

Conclusion ... 56

Chapitre II : État des publications des lettres ... 59

I) Les éditions monumentales (de 700 à 6000 lettres) ... 59

A) Marie Stuart (1807) ... 59

(8)

7

C) Catherine de Médicis (1880) ... 63

D) Henri III (1959) ... 64

II) Des livraisons conséquentes (de 100 à 500 lettres rassemblées) ... 66

A) Henri II (1666) ... 66 B) Marguerite de Valois (1838)... 68 C) Marguerite de Navarre (1841) ... 69 D) François Ier (1847) ... 71 E) Antoine de Bourbon (1877) ... 72 F) Jea e d’Al et ... 73 G) Élisabeth de Valois (1949) ... 74

III) Des livraisons plus modestes et souvent éparses (100 lettres ou moins) ... 75

A) Charles IX (environ 100 lettres) ... 75

B) Louis XII (plus de 80 lettres) ... 77

C) Anne de Bretagne (75 lettres) ... 78

D) Louise de Savoie (75 lettres) ... 79

E) Louise de Lorraine (61 lettres) ... 80

F) François II (50 lettres) ... 81

G) Él o o e d’Aut i he lett es ... 81

H) Marie de Guise (19 lettres) ... 82

IV) Des publications rares (moins de dix lettres) ... 83

A) He i d’Al et lett es ... 83

B) Élisa eth d’Aut i he lett es ... 83

C) Claude de France (1 fragment) ... 84

Conclusion ... 84

Chapitre III : A gles d’appro he des rits des souverai s et souverai es ... 87

I) L’Histoire événementielle ... 87

A) Des dates, des événements, des personnages ... 87

B) Des personnalités ... 88

II) L’histoi e des e talit s ... 91

A) Connaissance des relations familiales et sociales ... 91

B) Co eptio s de l’e e i e du pouvoi ... 93

III) Approches rhétoriques : à la croisée du littéraire et du politique ... 95

A) Les apports de la « lecture littéraire » à l’histoi e ... 95

B) De l’ha ilet litt ai e e politi ue ... 96

IV) Des souverains écrivains ?... 99

A) De la prétendue incompatibilité entre action et création ... 99

B) La question des genres littéraires ... 101

C) La question du genre sexuel ... 102

D) L’e eptio ui o fi e la gle : Henri IV ... 105

Conclusion ... 107

Chapitre IV : Le corpus de travail ... 109

(9)

8

A) Lettres autographes ... 109

B) Lettres par secrétaire avec signature autographe ... 111

II) Compléments inédits ... 114

A) Observations à partir des catalogues consultés ... 114

B) Lettres déchiffrées à la Bibliothèque nationale (Richelieu) ... 115

1) Charles IX ... 116 2) Claude de France ... 116 3) Él o o e d’Aut i he ... 116 4) François Ier ... 117 5) Henri II ... 117 6) He i d’Al et ... 117 7) Louis XII ... 117 8) Louise de Lorraine ... 118 9) Louise de Savoie ... 118 10) Marie de Guise ... 118

III) Sélection par séries ... 119

A) Marguerite de Navarre ... 119 B) Antoine de Bourbon ... 120 C) Jea e d’Al et ... 120 D) Elisabeth de Valois ... 120 E) Marie Stuart ... 121 F) Catherine de Médicis ... 121 G) Henri III ... 122 H) Henri IV ... 122 I) Marguerite de Valois ... 122

IV) Lettres contresignées, copies et minutes par secrétaire ... 123

A) Se tai es des fi a es et se tai es d’État ... 123

B) Copies et minutes par secrétaire ... 127

Conclusion ... 128

DEUXIEME PARTIE :CONTEXTES ... 131

Chapitre I : L’art pistolaire à la Re aissa e ... 133

I) La lettre latine au Moyen Âge et à la Renaissance ... 134

A) Les artes dictaminis ... 134

1) Une dispositio à l’i itatio de la h to i ue a ti ue ... 134

2) Importance accordée à la hiérarchie des correspondants et à la salutation ... 136

B) L’a t pistolai e hu a iste ... 136

1) Imitation du style cicéronien et expression personnelle ... 137

2) Émergence de la lettre familière ... 139

II) Les od les de l’a t pistolai e e la gue ve a ulai e à la Re aissa e ... 141

A) Les manuels ... 141

1) La décadence des formulaires ... 141

(10)

9

3) La place des secrétaires dans les manuels : une exclusion paradoxale ... 145

4) Le « gentilhomme secrétaire », expert en savoir vivre... 147

B) Les recueils de lettres familières publiés... 150

1) Un grand conformisme social ... 150

2) Rejet de la h to i ue et de l’ lo ue e ... 153

III) Les lettres de la grande noblesse : une autre culture épistolaire ? ... 155

A) Importance des formules de courtoisie ... 156

1) C o ial pistolai e et e p essio de l’affe tio ... 156

2) Le positionnement par rapport au destinataire ... 160

B) La lourdeur du style ... 162

1) Une grande proprotion de lettres stéréotypées ... 162

2) Langue orale ou langue dictée ? ... 163

C) Vers un style plus naturel ? ... 165

1) Le mépris pour le style cérémonieux ... 165

2) L’a t de la s du tio pistolai e ... 167

IV) L’ pistolai e da s les œuv es a atives et po ti ues du XVIe siècle... 170

A) Les e ueils de lett es d’a ou ... 170

1) Lieu o u s de la lett e d’a ou ethos et pathos) ... 171

2) De la rhétorique courtoise au style naturel ... 175

B) Les lettres dans Amadis et La Diana : un art épistolaire entre réalisme et fantaisie ... 180

1) De la Cour aux romans, des romans aux manuels ... 180

2) L’ethos princier et le pathos des lettres nobiliaires ... 182

3) Les parties de la lettre : entre réalisme et fantaisie ... 184

4) Style naturel ou fleurs de rhétorique ? ... 186

C) L’ pît e, itu e ludi ue, itu e i ti e ... 188

1) L’ pît e hez les G a ds Rh to i ueu s ... 189

2) Les Héroïdes et leur succès : Le ai e de Belges, Mi hel d’A oise ... 190

3) Ma ot, ou l’i ve tio de l’ pît e fa ili e ... 192

Conclusion ... 193

Chapitre II : Parler, écrire, gouverner : la formation des princes et des princesses ... 195

I) Tentative de définition de la parole royale ... 195

A) Le roi doit-il être éloquent ?... 197

1) Des théoriciens ambigüs et des mères convaincues ... 197

2) Un instrument de pouvoir ... 200

B) Caractéristiques de la parole royale (masculine) ... 202

1) Entre « parler serré » et d o st atio d’ lo ue e ... 202

2) Si pli it d’u e lo ue e fo d e su l’e te de e t ... 203

3) Henri III : parole royale, intellect et maîtrise des passions ... 206

C) La parole royale au féminin ... 208

1) La o ve satio aît is e ou l’apte dicere ... 208

2) U outil d’ha o isatio et de pa ifi atio ... 211

(11)

10

II) App e tissage et pe fe tio e e t de l’a t de pa le et d’ i e ... 217

A) L’ du atio des jeu es p i es et p i esses : culture générale et initiation à la vie mondaine et politique 218 1) Histoire et religion ... 218

