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Première partie : les terrains, les éléments de méthodologie, d’épistémologie et le cadre théorique

Chapitre 2 : Apprentissages, savoirs et connaissances

2.2 La didactique professionnelle

La didactique professionnelle, appelée aussi didactique des savoirs professionnels, est une branche de la didactique qui s‟intéresse spécifiquement aux manières dont les compétences professionnelles se construisent et se transmettent. Initialement, elle s‟est distinguée de la didactique des disciplines en centrant davantage ses analyses sur le concept d‟activité plutôt que sur celui de savoir. Elle a, néanmoins, réintroduit l‟analyse des savoirs dans son analyse de l‟activité, complétant ainsi son approche des apprentissages professionnels dans le souci de donner sa place à ce qui touche à la formation aux métiers (Lenoir, Pastré, 2008). A côté du constructivisme piagétien et du socioconstructivisme vygotskien, la didactique professionnelle articule les apports des cadres conceptuels des didactiques des disciplines et de la psychologie du travail, notamment celle de l‟ergonomie cognitive (Pastrè, 2002). Elle développe donc, de manière inégale selon les auteurs, un schéma analytique articulant plusieurs dimensions de l‟activité professionnelle.

La didactique professionnelle mobilise plusieurs concepts clés pour une analyse des apprentissages et, par extension, de la socialisation. Son concept central est la notion

d’activité. Le recours à cette notion vise à mettre en avant la dimension proprement

constructive de l‟activité professionnelle, c‟est-à-dire sa capacité à produire des apprentissages et à ne pas se résumer à une application de savoir acquis (Rabardel, 2005 ;

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Pastré, 2008). Mettre en avant le pouvoir constructif28 des activités dans le développement des individus est central si l‟on veut poser la première condition de possibilité de la socialisation professionnelle : cette capacité des activités professionnelles à transformer les individus29. Le travail ne se résume donc pas à une activité productive, mais participe pleinement du processus d‟acquisition, même au-delà de son moment productif : « Parmi les différences

qu’on peut observer entre-elles [entre l‟activité productive et l‟activité constructive], il en est une qui est d’importance : pour une action donnée, l’activité productive se termine avec la fin de l’action (le but atteint ou échoué) ; alors que l’activité constructive peut se poursuivre bien au-delà, puisque l’agent peut toujours apprendre de son action passée. » (Pastré, 2008, p.

54-55).

Pastré souligne qu‟il s‟agit bien ici d‟un renversement de nature épistémologique dans la manière d‟envisager, par rapport aux apprentissages, la relation entre l‟activité et le savoir. Dans l‟approche traditionnelle, en didactique des disciplines par exemple, l‟objet de l‟apprentissage est un savoir et l‟action ne sert que de modalité d‟acquisition de ce savoir. Si l‟on importe ce modèle pour l‟analyse des activités professionnelles, on mobilise un schème qui, bien qu‟il soit valable pour les institutions dont la vocation est la transmission des savoirs, n‟est que peu opérant pour ceux où les apprentissages sont inextricablement mêlés à la production, où l‟activité ne vaut pas uniquement pour les savoirs qu‟elle produit. En effet : « la manière habituelle que nous avons de concevoir les rapports entre activité et savoirs est

généralement calquée sur la manière dont on comprend les rapports entre théorie et pratique : la pratique comme simple application de la théorie, ce qui revient à ignorer toute la dimension constructive de l’activité humaine. Si on pense que la pratique ne sert qu’à appliquer une théorie préalablement constituée, on passe à côté de la dimension constructive et créatrice de l’activité, même si celle-ci reste par bien des côtés énigmatique, car elle échappe en grande partie à la conscience des acteurs » (Pastré, 2008, 56). On peut

néanmoins noter la proximité entre les notions de pratique et d‟activité, même si cette dernière notion cherche à échapper au dualisme auquel renvoie la première. On peut, en ce sens, suivre Bruno Latour pour qui la pratique est un terme sans contraire applicable à la totalité des

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Cette analyse de l‟activité repose sur la distinction mobilisée par Rabardel entre activité productive (en travaillant, l‟homme transforme le réel) et activité constructive (en transformant le réel l‟homme se transforme lui-même).

