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Les problèmes terminologiques de la langue igbo

3.2. L ES OBJECTIFS DE LA TERMINOLOGIE DANS LES LANGUES AFRICAINES

3.3.2. Les obstacles non-linguistiques

3.3.2.3. Les obstacles matériels

Ces obstacles concernent essentiellement les moyens financiers dérisoires dont disposent les terminologues ou chercheurs et toutes les personnes qui cherchent à promouvoir les langues africaines, mais aussi les conditions sociales dans lesquelles ils travaillent.

3.3.2.3.1. Les financements

La recherche scientifique, on le sait bien, réclame toujours beaucoup de ressources financières. Ce besoin n’épargne pas le travail terminologique dans les langues africaines. Le financement du matériel nécessaire pour la recherche, à savoir les ouvrages, la rémunération des détenteurs d’informations avec lesquels les chercheurs travaillent et la prise en charge des déplacements que ceux-ci effectuent dans le pays n’est pas à la hauteur des besoins. Cette insuffisance se fait également sentir lors de la diffusion des résultats des recherches terminologiques : Ce sont les gouvernements qui devraient prendre en charge le financement de tout ce qui permet de diffuser

11 D’après Awoniyi (1982) l’imposition de la langue haoussa au début des années 1970 n’était pas acceptée par les Tiv du Nigéria, qui ont manifesté pour résister à leur haoussaisation après l’indépendance du pays.

les termes, en particulier la publication des livres en langues africaines. Mais en réalité ce sont souvent les rédacteurs eux-mêmes qui financent les projets. C’est là une des raisons pour lesquelles il existe si peu de travaux en langue igbo.

Il est évident que le manque d’implication des gouvernements africains, et donc de financements, entrave dans une large mesure l’évolution de la recherche terminologique.

Anyaehie (1997) a raison de souligner qu’il appartient aux terminologues et aux linguistes de convaincre les autorités de l’intérêt des projets terminologiques pour qu’elles acceptent d’y engager les fonds de l’État.

Ce problème de financement de la recherche est commun à beaucoup d’états africains. Il est particulièrement aigu dans le cas de la langue igbo, à cause de l’absence de collaboration entre états. Or, ceux-ci devraient être le fer de lance du mouvement pour la recherche et le développement terminologique. Ce sont donc la SPILC12 et quelques particuliers—qui pourtant ne disposent pas de moyens financiers importants—qui ont fait le travail à la place des gouvernements des états igbo. Oluikpe (1990: 9) note à ce propos:

What ought to be initiated and funded by the two states (Imo and Anambra)13 is being done by a few interested Igbo citizens, through the Society for Promoting

12 Ce sont les membres de cette société et quelques individus qui s’intéressent au développement de la langue Igbo, qui financaient les projets de recherches.

13 Au moment où Oluikpe écrivait, il n’existait que deux états igbo, mais de nouveaux états ont été créés en 1991. L’état d’Anambra a donné naissance à Enugu et une partie d’Ebonyi et l’état d’Imo a donné naissance à Abia ainsi qu’à une autre partie d’Ebonyi. En tout on a aujourd’hui 5 états strictement igbo : Abia, Anambra, Ebonyi, Enugu et Imo. Mais la langue

Igbo Language and Culture, out of the sweat of their brows for the love of their mother tongue and culture. This governmental apathy towards the modernization (popularization) of our indigenous language—Igbo – has robbed the Society for Promoting Igbo Language and Culture of needed funds for the prosecution of its laudable goals.

Ainsi, la non-participation des gouvernements des états igbo au développement de la langue a en soi constitué un obstacle au développement terminologique de l’igbo.

Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que certains terminologues soient attirés par d’autres carrières : « en raison des avantages et des privilèges qu’elles procurent, la haute fonction administrative et la fonction politique sont très prisées en Afrique noire » (Halaoui, 1990 : 23).

En général, les terminologues africains travaillent à temps partiel. Comme ailleurs dans le monde, bien qu’ils soient engagés dans des activités de recherche, les terminologues africains sont aussi soit enseignants soit administrateurs occupant des postes gouvernementaux. D’autres sont encore étudiants.

3.3.2.3.2. Les recherches terminologiques dispersées

Les activités terminologiques sont dispersées. Elles ont lieu dans des lieux éloignés les uns des autres, ce qui ne favorise pas la concertation entre chercheurs. Ceci a pour résultat que les chercheurs proposent souvent des termes différents pour un même concept, ce qui diminue évidemment leur pouvoir de persuasion. Par exemple, lors d’un colloque à l’Université de Port Harcourt, en 2010, s’agissant du cervix (col de l’utérus), Ohaike (2010 : 8) parlait de ọwa nwa (la voie du bébé) alors que Cookey (2010 : 8) proposait plutôt olu akpa nwa (le cou de l’utérus).

igbo est aussi parlée dans une partie des états de Rivers et de Delta comme nous l’avons déjà indiqué au chapitre 1.

Par ailleurs, les termes créés par des chercheurs sont mal diffusés et les glossaires qui en sont issus terminent souvent leur vie sur les rayons des bibliothèques. Il n’est donc pas facile, pour les chercheurs, de savoir si des termes ont été proposés dans leur domaine et quels sont ces termes. Ceci fait courir un risque grave à la recherche terminologique au Nigeria, comme ailleurs en Afrique, celui d’un perpétuel recommencement sans capitalisation des recherches antérieures.

3.4.LES DIFFICULTES DE LA CREATION TERMINOLOGIQUE EN IGBO

Au Nigeria, dans les milieux igbo, contrairement à ce que l’on constate dans les milieux yoruba ou haoussa, la langue maternelle est souvent méprisée, surtout par les élites qui semblent parfois donner l’impression que la seule marque d’une bonne éducation est le fait de bien s’exprimer en anglais. Cette attitude négative à l’égard de la langue igbo retarde son développement, car une langue ne peut se développer que si elle est parlée par beaucoup de locuteurs hors du foyer familial, et en particulier si elle est valorisée.

Nous discuterons les difficultés linguistiques et les difficultés politiques de la création terminologique en igbo. Examinons d’abord les difficultés linguistiques igbo, c’est-à-dire les difficultés qui sont liées à la nature même de la langue.