2) Roman, poésie, théâtre ... 221

3) Les langues ... 223

4) Imprégnation, imitation : p e d e e e ple et s’e t aî e ... 226

5) Initiation à la correspondance ... 228

B) Transmission orale d’u e ultu e litt ai e et philosophi ue ... 233

1) U outil d’app e tissage i fo el : la conversation... 233

2) Les Académies ... 236

C) Des rois et des reines bibliophiles, commanditaires et lecteurs ... 238

1) Louis XII ... 238 2) Anne de Bretagne ... 239 3) Louise de Savoie ... 240 4) François Ier ... 241 5) Marguerite de Navarre ... 242 6) Henri II ... 243 7) Catherine de Médicis ... 243 8) Charles IX ... 244 9) Marie Stuart ... 244 10) Henri III ... 245 11) Louise de Lorraine ... 246 12) Marguerite de Valois ... 246 13) Henri IV ... 247

D) Des ouvrages spécialisés ? ... 247

1) Les ouvrages de rhétorique dans les « librairies » royales ... 247

2) Le genre épistolaire dans les « librairies » royales ... 250

Conclusion ... 253

Chapitre III : Correspondances royales, modalités pratiques ... 257

I) Écrire ... 257

A) Les conditions matérielles de rédaction... 257

1) Les conditions idéales ... 257

2) Le manque de temps ... 258

3) L’i o fo t ... 259

B) Écrire à plusieurs ... 261

1) Lettres à deux ou plusieurs mains ... 261

2) Redoublement des courriers ... 264

II) Transmettre et diffuser ... 266

A) La poste royale ... 267

1) L’o ga isatio du seau ... 267

(12)

11

B) Le porteur... 270

1) Rôle du porteur ... 271

2) Le choix du porteur ... 274

3) Des difficultés et des dangers ... 277

4) U e e ple de o u i atio ave l’ t a ge : les ha ges d’Él o o e d’Aut i he e t e les Pays-Bas et la France... 279

C) Diffusio de l’i fo atio ... 282

1) Réitération du message ... 282

2) Lecture partagée ... 284

3) Publication ... 285

III) Réceptionner ... 286

A) Un protocole pour les dépêches officielles ... 287

B) Une réception moins formelle ... 289

C) La conservation des lettres ... 291

Conclusion ... 294

TROISIEME PARTIE :L’ART EPISTOLAIRE ROYAL DANS LES RELATIONS PUBLIQUES... 297

Chapitre I : Écrire aux souverains, aux souveraines ... 299

I) La posture du bon serviteur ... 300

A) Mise en valeur de la posture de serviteur par le protocole ... 300

B) Fidélité, obéissance, souci du service ... 302

C) Mise e s e de l’i fo atio ... 304

D) Les attentes du serviteur / de la servante et la pression du « malcontentement » ... 307

II) La posture du bon parent ... 309

A) Mise en valeur de la posture du bon parent par le protocole... 310

B) Contrainte exercée sur le destinataire et négociation des positions ... 311

C) La justification des discours audacieux ... 314

D) Une spécificité féminine ... 316

III) Parler de souverain-e à souverain-e... 317

A) Le espe t de l’ho eu et des e gage e ts ... 317

B) L’a iti ... 320

C) L’i t t g al ... 322

D) Écrire aux reines ... 324

1) Des ei es diat i es e, pouse, ta te ou sœu solli it es pou leu influence ... 324

2) La dissimulation du pouvoir par les reines ... 326

3) E p essio d’u e solida it f i i e. ... 326

4) Une destinataire particulière : Élisa eth d’A glete e ... 327

Conclusion ... 329

Chapitre II : Écrire aux membres des grands lignages ... 331

I) Da s le ad e des appo ts d’auto it : la o t ai te et l’affe tio ... 332

A) Protocole ... 333

B) Les reines, les « grandes » : des intermédiaires précieuses ... 336

(13)

12

D) Le p o l e de la o fia e et l’elo utio de la si it ... 343

II) Ho s des appo ts d’auto it : entre déférence et familiarité ... 348

A) Protocole ... 348

B) Se rendre service en meilleurs parents ... 352

C) Échange de nouvelles et relations privilégiées... 354

D) Elocutio : de l’ « honnêteté » à la familiarité ... 356

III) Quelques postures particulières ... 359

A) Écrire à une veuve : Jea e d’Al et à M e de La ge ... 359

B) Écrire pour séduire : He i d’A jou à la du hesse de Neve s. ... 362

C) Écrire à un électron libre : Henri IV au du d’Épe o . ... 363

Conclusion ... 365

Chapitre III : É rire aux serviteurs de l’État ... 367

I) Écrire en maître ... 368

A) Protocole ... 369

B) Définir le rôle du serviteur : missions, besoins, valorisation du service ... 372

C) Ma ues d’esti e et de p o i it à l’ ga d du o ta le ... 375

II) Les femmes aux grands serviteurs : ressemblances et différences ... 378

A) Protocole ... 378

B) Une relation triangulaire ... 380

III) La lettre, laboratoire de la diplomatie ... 384

A) À l’a assadeu : pa le à œu ouve t et e ige la dissi ulatio ... 385

B) É i e e ta t ue ei e d’u pa s t a ge : Élisabeth de Valois aux ambassadeurs de France en Espagne. 388 C) Transmettre des messages aux autres souverains : travail des lieux pathétiques et éthiques .... 389

IV) É i e au se viteu d’u État t a ge ... 392

A) Protocole ... 392

B) Solli ite l’appui a i ale e t ... 393

Conclusion ... 397

Chapitre IV : Écrire à ses domestiques ... 399

I) De simples exécutants (dans le premier tiers du siècle)... 400

A) Un protocole très strict ... 400

B) Prééminence du roi dans les lettres de femmes ... 401

C) L’e p essio des esoi s du aît e ou de la aît esse ... 402

II) Des relations plus personnelles ... 403

A) Un protocole variable ... 403

B) Des maître-sse-s avant tout ... 404

C) La ol e et l’affection ... 407

Conclusion ... 409

Chapitre V : Plumes dans la tourmente, les situations de crise ... 411

I) Lettres de guerre ... 411

A) Rendre des comptes... 411

(14)

13

2) Justification et valorisation de soi ... 413

B) U a t d’ i e la gue e ? ... 416

1) Faire partager, faire vibrer ... 416

2) Servir ses intérêts, alimenter la propagande par le grandissement ... 419

II) Lettres de combat politique ... 424

A) Le pouvoir suprême menacé : stratégie de conservation ... 425

1) Minimisation et silence ... 425

2) En dépit des apparences : afficher sa force ... 429

B) La contrattaque : stratégie de lutte ... 433

1) Se désigner comme victime ... 434

2) D sig e , atta ue l’e e i ... 437

3) Prince-sse-s épris de paix, de dignité et de foi ... 442

Conclusion ... 447

QUATRIEME PARTIE :L’ART EPISTOLAIRE ROYAL DANS LES ECHANGES AVEC LES PROCHES ... 451

Chapitre I : Écrire à sa mère ... 453

I) Très humbles et très obéissants fils et filles ... 453

A) Un protocole respectueux ... 453

B) Se faire humble ... 455

C) Donner des nouvelles : une dimension essentiellement politique ... 457

II) S’affi e ... 459

A) François Ier : s’affi e e assu a t ... 460

B) Élisabeth de Valois, Marie Stuart : la « hardiesse » des filles. ... 462

C) Marguerite de Valois : le rappel des devoirs maternels ... 464

Conclusion ... 467

Chapitre II : Écrire à ses enfants ... 469

I) Se montrer bonne mère, bon père ... 469

A) Protocole affectueux ... 469

B) Nouvelles des enfants et sollicitude parentale ... 471

C) Du sentiment sincère au chantage affectif ... 475

II) Diriger les affaires ... 477

A) Faire collaborer les filles... 477

B) Diriger les fils tout en se dissimulant ... 479

III) Instruire, former les enfants. ... 482

A) Les grandes leçons : relations avec la noblesse, relations avec Dieu ... 482

B) L’a al se politi ue ... 485

IV) Écrire librement et privément ... 488

A) Liberté de ton ... 488

B) Confidences et complicité ... 491

Conclusion ... 492

Chapitre III : É rire à ses fr res et sœurs ... 495

I) Se montrer bon frère, bonne soeur ... 496

(15)

