• Aucun résultat trouvé

Les travaux de recherche en didactique des mathématiques

I. 3. 2 Travaux sur la décomposition en facteurs premiers

I. 2. Travaux français

I.2.1 Les travaux de recherche en didactique des mathématiques

Dans cette partie, nous présentons brièvement les principaux résultats de travaux français de recherches en didactique des mathématiques sur l’arithmétique. Ces travaux concernent d’une part la terminale scientifique (Ravel, 2003) et (Battie, 2003), d’autre part les enseignants en formation de l’école élémentaire (Assude, 1998). Nous présentons ces travaux selon l’ordre chronologique.

I.2.1. Assude (1998)

Assude s’est intéressée à savoir pourquoi l’arithmétique continue à vivre dans la formation des professeurs des écoles dans les années 1990, alors qu’elle est disparue des programmes du collège, en sachant que le programme officiel pour la partie mathématique du concours des professeurs de PE1 est le programme de collège et certaines parties de programme de seconde. Elle analyse plus spécifiquement l’évolution des notions d’arithmétique : divisibilité, nombres premiers, pgcd et ppcm dans des programmes en s’appuyant sur l’approche écologique du didactique.

Dans un premier temps, Assude décrit l’évolution de la formation des instituteurs dans les trois périodes : la période classique (jusqu’à la fin des années soixante), la période moderne (correspondant à la reforme des mathématiques modernes dans les années soixante-dix), et la période actuelle (jusqu’à l’année 1998). Elle présente ensuite le contenu de l’arithmétique dans chaque période et les niches qu’elle occupait.

Elle montre que les notions en jeu, dans la période classique, sont présentes dans l’enseignement primaire et dans les écoles normales qui sont chargées de la formation des instituteurs, et les niches occupées par l’arithmétique sont : la niche « théorie des nombres » et la niche « calcul numérique ». Dans la période moderne, ces deux composantes de l’arithmétique sont présentes dans l’enseignement secondaire et dans la formation des instituteurs. Dans la période actuelle, des éléments de l’arithmétique tels que la recherche des multiples de 2 et 5, la division euclidienne et les critères de divisibilité par 2 ou 5 se trouvent dans les programmes de l’enseignement élémentaire, mais les notions en jeu « divisibilité, pgcd, ppcm, nombres premiers » ont disparu des programmes du collège.

En France, le savoir mathématique au sein de l’institution de formation des professeurs des écoles correspond au savoir du collège ; néanmoins, l’arithmétique continue à vivre dans cette institution.

Assude donne quatre hypothèses pour expliquer la continuité de l’arithmétique à vivre dans la formation des professeurs des écoles. La première hypothèse concerne les objets mathématiques et le besoin pour les professeurs des écoles de disposer des éléments théoriques et technologiques pour justifier les techniques concernant des objets enseignés à l’école élémentaire tels les opérations sur les nombres et les critères de divisibilité par 2 et 5. La deuxième hypothèse est relative au calcul mental et au calcul réfléchi : le besoin d’une technologie qui peut justifier les techniques associées au calcul mental et au calcul réfléchi qui permettent de faire travailler par les élèves les propriétés des nombres.

La troisième hypothèse a trait à la résolution de problèmes : Assude souligne que l’accent est mis par les programmes des écoles sur le fait que les professeurs fassent travailler leurs élèves sur la résolution des problèmes ; or l’arithmétique permet de faire travailler les élèves sur des situations-problèmes, notamment avec la division euclidienne.

La quatrième hypothèse est associée à des contraintes institutionnelles : en se référant a Chevallard, Assude explique que le système de formation des professeurs des écoles et l’enseignement de l’arithmétique au collège sont soumis à la même idéologie, à savoir l’idéologie empiriste : « Par cette idéologie empiriste, l’enseignement de l’arithmétique bascule du

coté de la composante numérique dont le titre d’une des divisions actuels « travaux numériques » est l’emblème ». (Assude, p.117).

Dans le système de formation des professeurs des écoles, cette idéologie a été confrontée à une autre idéologie, qui est l’idéologie de l’articulation entre la théorie et la pratique. L’issue de la négociation entre les deux idéologies a conduit à la coprésence des deux composantes de l’arithmétique - théorique et pratique - dans l’institution des professeurs des écoles.

