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I.2. Travaux sur la divisibilité

I.2.2 Brown, Thomas et Tolias (2002)

Le travail de Zazkis et Campbell sur la construction du concept de la divisibilité en utilisant la théorie d’APOS était un outil dans le travail de Brown, Thomas et Tolias (2002). Ces derniers ont étudié, dans leur article « Conception of Divisibility : Success and Understanding », la conception de la divisibilité chez les futurs enseignants de l’école élémentaire. Le but général de leur étude est de savoir comment les futurs enseignants appliquent leur conception de la multiplication et de la division dans les problèmes concernant la divisibilité. Ils se sont intéressés plus particulièrement à la capacité de l'individu de progresser d’une réponse action-

orientée avec peu de conscience des concepts mathématiques, à une réponse fondée sur le raisonnement déductif basée explicitement sur la compréhension des opérations mathématiques et les propriétés associées à la structure multiplicative6 des nombres entiers. Les données ont été recueillies lors d’un entretien avec dix enseignants de l’école primaire en formation. L’analyse des données est basée comme nous l’avons indiqué plus haut sur le travail de Zazkis et Campbell présenté précédemment avec la théorie d’APOS, et sur le modèle associé au travail de Piaget sur Success and Understanding (1978).

Brown et al, ont signalé que cette étude va leur permettre de formuler une analyse complète et utile du schéma de la divisibilité. Ils annoncent que la compréhension de la structuration du schéma de la divisibilité nécessite deux choses : Comment le concept de divisibilité est construit avec la structure multiplicative et comment la formulation de schémas sous-jacents pourrait permettre d’établir des liens cohérents entre les deux notions.

Le schéma de la divisibilité utilise certains des schémas de la structure multiplicative. Les composantes du schéma d’un individu pour la structure multiplicative pourraient comporter des schémas sous-jacents pour les opérations arithmétiques, leurs propriétés, ou la décomposition en facteurs premiers.

Les changements dans le raisonnement des participants sont illustrés par les étapes suivantes dans le modèle adapté du travail de Piaget :

Etape 1 : Effectuer des actions avec succès avec peu de conscience.

Etape 2 : Des actions et des conceptualisations ont des effets réciproques l’une sur l’autre, mais l'individu ne peut pas toujours faire des inférences sur le succès ou l'échec possible d'actions sans les effectuer.

Etape 3 : Quand les actions sont consciemment guidées par un raisonnement mettant en jeu les concepts qui s’appliquent à la tâche. Cette étape inclut la capacité de faire les prédictions concernant la réussite dans les nouvelles actions sans expérimentation directe.

Les auteurs ont montré que certains participants avaient au début tendance à répondre initialement aux tâches proposées comme indiqué à l'Étape 1 ; les premières explications qu'ils donnent sont basées sur des caractéristiques superficielles ; lorsqu’ils s’appuient dans leurs explications sur la multiplication et ses propriétés, ils progressent vers l’étape 2 et dans le développement du schéma de la divisibilité ; les auteurs relèvent qu’il y a cependant peu de prise de conscience des rôles possibles des opérations.

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La structure multiplicative de N est composée de toutes les relations a =b c ; elle peut être exprimée comme c ÷ b = a et tout ce que l’on peut penser dans ce contexte. À un niveau plus élevé, il inclut l'expérience, et à un niveau encore plus élevé, la formulation des connaissances des propriétés telles que la commutativité, l’associativité, ou la distributivité.

Dans ce travail, les auteurs ont étudié la relation entre la structure multiplicative et l’identification du plus petit multiple commun ; selon eux, le concept de ppcm est construit par l’application de l’un des schémas de la structure multiplicative ; ils font l’hypothèse que l’utilisation d’un tel schéma pourrait entrainer la construction de plusieurs procédures. Ils ont proposé trois méthodes pour trouver le ppcm afin de répondre aux questions proposées :

- Méthode de l’intersection : chercher l’ensemble des multiples consécutifs de deux nombres, le plus petit de la liste des multiples communs de deux entiers est le ppcm.

- Méthode multiple – divisible : Chercher seulement au sein de l’ensemble des multiples consécutifs de l’un des deux nombres en vérifiant en même temps pour chaque multiple nouveau dans la liste s’il est divisible par l’autre nombre.