14

B) Liens du sang, devoir de service et de fidélité... 499

II) E p i e ses se ti e ts pou e fo e l’allia e politi ue ... 502

A) Sollicitude et affection : e fo e e t d’u e allia e politi ue ... 502

B) Utilisation du pathos ... 505

C) Un exemple de lieu commun : le don des neveux et des nièces, signe de dévouement. ... 507

D) Des lettres « trop honnêtes » ? ... 510

III) Parler politique ... 513

A) Marguerite de Navarre : ejet du lie de sa g et de l’ otivit ... 513

B) Marguerite de Valois : rejet du lien fraternel ... 516

C) « Pour votre service et le bien de votre État » ... 517

D) Hardiesse et franc-parler... 519

Conclusion ... 522

Chapitre IV : Écrire à son époux, à son épouse ... 523

I) L’ pouse hu le et o issa te, u e alli e p ieuse ... 524

A) Protocole ... 524

B) Claude de F a e, Él o o e d’Aut i he, Jea e d’Al et, Ma gue ite de Valois : des épouses plus sou ises u’ai a tes ... 527

C) Catherine de Médicis : un précieux serviteur ... 530

D) Él o o e d’Aut i he : une alliée puissante ... 532

E) Marguerite de Valois : une partenaire séduisante ... 534

II) Le o a i et … l’a a t ... 539

A) Protocole ... 539

B) Henri II, Antoine de Bourbon, Henri de Navarre : entre maître autoritaire et collaborateur reconnaissant. ... 542

C) François Ier, Antoine de Bourbon, Henri IV : des rois galants ... 546

D) Antoine de Bourbon, Henri IV : bons maris et bons amis ... 550

E) … et o s a a ts ... 553

Conclusion ... 554

Chapitre V : Écrire aux amis et aux favoris ... 557

I) Da s le ad e des appo ts d’auto it : le bon maître et ami ... 559

A) Protocole ... 559

B) Se dire bon maître, bonne maîtresse ... 563

C) E p i e l’affe tio : du o usage de l’e phase ... 566

II) En position de supériorité : confident-es et complices ... 568

A) A olitio de la dista e pa l’o alit ... 568

B) Pa tage d’u poi t de vue pe so el et li e té de parole ... 570

C) La plaisanterie ... 574

III) Ho s du ad e de l’auto it : l’a ie ... 578

A) Protocole ... 578

B) Services, nouvelles et relations politiques ... 580

C) Une amitié entre intimité et déférence ... 584

(16)

15

Chapitre VI : Écrire aux amant-e-s ... 589

I) Des amants fidèles et soumis ... 590

A) Protocole ... 590

B) « Plus ferme foy ne fut onques jurée » ... 593

C) La sou issio à l’ t e ai ... 594

II) Des plumes séductrices ... 596

A) Se faire connaître, donner des preuves, imposer son image ... 596

B) Écrire avec passion : hyperbole et amplification ... 598

C) Prendre sa plus belle plume : François Ier et sa petite fille. ... 600

D) É i e l’i ti it : Henri II et son gendre ... 602

III) Exercer le pouvoir en amour ... 606

A) Louer pour infléchir ... 606

B) Affi he , a he , joue ave l’ide tit o ale ... 608

C) Ma ue l’auto it ... 614

Conclusion ... 621

Chapitre VII : Écrire pour (re)créer ... 623

I) La lettre comme lien délirant ... 623

A) Henri III ou l’ pa he e t de l’a goisse ... 623

B) L’autog aphie ou la hai de l’ itu e ... 625

C) L’ itu e i fi ie ... 625

D) Une dimension purement ludique ... 627

E) Inutilité et dispa itio de l’ itu e ... 628

II) Écrire pour exister ... 630

A) François Ier : un « moi » épistolaire dissous ... 630

B) Marguerite de Valois : i e pou faço e l’a ou ... 633

Conclusion ... 635

CONCLUSION GENERALE ... 637

ANNEXE I :LISTE DES ABREVIATIONS : ... 645

ANNEXE 2 :INDEX BIOGRAPHIQUE DES PRINCIPAUX DESTINATAIRES ... 647

ANNEXE 3 : FICHES BIBLIOGRAPHIQUES PAR PERSONNAGE ... 661

Anne de Bretagne ... 661 Antoine de Bourbon... 662 Catherine de Médicis ... 663 Charles IX ... 664 Claude de France ... 666 Él o o e d’Aut i he ... 666

Élisa eth d’Aut i he ... 667

Élisabeth de Valois ... 668

François Ier ... 668

François II ... 670

He i d’Al et ... 671

(17)

16 Henri III ... 673 Henri IV ... 674 Jea e d’Al et ... 676 Louis XII ... 678 Louise de Lorraine ... 680 Louise de Savoie ... 680 Marguerite de Navarre ... 682 Marguerite de Valois ... 684 Marie de Lorraine ... 685 Marie Stuart ... 685

ANNEXE 4 :TABLEAU RECAPITULATIF DES LETTRES INEDITES UTILISEES ... 687

Anne de Bretagne : ... 687 Charles IX ... 687 Claude de France ... 689 Él o o e d’Aut i he ... 691 François Ier ... 694 He i d’Al et ... 695 Henri II ... 695 Louis XII ... 697 Louise de Lorraine ... 698 Louise de Savoie ... 699 Marie de Lorraine ... 699

BIBLIOGRAPHIE DES OUVRAGES CONSULTES ... 701

A) Sources : ... 701

1) Textes des souverains : ... 701

2) Autres textes du XVIe siècle : ... 706

B) Bibliographie critique : ... 708

1) Études su le ge e et l’ ha ge pistolai e : ... 708

2) Autres études littéraires... 710

3) Etudes sur la noblesse et les souverains au XVIe siècle : mentalités, culture, exercice du pouvoir, représentations. ... 710

4) Etudes portant sur un roi ou une reine en particulier ... 712

(18)

17

Introduction

Qui s‟intéresse aux souverains et souveraines européens de la Renaissance est amené à

faire le constat suivant : ces personnages ont presque tous énormément écrit. Ils ont écrit des lettres, bien entendu, pour les besoins de leur gouvernement, quotidiennement et par milliers. Des lettres plus personnelles aussi, à leur famille, à leurs amis et à leurs amours. Mais ils ont encore laissé des textes très divers, qui témoignent de leur volonté de se consacrer à des

formes d‟écritures littéraires. ηn sait que Charles-Quint avait entrepris de rédiger ses mé-moires en français (aujourd‟hui perdus) à la façon de César1

; Louise de Savoie tenait un étrange « Journal » et εarguerite de Valois s‟est montrée précurseure dans le genre des

εé-moires. Élisabeth d‟Angleterre cultivait des genres très divers : traductions, poésies, discours

et prières, parmi lesquels des textes écrits directement en français2. Nombre de rois et de

reines ont laissé des vers, en quantité variable. Pour la prose, on peut songer à l‟Heptaméron

de Marguerite de Navarre, mais aussi à ses pièces de théâtre, ou encore au traité de chasse de Charles IX. C‟est ce constat qui nous a donné l‟idée d‟envisager les souverains et les souve-raines de la Renaissance comme des écrivain-e-s.