Assude ajoute :

« Cette négociation ne se fait pas in abstracto mais par l’intermédiaires des différents acteurs

de l’institution et notamment par les formateurs de l’IUFM. Il faut préciser qu’une partie de ces formateurs sont des ex-PEN9 qui ont à enseigner les contenus disciplinaires notamment ceux qui concernent nos objets.

Ainsi, on peut penser qu’à défaut d’un texte qui précise les contenus disciplinaires, ils reprennent ce qu’ils faisaient avant, par tradition et pour combler un vide qui s’installerait et qui serait « insupportable » du point de vue des besoins technologiques et théoriques concernant les différents objets que nous avons mis en évidence auparavant. » (ibid, p.117)

I.2.2 Ravel (2003)

L’objet d’étude de la thèse de Ravel était d’expliciter les contraintes et les conditions qui pèsent sur le passage du programme à la classe pour un objet de savoir mathématique donné, l’arithmétique en terminale scientifique. Elle a distingué dans le processus de transposition didactique interne le savoir à enseigner ; le savoir apprêté et le savoir enseigné. Elle a choisi de centrer son travail sur l’enseignement de l’arithmétique, qui venait d’être réintroduite dans les programmes de Terminale Scientifique après une vingtaine d’années d’absence.

Les travaux de recherche ont été réalisés à partir de l’analyse des programmes d’arithmétique des classes de terminale scientifique de 1886 à 2002, du point de vue de l’écologie des savoirs, de l’analyse écologique et praxéologique des manuels de la période contemporaine, et de l’analyse d’un questionnaire à destination des enseignants, et d’analyse des pratiques de deux enseignants dans deux classes de Terminale Scientifique, spécialité mathématiques, observées sur une année entière.

Elle a mis en œuvre une méthodologie d’analyse par zooms successifs sur les protocoles recueillis, afin d’articuler les analyses du niveau du domaine d’étude (l’arithmétique), du secteur et du thème d’étude (la division euclidienne) et enfin du sujet d’étude (la démonstration du théorème de la division euclidienne).

L’analyse des programmes a montré l’évolution des niches occupées par l’arithmétique au fil des changements de programme en terminale scientifique. Et elle a montré qu’il y a eu des orientations radicalement différentes en comparant le programme de 2002 et celui de 1971.

9

L’arithmétique en 1971 était associée à la fonction structurelle qui ne peut plus être occupée dans le programme actuel qui met en avant l’aspect algorithmique.

Or, l’analyse des manuels a montré que cet aspect est difficilement viable dans les manuels, les enseignants et les manuels favorisant explicitement l’aspect raisonnement de l’arithmétique au détriment de son aspect algorithmique.

Ravel précise trois types de contraintes susceptibles d’expliquer le fait que la volonté des concepteurs de programme de faire vivre la niche algorithmique de l’arithmétique ne soit pas reprise dans les manuels et ne soit pas mise en œuvre par les enseignants observés : des contraintes associées au fait que la mise en avant de l’aspect algorithmique est en rupture avec les représentations des mathématiques que peuvent avoir les auteurs de manuels et les représentations que les enseignants se font des mathématiques ; des contraintes de type matériel qui empêchent l’utilisation des outils informatiques dans les classes ; des contraintes concernant le manque de références et d’habitudes pour faire vivre la niche algorithmique de l’arithmétique dans les classes. En conséquence, Ravel fait l’hypothèse que ceci pourrait expliquer que les programmes soient modifiés en 2002 en mettant l’accent sur l’application d’outils informatiques sur des exemples, et sur l’aspect raisonnement. Elle considère que la première exigence du programme concernant l’utilisation de l’outil informatique pourrait répondre au facteur des contraintes relatives au manque de référence et d’habitude permettant de mettre en place de l’aspect algorithmique de l’arithmétique. La deuxième exigence de programme conforte les enseignants et les auteurs des manuels dans leur choix d’investir l’arithmétique pour développer les compétences liées au raisonnement.

Ravel souligne que les deux niches de l’arithmétique peuvent coexister dans un cours. Or, ce lien n’était pas évident chez la majorité des enseignants ayant répondu au questionnaire.

