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1.2 La mythologie hindoue

1.2.4 Les textes sacrés

L‟Inde compte de nombreux textes sacrés que nous ne pourrons aborder qu‟après avoir précisé à quel point l‟Inde se plaît à raconter des histoires. En effet, « Dans le Mahabharata, lorsque les Pandava en exil vont de lieu saint en lieu saint, pendant des années, pour "écouter

72 Nous évoquerons ce célèbre chapitre du Mahabharata dans la partie consacrée aux deux grandes épopées indiennes (page 40).

73 PORTE, Alain (traduit du sanscrit), Bhagavad Gîtâ, 1992, Paris : Arléa, p 39 74 Devdutt Pattanaik, op cit, p 1

« Les hindous considèrent le monde comme étant hors du temps, sans entraves, sans bornes, cyclique et infini ». (Notre traduction)

des histoires", il s‟agit d‟une activité hautement éducative, presque sacrée. Il est dit quelque part qu‟il faut écouter les histoires, car "c‟est agréable, et quelquefois ça rend meilleur" »76

. L‟origine de la plupart des histoires reste introuvable ; en revanche, leur nombre est impressionnant. En Inde, raconter une histoire fait partie de la vie de tous les jours. Il n‟est donc pas étonnant qu‟il existe un si grand nombre de textes sacrés auxquels se réfèrent les contes et légendes populaires.

Il est pratiquement impossible de dater tous ces textes qui ont été transmis par voie orale. Cette littérature orale s‟est donc constituée progressivement avec des versions plus ou moins transformées. D‟après Madeleine Biardeau :

la façon la plus féconde de les aborder […] est de les prendre dans l‟ordre où ils sont traditionnellement donnés et récités pour des raisons qui ne doivent sans doute pas grand-chose à l‟histoire. En effet, ils forment ensemble, dans l‟ordre

Samhita-Brahmana-Upanishad (avec un quatrième groupe de textes qui s‟insère entre les Brahmana et les

Upanishad […]), la Révélation brahmanique, le Veda au sens large (littéralement

"savoir") ou la Sruti (littéralement "audition"), c‟est-à-dire les textes absolument intangibles et irréfutables auxquels se réfèrent le brahmanisme, et plus largement l‟hindouisme77

.

Jean-Claude Carrière explique que les textes originels desquels « descend » toute la civilisation indienne sont les Veda. Les Veda auraient été révélés à quelques élus, les rishi78, par les dieux. Il est donc impossible de discuter ou de remettre en question ces textes. Ils sont « le savoir » et sont au nombre de quatre : le Rigveda (Veda des hymnes), le Samaveda (Veda

des mélodies), le Yajurveda (Veda des formules sacrificielles) et l‟Atharvaveda (Veda à caractère ésotérique, constitué d‟incantations). L‟étude de ces textes est exclusivement réservée aux membres masculins des trois premières classes de la société.

Néanmoins, la compréhension des Veda est parfois difficile, voire impossible. Raison pour laquelle ont été rédigés des textes clarificateurs, ou explicatifs, venant les compléter. Ces textes sont les Samhita, les Brahmana, les Aranyaka et les Purana. Mais les plus célèbres sont les Upanishad79.

Les Upanishad datant du premier millénaire avant notre ère sont au nombre de treize ou quatorze. Celles qui furent écrites plus tard dépassent les deux cents. Les personnes

76 Jean-Claude Carrière, op cit, p 175 77 Madeleine Biardeau, op cit, p 35 78

Les rishi seraient au nombre de sept à avoir « entendu » le Veda.

79 L‟étymologie de ce terme signifie « être assis aux pieds du Maître et recevoir son enseignement » http://www.unisson06.org/dossiers/religion/ecrits_spirituels/hindouisme/upanishad.htm (consulté le 06/10/09)

vénérant un dieu en particulier, comme Shiva, Vishnou ou encore Ganesha80, ont à leur tour composé des Upanishad.

