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Première partie : les terrains, les éléments de méthodologie, d’épistémologie et le cadre théorique

Chapitre 1 : Eléments de méthode et d’épistémologie

1.4 Quelques éléments d’épistémologie

1.4.2 Empirisme et structure logique du langage

Se dire empiriste, c‟est-à-dire mobiliser la conviction que l‟expérience est la source de toute connaissance et que cette dernière ne peut fonder son heuristique sur des constructions strictement théoriques, n‟est pas suffisant pour donner au lecteur toutes les clés de compréhension des inférences et des raisonnements qui sont produits dans une argumentation scientifique. Il existe, en effet, de multiples courants empiristes, dont certains mobilisent des propositions fondamentalement antinomiques sur le statut des concepts théoriques et sur les conditions de possibilité de leur mobilisation dans l‟activité de connaissance. On peut remarquer, par exemple, de notables différences sur le rôle et la légitimité des propositions théoriques mobilisant des concepts de portée générale, ainsi que sur la manière dont on doit articuler celles-ci aux propositions descriptives.

Le nominalisme réfute par principe la nécessité et la légitimité des concepts théoriques généraux et, partant, les assertions qui s‟appuient sur la force logique de leur construction. Il ne faut rien ajouter aux données de l‟expérience pour développer notre argumentation, les propositions décrivant les données empiriques se suffisant à elles-mêmes. Il s‟agit d‟un premier point qui appelle un positionnement : soit on autorise, dans l‟argumentation, la mobilisation d‟entités explicatives non observables, soit on ne l‟autorise pas. Et ceci est d‟autant plus vrai en sciences sociales où le statut des entités théoriques est un enjeu épistémologique central (notamment à cause des possibles ramifications, dans le domaine politique, du statut réel ou non des objets sociaux).

Au principe de cet antagonisme épistémologique, on trouve la distinction entre les faits et les pensées, entre l‟ordre du sensible et l‟ordre des concepts généraux, mobilisée par l‟entendement pour se représenter le réel. A partir de cette dualité de notre mode de connaissance, on peut s‟assurer de la validité de nos jugements en suivant deux démarches. On peut, tout d‟abord, assurer la cohérence logique du registre conceptuel, ce que Kant appelle l‟ordre des vérités analytiques (Kan, 1990, A7/B1O). On peut ensuite être attentif à ce que nos assertions soient justifiées par des faits objectifs, qu‟elles reposent sur des vérités de fait. La question en jeu dans l‟opposition entre le réalisme et le nominalisme est précisément le statut des vérités analytiques. C‟est-à-dire des assertions ou des concepts dont la validité ne

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repose pas sur l‟observation directe du réel et qui, dès lors, ne dépendent pas directement de l‟empirie.

Pour les nominalistes les vérités fondées sur des constructions logiques ne nous disent rien sur le monde réel. Elles ne sont pas fausses au sens strict, mais elles sont vides, elles ne possèdent aucune réalité substantielle. Dès lors, ces objets conceptuels, n‟entretenant aucun lien avec le monde réel, ne permettent pas de produire une connaissance scientifiquement fondée. Elles n‟autorisent pas le sujet objectivant à assoir ses assertions sur le réel à partir d‟une observation du réel (Ockham, 1996 ; James, 2005). Cette conception d‟une connaissance qui ne peut être fondée que sur les observations empiriques pose plusieurs problèmes, dont celui du statut des objets non observables, mais qui n‟en sont pas moins réels, ou celui du statut des concepts que nous mobilisons pour discriminer l‟ordre du sensible. Le nominalisme pose ce problème de ne pas permettre la mobilisation d‟instance explicative dont l‟observation ne révèle pas l‟existence sensible. Il s‟agit bien d‟une limite. Elle conduit notamment à écarter cette partie de notre expérience du monde fondée sur des éléments qui ne sont pas directement observables et qui ne peuvent qu‟être inférés, dérivés d‟observations.

