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6.0.INTRODUCTION

Ce qui frappe d’abord l’observateur de la terminologie du domaine de la gynécologie-obstétrique en igbo c’est que certaines parties du corps sont assez bien prises en charge par la terminologie alors que d’autres ne le sont pas. On ne comprend pas pourquoi l’appareil génital externe masculin est bien décrit alors que les parties internes ne sont pas nommées. Plus surprenant est le fait que l’appareil génital de la femme ne soit que très sommairement désigné. Il n’existe pas, par exemple, de termes correspondant à frein de clitoris, fosse naviculaire, dôme

vaginal, hile… Une partie de notre tâche sera donc de combler les lacunes.

Pour la collecte de données, nous avons examiné diverses possibilités décrites dans la littérature : questionnaires par téléphone, questionnaires expédiés par la poste, questionnaires distribués et ramassés sur rendez-vous, questionnaires oraux administrés sur place ou entrevues face à face. Nous avons fini par choisir ces deux dernières options, soit des questionnaires oraux administrés sur place et/ou des entrevues face à face. Cette double démarche a été choisie car certains enquêtés n’étaient pas en mesure de remplir des questionnaires, et pour la collecte des termes, en revanche, une entrevue sur place semblait s’imposer.

La méthodologie générale adoptée pour cette enquête est celle décrite par Halaoui (1989, 1990), méthode d’enquête sur le terrain pour les travaux terminologiques portant sur les langues africaines. Notre intérêt a été attiré d’emblée vers cette méthode à cause de l’importance qu’elle accorde au « caractère double » que doit revêtir une enquête terminologique sur les langues africaines, qui par la force des choses a lieu dans un environnement où sont pratiquées au moins deux langues, une langue africaine (le plus souvent essentiellement de tradition orale) et l’autre

étrangère (de longue tradition écrite). Dans le cadre de cette méthode, le terminologue effectue deux enquêtes : la première, « savante », est dans la langue étrangère, « estimée plus riche » et la seconde, « ethnographique », est effectuée dans la langue africaine (Halaoui 1989 : 7). Or, ce que Halaoui appelle l’enquête savante nous appellerons « dépouillements de source écrites ». Ce dépouillement est réalisé par l’exploitation de sources écrites portant sur le sujet d’étude, dans notre cas, l’exploitation des sources obstétriques-gynécologiques. L’enquête ethnographique procède par une observation systématique de la société, du milieu qui fait l’objet de l’étude, c’est-à-dire l’observation et l’écoute attentive des pratiques et paroles des spécialistes lors d’entretiens qui peuvent être non directifs, semi-directifs ou directifs.

Notre objectif dans ce chapitre est double : d’une part, décrire notre enquête ; d’autre part, tenter de dresser l’état de la terminologie de la gynécologie-obstétrique en igbo telle qu’elle ressort de notre enquête.

6.1.PREPARATION ET OBJECTIF DE LENQUETE

L’objectif principal de notre enquête sur le terrain était de recueillir les termes du domaine de la gynécologie-obstétrique et des informations sur leur usage.

La première étape consistait en la constitution de ce qu’on pourrait appeler notre lexique de référence, soit la liste des termes du domaine en anglais. Nous avons pris soin d’ajouter des gloses aux termes anglais de la liste partout où cela nous paraissait nécessaire pour donner une idée du contenu des concepts à nommer.

Ce lexique de référence étant constitué, nous avons pu préparer les questions que nous allions poser aux personnes-ressources.

6.1.1. Constitution du lexique de référence

En préparation de notre enquête, nous avons donc compilé une liste des termes anglais de la gynécologie-obstétrique à partir d’un corpus composé de sources Internet plus ou moins spécialisées (voir Annexe C) et d’ouvrages et de revues médicaux (voir annexe D). En tout, nous avons consulté une vingtaine de documents différents, exercice qui nous a permis de dégager environ 400 mots. Pour retenir une forme, nous avons fait appel aux critères proposés ici et là dans la littérature sur le repérage des termes, dont Audet (1994), Cabré (1998), Pavel et Nolet (2001), Quirion (2004), Rondeau (1984), entre autres. Ces critères sont morphologiques, sémantiques ou syntaxiques. Il s’agit dans la grande majorité des cas de déterminer si des candidats-termes peuvent, en fonction de critères que nous exposerons plus loin dans ce chapitre, être retenus comme termes.