Alain Daniélou précise que « nos efforts les plus efficaces pour réaliser le divin ne sont que des "approches", des Upanishad-s » (Alain Daniélou, 1992, p 22). Ces écrits seraient donc une tentative de l‟être humain de se rapprocher au plus près des dieux et de comprendre l‟inconnaissable.

Mais revenons un instant aux textes intitulés Veda, puisqu‟il est question d‟un cinquième Veda. Pour ce faire, il nous faut aborder les origines « divines » du théâtre indien. L‟Inde « est le seul pays qui ait jugé le théâtre digne d‟une origine mythique, autrement dit : relevant d‟une essence supérieure, et indispensable à notre vie »81

. Ce qui place le théâtre indien comme un théâtre à part est bien son traité : le Natya Shastra82.

Ce « traité de théâtre » instaure les règles fondamentales devant être appliquées à la lettre. Il comporte 36 ou 37 chapitres (selon les éditions), six mille vers (et quelques passages en prose) et « la tradition [lui] donne un auteur mythique, le Voyant (rishi) Bharata, auquel le dieu Brahma enseigne les lois du théâtre pour lui en confier la pratique »83.

Selon la tradition indienne, il apparaît donc que le théâtre aurait été établi par les dieux. Ce traité monumental peut être daté du IIe siècle de notre ère.

L‟idée de créer le théâtre vient « d‟une théorie et d‟un mythe d‟origine » (Lyne Bansat-Boudon, 2004, p 36) que l‟on retrouve dans le Natya Shastra. En effet, on trouve au premier chapitre, aux vers 11 et 12, les dieux, menés par Indra, leur roi, s‟adressant ainsi à Brahma : « Nous voulons quelque chose qui soit objet de jeu (kridaniyaka), quelque chose qui soit à voir et à entendre. Pour ces générations de sudra, la pratique des Veda ne peut faire l‟objet d‟une transmission orale. Émets donc un nouveau et cinquième Veda destiné à toutes les classes »84.

Ce mythe peut être relié à un récit védique le préfigurant, et exposé dans ce traité. À la lecture de ce texte, on peut se demander pourquoi le roi Indra a demandé à Brahma, le Créateur, une nouvelle forme de jeu « qui soit à voir et à entendre ». La réponse est contenue dans le premier chapitre du traité, où il est dit que le monde est en proie « aux pires

80 Également connu sous le nom de Ganesh ou encore Ganapati. 81 Jean-Claude Carrière, op cit, p 330

82

Terme que l‟on retrouve également orthographié en un seul mot.

83 BANSAT-BOUDON, Lyne, Pourquoi le théâtre ? La réponse indienne, Paris : Mille et une nuits, 2004, p 16 84Ibid, pp. 64-65

dérèglements et [est] contraint de supporter son lot incertain de joie et de peine ». Pour apaiser les esprits, il fallait donc trouver une solution qui rétablisse l‟ordre par le biais du théâtre.

Le Natya Shastra, selon Jean-Claude Carrière, se définit comme étant une œuvre encyclopédique « où tous les aspects de l‟aventure théâtrale Ŕ même le comportement du public Ŕ sont analysés, définis, prescrits » (Jean-Claude Carrière, 2001, p 332), et serait donc le cinquième Veda.

Dans ce chapitre, nous avons présenté les principaux textes de l‟hindouisme, afin de mieux comprendre le rapport des hindous aux divinités. Cependant, il nous faut préciser qu‟il existe deux autres textes que nous n‟avons pas encore mentionnés. Il s‟agit des deux grandes épopées indiennes : le Mahabharata et le Ramayana. Ces poèmes épiques feront en partie l‟objet du prochain chapitre. Au fil de notre recherche, nous serons amenée à nous appuyer sur certains des mythes qu‟ils contiennent (le mythe de l‟enfant abandonné, le sacrifice de Sita…) pour introduire notre thématique du cinéma populaire indien.