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Tableau 5. La réalisation des voyelles

2.2.1. Eléments pour la création terminologique par dérivation

Les éléments de la création par dérivation qui nous intéressent ici, c’est-à-dire dans la création terminologique en igbo, sont au nombre de trois, à savoir les affixes, les enclitiques et les morphèmes toniques.

2.2.1.1. Les affixes

L’igbo dispose de préfixes, de suffixes et d’interfixes qui permettent d’apporter différents types de modification au radical. Si les préfixes et les suffixes apparaissent avant et après le radical respectivement, les interfixes s’insèrent entre deux racines, qu’elles soient identiques ou pas.

Les affixes sont des morphèmes non-autonomes qui s’ajoutent aux radicaux des mots. En igbo, les suffixes indiquent leurs fonctions syntaxiques et les préfixes en modifient le sens et peut aussi créer des mots (Ezikeojiaku 199 : 95). Un terme peut être dérivé par adjonction d’un préfixe ou d’un suffixe. Par exemple, le préfixe n + -kewa (divise) = nkewà akwa (clivage = segmentation de l’œuf) ; zọ̀ (piétiner) + -gbù (suffixe) = zọ̀gbù (piétiner à mort).

L’igbo est une langue agglutinante, c’est-à-dire une langue qui permet l’accumulation d’affixes pour exprimer les rapports grammaticaux (voir Dubois et al 1973 : 19).

2.2.1.1.1. Les préfixes

En général, les préfixes igbo peuvent créer des mots d’une classe grammaticale différente. Ceci contraste avec la situation en anglais et en français où le préfixe ne modifie pas la classe grammaticale de la base. Par exemple, le préfixe i ajouté à la racine –je donne le verbe ije (aller), alors que le préfixe n et la suffixe m ajoutés à la même racine créent le nom njem (voyage). Les préfixes les plus fréquents en igbo sont : a-/e- ; i-/ ị- ; m-/n- ; et o-/ọ-. Voici quelques exemples de leur utilisation : à- dans àsị (mensonge) –sị (dit). Le préfixe à de àsi est un nominalisateur.

 e- dans èsi (faire cuire) –si (cuit). Le e est le morphème de l’infinitif.

 n- dans nkuzi (enseignement) du radical –kuzi (enseigne) du verbe ịkuzi (enseigner.). La nasale n est un nominalisateur.

 o- dans òsísì (préparation) du –si, (préparer, faire cuire). Le o est un nominalisateur suivi d’un gérondif -sisi. On voit un redoublement de si. (Emenanjo 1987), Voir aussi Emenanjo (2015).

2.2.1.1.2. Les suffixes

Le suffixe est un affixe placé à la fin d'une unité lexicale, après le radical. Les suffixes igbo sont classés différemment d’un auteur à l’autre. Si Welmers (1970) les classe en trois catégories

(formatifs, flexionnels et extensionnels), Ogbalu (1980) en identifie quatre (négatifs, adverbiaux, prépositionnels et suffixes de temps) alors que Anyaehie (1995b), pour sa part, en reconnaît deux groupes, les suffixes flexionnels et les suffixes dérivationnels. Les suffixes flexionnels en général sont ceux qui constituent des marques de genre ou de nombre des noms, de temps, de nombre et de personne des verbes alors que les suffixes dérivationnels sont ceux qui servent à former des mots nouveaux à partir des radicaux, par exemple -ta dans mkpụ̀ kọ́ta

(coagulation). Les suffixes dérivationnels peuvent modifier la classe grammaticale des radicaux (ịmụ (apprendre) > ịmụta (apprentissage) ; ils modifient également le sens des radicaux (ika (user (vêtement) > ikasị user complètement (vêtement) ; et ils particularisent le contenu sémantique des radicaux. Par exemple de ije (voyage) > on a ijerucha (fin du voyage).