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Par exemple, Catherine Peyrard souligne que le travail collectif est en soi source d‟apprentissage : « Les connaissance industrielles ne sont pas des savoirs pour soi. Elles émergent dans

l’appartenance à un groupe. Ainsi, elles naissent de l’échange, de la confrontation des arguments de chacun dans le partage de l’activité commune » (Peyrard, 1990, 307).

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activités humaines, la théorie étant le produit d‟une pratique spécifique (Latour, 1996) ; et Vergnaud lorsqu‟il avance que « au début, n’est pas le verbe, encore moins la théorie. Au

début est l’action, ou mieux encore l’activité adaptative d’un être dans son environnement »

(Vergnaud, 1996, p. 275). Le rapprochement entre la didactique professionnelle et la théorie de la pratique que je mobilise dans mon cadre conceptuel ne souffre pas outre mesure de cette opposition entre théorie et pratique (laquelle reste une représentation antinomique que l‟usage du terme activité s‟emploie justement à réduire). En effet, les points de concordance dans le rapprochement entre la notion d‟activité et celle de pratique supplantent les points d‟achoppement. La notion de pratique met davantage l‟accent sur la structuration de l‟action alors que l‟activité insiste sur son aspect volitif, créatif et évolutif. Ces notions sont donc complémentaires.

Un des autres concepts clés de la didactique professionnelle est celui de schème

opératoire. Importé de la théorie piagétienne par Vergnaud (Vergnaud, 1996), il est mobilisé

pour appréhender cette organisation de l‟activité qui articule invariance et adaptation aux circonstances. Une maîtrise de l‟activité ne consiste pas à reproduire un même mode opératoire, mais à ajuster ce dernier à une situation, donc à intégrer dans le mode opératoire les modulations qui le rendront justement opératoire. Néanmoins, si ce mode opératoire ne comprenait pas une part d‟invariance, l‟activité ne pourrait se reproduire de manière régulière et efficace. Suivant ainsi Piaget, la didactique professionnelle conçoit cette invariance comme étant de nature conceptuelle. Elle parle alors d‟invariant opératoire pour désigner des propriétés de la situation qui permettent d‟orienter l‟action. Ces éléments conceptuels servent au diagnostic de la situation par les acteurs : ce sont des invariants organisateurs de l‟action. Ce ne sont pas des connaissances discursives, théoriques, mais bien ce qui pourrait s‟approcher de savoirs incorporés, de savoirs existant sous la forme opératoire de la mémoire implicite. Contrairement à la conception piagétienne, ces invariants ne renvoient pas à un objet donné, mais spécifiquement à un domaine précis et limité de l‟action : conduire un dispositif technique, concevoir un dispositif, assembler une pièce, effectuer un diagnostic. Ils sont davantage attachés au verbe qu‟à l‟objet.

L‟emploi du concept de schèmes opératoires pour thématiser ces deux dimensions de l‟activité que sont la régularité et la variation des situations de travail amène Pierre Pastré à distinguer un modèle cognitif et un modèle opératif agissant durant le développement de

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l‟activité : « Le modèle cognitif d’un sujet est constitué de l’ensemble des savoirs dont dispose

ce sujet pour comprendre le fonctionnement d’un objet. Ainsi, le modèle cognitif d’un conducteur de centrale nucléaire est constitué par l’ensemble des relations de détermination existant entre les variables qui caractérisent l’objet centrale nucléaire : puissance, radioactivité, masses, débits, pressions, températures, etc. Le modèle opératif d’un sujet est d’abord défini par un but : par exemple, conduire un système technique, ou le dépanner, ou le concevoir, etc. Ce but permet de sélectionner des concepts organisateurs qui servent de fondement à un diagnostic de situation. C’est pourquoi un modèle opératif constitue une déformation par rapport au modèle cognitif qui lui correspond » (Pastré, 2008, p. 56-57). Le

