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La pratique de la médecine au Nigeria

5.2.1. Les spécialistes de médecine traditionnelle 28

Pour guérir les malades, les praticiens traditionnels recourent aux plantes en distinguant celles qui sont bénéfiques, celles qui sont nocives et celles qui sont anodines. Au fil du temps, l’usage thérapeutique des plantes s’est développé et a progressé. Certains se sont spécialisés dans la collecte des plantes médicinales, d’autres se servent de ces plantes pour guérir les malades.

Les rituels font toujours partie des pratiques de certains médecins traditionnels. Même certains Africains éduqués pensent que les rituels et la médecine traditionnelle sont inséparables (Ghani 1986 : 68).

Cependant, au Nigeria, au cours des années et grâce à la concurrence avec la médecine orthodoxe, la médecine traditionnelle a beaucoup évolué. L’accent à l’heure actuelle est mis sur l’usage des plantes et des herbes médicinales plutôt que sur les pratiques magiques, les charmes et les rituels. Il arrive même que la médecine orthodoxe s’en inspire. Parfois, les remèdes fabriqués à partir de racines ou de plantes et utilisés dans la médecine traditionnelle sont également employés dans la médecine orthodoxe pour les mêmes maladies. Par exemple, l’usage de Rauwolfia serpentina dans la médecine traditionnelle pour traiter les maladies mentales et l’insomnie a abouti à des recherches sur les racines, qui pourraient être utilisées comme calmants pour traiter la schizophrénie. On a de plus en plus recours à la médecine traditionnelle parce qu’on la considère plus efficace dans le traitement de certaines maladies

28 Une bonne partie de nos informations sur la MT vient de nos investigations auprès de nombreux médecins traditionnels qui, dans la plupart des cas, ont eu l’amabilité et la gentillesse de nous révéler une partie de leur savoir.

comme le paludisme et les maladies dont on ignore l’origine ou les maladies dites d’origine surnaturelles.

5.2.1.1. Les praticiens ou guérisseurs traditionnels

Un praticien ou guérisseur traditionnel est quelqu’un qui est reconnu dans la communauté comme compétent pour soigner les malades. Pour les guérisseurs traditionnels, l’affliction motivant la consultation n’est pas séparable de l’état global du malade. On peut distinguer deux procédures de diagnostic : la première est « métaphysique » et nécessite des prières, des invocations et des incantations adressées à des forces mystérieuses mais considérées puissantes. La deuxième est un diagnostic somatique concernant la maladie somatique ou psychosomatique dont le médecin traditionnel peut reconnaître les symptômes après un apprentissage auprès d’un maître. Dans le traitement des maladies, il arrive parfois qu’il ait recours aux deux domaines, le métaphysique et le somatique (Tella 1976)29.

Au Nigeria, les guérisseurs sont connus sous des appellations différentes : native

doctors, traditional doctors, doctors, healers et traditional healers.

5.2.1.2. Les herboristes

Les herboristes préparent les remèdes destinés aux malades. Ils utilisent des plantes, des herbes, des légumes, des fruits seuls ou en mélange qu’ils transforment en décoctions, en infusions, lotions, macérations, poudres, pommades, savons ou comprimés etc. pour traiter les malades. L’herboriste travaille avec l’« esprit » des plantes et il observe des règles très strictes pour que le pouvoir guérissant soit transmis au remède (Anderson 1996)30.

29 http://www.refer.sn/ethiopiques/imprimer-article.php3?id_article=632 ; consulté le 21 mars 2007

Pour la préparation d’une décoction, on fait bouillir dans l’eau les feuilles, les écorces, les racines, les fleurs, les graines, les tiges des plantes, etc. afin d’en extraire les principes actifs. Dès que la mixture est refroidie, elle est administrée aux malades suivant la prescription. Les malades peuvent l’utiliser pour se laver, l’absorber par voie orale, l’appliquer localement ou l’utiliser comme bain chaud dans le cas du paludisme (Tella 1976 : op cit.). Parfois, on ajoute desetits animaux entiers ou des parties d’animaux ou des minéraux comme le pétrole brut ou du calcium pour obtenir diverses potions. Parfois, les ingrédients d’une potion sont incinérés ou brûlés ensemble et la poudre ainsi obtenue est dissoute dans l’eau chaude ou froide ou d’autres boissons, dans la crème, l’alcool, la soupe, le miel, le jus de pamplemousse ou le jus de citron vert. Le malade peut boire le liquide, l’infusion d’herbes, comme une tisane. L’herboriste prépare également une teinture d’alcool avec des herbes mélangées et plongées dans un alcool de fabrication locale, du gin ou des liqueurs fortes importées, pour extraire les principes actifs de ces matières végétales et animales. L’infusion est administrée par voie orale ou localement comme la décoction, mais ne s’utilise pas pour le bain.