Délimitation de l’objet d’étude

Cependant, la diversité de leurs textes était telle qu‟il semblait difficile, à terme, de

trouver une unité dans une étude d‟une telle ampleur. ζous avons donc pris le parti de nous

centrer sur un seul genre, et de choisir celui qui nous permettrait de ne laisser aucun-e souve-rain-e de côté : la lettre. En effet, nous voulions éviter de reproduire la tendance qui consiste à sélectionner les souverain-e-s a priori intéressant-e-s, qui sont souvent déjà les plus étudié-e-s, confortant par là-même les autres dans leur statut de personnages secondaires. Étant donné que plusieurs souverain-e-s d‟Europe (tels l‟Empereur εaximilien, εarguerite d‟Autriche, Charles-Quint et ses frères et sœurs, mais aussi Élisabeth d‟Angleterre) écrivent en français, la question du choix des auteur-e-s s‟est posée : fallait-il englober tous les francophones ? Là

1 Alfred Morel-Fatio, Historiographie de Charles-Quint, Première partie suivie des Mémoires de Charles-Quint, Texte portugais et traduction française. Paris, H. Champion, 1913.

(19)

18

encore, par prudence, nous avons choisi de réduire notre objet d‟étude à ce que nous

pour-rions appeler une « sphère française », et de ne prendre en considération que les souverain-e-s ayant régné en France, les reines élevées en France ayant régné à l‟étranger, et les rois et reines de Navarre à partir de Marguerite de Navarre, en raison de leur étroite parenté avec les souverain-e-s français-e-s. Cela nous a permis de couvrir toute la durée du siècle, de Louis XII à Henri IV, et de compter autant de femmes que d‟hommes parmi nos auteur-e-s.

État présent des recherches sur l’art épistolaire à la Renaissance

Tandis que la production épistolaire des XVIIe et XVIIIe siècles a été abondamment étudiée, celle du XVIe siècle a longtemps été délaissée. Ce manque a commencé d‟être

com-blé peu à peu durant ces quarante dernières années, jusqu‟à faire apparaître la Renaissance comme une période hautement intéressante et féconde pour l‟art épistolaire, tant en latin qu‟en français. δes études sur les lettres de cette période peuvent être réparties

essentielle-ment selon quatre axes μ la production des chancelleries, l‟art de la lettre humaniste, la

nais-sance d‟une littérature épistolaire en langue française, et l‟étude des lettres écrites par la

no-blesse.

Les chancelleries sont, au Moyen-Âge et au XVIe siècle, les lieux d‟apprentissage et

d‟exercice de ceux que l‟on pourrait appeler les « professionnels » de la lettre. Longtemps, les seuls manuels d‟art épistolaire, les artes dictaminis du Moyen-Âge, ont été écrits

principale-ment pour la formation des secrétaires des puissants. Des recherches sur la diplomatie fran-çaise ont conduit Georges Teissier et Charles Giry-Deloison à se pencher sur les formulaires qui guident la rédaction de ces textes à la Renaissance et à en distinguer différents types3. Hé-lène et Henri Michaud ont quant à eux proposé une étude complète sur la Grande chancellerie au XVIe siècle4. ηn connaît donc les règles qui président à l‟écriture de ce type de lettres ex-trêmement normées, selon les catégories dans lesquelles elles peuvent être classées.

En second lieu, l‟intérêt des chercheurs a porté sur la rhétorique épistolaire latine des

humanistes. Pierre Mesnard a analysé leurs échanges comme une expression de

3

Charles Giry-Deloison, « La naissance de la diplomatie moderne en France et en Angleterre au début du XVIe siècle (1475-1520) », Nouvelle revue du seizième siècle, 1987, n°5, p. 41-58 ; Georges Tessier, « Les formu-laires de la chancellerie royale française », dans Diplomatique royale française, Paris, A. et J. Picard, 1962, p. 266-267.

4

(20)

19

l‟individualisme humaniste5

. Marc Fumaroli a envisagé de définir une rhétorique humaniste de la lettre à travers toute la Renaissance6. δa genèse de l‟épistolographie classique a ensuite été détaillée par Luc Vaillancourt en 2003 dans son ouvrage sur la lettre familière7. La même année, Claude La Charité a publié une étude exhaustive sur la rhétorique épistolaire de Rabe-lais8. Enfin, en 2004 a paru l‟ouvrage monumental posthume de Guy Gueudet, L’Art de la lettre humaniste9.

Or le « continent » de la lettre néo-latine n‟est pas sans lien avec l‟émergence de la litté-rature épistolaire en langue vulgaire. Nous parlons ici de littélitté-rature épistolaire, car le XVIe

siècle publie des recueils de lettres qui, dénuées de leur fonction première d‟échange entre un

scripteur et un destinataire, deviennent des textes littéraires à part entière. Le phénomène a été décrit par Alain Viala ainsi que par Janet G. Altman10. Janine Basso a pour sa part étudié les traductions françaises de la littérature épistolaire italienne11. Au sein de ce genre littéraire, les

études ont porté plus particulièrement sur la lettre familière, la lettre d‟amour, et l‟épître en

vers12.

Il existe enfin un quatrième pan de la production épistolaire de l‟époque qui commence à faire l‟objet de recherches. Il s‟agit de celle de la grande noblesse, qui forme un groupe

véri-tablement à part, ne pouvant se fondre ni avec les secrétaires de chancellerie, ni avec les hu-manistes, ni avec les auteurs de recueils. Ces nobles, princes et princesses, rois et reines, écri-vent par nécessité, sans rechercher a priori à faire de leurs textes des œuvres littéraires ; toute-fois, leur écriture se démarque de celle des secrétaires. Cependant, les études qui les prennent en considération portent le plus souvent sur les lettres d‟un seul personnage : des articles sont

consacrés à tel ou telle souverain ou souveraine. Elles peuvent aussi prendre la forme d‟une

5

Pierre Mesnard, « δe commerce épistolaire comme expression sociale de l‟individualisme humaniste », dans Individu et société à la Renaissance, Presses universitaires de France, 1967, p. 17-31.

6 Marc Fumaroli, « Genèse de l‟épistolographie classique : rhétorique humaniste de la lettre, de Pétrarque à Juste Lipse », R.H.L.F., n°6, nov-déc. 1978, p. 886-905.

7

Luc Vaillancourt, La lettre familière au XVIe siècle. Rhétorique humaniste de l’épistolaire, Paris, Champion,

2003. δa première moitié de l‟ouvrage retrace l‟histoire de l‟épistolographie de l‟Antiquité à la Renaissance.

8 Claude La Charité, La Rhétorique épistolaire de Rabelais, Québec, Éditions Nota Bene, 2003. 9 Guy Gueudet, L’Art de la lettre humaniste, Éd. Francine Wild, Paris, Champion, 2004. 10

Janet Gurkin Altman, « The Letter Book as a Literary Institution, 1539-1789 : Toward a Cultural History of Published Correspondences in France », dans Men-Women of letters, Éd. Charles A. Porter, New Haven, Yale University Press, 1986, p. 17-62 ; Alain Viala, « La Genèse des formes épistolaires en français (XVIe-XVIIIe siècles) » Revue de littérature comparée, 218, 1981, no2 (avril-juin), p. 168-183.

11

Janine Basso, « Les traductions en français de la littérature épistolaire italienne aux XVIe et XVIIe siècles », Revue d’Histoire Littéraire de la France, n°6, nov.-déc. 1978, p. 906-921.