but de l‟action et le diagnostic de la situation d‟action orientent le modèle opératif mobilisé par l‟acteur. Ce modèle opératif est porteur d‟invariants organisateurs, mais également d‟indicateurs prélevés dans la situation, des indicateurs qui permettent une évaluation des variations concrètes que cette situation d‟action implique. Ce modèle opératif va permettre de générer une catégorisation des situations en grandes classes qui permettent d‟orienter l‟action : à chaque classe de situations correspond une procédure adaptée. Un modèle opératif est donc construit autour du but de l‟action et de propriétés essentielles de la situation requises pour piloter l‟action. Cette structure but-propriétés est appelée structure conceptuelle de la

situation par Pierre Pastré. Elle permet de décrire les stratégies mobilisées par les individus

pour atteindre un objectif, notamment lorsqu‟il existe plusieurs chemins possibles pour l‟atteindre. On appréhende aisément le lien qui peut être établi entre la perception d‟indicateurs de situation et la constitution des schèmes de perception de la théorie bourdieusienne, ou entre les catégorisations de classes de situations et les schèmes de classification. On comprend également le lien existant entre invariance et régularité.

Dans la théorie de l‟activité telle que la conçoit la didactique professionnelle, le modèle opératif s‟articule au modèle cognitif. Le modèle cognitif peut être explicite, il peut même être de nature scientifique, mais il peut tout aussi bien relever du registre de l‟implicite et de l‟informel, notamment lorsque le corps de savoir n‟est pas suffisamment défini pour valider a priori les modèles opératifs mobilisés. Pastré distingue deux grandes modalités d‟articulation entre le modèle cognitif et le modèle opératif : l‟une où le modèle cognitif est appris indépendamment du modèle opératif, en amont d‟une élaboration du modèle opératif durant l‟activité ; l‟autre où modèle cognitif et modèle opératif sont élaborés dans le même mouvement, le modèle cognitif étant alors de nature empirique et fondé sur la performance de l‟action. La première modalité d‟articulation renvoie au phénomène où des acquisitions

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théoriques, techniques ou scientifiques, sont nécessaires à l‟élaboration du modèle cognitif car elles ne peuvent être apprises par l‟exercice immédiat de l‟activité. Dans ce cas de figure, ces acquisitions de savoirs sont des conditions nécessaires, mais néanmoins non suffisantes. En effet, la pratique ne consiste pas à appliquer un modèle cognitif mais à élaborer un modèle opératif à partir de ce modèle cognitif et des validations ou des invalidations survenant durant l‟activité. Il existe ici un double apprentissage : en amont de l‟activité et durant la mise à l‟épreuve des modèles cognitifs, modulés en fonction des situations de mise en pratique : « l’apprentissage pratique consiste alors à réorganiser le modèle cognitif en fonction du but

de l’action pour le faire servir au diagnostic de situation » (Pastré, idem, 58). L‟autre

articulation induit une élaboration conjointe du modèle cognitif et opératif par un apprentissage sur le tas, en « immersion ». La performance de l‟action devient le critère de la pertinence du modèle cognitif qui est alors de nature empirique. En somme le modèle cognitif se voit infirmé ou confirmé par l‟épreuve des faits et le modèle opératif s‟ajuste en fonction des justifications empiriques.

Pour développer ses analyses de l‟activité, Pastré emprunte à Vergnaud la distinction entre deux formes de la connaissance : la forme opératoire et la forme prédicative (Vergnaud, 1996). Si l‟on peut les rapprocher des notions de mémoire déclarative et de mémoire procédurale, la spécificité de la perspective de Vergnaud est qu‟il ne s‟agit pas d‟une distinction substantialiste entre deux types de connaissances Ŕ des connaissances de type procédural et des connaissances de type déclaratif, mais bien de deux formes distinctes que peut recouvrir une même connaissance. Une connaissance donnée peut, selon lui, prendre deux formes, une forme opératoire et une forme prédicative. Cela induit qu‟il existe de nombreuses transformations d‟une forme dans une autre et que : « l’observation de ces

transformations et articulations diverses sera une manière de suivre à la trace le processus d’apprentissage » (Pastré, op cit, 59). Il s‟agit bien ici de deux modes distincts de

mobilisation de connaissances, deux processus différenciés, dont on verra par la suite qu‟ils sont au cœur de la construction et de la mobilisation des dispositions. Ce qui est mis en avant est la capacité d‟une connaissance à s‟investir dans l‟action pour la piloter ou à se constituer en savoir-objet pour être transmis comme un patrimoine30, donc deux manières qu‟a le savoir

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Et la dimension analogique introduite dans cette proposition par la conjonction de subordination « comme » à son importance.

