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Première partie : les terrains, les éléments de méthodologie, d’épistémologie et le cadre théorique

Chapitre 2 : Apprentissages, savoirs et connaissances

2.1 Les théories des apprentissages

2.1.1 Les théories béhavioristes et cognitivistes des apprentissages

Le courant béhavioriste en psychologie présente de nombreuses limites. Son interprétation des conduites humaines comme un ensemble de relations bijectives entre des comportements et des stimuli, cette orthodoxie positiviste méconnaissant précisément ce qui se jouait entre ces stimuli et ces comportements, tout comme son inhibition à penser la question du sens et de l‟interprétation, ont conduit à son dépassement. Néanmoins, ce n‟est pas parce qu‟une démarche théorique manifeste des insuffisances que l‟on ne peut souligner la pertinence de certains des ses apports. Les approches béhavioristes ont développé différentes contributions sur la question des apprentissages qui semblent partiellement opératoires pour une analyse des apprentissages, notamment par certains des effets qu‟elles objectivent.

La théorie d‟Edward Thornike, qui repose sur un schéma d‟apprentissage associationniste de type stimulus-réponse et sur un principe de renforcement de cette association, est parmi les premières théories béhavioristes à prendre l‟apprentissage comme objet d‟étude. Sa perspective a mis en évidence le rôle fondamental des conséquences du comportement dans la constitution d‟un apprentissage. Il identifie ce qu‟il appelle une loi de

l’effet qui énonce que l‟assimilation d‟un comportement est fonction de ses conséquences

puisque son renforcement est directement lié à la satisfaction que procure l‟effet qu‟il produit (Thornike, 1913). D‟après ses observations expérimentales réalisées sur des animaux, le sujet de l‟expérience sélectionne le comportement adéquat en fonction de la satisfaction que ce dernier procure, délaissant ceux qui sont inadaptés. Il existe donc un apprentissage graduel de la réponse correcte dans le cas des apprentissages par essais et erreurs. La performance, c‟est-à-dire la sélection opportune du comportement adéquat à la résolution du problème, est améliorée progressivement et régulièrement d‟essais en essais. Il s‟agit donc d‟un apprentissage continu lié à une augmentation de la connexion entre une situation problématique et une réponse efficace pour sa résolution. Trois notions me semblent importantes à retenir dans ce travail : la notion de satisfaction comme moteur de l‟apprentissage, la notion de continuité dans la progression, et la notion de sélection d‟une réponse efficiente. L‟importance de la satisfaction que procure une réponse comme principe de renforcement est discutée par Watson et Guthrie. Pour Watson, ce n‟est pas tant la question de l‟effet qui importe que la question de la fréquence (Watson, 1925). Il parle, pour sa part,

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d‟une loi de fréquence qui explique l‟apprentissage par le nombre de fois où un stimulus et une réponse sont associés. L‟accent est donc mis ici sur la répétition de situations identiques comme facteur explicatif des apprentissages. Guthrie, qui refuse à la suite de Watson la nécessité d‟un renforcement par l‟effet, argumente en faveur de ce qu‟il appelle une loi de

contiguïté (Guthrie, 1952). L‟apprentissage est produit, pour lui, par la création d‟un lien de

contiguïté temporelle entre des stimuli et une réponse. Si un comportement est lié à une situation donnée, le sujet aura tendance à renouveler le même comportement lorsque cette situation se représentera. On retiendra ces deux notions de fréquence et de contiguïté.

Je ne vais pas reprendre ici de manière détaillée les arguments critiques qui dénoncent la démarche béhavioriste. J‟estime pour ma part que la simple réduction d‟un apprentissage à une relation stimulus-réponse est en soi suffisamment éloquente pour mettre en doute les interprétations béhavioristes de l‟apprentissage. Mais, il n‟en demeure pas moins qu‟attirer l‟attention sur le rôle de la satisfaction, de la sélection, de la fréquence, de la continuité et de la contiguïté, produit en soi des clés opératoires pour l‟analyse des apprentissages. La notion de fréquence, qui entretient un lien logique étroit avec la notion de régularité mobilisée dans la théorie de la pratique, ou encore la notion de sélection et de satisfaction, qui sont parties prenantes des processus d‟individuation et d‟appropriation, sont des notions qui possèdent ces capacités analytiques. Néanmoins, ces développements théoriques mobilisés par les théories béhavioristes voient leurs capacités de description des phénomènes d‟apprentissage croître avec les approches cognitivistes. En effet, elles ne conçoivent plus les apprentissages uniquement comme des modifications du comportement, mais comme des changements dans les structures de représentations mentales25.