(21)

20

introduction à une édition de lettres. Nous reviendrons en détail sur ces articles, sur ces édi-tions et sur leurs apports critiques dans la première partie de ce travail. Autre exemple d‟étude portant sur un seul personnage : une partie de la thèse consacrée à Catherine de Bourbon-Navarre par Hélène Goffaux-Grintchenko est spécifiquement dédiée à sa correspondance, avec une attention toute particulière portée à la forme des lettres13.

On peut donc constater que, malgré ces études ponctuelles, on manque singulièrement

de travaux traitant les membres de la grande noblesse comme un groupe d‟auteurs

épisto-laires, alors que les secrétaires, les humanistes, ou les auteurs d‟épîtres et de lettres familières ont été envisagés comme des groupes présentant une unité. Les seuls ouvrages qui prennent en compte un ensemble de correspondances sont ceux de Kristen B. Neuschel et d‟Eugénie

Pascal. δa première s‟est appuyée sur un ensemble de correspondances masculines de la

grande noblesse pour mieux comprendre la culture nobiliaire du XVIe siècle14. Ce faisant, elle a formulé quelques observations sur la forme des lettres, sur lesquelles nous reviendrons

ulté-rieurement, mais son point de vue reste essentiellement celui d‟une historienne. δa seconde, Eugénie Pascal, a traité d‟un groupe de princesses au tournant du XVIIe

siècle15, pour mon-trer, à travers leurs lettres, comment ces femmes se représentaient leur position au sein de la

famille ainsi que leur action politique. Dans la dernière partie de son travail, elle s‟interroge également sur les choix stylistiques des princesses et sur le regard qu‟elles portent sur l‟écriture.

Finalement, aucune étude ne porte sur un corpus mixte d‟auteur-e-s, et aucune étude n‟envisage un corpus de lettres de la grande noblesse sur toute la durée du siècle. Ainsi, l‟étude des lettres de rois et reines de ζavarre et de France tout au long du XVIe

siècle

vient-elle combler un vide du point de vue de la recherche sur l‟épistolaire, de même que sur les modes d‟action politique des reines et princesses, le plus souvent étudiées sous d‟autres

angles Ŕ quand elles ne sont pas tout à fait négligées.

13 Marie-Hélène Goffaux-Grintchenko, « La correspondance », dans Catherine de Bourbon-Navarre (1559-1604), réseaux, pouvoir et propagande d’une princesse calviniste, thèse de doctorat, sous la dir. de Philippe

Chareyre, Université de Pau et des Pays de l‟Adour, 2005, vol. 3, p. 538-555.

14 Kristen B. Neuschel, Word of Honor. Interpreting Noble Culture Sixteenth-Century France, Ithaca et Londres, Cornell University Press, 1989.

15

(22)

21

Un problème : la place des femmes au sommet de l’État

Si nous avons tenu à avoir un corpus d‟auteur-e-s mixte, c‟est parce que la place des femmes au somment de l‟État pose un certain nombre de questions. Depuis l‟invention de la

loi salique, faussement attribuée aux Francs Saliens pour justifier la captation du trône de Jeanne de France (capétienne directe) par son grand-oncle Philippe de Valois, en France, les

femmes sont écartées de l‟héritage de la couronne. δe premier texte à populariser cette

pré-tendue règle grâce à l‟imprimerie (La Loi salique, première loi des Français, issu du traité anonyme des années 1460), est publié pour la première fois à Rouen... en 1488, autrement dit, au tournant du XVIe siècle. Il est ensuite plusieurs fois réimprimé, avant de donner naissance à

d‟autres traités, tandis que les nouvelles Histoires de France introduisent l‟épisode de la

fon-dation de la loi par Pharamond dans le récit des origines du pays. Peu à peu, des intellectuels

s‟en emparent, le plus souvent pour s‟opposer aux femmes qui gouvernent, faisant pour finir

de cette fameuse loi un véritable « mythe national », pour reprendre l‟expression d‟Éliane Viennot16. Le XVIesiècle apparaît ainsi comme une période d‟intense production écrite autour de la loi salique : il existe même des ouvrages qui démontrent qu‟elle est une imposture et

qu‟elle ne concerne en rien les souverains. Toutefois, Catherine de εédicis elle-même préfère

étouffer ces considérations : en effet, reconnaître la fausseté de la fameuse loi reviendrait à avouer que les Valois ne sont pas légitimes ! Mieux vaut donc, pour le pouvoir en place,

in-fléchir le discours, et s‟il faut admettre que la loi est fausse, à tout le moins dira-t-on que c‟est

par une très ancienne coutume française que les femmes ne règnent pas.

εais qu‟en est-il en réalité ? Force est de constater que le XVIe

siècle compte un

nombre impressionnant de femmes au pouvoir, en France comme dans toute l‟Europe. εarie

Tudor monte sur le trône anglais en 1553, suivie par Élisabeth en 1558. En Écosse, Marie de Lorraine assure la régence écossaise à la mort de son mari en 1542, puis sa fille Marie Stuart

lui succède. δa ζavarre voit également le règne de Jeanne d‟Albret, seule héritière du trône. δes États de Béarn font d‟ailleurs des difficultés pour reconnaître l‟autorité de son époux

An-toine de Bourbon : ils estiment que seule Jeanne est leur « vraye et naturelle Dame17 ». Charles-Quint nomme sa tante εarguerite d‟Autriche régente des Pays-Bas en 1519 ; elle

l‟était déjà depuis 1507, à la demande de son père, l‟empereur εaximilien. Pour la France, les régences de δouise de Savoie et de Catherine de εédicis, venant après celle d‟Anne de

16

Eliane Viennot, La France, les femmes et le pouvoir. L’invention de la loi salique (Ve-XVIe siècle, Paris, Per-rin, 2006, p. 571. Le développement qui suit fait entièrement référence à cet ouvrage.

(23)

22

France, mettent pendant de longues années des femmes à la tête du royaume. En outre, même quand elles ne sont pas régentes, ces deux mères exercent une influence considérable sur la

personne des rois qu‟elles ont élevés. Il faut aussi penser au rôle des maîtresses royales, qui

sont souvent plus puissantes que les épouses elles-mêmes, et aux sœurs de rois, qui jouent aussi parfois un rôle politique considérable.

Sur le plan culturel, les femmes ont une fonction de premier rang : grandes mécènes,

elles commandent des œuvres d‟art, des livres, elles soutiennent l‟émergence de mouvements

littéraires. La Grande Rhétorique se développe dans l‟entourage de εarguerite d‟Autriche,

Anne de Bretagne, δouise de Savoie. εarot est soutenu par la duchesse d‟Etampes, εargue-rite de ζavarre, εargueεargue-rite de Savoie (la sœur de Henri II) et Renée de Ferrare (la sœur de la

reine de France, Claude). Marguerite de Savoie protège également Ronsard, tout comme Ca-therine de Médicis, qui encourage les poètes de la Pléiade. Marguerite de Valois soutient

Desportes avant qu‟il devienne le poète de Henri III, et toute une série d‟écrivains, de

traduc-teurs, de philosophes, de savants, dans ses différentes cours. Elles vivent de leurs propres

de-niers et sont de grandes bâtisseuses. Elles jouent un rôle primordial dans l‟éducation de leurs

enfants : certaines princesses, sensibles aux idées nouvelles, font éduquer les leurs dans la foi protestante, en dépit du désaccord de leur mari. De manière plus générale, à la Cour, ce sont

elles qui enseignent l‟art de se conduire : selon Éliane Viennot, dans les années 1520, « il y a

déjà longtemps […] que l‟idéal de l‟homme accompli n‟est plus le colosse brillant sur les seuls champs de bataille. Si une partie de la formation des jeunes nobles est à présent

dispen-sée dans les collèges, une autre est maintenant acquise dans l‟entourage des femmes de la

Cour, qui seul permet d‟acquérir l‟art tant prisé de la ‟politesseˮ18 ».