L’analyse de pratique de deux enseignantes lui a permis de montrer qu’il y avait une différence au niveau du savoir apprêté. Une des deux enseignantes a mis en place l’aspect informatique, alors que l’autre enseignante ne propose l’utilisation de la calculatrice que pour vérifier les calculs. Par contre, les deux enseignantes favorisent l’aspect raisonnement de l’arithmétique. Ravel souligne que les choix mathématiques et didactiques des deux enseignantes étaient différents, et elle a observé par ailleurs une grande stabilité des techniques didactiques utilisées par chacune des deux enseignantes.

I.2.3 Battie (2003)

Le travail de thèse de Battie (2003) a débuté dans le même contexte curriculaire que celui de Ravel (2003), c’est-à-dire au moment de la réapparition de l’arithmétique dans les programmes de la classe de terminale scientifique après de nombreuses années d’absence dans l’enseignement secondaire. En articulant analyse épistémologique et analyse didactique,

Battie s’est intéressée aux spécificités et potentialités de l'arithmétique pour l'apprentissage du raisonnement mathématique et en a étudié l’écologie en classe de terminale scientifique.

L’analyse épistémologique s'est appuyée sur la distinction entre deux dimensions du raisonnement que Battie a qualifiées respectivement de dimension organisatrice et dimension

opératoire : la dimension organisatrice renvoie à la visée du mathématicien et la dimension opératoire correspond à l’ensemble des traitements opérés sur les objets en jeu (en particulier les entiers) qui permettent la mise en oeuvre de la dimension organisatrice. A travers l'étude de nombreux exemples de preuves, Battie s'est attachée dans cette étude à identifier les formes que prennent ces dimensions. Par exemple, outre les figures usuelles du raisonnement mathématique, en particulier le raisonnement par l’absurde, elle identifie au niveau de la composante organisatrice le raisonnement par récurrence (et autres formes d’exploitation de la propriété de bon ordre de l’ensemble N), la disjonction de cas et la recherche exhaustive avec l’idée de ramener la résolution d’un problème à l’étude d’un nombre fini de cas. Pour la composante opératoire, elle identifie par exemple les formes de représentation choisies pour les entiers (structuration autour des nombres premiers, congruences, etc.), les manipulations de nature algébrique et l’ensemble des traitements opératoires relevant de l’articulation entre la structure d’anneau de (Z,+,×) et celle d’ensemble bien ordonné de (N, ≤) relative aux deux ordres divisibilité et ordre naturel. L’étude des spécificités en arithmétique de ces deux dimensions du raisonnement ainsi que celle de la nature de leurs interactions a permis de mettre en évidence les potentialités qui en résultent pour l’apprentissage du raisonnement mathématique.

Pour son analyse didactique, Battie a conjugué l’étude de différents corpus : sujets du baccalauréat et ressources destinées aux enseignants, pour le versant institutionnel, et copies d’une épreuve d’entraînement au baccalauréat et transcriptions d’une séance de recherche en groupes, pour le versant travaux d’élèves de terminale scientifique. A travers l'étude menée sur le versant institutionnel, Battie a montré une exploitation certaine mais limitée des potentialités identifiées a priori et mis en évidence certains ressorts de la réduction opérée. Soulignons en particulier que les ressources destinées aux enseignants font vivre une grande richesse mais qu’elles supposent une certaine culture arithmétique du lecteur et laisse à la charge de ce dernier un travail non négligeable de transposition didactique pour un enseignement effectif. L’analyse de travaux d’élèves a quant à elle montré à la fois une réelle créativité mathématique des élèves et des difficultés de raisonnement indéniables et permis d'en préciser la nature. Mentionnons en particulier, pour les interactions entre dimensions organisatrice et opératoire, l’absence fréquente chez les élèves d’une claire conscience du champ concerné par l’arithmétique et, du côté de la dimension opératoire, la fragilité avec laquelle les élèves font le lien entre la relation divisibilité et la dichotomie « nombre pair/nombre impair » ou encore la difficulté avec laquelle les élèves traduisent la relation

divisibilité (par exemple, écrire n = 3k avec k entier pour traduire la relation divisibilité entre n et 3).

Au-delà de ces résultats, l’exploitation de l’outil épistémologique a montré la pertinence de ce dernier pour l’analyse didactique tout en mettant à jour ses limites.