Dans le monde social, notamment, où les catégories de l‟entendement possèdent leur efficace sur le réel Ŕ en ce sens que croire en l‟existence d‟une chose sociale, c‟est déjà la réaliser, donc la rendre réelle Ŕ, la posture nominaliste ne permet pas d‟intégrer complètement le moment herméneutique. Si la « société », la « nation » ou le « groupe professionnel » n‟ont pas plus de réalité que le concept de « licorne », pour le scientifique qui les mobilise dans ses assertions, on comprend difficilement comment elles peuvent agir sur les individus et pourquoi ceux-ci en tiennent compte dans leur interprétation du monde social. Et donc pourquoi leurs actions sont potentiellement déterminées par ces artefacts idéels au point de les situer socialement. En somme, pourquoi ils les re-connaissent. L‟épistémologie de Dewey, à la suite de Peirce, a soulevé ce problème à partir de la perspective pragmatiste. Guillaume Garreta souligne la position de Dewey sur la question de l‟observabilité des phénomènes : « Est-ce alors à dire que les entités inobservables postulées par les théories ne sont que des

objets de pensée, qui n’ont aucune réalité ? Dewey récuse cette dichotomie, qui semble impliquer que les deux déterminations sont incompatibles, ou que l’une exclut fatalement l’autre. […] Pour Dewey, on ne saurait trouver de critère de démarcation tranchée dans la mesure où l’observation n’est pas une faculté isolée, ne serait-ce que parce qu’elle s’inscrit dans la temporalité d’une enquête, et que cette enquête est une activité produisant un continuum d’objets intermédiaires pour constituer un objet scientifique, point d’arrêt

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provisoire qui résout temporairement certains des problèmes ayant initié l’enquête. »

(Garreta, 2004, 127 et 130).

Cette posture nominaliste induit un autre problème. Elle repose sur ce que Sellars appelle le mythe du donné. Pour bien comprendre quel est ce mythe, on peut mobiliser la controverse qu‟entretient Wilfrid Sellars avec Moritz Schlick sur la relation entre le contenu (la perception sensible qui « remplit » le concept) et la forme (la structure logique du concept qui se « remplit » de perception sensible), une relation constitutive de l‟expérience du réel. Ce débat porte précisément sur le rôle du contenu, de la perception sensible, dans notre faculté de connaître, et, partant, de connaître scientifiquement (voir : Sellars, 1992 et 1989 ; Schlick, 2003 ; Grellard, 2006).

En effet, la question du statut des concepts non directement observables est fondamentalement liée à celle de la relation entre les perceptions et les concepts. Une relation qui anime nos facultés de connaissance. Ce qu‟arguent les nominalistes, c‟est précisément que nous ne pouvons mobiliser aucun élément sensible, aucune observation, pour remplir ces concepts qu‟ils récusent en tant que construction hypostasiée. Que donc, puisque ces concepts n‟entretiennent aucun lien ostensible avec le réel, puisqu‟ils ne reposent sur aucune perception sensible, ils ne sont pas scientifiquement légitimés. Ils ne nous disent pas que nous ne faisons pas l‟expérience de la « société », du « groupe professionnel», mais précisément que nous ne pouvons observer ces entités et que, donc, nous ne pouvons rien en dire de scientifiquement fondé. Or le dialogue entre Sellars et Schlick concerne justement cette question de l‟articulation entre la forme des concepts que l‟on mobilise dans notre expérience du réel et la réalité sensible que ces concepts discrétisent. Sellars interroge cette dichotomie que pose Schlick entre la forme et le contenu de la connaissance. L‟argument de Sellars consiste à soutenir que, bien que la forme et le contenu correspondent à deux propriétés distinctes de l‟expérience, on ne peut les séparer analytiquement. De fait, si « le contenu ne saurait être la

base ni même l’objet de la connaissance, et que la connaissance dépend de la forme »

(Grellard, 2006, 52), alors on doit pouvoir accepter que des constructions objectales que nous ne pouvons directement remplir de sensations, d‟impressions et autres données des sens,

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possèdent néanmoins une valeur heuristique. Une valeur qui autorise que les assertions mobilisant ces concepts23 soient qualifiées de scientifiques.