Si l‟on peut reprocher au cognitivisme une fâcheuse tendance à naturaliser les processus mentaux, et donc à omettre leurs conditions sociales de possibilité (Lahire, Rosental, 2008), la rigueur analytique de ses théories a permis également de mettre en exergue certains principes fonctionnels du processus d‟apprentissage des plus intéressants. En abordant l‟apprentissage comme un processus de constitution des connaissances ne pouvant pas être résumé à une relation entre un stimulus et sa réponse, les premières théories cognitivistes ont insisté sur la discontinuité du processus d‟apprentissage. Ce dernier est dès lors appréhendé comme un processus cognitif d‟élaboration de solution au problème posé.

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Cette appréhension de la pensée comme une suite d‟états mentaux est fondamentalement discutée par le pragmatisme et notamment par Charles Sanders Peirce qui insiste davantage sur la caractéristique de continuité de la pensée. Il met en avant que les états mentaux n‟ont de sens qu‟en relation les uns avec les autres, jamais comme entités discrètes (Voir Fabbrichesi, 2007). Néanmoins, malgré cette limite de la prémisse cognitiviste, les travaux qui s‟en réclament ont mis en avant des processus pertinents pour l‟analyse que je développe.

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Pour Köhler, la compréhension de la situation par les individus est centrale dans le processus, et repose sur ce qu‟il appelle la structuration de la situation. L‟organisation entre les éléments de la situation conduit à la découverte soudaine de la solution, une résolution soudaine qu‟il propose de conceptualiser sous le terme d‟insight. Tolman, quant à lui, met davantage l‟accent sur la notion d‟intention. Il souligne que les comportements, et les apprentissages qui les produisent, ne peuvent être pris en considération qu‟en tenant compte des buts que poursuivent les individus. Plutôt appréhendés sous l‟angle de l‟acquisition d‟informations sur le monde extérieur, les apprentissages sont envisagés comme une production de nouvelles connaissances utilisées pour planifier une action et atteindre un but. Ces expériences ont mis en évidence l‟existence d‟apprentissage latent, c‟est-à-dire d‟apprentissage se réalisant, mais qui néanmoins ne se manifeste pas nécessairement. Il s‟agit dès lors de concevoir l‟apprentissage comme des acquisitions de connaissances indépendantes de leurs manifestations comportementales. Les notions de mémoire et d‟information, et leur corréla le traitement de l‟information, deviennent alors les pierres angulaires des démarches cognitivistes (Roulin, 2006). Les situations d‟apprentissage engagent, dans cette perspective, des mécanismes de sélection et de mémorisation des informations contenues dans l‟environnement. Dès lors, les cognitivistes vont dégager deux grandes catégories de situation : les apprentissages par l‟action et les apprentissages par le tutorat (George, 1990). L‟apprentissage par l‟action produit un mécanisme de rétroaction informatrice, c‟est-à-dire que l‟analyse de la conséquence des actions réalisées permet des acquisitions de connaissances et de procédures d‟action. L‟apprentissage par tutorat repose pour sa part sur la transmission directe (intersubjective) ou médiatisée (par des supports d‟information), donc sur des rapports engageant des interprétations.

Les travaux cognitivistes mettent également l‟accent sur une multiplicité de processus permettant l‟acquisition de connaissances. Il peut s‟agir d‟un accroissement des connaissances par accumulation d‟informations spécifiques à un domaine. L‟acquisition peut également nécessiter une restructuration, donc un traitement combinatoire d‟informations. Mais, dans les deux cas de figure, ces processus reposent sur différents types d‟opérations cognitives qui permettent de produire des connaissances à partir de la confrontation entre anciennes et nouvelles structures d‟informations. Parmi ces opérations constitutives d‟un traitement de l‟information, au principe des apprentissages, certaines sont centrales pour l‟analyse des