- Méthode de la décomposition en facteurs premiers.

Les auteurs ont tenté par les problèmes proposés d’identifier les méthodes utilisées par les participants. Ils ont considéré qu’il y avait une conscience de la structure multiplicative chez les participants lorsqu’ils ont utilisé la méthode multiple – divisible, alors que la structure multiplicative n’était pas avérée chez les participants ayant utilisé la décomposition en facteurs premiers.

Très peu des participants ont pu justifier pourquoi la méthode de la décomposition en facteurs premiers permet d’obtenir le plus petit multiple commun. Certains participants ont des conceptions séparées dans des situations différentes de ppcm. Les auteurs proposent de faire une extension de la méthode multiple–divisible avec la décomposition en facteurs premiers et ils mettent l’accent sur l’importance de réfléchir et raisonner sur l’action lors de l’apprentissage d’une nouvelle méthode en termes de structure multiplicative des nombres et des propriétés utilisées.

Le travail de Brown et al.(2002) se différencie de celui de Zazkis et Campbell par les points suivants :

• Brown et al. se sont intéressés à la capacité des participants de justifier et de raisonner lors de la progression dans les réponses données, alors que l’accent est mis chez Zazkis sur le progrès d’action/processus/objet/ schéma.

• Brown et al, mettent plus l’accent sur le rôle de la multiplication, tandis que Zazkis et Campbell mettent l’accent sur le rôle de la division et la multiplication dans la question de la divisibilité.

• Brown et al. étudient la question des relations entre le plus petit multiple commun avec la structure multiplicative.

D’une manière générale, cette étude met principalement l’accent sur le raisonnement avec les objets de la théorie de nombres.

I.2.3 Zazkis (2000)

Les concepts de multiple et de diviseur sont également l’objet de recherches dans les travaux anglo-saxons sur la divisibilité. Zazkis a tenté, dans son article intitulé « Factors, Divisors,

and Multiples: Exploring the Web of Student’s Connections” de voir comment les enseignants expliquent les concepts de facteur, diviseur et multiple, quels liens ils établissent entre ces trois concepts ainsi qu’avec d’autres concepts de la théorie des nombres tels que les nombres premiers, la décomposition en facteurs premiers et la relation de divisibilité.

Zazkis part de l’idée que les concepts mathématiques ne sont pas étudiés séparément, mais en relation avec d’autres concepts mathématiques. Elle signale que cette idée s’appuie sur des recherches qui considèrent les connaissances conceptuelles comme un réseau connecté de connaissances. Les idées de Web et de réseau suggèrent à la fois la connexion et la complexité des connaissances.

Les données de cette étude sont recueillies lors d’entretiens avec 19 enseignants volontaires de l’école primaire en formation.

Zazkis a posé deux questions aux enseignants. Dans la première question, on demande d’expliquer la signification des concepts de facteur, diviseur et multiple. Dans la deuxième question, on demande d’identifier tous les facteurs et les diviseurs de 117 à partir de la décomposition en facteurs premiers - 117 = 3² × 13 -, ainsi que les multiples de 117 et les nombres dont 117 est un multiple. Elle propose également des questions sur les relations entre ces concepts (Pouvez –vous penser à un facteur qui n’est pas un diviseur ? Pouvez –vous penser à un diviseur qui n’est pas un facteur ? Pouvez –vous penser à un nombre qui est à la fois multiple et diviseur de 117 ?). Cette question est conçue pour étudier la compréhension de ces trois concepts dans la pratique par les enseignants et les relations qu’ils établissent.

Les résultats montrent que le concept de facteur était le moins problématique chez les enseignants, alors que le concept de multiple était le concept le plus problématique.

Les participants ont expliqué le mot « facteur » comme une paire formée des nombres multipliés, (par exemple : 6 = 2 × 3 ; 2 est un facteur de 6 ; 3 est un facteur de 6 ; les participants ont donné la paire formée des nombres 2 et 3 pour répondre à la question de mot facteur) la définition de facteur et de diviseur n’est pas vue comme une relation entre deux nombres naturels, mais elle est vue plutôt, chez les participants, dans un contexte des nombres et des opérations entre les nombres.

Les significations de facteur et de diviseur dans la définition mathématique formelle :

«Given two natural numbers A and B, the number B is called a factor of A il and only if there exists a natural number C such that B × C = A. » (P.12).