Or pour Schlick, l‟observation est précisément ce qui permet de relier le contenu à la forme, et ainsi de maintenir cette dichotomie analytique : « l’observation implique le contenu

[…], et c’est précisément parce qu’elle l’implique que l’observation relie nos symboles au monde réel » (Schlick, 2003, 115). L‟observation est, pour Schlick, ce qui rend possible la

confrontation de la structure logique de nos propositions au tribunal de l‟expérience. Mais comment affirmer que l‟observation remplit ce rôle si ce n‟est en postulant l‟adéquation harmonieuse de la forme et du contenu. Il ne suffit pas d‟asserter que seule l‟observation « remplit » le concept, que donc seuls les concepts observables sont légitimes puisqu‟ils sont emplis de réel. Encore faut-il asseoir cette adéquation afin que cette affirmation devienne consistante. Mais, pour Sellars, le problème est plus profond. Car, faire de l‟observation « la

cour d’appel ultime de nos connaissances empiriques » (Grellard, op. cit., 57), comme le

propose Schlick, conduit à faire des comptes rendus d‟observations une strate d‟énoncés « auto-justifiants », c‟est-à-dire ne reposant sur aucune justification préalable, mais garantissant en soi leur justification. Les propositions descriptives seraient des énoncés privilégiés du point de vue épistémique : « Mais l’idée selon laquelle il y aurait des énoncés

auto-justifiants, c’est-à-dire selon laquelle la connaissance aurait un fondement, est précisément l’une des formes typiques du mythe du donné » (idem).

Sellars récuse justement les théories « fondationnalistes » de la connaissance, mais également les conceptions « cohérentistes ». Les « fondationnalistes » réfutent l‟idée que toute connaissance soit inférentielle (c‟est-à-dire que toute vérité découle nécessairement d‟autres vérités admises) et concluent à l‟existence nécessaire de connaissances « auto-justifiantes ». Les « cohérentistes », à l‟inverse, arguent qu‟il ne peut exister de connaissances « auto-justifiantes », mais qu‟elles doivent nécessairement être inférées, c‟est-à-dire découlées logiquement d‟autres propositions vraies. Le parti pris d‟un empirisme radical conduit précisément à croire que les énoncés d‟observations, en tant qu‟ils sont « auto-justifiants », nous sont « donnés » et servent de fondation. En somme, une alternative est posée au sujet objectivant : « soit il conserve absolument la pureté de la forme et refuse résolument

d’accorder un rôle au contenu dans la constitution de la connaissance, soit il reconnaît qu’à un certain niveau il faut relier forme et contenu, ce niveau étant constitué d’énoncés

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Des concepts composant la structure logique du langage qui sont compris comme des concepts relationnels : le concept « vert » ne se comprend que par la relation qu‟il entretient avec les autres couleurs dans le spectre chromatique.

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d’observation qui s’auto-justifient et permettent de justifier le reste de nos connaissances empiriques » (ibidem). L‟alternative « fondationnaliste » produit cette impression que la

vérité d‟un énoncé empirique nous est donnée, introduisant le mythe d‟une connaissance du réel qui s‟offre à nous indépendamment de notre faculté de représenter ce réel, de le concevoir. Et se départir de nos prénotions consiste précisément à savoir en quoi les notions que l‟on mobilise sont fondées pour exprimer ce qui est perçu, en quoi elles représentent des concepts adéquats pour décrire les données. L‟alternative « cohérentiste », quant à elle, coupe la connaissance de son lien avec le monde et, dès lors, la connaissance n‟aurait que la cohérence mutuelle des concepts comme justification. La structure logique du langage n‟est plus en résonance avec le réel.

Ce dilemme semble insurmontable parce que, à l‟instar de Schlick et de la plupart des membres du cercle de Vienne, une distinction analytique est maintenue entre la forme et le contenu. Sellars propose une solution qui repose sur une argumentation associant l‟idée que toute la connaissance ne peut être inférentielle (principe empiriste/réaliste) et qu‟aucune connaissance n‟est « auto-justifiante » (neutralisation du « mythe du donné »). Le modèle de la connaissance non-inférentielle est, pour Sellars, le compte-rendu d‟observation puisque nous ne déduisons pas ces énoncés descriptifs de propositions antérieures et valides. Mais ceux-ci ne sont pas davantage le produit d‟une appréhension directe d‟un « donné » quelconque. En effet, Sellars souligne que ce qui confère l‟autorité épistémique à de tels comptes rendus provient précisément « du fait que l’auteur de ce compte rendu a appris à

fournir une réponse verbale appropriée à ce qu’il perçoit dans des circonstances perceptives appropriées » (Grellard, op. cit., 59). Cette réponse nous ne l‟inférons pas de prémisses.