Pour traiter l’inflammation d’une partie du corps, on utilise des herbes fermentées. On peut aussi utiliser des cataplasmes : les herbes sèches sont pulvérisées et appliquées à la blessure, qui est ensuite recouverte avec un tissu ouaté. Les poudres peuvent être sucées ou utilisées pour enduire les blessures. On peut faire une préparation médicinale pâteuse à partir du liquide secrété par des herbes pour traiter l’inflammation, le furoncle, l’abcès ou la contusion. La compresse est faite de morceaux de linge trempés dans une lotion à base de plantes et appliquée sur la partie malade du corps. Cette compresse peut être froide ou chaude.

Pour la préparation de la pommade, le liquide extrait de plantes est mélangé avec du beurre de karité ou de la vaseline. C’est avec cette préparation que l’on masse les parties douloureuses.

Les maladies de peau sont traitées avec un savon médicamenteux. Le savon est préparé avec des herbes pulvérisées et mélangées avec le savon local et le carbonate de potasse. Le patient utilise la mixture pour se laver ou pour laver les parties affectées. Enfin, pour fabriquer des comprimés, des herbes sont mélangées avec le carbonate de calcium. Les comprimés ainsi préparés peuvent servir à soigner les vomissements et les maux d’estomac.

Il arrive aussi que les herboristes vendent des herbes ou des remèdes déjà préparés, surtout pour le traitement des maladies de l’enfance. Parfois ils vendent des animaux séchés tels que des rats, lézards, escargots, caméléons, serpents, tortues… Ils vendent aussi la graisse des animaux et d’autres substances, dont l’antimoine, le soufre, la craie, le beurre de karité... Entre autres usages de ces substances, on croit par exemple que la graisse de python peut soigner les inflammations et favoriser les cicatrisations.

5.2.1.3. Les rebouteux

Les rebouteux réparent les os brisés. En cas de fracture ouverte, le saignement est arrêté à l’aide du jus de feuilles de manioc ou avec le liquide secrété par les escargots. Les feuilles vertes du bananier servent de charpie et le bois de bambou est utilisé pour maintenir en place les os cassés alors que les feuilles sèches du bananier sont utilisées pour lier les attelles et servent de bandage. Pour réduire l’inflammation, de l’eau chaude est appliquée à l’endroit enflammé. Le rebouteux se sert également de plantes et d’argile. Parfois, pour arriver à déterminer quand l’os cassé sera guéri, la patte d’une poule est cassée et traitée en même temps que la fracture du malade. Lorsque la poule cessera de boiter, le rebouteux saura que la fracture du malade est également guérie.

5.2.1.4. Les chirurgiens traditionnels

Les chirurgiens traditionnels se servent de couteaux de fabrication spéciale pour inciser les furoncles lorsqu’ils sont mûrs. Ils pratiquent également la circoncision des enfants et incisent

les marques tribales (Tella 1976 : 119). Chez les Igbo, la circoncision féminine (excision) n’est plus pratiquée ; elle l’était autrefois parce qu’on la croyait nécessaire pour une vie sexuelle saine avant l’âge adulte, chez l’homme comme chez la femme. La pratique des marques tribales est plus prononcée chez les Yoruba et les Haoussa que chez les Igbo même si elle semble disparaître à l’heure actuelle. Pendant l’incision (des marques) ou la circoncision, le saignement est arrêté aussi par le jus de feuilles de manioc ou avec le liquide secrété par l’escargot, qui est un coagulant, comme nous l’avons dit plus haut.

5.2.1.5. Le thérapeute occulte

Le thérapeute occulte utilise des prières, des incantations ou des invocations adressées à des forces surnaturelles invisibles (Tella 1986 : 117). Il peut également utiliser des herbes. Les thérapeutes sont souvent qualifiés de « sorciers » à cause du mystère qui les entoure et les gens croient encore dans leur pouvoir de guérir les malades. Tella (ibid.) souligne que pour certains Africains la médecine orthodoxe est impuissante face aux maladies provoquées par des agents surnaturels. Par conséquent, seul l’occultisme thérapeutique peut dans certains cas apporter un remède efficace, parce qu’en sa qualité de voyant, le thérapeute occulte peut communiquer avec le monde des esprits et aussi recevoir ou envoyer des messages télépathiques.

5.2.1.6. Les psychiatres traditionnels

Les psychiatres traditionnels, comme les psychiatres orthodoxes, traitent les malades atteints de troubles psychiques ou de maladies mentales. Ils sont hypnotisés avec des concoctions d’herbes (voir Tella, 1986 ; Ijeh, 1997 ; Nwogu, 1997). Les psychiatres traditionnels peuvent également procéder à des rituels de purification avant la prescription de remèdes.