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d‟agir. Vergnaud emploie le terme de forme prédicative de la connaissance et ne la résume pas à sa manifestation déclarative.

Il entend mettre en exergue que si la forme prédicative de la connaissance a besoin du langage pour être exprimée, et renvoie ainsi à un registre discursif, sa spécificité est surtout d‟appréhender le réel comme un ensemble d‟objets, de propriétés et de relations : « elle

identifie dans le réel, des objets, des propriétés de ces objets, des relations entre ces objets et ces propriétés et les énonce pour les constituer en un savoir » (Pastré op. cit, 59). La forme

opératoire de la connaissance renvoie au concept piagétien de schème et d‟invariant opératoire avec son double mouvement d‟assimilation et d‟accommodation. Il s‟agit de cette forme de la connaissance mobilisée dans l‟adaptation aux situations concrètes. Elle ne se présente pas sous une forme déclarative sans pour autant être indicible. Il existe en effet un lien étroit entre ces deux formes de connaissance puisqu‟une situation comporte aussi des objets, des propriétés et des relations que les individus doivent maîtriser pour parvenir à adapter leur pratique, et ce, bien qu‟ils ne les conscientisent pas explicitement. On est en présence de deux registres de conceptualisation, deux domaines de représentation et d‟abstraction : un registre épistémique dont le but est de comprendre et d‟identifier les éléments d‟une situation donnée ; et un registre pragmatique dont l‟objectif est la réussite de l‟action par l‟établissement de relations entre les informations sur la situation et le répertoire d‟actions disponibles. Il faut remarquer qu‟au sens piagétien, un concept ne peut pas être transmis mais doit toujours être construit par l‟apprenant.

Dès lors, l‟évolution conjointe des modèles cognitifs et opératifs vers davantage d‟adéquation permet de comprendre l‟apprentissage selon ces deux registres épistémique et pragmatique. La relation d‟un individu à son activité sera différente de celle d‟un autre en fonction des configurations de modèles cognitifs et opératifs qu‟il sera en mesure de mobiliser. Des différences qui sont directement liées à sa socialisation, à ce qu‟il partage avec le groupe et à ce qui l‟en différencie, mais surtout à ce que le groupe réalise pour engager le processus socialisateur : « car la grande avancée qu’apporte Vygotski consiste à nouer dans

sa théorie constructivisme et médiation […] tous ces éléments nous montrent comment un sujet apprend à conceptualiser grâce à la médiation d’autrui » (idem).

Ce que l‟on peut noter dès maintenant, c‟est que si la connaissance peut être mobilisée selon deux formes distinctes, l‟appartenance, qui est d‟abord un acte de re-connaissance, le peut également. On peut donc déjà avancer l‟idée que si l‟appartenance est une connaissance, ou découle d‟une connaissance, elle peut se manifester sous deux formes : une forme

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prédicative, qui renvoie à l‟appartenance exprimée de manière discursive ; et une forme opératoire, qui est une appartenance en actes. Dès lors la forme des actes, leur structure tendancielle Ŕ en somme le type de pratiques mobilisées Ŕ doit permettre de différencier des types d‟appartenance.