L‟autorité épistémique des énoncés descriptifs, tel que « il y a une pomme rouge là-bas », pour reprendre l‟exemple que mobilise Sellars, provient précisément du fait qu‟une autre personne puisse inférer, elle, la présence d‟une pomme rouge à partir de ce compte rendu. Mais pour le sujet connaissant, pour celui qui formule une proposition descriptive à partir d‟une expérience sensible, il faut qu‟il soit capable de dire que, ayant pensé que p (la proposition descriptive) en des circonstances appropriées, il y a donc de bonnes raisons pour lui de le penser. « Cela ne signifie pas qu’il ait originellement inféré qu’il y avait là-bas une

pomme rouge, mais seulement qu’il doit être maintenant capable d’inférer qu’il y a de bonnes raison de le croire » (idem, 60).

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Pour Sellars, la justification des comptes rendus d‟observation repose sur la mobilisation « des principes constitutifs de nos schèmes conceptuels ». Mais ces principes ne sont pas « auto-justifiants », ils sont justifiés par la cohérence avec les autres éléments du cadre conceptuel mobilisé et par l‟adéquation de ce cadre lui-même. Sellars soutient qu‟il n‟y a pas de « lien ostensif entre notre vocabulaire fondamental et le monde » (Sellars, 1992, 88), ce lien que Schlick situe dans la perception. C‟est bien la cohérence du cadre conceptuel qui assure la validité cognitive, pour moi qui énonce cette proposition, de ce qui relève du perçu : « par exemple, le fait de voir quelque-chose comme étant rouge requiert non seulement le

concept de "rouge", mais aussi celui de "couleur", et plus généralement les concepts qui nous permettent de caractériser les circonstances de perception dans lesquelles nous nous trouvons » (Grellard, ibidem). Le « remplissage » d‟un concept avec des perceptions

n‟implique pas seulement un lien entre le perçu et le conçu, il implique surtout un ensemble de liens entre tous nos concepts, ainsi que leur mise en cohérence mutuelle. Ce qui assure la validité cognitive d‟une proposition descriptive est donc tout autant ce que je perçois, que la cohérence logique d‟ensemble du cadre conceptuel que je mobilise lorsque je dis que je perçois. Et effectivement, nos concepts les plus fondamentaux impliquent une structure conceptuelle pour être compris. L‟observation n‟est rien sans le concept de ce que l‟on observe, mais également sans les concepts qui impliquent et spécifient logiquement ce concept que je mobilise pour penser et dire ce que mes sens m‟invitent à penser et dire.

Lorsque, en sociologie, je décris un comportement ou une propriété de l‟individu, je ne me contente pas de mobiliser le concept d‟« individu » pour pouvoir rendre intelligible ce que je perçois. Je mobilise également celui d‟ « indivis », d‟ « être humain », etc., et même celui de « société » ou de « structure » puisqu‟ils permettent de produire a minima la relation logique d‟opposition qui donne une acception de sens spécifique24

au concept d‟ « individu » que je mobilise. En somme, le compte rendu d‟observation trouve son principe épistémique tout autant dans le cadre théorique et métathéorique que dans la perception puisque cette dernière dépend, pour être intelligible, de la forme logique des concepts mobilisés dans les propositions descriptives. Une forme produite par les relations qu‟ils entretiennent avec l‟ensemble des concepts du cadre conceptuel. Ce qui est particulièrement intéressant puisque, dès lors, les objets observables, qui fondent l‟autorité scientifique pour le nominalisme,

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En effet, lorsque j‟affirme une chose, je dénie en même temps son contraire. Si je dis que « j‟observe le comportement x chez quelques individus ou chez un seul individu », je dis dans le même temps que je ne l‟observe pas chez tous les membres de la communauté étudiée. Dés lors, l‟acception du concept d‟individu que je mobilise dépend notamment de son opposition au concept de « communauté », de « collectif » ou de « société ».