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apprentissages professionnels. Le transfert analogique est notamment très pertinent pour comprendre le travail de l‟expérience biographique. Cette opération conduit un individu mis dans une situation nouvelle à interroger des situations analogues passées. En se fondant sur des relations de similarité pour appréhender l‟analogie ou l‟isomorphisme des situations, l‟apprenant va extraire les connaissances acquises dans ces situations passées pour les mobiliser dans la résolution des problèmes qui se présentent à lui. Et c‟est précisément en interrogeant les contextes d‟action et les liens de similarité qu‟ils entretiennent que l‟on pourra apprécier l‟effet des cadres sociaux sur la conformation des schèmes d‟action. Cette potentialité d‟apprentissage, intrinsèque à l‟activité d‟expérimentation professionnelle (que je traiterai en détail dans le chapitre 7), devient pleinement intelligible si l‟on prend en compte ces autres opérations cognitives que sont l‟induction et la formulation d’hypothèse. Que le sujet apprenant adopte une démarche qui soit tantôt inductive, tantôt hypothético-déductive, durant ses apprentissages professionnels, c‟est-à-dire qu‟il puisse inférer des règles générales à partir des régularités qu‟il a observées dans de multiples situations ou qu‟il puisse produire des hypothèses à partir de ses expériences et connaissances passées afin de les mettre à l‟épreuve, est particulièrement pertinent pour discuter la question du sens pratique puisque ces deux opérations cognitives requièrent la conscientisation et une forme de réflexivité.

De fait, cette question de la conscience est au centre de ce travail de recherche. La sociologie de l‟action repose notamment sur ce débat entre tenant de l‟action intentionnellement motivée et ceux de l‟action incorporée. Et l‟élément central qui distingue leurs dispositifs conceptuels est précisément la place qu‟il accorde à l‟intentionnalité et à la conscience (Déchaux, 2002). En sciences cognitives, cette distinction renvoie à une différenciation des mémoires mobilisées durant l‟action. Pour ce travail, les oppositions entre la mémoire déclarative et la mémoire procédurale, d‟une part, et entre la mémoire implicite et la mémoire explicite, d‟autre part, vont permettre de poser la question de l‟incorporation en l‟intégrant dans le processus d‟apprentissage. Le premier couple mnésique d‟opposition renvoie à une distinction entre la connaissance de quelque-chose (knowing that) et la connaissance d‟un savoir-faire (knowing how). Ce sont deux organisations mnésiques distinctes que pose Larry Squire lorsqu‟il parle de mémoire déclarative ou procédurale (Squire, 2002). L‟information sollicitée sous le régime de mémoire procédurale spécifie un plan d‟action à l‟individu et est donc, en ce sens, prescriptive. Cette notion permet de rendre compte de l‟acquisition d‟habilité qui s‟exprime au cours de l‟activité du sujet. Les connaissances procédurales ne peuvent faire l‟objet de rappel conscient verbalisable. Elles ne

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sont pas dicibles, contrairement aux connaissances déclaratives. La psychologie cognitive distingue dès lors la description du « comment fait-on ? », qui est une connaissance déclarative, de la connaissance procédurale proprement dite qui est mobilisée dans l‟activité. Les connaissances décrivant le plan d‟action sont considérées comme distinctes des plans d‟action eux-mêmes. Cette dimension pratique de la mobilisation de connaissances devient plus évidente avec l‟opposition entre mémoire implicite et mémoire explicite proposée par Graf et Schacter (Graf, Schacter, 1985). Ces derniers n‟impliquent pas l‟existence de deux organisations mnésiques distinctes, mais décrivent deux modes différents de mobilisation des connaissances. La mémoire implicite se manifeste durant des tâches qui ne requièrent pas une récupération d‟informations spécifiquement consciente ou intentionnelle. La mémoire explicite, en revanche, est mobilisée lorsque la récupération d‟informations se fait consciemment et lorsque cette conscientisation est prescrite par la tâche. Le recours à des modes de mobilisation différenciés, et non plus à deux entités d‟organisation mnésiques, permet alors de penser la connaissance en termes d‟usage, donc de pratique. Et cette capacité différentielle à mobiliser une connaissance de manière consciente ou non doit être interrogée afin d‟appréhender le phénomène d‟incorporation et la relation entre les savoirs et les dispositions.