Emenanjo (1982, 1987, 2015), dégage deux groupes principaux, les suffixes flexionnels et les suffixes extensionnels, tout en soulignant que certains suffixes igbo ont des fonctions dérivationnelles. Sa classification, reprend pour l’essentiel celle d’Ogbalu (1980). Les manuels de grammaire des linguistes igbo ne classent pas les suffixes dérivationnels de la même manière. Ceux qu’Emenanjo (1987) appelle les suffixes extensionnels, Anyaehie (1995b) les appelle dérivationnels. Pour notre part, nous avons décidé de considérer les suffixes de négation et de temps (-ghị dans la phrase « Ọ daghị » il n’est pas tombé, «-bu dans « Ọ daghịbu ada » il n’était pas tombé), comme des suffixes flexionnels, et les suffixes adverbiaux et prépositionnels comme des suffixes extensionnels. Par rapport à d’autres types de suffixes, un suffixe extensionnel, qui n’est d’ailleurs pas spécifique des langues africaines, a pour fonction principale de modifier le sens du mot auquel il est ajouté.

Les suffixes apparaissent souvent avec les enclitiques (voir ci-dessous), dans un ordre qui n’est pas fixe : l’enclitique peut précéder ou suivre le suffixe (voir 2.2.1.2). Par exemple, « Il est aussi allé au marché. » peut se dire Ọ gàràkwà ahịa (ga –rV + kwa), où l’enclitique kwa (aussi) suit

le suffixe ra ou bien Ọ gàkwàrà ahịa (ga –kwa Rv), où l’enclitique kwa précède le suffixe ra même si la deuxième expression est la plus acceptable et la plus courante.

Les suffixes extensionnels modifient le sens des verbes. Par exemple, le sens du verbe iwè (apporter) change lorsque les suffixes extensionnels te ou re y sont ajoutés : iwete (apporter à),

iwetecha (apporter tout). De même le sens de ịṅụ (boire) est modifié par l’ajout du suffixe cha : ịṅụcha (boire tout). Les suffixes flexionnels, eux, ne sont utilisés que dans des constructions

particulières, par exemple pour véhiculer les notions d’aspect et de modalité : par exemple le suffixe ru dans Ada biburu n’Aba (Ada a vécu à Aba) et Ada bibu n’Aba (Ada vivait à Aba). Ils communiquent donc le temps verbal, l’aspect, etc., mais ne modifient pas le sens.

Parmi les termes du domaine que nous avons pu recueillir, on note des termes formés aussi bien par préfixation que par suffixation. Par exemple, l’adjonction du préfixe m et du suffixe nye au radical ba nous donne le terme mbanye (engagement) (l’engagement de la tête du bébé) dérivé du verbe ịbanyé (entrer/engager), l’adjonction du préfixe m et du suffixe ta au radical kpụ̀ kọ

donne le terme mkpụ̀ kọ́ta (coagulation) dérivé du verbe ịkpụ̀kọ́ta (coaguler). L’adjonction du

préfixe n à kwarụ donne nkwarụ (anomalie), dérivé du verbe ịkwarụ (déformer). Le préfixe m + gbatị donne le terme mgbatị (extension) dérivé du verbe ịgbatị (prolonger).

2.2.1.1.3. Les interfixes

La langue igbo ne possède pas d’infixes, mais plutôt des interfixes. Comme nous l’avons dit au début de la discussion sur les affixes, les interfixes sont des morphèmes qui s’insèrent entre deux racines, qu’elles soient identiques ou non, à la différence des infixes qui s’insèrent à l’intérieur d’un morphème : « Le n du latin jungere (joindre) est un infixe nasal inséré dans le radical jug-, à l'état pur dans jugum (joug) » (Le grand Robert 2005).

Les interfixes peuvent changer le sens des racines hôtes et sont utilisés dans la création lexicale par redoublement8. Ainsi, dans le mot ágụ́ màgụ́ (littérature/lecture), le morphème m est un

interfixe placé entre la racine répétée agụ.

À propos des interfixes, Emenanjo (1982a : 77) note :

Tandis que les préfixes et les suffixes ont été universellement attestés et les infixes découverts dans un certain nombre de langues, l’interfixe n’a été étudié que dans deux langues : l’igbo et le dghweɗe. En fait, l’analyse de ces deux langues montre que les interfixes se distinguent des infixes et que l’on doit leur accorder une place parmi les affixes dans la morphologie universelle. Cette différence ne relève ni de la fonction, ni de la structure, ni de la distribution des interfixes mais plutôt de la position qu’ils occupent dans un mot : les infixes divisent les morphèmes, contrairement aux interfixes. De plus, il y a une symétrie de distribution parmi les interfixes, c’est-à-dire qu’en igbo l’interfixe figure entre éléments dissyllabiques qui sont des répétitions d’un même constituant.