« Cette indépendance, cette capacité d‟intervention des femmes dans la vie politique, re-ligieuse, culturelle, économique, les hommes les reconnaissent volontiers19 » écrit encore Éliane Viennot, qui parle au XVIesiècle d‟une remontée en puissance des femmes après une

longue période très dure pour elles. εais si elle se fait avec l‟accord des hommes, elle est avant tout l‟œuvre de femmes féministes. δe paradoxe, c‟est finalement que les princesses et

les reines, qui font publier des textes féministes, mettent en place des solidarités de genre, et

voient leur influence reconnue par les hommes qui s‟appuient sur elles, ne peuvent pas

pré-tendre exercer pleinement le pouvoir. Victimes de forts courants de pensées misogynes éma-nant du milieu des clercs, souffrant d‟un déficit de légitimité même lorsqu‟elles coiffent la

couronne en vertu de leur filiation (c‟est le cas de Claude de France, fille aînée de δouis XII),

(24)

23

contraintes au silence vis-à-vis de la loi salique et de tous les discours qui prônent la

masculi-nité du trône français, les mères, les épouses et les sœurs ne peuvent absolument pas prétendre

prendre leur place, ni même exercer leur influence trop ouvertement. La question du genre est donc un paramètre à prendre constamment en considération pour comprendre les stratégies

discursives à l‟œuvre dans les lettres que nous allons étudier.

Problématique : art d’écrire, genre, pouvoir.

Considérant les usages des lettres que font ces souverains et ces souveraines, nous

avons cherché à savoir d‟une part si l‟on peut parler d‟un art épistolaire royal, qui serait mis en pratique par l‟ensemble de ce groupe au cours de la période, et d‟autre part, si l‟on peut

voir émerger en son sein des écritures singulières, des styles originaux qui nous permettraient

de parler d‟elles et eux comme étant non seulement des épistolier-e-s, mais véritablement des

auteur-e-s épistolaires. Nous reprenons ici à notre compte une distinction de Roger Du-chêne20en la modifiant légèrement : selon sa définition, l‟épistolier ne se soucie que de celui à

qui il écrit, tandis que l‟auteur épistolaire se préoccupe de son public. Pour notre part, nous

appelons « épistolier-e » l‟auteur-e d‟une lettre qui ne se préoccupe que de transmettre son message à son destinataire, et « auteur-e épistolaire », celui ou celle qui crée à l‟intérieur de la

lettre un univers propre, de sorte qu‟elle ne perde pas son intérêt une fois sortie de son

con-texte.

À ces questions, d‟autres viennent nécessairement se greffer, dans la mesure où le

pa-ramètre de l‟exercice du pouvoir ne saurait rester neutre et indifférent. δes hommes et les

femmes que nous allons étudier ne sont pas en permanence en position d‟autorité. Ils et elles

commencent à écrire avant leur avènement ; et les femmes, à quelques exceptions près,

n‟exercent pas directement le pouvoir, mais agissent au nom de leur mari, de leur frère ou de leur fils. ζous nous sommes d‟ailleurs efforcée de répartir le corpus des lettres de façon à ce

que les différentes situations soient bien représentées. Nous devons donc observer en quoi le

fait d‟exercer ou non le pouvoir modifie les stratégies d‟écriture. δ‟art épistolaire royal va-t-il de pair avec les positions d‟autorité ? Déploie-t-on la même éloquence selon que l‟on dispose

ou non du pouvoir ?

(25)

24

À ce paramètre s‟ajoute celui du genre (masculin ou féminin). Écrit-on de la même

fa-çon selon qu‟on est un homme ou une femme ? Existe-t-il des stratégies rhétoriques

typique-ment féminines ? Nous avons tenu, sur ce chapitre, à rester attentive à tous les traits, figures,

images, modes de pensée, qui peuvent être propres à un genre ou à l‟autre, en même temps qu‟à éviter des généralisations qui ne tiennent parfois qu‟aux personnalités et aux situations.

Le paramètre du genre se combine en effet de manière étroite avec celui du pouvoir, comme

nous venons de l‟expliquer, mais aussi avec la conception que les un-e-s et les autres se

fai-saient du « bien commun », et aussi avec les difficultés traversées par cette aire géographique, si violemment troublée pendant les quatre dernières décennies du siècle. Nous essaierons de

comprendre dans quelles circonstances le genre façonne l‟écriture, et dans quels cas l‟exercice

du pouvoir atténue ou amplifie le phénomène.

Méthode de sélection et de lecture des textes

Un des principaux problèmes qui s‟est posé en amont de cette étude a été de réunir un corpus de textes. En effet, comme nous le verrons, les lettres de certain-e-s souverain-e-s ont été éditées dans leur totalité, constituant ainsi de véritables monuments, tandis que d‟autres ont été totalement laissées de côté. Entre ces deux extrêmes, il y a différents cas de rois et de reines dont les missives ont été partiellement publiées, de façon plus ou moins éparse. Notre premier souci a donc été de combler, autant que faire se peut, ces disparités, notamment en recherchant des lettres inédites là où cela paraissait nécessaire. Mais la même disparité existe dans les manuscrits : pour certain-e-s souverain-e-s, on a conservé des centaines de lettres,

alors que pour d‟autres, c‟est à peine si la Bibliothèque nationale de France en possède un

exemplaire.

Nous avons donc, dans un premier temps, recensé toutes les éditions et tous les manus-crits disponibles pour chaque personnage. Puis nous avons déchiffré les manusmanus-crits dont nous avions besoin pour que chaque personnage soit un minimum représenté dans notre étude. Du côté des « monuments », en revanche, il restait alors à faire une sélection dans les éditions les

plus importantes, car il n‟était pas envisageable de prendre en compte les milliers de lettres d‟un Henri IV ou d‟une Catherine de εédicis ! De plus, toutes les lettres des rois et des reines

(26)

25

(serviteurs, famille proche, amis, souverains étrangers, etc.) chez tous les scripteurs. Nous avons aussi réuni des lettres abordant des événements similaires, ou se situant dans des pé-riodes communes. Ainsi avons-nous choisi des séries de lettres concordantes chez plusieurs scripteurs : par exemple, chez Marguerite de Navarre, Louise de Savoie et François Ier, nous avons privilégié les lettres datant de la captivité du roi, alors que chez Catherine de Médicis et Charles IX, nous avons, entre autre, sélectionné les lettres traitant de la Saint-Barthélemy. Le détail de ces choix sera expliqué dans la première partie de cette étude.

Une fois le corpus établi, il restait à proposer une grille de lecture systématique, afin de

faire apparaître ce qui relève de la norme de l‟écriture épistolaire royale, ce qui a trait à la possession de l‟autorité, ce qui tient au sexe de celui ou celle qui écrit, et ce qui distingue en

propre certain-e-s souverain-e-s. Pour mener à bien ce travail, nous avons fait nôtre la notion de « cadre normatif » proposée par l‟analyse conversationnelle et reprise par Jürgen Siess

pour l‟étude de la correspondance amoureuse : « Ce cadre concerne un ensemble de règles qui s‟appliquent à l‟interaction en fonction des données situationnelles. Dans la correspondance […], des codes explicites ou tacites dont l‟application varie selon le sexe, l‟âge ou le statut du locuteur et de l‟allocutaire, doivent être respectés21». Il s‟agit à la fois des normes qui règlent

les comportements et des normes purement rhétoriques de l‟art de la lettre. Nous nous

sommes donc efforcée de définir ces codes que respectent les missives de rois et de reines, en considérant que font partie intégrante du code le protocole, les lieux communs éthiques et

pathétiques, ainsi que l‟elocutio. δ‟ensemble de ces éléments définit la posture énonciative

dans laquelle se place celui ou celle qui écrit par rapport à son destinataire. Dans la plus grande majorité des cas, chaque scripteur a le choix entre plusieurs postures possibles en face

d‟un même destinataire. Ainsi la mère d‟un roi peut-elle choisir de se positionner comme

mère ou bien comme sujette, ainsi un souverain écrivant à un membre d‟un grand lignage peut-il mettre en avant son lien de parenté avec lui ou plutôt son amitié.