Et, sur la question des apprentissages, la mobilisation des savoirs n‟est pas le seul phénomène qui interroge la question de la conscientisation. Car on peut également se demander si l‟on peut apprendre sans faire attention, c'est-à-dire sans avoir conscience de ce que l‟on va constituer en connaissance. A ce sujet, les travaux d‟Artur Reber sont particulièrement intéressants puisqu‟ils ont mis en évidence l‟existence d‟apprentissages non intentionnels (Rebert, 1969). Néanmoins, si l‟intentionnalité ou la conscience de l‟activité d‟apprentissage ne sont pas nécessaires pour qu‟un processus d‟acquisition opère, l‟auteur souligne le rôle des facteurs attentionnels dans les apprentissages. Il est possible d‟apprendre sans intention d‟apprendre, mais pas sans prêter attention à ce qu‟on apprend. Cette considération est importante pour l‟analyse des activités d‟apprentissages professionnels puisque les situations dans lesquelles se trouvent les ouvriers sont d‟abord des situations de travail, et elles sont appréhendées comme telles avant d‟être des situations d‟apprentissage, c‟est-à-dire avant d‟être des situations pensées en termes d‟apprentissage et d‟acquisitions. De plus, cette question de l‟attention devient centrale si l‟on veut différencier les processus

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élaboratifs et les processus activateurs. Le processus élaboratif structure et organise une connaissance à partir d‟éléments divers et indépendants. Il produit des relations et implique dès lors un traitement attentionnel des éléments en question. Le processus activateur permet pour sa part un accès rapide et direct au résultat, c‟est-à-dire qu‟il mobilise la relation déjà acquise sans devoir la reconstituer, donc sans devoir prêter attention aux éléments ou aux étapes constitutives. On voit donc que l‟attention est une condition nécessaire à l‟apprentissage de nouvelles connaissances. Néanmoins, cette attitude attentionnelle ne suffit pas à leur consolidation, cette dernière demande un principe de répétition, donc de régularité des situations mobilisant les éléments associés. On voit dès lors comment ces acquis de la science cognitive peuvent venir nourrir une sociologie dispositionnaliste.

Certains psychologues n‟abordent pas le processus d‟apprentissage uniquement du point de vue intrasubjectif, mais l‟analysent comme un phénomène intersubjectif. Ils parlent alors d‟apprentissage en situation sociale. Ils ont dégagé trois formes principales d‟apprentissage par tutorat ou en situation sociale : l‟apprentissage par observation et

imitation, le modelage et l‟apprentissage coactif. La première forme d‟apprentissage,

l‟apprentissage par observation et imitation, implique la présence d‟un modèle à imiter, d‟un sujet observateur et d‟une série de stimuli (Robert, 1970). Il y a un apprentissage par observation si après une certaine séquence d‟évènements (les stimuli), le comportement de l‟observateur est modifié comme si ce dernier avait été lui-même engagé dans la séquence d‟évènements. L‟apprentissage par observation donne alors lieu à une imitation. Dans le cas où le comportement reproduisant la séquence d‟évènements n‟a pas lieu, on peut inférer que les informations extraites lors de la phase d‟observation peuvent être utilisées afin de justement ne pas reproduire le comportement du modèle. On perçoit d‟emblée les limites de cette théorie qui omet que, dans les apprentissages concrets, on interagit rarement avec un seul modèle.

La théorie des apprentissages d‟Albert Bandura, qui repose sur la notion de modelage, complexifie l‟analyse des apprentissages en situation sociale en la faisant reposer sur des processus fondamentaux (Bandura, 1977). Il met d‟abord en avant l‟importance des processus

attentionnels. Ces derniers permettent de sélectionner dans l‟environnement les modèles

observés et les informations que l‟on extrait des observations. L‟importance de ces processus est fondamentale pour cette recherche puisqu‟elle lui permet d‟introduire deux notions cardinales : la contingence et la légitimité. La contingence permet de mettre en avant le principe aléatoire dans la constitution du champ des possibles de cette sélection de modèles,