« For natural number B and A, B is called a divisor of A if and only if there exists a natural number C such that B × C = A. » (p.14).

Et la signification des deux concepts comme jouant un rôle dans les opérations « multiplication » ou « division » :

«Consider the multiplication sentence B × C = A.(…) Both number C and B can be referred to as factors. This describes their role in a multiplication number sentence.” (P.12)

“The label divisor specifies the number’s role in a division number sentence: When A ÷ B = C, We call A the dividend, B the divisor and C the quotient.” (P.14)

Ceci a créé une confusion chez les participants. Le sens attribué par les étudiants à un multiple a été souvent confondu avec la notion de facteur.

L’auteur souligne que, contrairement au concept de diviseur et de facteur, le concept de multiple a seulement une signification en ce qui concerne les nombres naturels. Il prend sa signification dans la définition mathématique formelle comme une relation, tandis qu’il ne joue pas de rôle dans la définition de la multiplication, contrairement au concept de facteur. Selon l’auteur, ceci pourrait expliquer pourquoi la majorité des participants n’ont pas réussi à saisir le sens de multiple. Zazkis montre que la référence aux nombres naturels était faible, voire absente dans la réponse des participants, ceci pourrait s’expliquer par le fait qu’ils utilisent le vocabulaire de la multiplication. Le lien entre les concepts de facteur et de diviseur apparaissait faible, tandis que le lien entre facteur et multiple était erroné : pour certains participants, multiple et facteur ont le même sens.

L’auteur a montré que dans la population étudiée la mise en relation entre facteur, facteur premier, et la décomposition en facteurs premiers était incomplète. Il a constaté que l'expérience préalable des participants comme élèves a une influence sur la construction de ces concepts pendant la formation.

Il explique que les manuels scolaires fournissent souvent des définitions rigoureuses suivies d’exemples, mais qu’ils omettent toute référence à ce qui pourrait renvoyer aux connaissances préalables des étudiants. À certains moments, ils donnent des définitions différentes sur des pages différentes, mais ils omettent de mentionner les connexions. Par conséquent, le rôle des enseignants pour aider les élèves à construire le sens des concepts mathématiques est essentiel.

Zazkis propose d’aborder explicitement la question de l'ambiguïté du sens, et d’engager les étudiants dans des situations dans lesquelles des interprétations différentes aboutissent à des résultats différents ; elle considère que ceci pourrait être une stratégie prometteuse. La construction de liens entre concepts mathématiques ne se produit pas toujours spontanément. L’auteur considère que la construction de nouveaux liens entre des concepts mathématiques serait mieux réussie si ces concepts étaient liés à leurs connaissances antérieures. Cependant, la notion de « connaissance antérieure » pour les enseignants en formation de l’école élémentaire est différente de la notion de « connaissance antérieure » pour des enfants, ou de

prérequis pour des savoirs mathématiques. Il s’agit dans le cours des enseignants en formation de reconstruction de significations précédemment construites. Et la question qui se pose alors est de savoir dans quelle mesure le réapprentissage est différent de l’apprentissage, et s’il y a des théories qui s’accordent pour expliquer le réapprentissage. Elle considère que l'idée de schéma (Asiala et al., 1996) pourrait très probablement servir de point de vue théorique pour tenter de clarifier les spécificités du réapprentissage, et pour affiner la notion de « liens » et leur rôle dans l'apprentissage (le réapprentissage) des mathématiques.

Elle met l’accent sur les connaissances antérieures que les futurs enseignants apportent dans le cours mathématique car ceci pourrait être une clé pour réduire l'écart entre ce qu’ils devraient faire et ce qu’ils font.

Notons ici que dans ce travail Zazkis traite la signification de termes « facteurs » ; « diviseur » et « multiple » en terme de relation et en considérant le rôle qu’ils jouent dans la multiplication, mais qu’elle ne pose pas la question de l’aspect relation / propriété.

I.2.4 Zazkis (2002)

Zazkis s’est aussi intéressée au langage de la théorie des nombres ; elle insiste sur l'importance de la communication et de la discussion mathématique dans la classe. Elle souligne le rôle que devrait jouer la précision dans le langage des étudiants pour exprimer les idées mathématiques. Elle tente, dans son article « Langage of Number Theory : Metaphor

and Rigor », d’expliquer les raisons possibles de la réticence des étudiants pour utiliser la terminologie formelle et la force des expressions informelles dans leurs usages du vocabulaire.