Nous nous sommes également beaucoup attachée au protocole épistolaire, qui comprend

l‟adresse, l‟apostrophe, la formule de valédiction, la souscription et la signature. δ‟adresse est

écrite au dos de la lettre : elle est davantage rédigée en fonction du porteur de la missive que

du destinataire, c‟est pourquoi nous n‟y avons souvent accordé que peu d‟importance. En

ef-fet, une adresse à un familier peut être rédigée de manière cérémonieuse parce que le porteur

n‟est pas un intime des correspondants. δ‟adresse ne nous renseigne donc guère sur la

ma-nière dont le scripteur ou la scriptrice se positionne par rapport à son destinataire. En

(27)

26

vanche, l‟apostrophe a véritablement pour fonction de définir le rapport qui les unit : elle donne une indication capitale sur la posture adoptée par celui ou celle qui s‟exprime. ηn

pres-sent immédiatement que « Mon ami » et « Mon cousin » ouvrent deux horizons d‟attente

dif-férents, et autorisent un certain nombre de lieux communs, tout en en proscrivant d‟autres. δe scripteur précise, par l‟apostrophe, le rapport dans lequel il veut ou doit se placer vis-à-vis de

son destinataire. Ce rapport est conforté par la formule finale, qui peut être plus ou moins so-lennelle ou personnelle, et comporter des variantes toutes chargées de significations, sur

les-quelles nous reviendrons le moment venu. δa souscription (c‟est-à-dire les mots écrits sous le

texte, en décrochage, avant la signature) désigne celui ou celle qui écrit (« Votre bon maître et ami », « Votre cousine », etc.) : elle confirme généralement la posture qui avait été choisie à

travers l‟apostrophe. Bien évidemment, l‟absence de signature ou d‟une autre partie du

proto-cole épistolaire revêt chaque fois un sens particulier.

En second lieu, comme le rappelle Aristote, « on persuade par le caractère (ethos) quand

le discours est de nature à rendre l'orateur digne de foi […] εais il faut que cette confiance

soit l'effet du discours, non d'une prévention sur le caractère de l'orateur22 ». Cet ethos peut

être construit, entre autres moyens, par un certain nombre d‟idées que l‟on pourrait appeler

stéréotypes, et que la rhétorique nomme topoï ou lieux. Par le type de lieux qu‟il convoque, celui qui écrit donne une certaine image de lui-même : ainsi le lieu du sacrifice, du don de soi, contribue-t-il à l‟ethos de la fidélité. Pour qu‟une lettre atteigne son objectif, il est d‟ailleurs nécessaire qu‟elle construise aussi bien l‟ethos de la personne qui écrit que l‟ethos de celle qui la reçoit. Afin de montrer à quel point les lieux touchant ce dernier sont puissants, citons

l‟exemple analysé par Joëlle Gardes-Tamine dans son ouvrage La Rhétorique et tiré de

Béré-nice de Racine23 :

Pour empêcher Titus et Antiochus de se tuer, Bérénice n‟a qu‟un argument, c‟est d‟en appeler à leur magnanimité, c‟est-à-dire à leur générosité :

Arrêtez, arrêtez, Princes trop généreux, En quelle extrémité me jetez-vous tous deux ! et plus loin :

Vivez et faites-vous un effort généreux.

Ce n‟est qu‟au prix de leurs renoncements, fondés sur la grandeur d‟âme, qu‟ils pourront tous trois

servir d’exemple à l’univers.

Dans cet exemple, c‟est surtout en appelant ses interlocuteurs à se montrer dignes de l‟image qu‟elle leur donne d‟eux (et qu‟ils se font d‟eux-mêmes) que Bérénice les persuade de

renoncer au combat. Nous avons donc été attentive, dans les lettres de nos souverain-e-s, à

tous les lieux qui renvoient à l‟ethos de chacun des correspondants. Il nous a donc fallu

22

Aristote, Rhétorique, I, 2, 1356 a.

(28)

27

nir un ensemble de lieux éthiques normés en fonction de certaines situations d‟énonciation, pour percevoir d‟éventuels écarts marquant une écriture plus personnelle.

Toutefois, une lettre ne se contente pas de construire l‟image des deux épistoliers : elle

doit aussi transmettre les émotions du scripteur et émouvoir le destinataire. C‟est ce que la

rhétorique appelle le pathos ou les passions, qui jouent un rôle capital non seulement dans

l‟art de persuader, mais tout simplement dans l‟art de créer un lien avec autrui. De la solidité

de ce lien, entre autre, dépendra la portée de la lettre. Or le choix des lieux pathétiques est,

tout autant que psychologique, sociologique. Ainsi que l‟écrit encore Joëlle Gardes-Tamine :

Les passions marquent ce qui nous unit et nous sépare des autres, et si la rhétorique consiste à

ré-duire la distance entre l‟orateur et son auditoire, on comprend pourquoi leur connaissance est si

impor-tante. On pourrait dire que, fondées sur des liens sociaux, elles sont la trace corporelle de ces liens24. Les lieux pathétiques développés dans chaque lettre dépendent donc du type de lien qui

unit le scripteur ou la scriptrice et son destinataire, et de la posture qu‟il ou elle choisit d‟adopter. Nous avons donc cherché à définir, là aussi, une norme des lieux pathétiques en fonction des situations d‟énonciation pour être en mesure de percevoir des écarts.

Enfin, nous avons accordé une attention particulière à l‟elocutio, c‟est-à-dire la mise en mots, la forme du discours, le style. ζotre objectif n‟était pas de comparer les styles utilisés

dans les lettres de nos souverain-e-s avec les qualités de style recommandées et répertoriées par Théophraste, Cicéron ou Hermogène, ni de les classer selon les trois catégories de style, simple, moyen ou élevé. Nous sommes partie des lettres elles-mêmes et des remarques que les

rois et reines formulent sur leur manière d‟écrire, pour définir ce qu‟elles et ils appellent le

style « cérémonieux » ou plein d‟« honnêtetés », et par opposition, le style familier, afin de

montrer en quoi l‟usage de tel ou tel style constitue également un marqueur de la posture

choisie. Là encore, une norme doit nécessairement régir l‟adaptation du style à la situation

d‟énonciation, et il s‟agit de déceler de possibles écarts par rapport à cette norme. Enfin, nous

nous sommes plus particulièrement interrogée sur les souverain-e-s qui font de l‟elocutio

l‟objet d‟un véritable travail et d‟une recherche esthétique.

Progression

Nous l‟avons dit, l‟établissement du corpus de textes a posé de grands problèmes. δa ré-flexion sur ce sujet a constitué en soi une part essentielle du travail de recherche : nous avons

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28

donc choisi de lui consacrer une partie entière, qui suit le déroulement de notre démarche. Le

premier chapitre présente l‟état des connaissances actuelles sur les souverains et souveraines.