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renvoyant dés lors aux facteurs sociaux permettant ou non la présence d‟un modèle, des facteurs sociaux qui fonctionnent donc comme un processus de « présélection ». La légitimité donne un principe explicatif de la hiérarchie présidant à ces sélections, et elle réintroduit dès lors la dimension sociale dans ces processus attentionnels. On comprend l‟importance des facteurs attentionnels dans la sélection lorsque l‟on appréhende qu‟ils représentent des éléments centraux de ce qui fait de l‟apprenant un sujet, c‟est-à-dire un individu doué d‟une capacité à agir et à choisir. On ne peut sortir d‟une représentation de l‟apprenant comme réceptacle passif si on ne trouve pas les processus que ce dernier mobilise afin d‟exister activement dans les apprentissages intersubjectifs. En ce sens les processus motivationnels mis en avant par Bandura apportent une ébauche de réponse. Ces processus déterminent, parmi les acquisitions effectuées par observation, quels comportements seront sélectionnés et exécutés, donc quels acquis seront consolidés.

Pour Bandura nous ne traduisons pas en action tous les acquis, nous les sélectionnons. Et il identifie trois facteurs de renforcement des comportements, des facteurs qui nous poussent à les reproduire. Il parle tout d‟abord d‟un renforcement direct lié à l‟évaluation positive ou négative de l‟efficacité des comportements observés. Il évoque également un principe d‟autorenforcement qui provient de la satisfaction générée par l‟obtention du résultat visé lors de la reproduction du comportement. Il parle enfin de ce qu‟il appelle le renforcement vicariant. Ce type de renforcement s‟opère durant la phase d‟observation et découle de l‟observation d‟une conséquence indirecte associée au comportement du modèle. Le renforcement vicariant implique donc l‟observation de conséquences plaisantes ou déplaisantes dans le comportement du modèle (comme une récompense ou une sanction), lesquelles facilitent ou inhibent la reproduction de ce comportement. Il reste néanmoins une question que la théorie du modelage n‟aborde pas : comment l‟apprenant acquiert les critères d‟évaluation qui mobilisent tous ces facteurs de renforcement ? Comment l‟apprenant sait-il qu‟une action observée est efficace ou qu‟une conséquence est positive ou négative ? Mais, surtout, dans un monde social où l‟ambigüité et l‟ambivalence sont souvent de mise, comment les apprenants peuvent-ils partager un système d‟évaluation similaire permettant cette reproduction? Ici encore, on voit poindre la question de l‟individuation.

L‟apprentissage coactif renvoie aux situations où les apprentissages n‟impliquent plus de période liminaire d‟observation, mais découlent de la réalisation d‟une séquence d‟actions

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par des co-acteurs qui peuvent s‟influencer mutuellement. Un des apports majeurs de ce type de recherche est la théorie du conflit socio-cognitif. Cette théorie explique le bénéfice des apprentissages en coaction par la confrontation des points de vue des différents acteurs. Cette confrontation est source de déséquilibre : les acteurs proposent des interprétations ou des conclusions différentes lors de la résolution de situations-problèmes. Le conflit socio-cognitif est double : d‟abord un conflit intersubjectif, duquel découle un conflit intrasubjectif qui remet en cause et modifie le point de vue du sujet apprenant. La rééquilibration intra-individuelle provient de la nécessité de coordonner les opinions divergentes. C‟est le processus même de négociation qui est facteur d‟apprentissage puisque ce dernier repose sur l‟appropriation subjective des réponses élaborées en coaction, donc sur la restructuration des connaissances initiales de l‟apprenant qui entrent en conflit avec les connaissances d‟autrui (Mugny, 1985).

La coaction n‟implique pas nécessairement le conflit, Michel Gilly identifie quatre niveaux d‟interaction. Des apprentissages effectués sous un régime de co-élaboration

acquiésante où un seul des acteurs réalise la tâche et où l‟autre manifeste ou non son

approbation. Dans ce cas de figure, c‟est l‟attention portée sur l‟exécutant qui produit un effet mobilisateur et agit comme un renforcement. Les apprentissages peuvent également être le fruit d‟une co-construction. Dans ce cas, les acteurs participent alternativement à la réalisation de la tâche, mais ils n‟expriment aucune divergence sur le modus operandi à employer. L‟apprentissage procède ici de l‟influence réciproque des démarches mobilisées pour l‟exécution de la séquence d‟action. Guilly parle également d‟apprentissage par confrontation

avec des désaccords non argumentés, qu‟il oppose à la confrontation contradictoire avec argumentation. Dans la seconde, l‟apprentissage repose sur l‟évolution argumentative de la