Les normes terminologiques élaborées par le Bureau de la traduction des Travaux publics et services gouvernementaux du Canada conseillent le dépouillement de la documentation disponible dans une seule langue avant d’examiner ce qui se passe dans une deuxième. C’est ce que nous avons cherché à faire en commençant par le dépouillement de la documentation en langue anglaise et l’établissement de la liste des termes du domaine en anglais.Tous les termes de cette première liste ont été soumis à deux médecins orthodoxes pour validation. Nous avons donc soumis la liste à deux gynécologues, les docteurs Chukwunta et Okeakpu, en leur demandant de vérifier si les termes relevaient bien du domaine de la gynécologie-obstétrique et s’ils étaient couramment utilisés. A la suite de cette vérification, 25 termes ont été rejetés par au moins un des deux experts parce que selon eux ils ne relèvent pas vraiment du domaine de la gynécologie-obstétrique. Après cette vérification, nous nous sommes mis d’accord sur la liste définitive des termes dont il s’agirait ensuite de rechercher les équivalents aussi bien en français qu’en igbo. Il nous restait donc 400 termes. Ensuite nous avons recherché, d’abord, les équivalents français de ces termes dans les dictionnaires et les manuels spécialisés aussi bien

parce que cela nous permettait une meilleure maîtrise des concepts désignés et parce que le lexique qui devrait couronner nos efforts devait être trilingue (anglais-français-igbo). Enfin nous avons consulté les dictionnaires igbo disponibles pour savoir si des équivalents igbo y étaient répertoriés.

C’est donc munie d’un lexique d’environ 400 termes anglais avec leurs équivalents français et pour certains leurs équivalents igbo figurant dans les dictionnaires que nous avons entrepris une enquête sur le terrain auprès de personnes censées connaître le domaine de la gynécologie-obstétrique : les médecins orthodoxes, les médecins traditionnels, les sages-femmes et les accoucheuses traditionnelles. L’enquête servira, entre autres, à vérifier si les équivalents igbo trouvés dans les dictionnaires sont en usage courant, à découvrir s’il en existe d’autres, et plus généralement à savoir si les 400 concepts correspondant aux 400 termes anglais sont nommés en igbo.

6.1.2. Enquête ethnographique

Une enquête ethnographique exige de l’enquêteur qu’il cherche à établir une proximité étroite avec les personnes auprès desquelles l’enquête est menée. Nous avons donc tenu à prendre part aux activités de nos personnes-ressources pendant les moments où nous les avons côtoyés. Par exemple, nous avons assisté à la préparation des herbes pour le traitement des malades et nous avons aidé le médecin traditionnel qui nous recevait à éplucher les herbes.

Une telle enquête nécessite un grand nombre de précautions. Il est indispensable de ne pas heurter les personnes-ressources, leur pudeur, leur sensibilité, leur fierté. Il est nécessaire aussi de gagner leur confiance. C’est pourquoi au premier contact avecune personne- ressource, nous avons évité de prendre des notes ou d’enregistrer les échanges, pour la mettre complètement à l’aise et permettre que s’instaure entre nous une relation de confiance mutuelle. La présentation

d’une lettre signée par notre directeur de thèse et nos explications sur les objectifs terminaux de notre projet ont beaucoup facilité ce travail initial de mise en confiance de nos interlocuteurs. À travers nos échanges avec les médecins traditionnels, nous avons recueilli les termes désignant les maladies sexuellement transmissibles, ceux désignant les maladies liées aux organes génitaux et ceux désignant les maladies de l’enfance38. Nous avons aussi recueilli les termes relatifs à l’anatomie du bassin féminin, aux parties génitales externes et internes, à l’anatomie des organes sexuels masculins, à la physiologie du système reproducteur, au développement de l’embryon, à la physiologie et à la nutrition pendant la grossesse, à la surveillance fœtale et à l’accouchement.

Le Tableau 10 ci-après résume les étapes de l’enquête.