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dépendent également pour servir d‟autorité, de leurs relations logiques avec des entités non-observables. Dès lors, le statut scientifique de ces concepts qu‟ils conçoivent comme des hypostases devient sensiblement plus complexe. Non pas qu‟il n‟existe pas de chimère métaphysique, mais l‟absence de propriétés observationnelles d‟un objet ne suffit plus à lui ôter toute prétention scientifique.

C‟est bien la dichotomie entre la forme et le contenu, entre la structure logique de nos concepts et la perception que nous en avons, qui est fautive. Car ce qu‟omettent systématiquement les nominalistes dans leur argumentation, c‟est précisément que nos facultés de perception ne couvrent pas complètement l‟espace du réel. Et que, par conséquent, ce que nous ne pouvons percevoir, soit directement, soit indirectement par le biais d‟un dispositif d‟objectivation, peut être logiquement représenté, pensé, à partir de ce dont nous avons logiquement besoin pour pouvoir faire l‟expérience intelligible de ce qui est perceptible. Cela ne valide pas les argumentations strictement théoriques, puisque l‟impératif empiriste n‟est dans ce cas plus assuré, mais cela permet de construire des arguments et des concepts théoriques appréhendant des objets non observables à partir d‟énoncés descriptifs de second niveau fondés sur la mise en relation consistante d‟énoncés descriptifs de premier niveau, c‟est-à-dire issus d‟observations directes.

Maintenir la dualité contenu/forme, c‟est s‟astreindre à devoir choisir entre l‟illusion du« mythe du donné » et l‟irréalisme d‟un langage autoréférentiel. Comme le remarque Jean-Claude Passeron, un effet de connaissance advient lorsque le problème dont se saisit le sociologue le « conduit à mettre en relation des énoncés descriptifs les uns avec les autres et

non plus seulement un énoncé avec la réalité empirique qu’il décrit. » (Passeron, 2006, 369).

Car l‟effet de connaissance ne se contente pas de mobiliser des énoncés descriptifs, il met en œuvre des opérations sur ces énoncés afin de produire de nouveaux énoncés descriptifs de second ordre. L‟heuristique ne se satisfait pas d‟une collecte d‟informations, elle appelle un traitement de celles-ci. Et l‟effet de connaissance « crée la nécessité de nouvelles

observations en créant les catégories de cette observation […] il crée des informations qui ne préexistaient pas à la catégorisation permettant de les recueillir » (op. cit., 371). Ce qui est

précisément l‟opération permettant de regrouper les individus dans des entités qui ne sont pas directement observables. Comme le note Yves Schwartz : « Dans la mesure où l’on repère

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Il y a donc des unités pertinentes, dont la réalité se définit par la congruence approximative d’un certain nombre d’écarts différentiels. Tout le problème qui nous intéresse revient à savoir comment sont constitués d’abord ces écarts différentiels et ensuite quelles réalités ils regroupent » (Schwartz, 1988, 95-96). Il s‟agit bien d‟appréhender ces écarts qui président au

regroupement que nous opérons et que nous ne pouvons directement observer, et notamment au travers de l‟analyse de ces deux phénomènes que sont la socialisation et les apprentissages. L‟absolutisme du nominalisme méconnait cette dynamique de la raison sociologique qui, si elle ne se justifie que dans l‟épreuve du réel, produit des objets à connaître précisément parce qu‟elle s‟emploie à connaître des structures de relations qui sont davantage que la somme de leurs éléments directement perceptibles. Ces catégories ou concepts, qui sont produits à partir d‟observations, sont davantage que la somme des objets observés puisqu‟ils sont cette collection d‟objets plus leur agencement. Et l‟agencement, la structure, possède une réalité propre en ceci qu‟elle agit en propre sur le réel. Une configuration sociale ne produit pas le même effet sur la réalité que si l‟on avait sommé les effets des éléments pris isolément.