Elle a étudié la terminologie utilisée avec la notion de divisibilité par les enseignants en formations à partir d’entretiens conduits avec ces enseignants. Elle a trouvé que le langage utilisé par les intervieweurs était différent de celui utilisé par les interviewées. Les participants ont utilisé des expressions formelles et non formelles, ceci bien que les cinq formulations équivalentes qui permettent d’exprimer l’idée de la divisibilité (A est divisible par B ; B divise A ; B est un facteur d'A ; B est un diviseur d'A ; A est un multiple d'A) soient familières pour les participants, dans la mesure où ces formulations se rencontrent dans les manuels qu’ils utilisent et sont proposées en classe.

L’analyse des réponses des participants a conduit l’auteur à identifier quatre thèmes ou apparaît l’utilisation d’expressions non formelles par les enseignants:

- Expliquer le mot divisible : les participants utilisent l’expression « peut être divisé » pour signaler qu’un nombre est divisible par un autre et l’expression « ne peut pas être divisé » pour signaler qu’un nombre n’est pas divisible par un autre.

Zazkis montre que la raison pour laquelle les participants utilisent cette expression non formelle peut être exprimée par la structure du mot « divisible ». Comme chaque verbe utilisé

avec le suffixe « able » ou « ible » est interprété par « peut être.. », le mot divisible invite à l’interpréter par l’explication : « peut être divisé ». Notons que ceci est également le cas en français, comme par exemple avec le mot « visible », qui signifie « qui peut-être vu ».

Elle signale que cette analogie, quand elle est utilisée dans un contexte mathématique de la théorie des nombres, ne donne pas le sens « divisible » dans le registre anglais, car « peut être divisé » ne donne aucune information sur les nombres et les relations entre eux. On peut noter ici que cette interprétation revient à considérer que l’on a affaire non pas à une relation entre deux termes, mais à une propriété s’appliquant à un terme.

- Evoquer des images mentales : Elle montre que l’expression familière utilisée par les participants pour décrire la divisibilité, peut exprimer leur compréhension de la division. Lorsqu’ils disent un nombre « peut être divisé également », ils représentent une image et un processus qui relève d’une vision partitive de la division, et lorsqu’ils utilisent les mots : « va dans », ou « peuvent être mis en », ils indiquent la vision quotitive de la division.

Elle explique que les deux images - partitive et quotitive - de la division proviennent de la possibilité d’interpréter la définition mathématique de la divisibilité de la manière suivante :

«A number A is divisible by a number B if A objects can be arranged in B groups (rows, columns) such that there is the same number of objects in each group. This interpretation is consistent with a partitive view of division. Taking a quotitive or measurement view on division, the image that may accompany the division is covering the length of A units with segments B units long.” P. 89

- La recherche de confirmation du sens d’un mot ou d’une expression. Les enseignants en formation utilisent un vocabulaire informel lorsqu’ils cherchent à s’assurer de la signification d’un terme employé par l’intervieweur ; cette recherche de clarification du sens se produisant lorsque le participant n’était pas sûr de sa réponse. Le langage utilisé par les participants pour exprimer la divisibilité a permis de relever une confusion chez les participants entre la division des entiers et la division des rationnels.

- Accentuation excessive :

L’intervieweur demande aux participants si un nombre est divisible par un autre, et les participants utilisent des expressions comme « également divisible » ou « complètement divisible » au lieu d’utiliser « divisible ». L’auteur interprète leur choix de l’expression « également divisible » pour assurer la signification du concept.

L’auteur considère qu’il est important d’utiliser le terme mathématique « divisible » plutôt que « complètement divisible » car d’après elle, lorsqu’un adjectif ou un adverbe est ajouté au nom d’un concept mathématique donné, il en modifie la signification ; c’est le cas par exemple pour les deux notions de relation d’ordre et de relation d’ordre total. Elle ajoute en

outre que l’acquisition du langage de la communauté mathématique est essentielle pour l’objectif d’une communication réussie.

I.3 Travaux relatives à la structuration des entiers autour des nombres premiers