Il pose le constat que la qualité et la quantité de ces connaissances sont extrêmement variables

de l‟un-e à l‟autre et interroge les raisons de cette hétérogénéité. Le chapitre suivant présente l‟état des publications de nos rois et reines. Ce tour d‟horizon nous a permis de savoir

exac-tement de quel corpus publié nous disposions pour étudier la correspondance de ces person-nages. Dans ce domaine également, les inégalités sont flagrantes, et nous avons cherché à comprendre aussi bien ce qui les avait motivées que les effets de ces « réceptions » si dispa-rates sur la place de ces monarques dans notre lecture actuelle de leur « bilan » et de leur in-sertion (ou non) dans la communauté des écrivains du siècle. Une fois ces publications

réper-toriées, nous avons fait le point sur le regard que les chercheurs ont porté jusqu‟à présent sur

les écrits des souverain-e-s, afin de mieux situer notre recherche au sein des différentes ap-proches qui ont existé ou qui émergent depuis quelques années. Enfin, le dernier chapitre de cette première partie rend compte de notre travail de sélection des lettres et de recherche

d‟inédits.

Il nous a ensuite semblé nécessaire, avant de passer à l‟étude du corpus ainsi établi, de préciser le triple contexte dans lequel se placent les lettres des souverains et souveraines du XVIe siècle. Notre deuxième partie répond ainsi à la question : « Qu‟est-ce qu‟écrire une lettre à la Renaissance, lorsqu‟on est roi ou reine ? » δe premier chapitre est consacré à ce que l‟on pourrait appeler le « contexte littéraire » μ il s‟agissait de comprendre comment se conçoit l‟art

épistolaire à la Renaissance, depuis la lettre latine jusqu‟aux missives narratives et poétiques,

en passant par les manuels en langue vernaculaire et par cette autre culture épistolaire que se transmet et pratique la noblesse. La deuxième dimension de ce contexte est pour ainsi dire « pédagogique et culturelle » : il s‟agissait de faire le point sur ce qui était attendu des souve-rain-e-s du XVIesiècle en matière d‟éloquence, et de savoir quelle formation et quels outils ils et elles avaient à leur disposition pour y parvenir. Enfin, nous avons abordé le contexte véri-tablement concret et matériel dans lequel s‟inscrit la correspondance des souverain-e-s. Ce dernier chapitre présente les circonstances et les contraintes qui président à la rédaction des lettres, à leur diffusion et à leur réception.

Une fois précisés ces éléments de contexte, l‟étude des textes pouvait commencer. δe choix des divisions retenues nécessite ici une explication. Nous avons expliqué plus haut la nécessité de définir un « cadre normatif », un ensemble de règles qui régissent l‟échange entre les correspondants, en fonction des « données situationnelles ». Nous avons donc distingué

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particu-29

lières. Pour ce faire, nous avons comparé des séries de lettres adressées à des destinataires

similaires, et des séries de lettres relatant le même genre d‟événements. Au XVIe

siècle, la distinction entre le privé et le public, ou entre le personnel et le politique est extrêmement difficile à établir μ on peut même dire qu‟elle est inopérante, en particulier pour les person-nages qui se trouvent au sommet de la hiérarchie. Dans les relations qui pourraient apparaître comme « publiques », c‟est-à-dire dans les relations avec les autres souverain-e-s, avec les « grand-e-s » et avec les serviteurs, les sentiments et la fidélité personnelle occupent une place

prépondérante. Dans les relations qui nous sembleraient aujourd‟hui relever de la sphère

in-time, comme les rapports familiaux et amoureux, les enjeux du pouvoir ne sont jamais loin, et

les scripteurs et scriptrices forgent d‟eux-mêmes l‟image qui sert le mieux leurs intérêts

poli-tiques. Il paraît alors simpliste de distinguer deux cercles de destinataires, les uns plus loin-tains, les autres plus proches. Pourtant, il nous a semblé malgré tout que l‟articulation du per-sonnel et du politique ne prenait pas la même forme selon que les souverain-e-s s‟adressent ou non à un destinataire qui fait partie de leurs proches. Nous avons constaté que le cadre norma-tif des lettres aux « grand-e-s » et aux serviteurs est le plus uni, présente relativement peu de

variations d‟un scripteur à l‟autre. Au sein de la sphère intime, les postures connaissent des

variantes plus importantes.

Nous avons donc traité les lettres de la « sphère publique » dans la troisième partie, en distinguant en premier lieu diverses catégories de destinataires, et en second lieu des situa-tions de crises qui nécessitaient la rédaction de lettres faites pour être largement diffusées. Le premier chapitre traite des lettres adressées à d‟autres souverains, le deuxième, des lettres aux

membres des grands lignages, le troisième s‟intéresse aux missives envoyées aux serviteurs de l‟État, et le quatrième à celles adressées aux domestiques. À l‟intérieur de chaque chapitre,

nous avons distingué différentes situations induisant des postures différentes. Enfin, le

cin-quième chapitre est consacré d‟une part aux lettres écrites en temps de guerre et d‟autre part

aux lettres de combat politique.

La quatrième et dernière partie porte alors sur ce que l‟on pourrait appeler la correspon-dance personnelle. Les six premiers chapitres sont successivement consacrés à différents types de destinataires μ les mères, les enfants, les frères et sœurs, les époux et épouses, les amis et favoris, les amants. Pour finir, le septième chapitre s‟interroge sur l‟émergence, chez

certains et certaines, d‟une écriture gratuite, déconnectée de ses buts pragmatiques et créant

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Chapitre I : État des connaissances sur les rois et les reines.

Avant d‟entamer cette étude, promenons-nous un instant dans la galerie de portraits de

nos personnages, afin de les situer brièvement.

Galerie de portraits.

Le premier règne du XVIe siècle fut celui de Louis XII (1498-1515). Né Louis

d‟ηrléans en 1462, sous le règne de Louis XI, il n‟était pas promis au trône, puisque le roi avait des frères et qu‟il eut tardivement un fils, qui d‟ailleurs régna (Charles VIII). Il y parvint

toutefois, les différents héritiers du roi étant morts sans héritiers ou du moins sans héritiers mâles Ŕ condition nouvellement nécessaire, en France, pour régner. Dès son avènement, Louis XII fit annuler son mariage avec Jeanne de France, et épousa Anne de Bretagne (1476-1514), fille de François II duc de Bretagne et déjà reine de France, par son premier mariage avec Charles VIII. Louis XII et Anne de Bretagne restèrent ensemble au pouvoir plus de quinze ans. Lui poursuivit notamment la politique des « guerres d‟Italie » commencée au règne précédent, elle celle du développement de la « grande cour des dames », à laquelle un

nombre de plus en plus grand de créateurs furent associés. ζi l‟un ni l‟autre ne sont toutefois

connus pour avoir écrit autre chose que des lettres.

Ils moururent également sans laisser d‟héritier mâle à la couronne ; ce fut donc François d‟Angoulême, déjà époux de leur fille Claude, qui devint roi de France. Contrairement à son

prédécesseur, François Ier (1494-1547) s‟attendait à monter sur le trône ; sa mère Louise de

Savoie (1476-1531), veuve très tôt, l‟y avait préparé. C‟est à elle, assurément, qu‟il doit son

goût pour les lettres et les arts. Louise de Savoie avait été élevée par Anne de France, la fille de Louis XI, au temps où elle gouvernait la France (1483-1491 au moins), elle-même auteure, notamment des Enseignements à sa fille Suzanne de Bourbon. Louise fut à son tour régente

pendant les deux campagnes d‟Italie de François Ier

(1515, 1524) puis pendant la captivité du roi (1524-1526). Son rôle politique se poursuivit bien au-delà de ses régences ; elle eut une importance particulière dans les relations internationales, concluant notamment avec

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