Mais les apports de la didactique professionnelle ne se limitent pas à une construction de modèles d‟apprentissage. Un des principaux intérêts de son approche réside dans la manière d‟appréhender la question du développement de l‟activité. En fait, comme le souligne Patrick Mayen : « l’analyse de l’activité en didactique professionnelle comporte une analyse

du développement […] certaines configurations semblent porteuses de possibilités de développement alors que d’autres semblent au contraire les réduire. A partir de là, nous faisons l’hypothèse que l’analyse de ces configurations constitue une source inexplorée pour comprendre les voies par lesquelles des humains parviennent à se transformer pour agir sur le monde ou à transformer le monde pour s’y adapter » (Mayen, 2008, p. 109). L‟étude des

processus d‟apprentissage ne conduit plus à interroger uniquement la didactique de l‟activité, mais également le développement de l‟activité comprise comme développement des compétences. Cette perspective déplace la problématique du registre strictement didactique à celui de la socialisation puisqu‟elle veut cerner les conditions dans lesquelles les compétences entendues comme pouvoir d‟agir s‟expriment, se forment et se développent (Rabardel, 2005). En effet, le développement des compétences est aussi le développement du social dans l‟individu puisque ce développement fait de lui un être socialement situé. Il inscrit en lui les expériences sociales qui le modèlent. Le développement de l‟activité et le développement de l‟individu dans l‟activité sont des facteurs cardinaux de socialisation. Il faut toutefois se garder de n‟envisager la question du développement que comme un problème de maîtrise de l‟action. Mayen le souligne, ce qui est en jeu dans le développement est également « cette

autre part de l’activité qui lui est liée et qui consiste à trouver des ressources pour l’action, en apprenant de celle-ci ou des relations avec les autres » (Mayen, 2008, p. 113). Trouver les

ressources pour agir et pour résoudre des problèmes, apprendre de son expérience, est le corrélat d‟une maîtrise de l‟action et participe du développement. Car dans le milieu professionnel, la question des ressources renvoie notamment à la question des compétences sociales qui se développent avec la socialisation.

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médiation deviennent les pierres angulaires d‟une compréhension du processus de socialisation professionnelle. La zone prochaine de développement, car elle exprime ce champ des possibles, à la fois potentialité et incertitude, met en exergue cette caractéristique première de la socialisation : elle est un devenir. Ce champ des possibles, cette zone prochaine du développement de l‟individu, cette précipitation d‟une biographie dans le présent du milieu social, est la socialisation en train de se faire. Elle est ce moment où le rapport au groupe ne s‟est pas encore consolidé, mais existe en germe dans le possible du développement futur. Et, à chacun de ces temps réalisés, les forces sociales sont à l‟œuvre pour tendre vers une forme de devenir. C‟est également une caractéristique de la socialisation qu‟appréhende la zone prochaine de développement. La médiation tient toute sa place dans la « mécanique » de cette trame subtile d‟influences. Une médiation intersubjective, d‟abord, puisque la notion de ZPD renvoie précisément à cette distinction entre la réalisation de l‟action de manière autonome et la réalisation de l‟action grâce à l‟aide d‟un tiers.

Pastré parle en ce sens de double germination puisque selon lui, on ne transfert pas de connaissance mais des germes de connaissance qui se développeront dans le terreau qu‟est l‟activité. Mais, on peut parler également d‟une médiation subjective, car l‟expérience passée, la biographie, contrairement au présent qui se vit dans l‟expérience immédiate, requiert des instances de médiation pour être de nouveau présente (Halbwachs, 1994). On le voit, la perspective développementale, qui mêle progrès et régression, est un point de vue puissamment heuristique pour l‟analyse de la socialisation. Laquelle, dès lors, s‟enracine dans ce que nous apprenons : « les formes de penser et d’agir que nous observons ne sont pas

seulement des adaptations à des conditions ici et maintenant, mais elles portent aussi l’histoire de leur développement, ce qui explique pourquoi des pratiques professionnelles peuvent être aussi différentes dans des conditions données relativement identiques » (Mayen,

2008, 123). Et la socialisation est d‟abord l‟histoire du développement d‟un individu.

La didactique professionnelle met également en avant certaines considérations d‟importance si l‟on veut apprécier adéquatement les apprentissages et, avec eux, le développement individuel. Céline Chatigny et Nicole Vézina, en mobilisant davantage les ressources scientifiques de l‟ergonomie, inscrivent les apprentissages dans une dynamique