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Les problèmes terminologiques de la langue igbo

3.1. L A TERMINOLOGIE EN A FRIQUE

La terminologie a été un outil dans la modernisation de certains pays. C’est le cas de la Somalie où la langue somalie est étudiée depuis le XIXe et où la terminologie est prise très au sérieux. Les membres de la Somali Language Commission ont été envoyés dès les années 1940 en Union soviétique, en Chine et dans les Etats arabes pour étudier la formation des termes. En 1972, le somali a été déclaré langue officielle, l’écriture latine adoptée et des travaux terminologiques engagés. La modernisation du lexique a débuté en 1972. Antia (2000) et Caney (1980) soulignent le rôle de ces travaux de terminologie dans la transformation de la Somalie. Comme le fait remarquer Antia (2000 : 18), la terminologie a été un des principaux outils de transformation de la Somalie pendant environ dix ans. La commission de la langue somalie s’occupait de la création des termes à utiliser dans les manuels scolaires, alors que les départements universitaires s’occupaient du développement des programmes scolaires à proprement parler. Le Ministère de l’information et les mass media étaient chargés du développement des vocabulaires généraux et politiques. Les domaines intéressés par la terminologie comprenaient l’agriculture, le commerce, l’industrie, l’éducation, le droit, les mathématiques, la médecine et les sciences, domaines les plus utiles pour le public. Ces travaux terminologiques ont joué un rôle dans le développement de la terminologie politique et des vocabulaires généraux en Somalie.

En Tanzanie, le travail terminologique portait sur la langue swahilie et a fait appel à différents groupes. Les groupes dirigés par le Conseil National du Swahili (Swahili National Council (BAKITA)), établi en 1967, étaient chargés de créer une terminologie technique et de normaliser les termes créés. Ils devaient définir des normes, définir les règles pour guider la

création des termes. On comptait parmi ceux-ci des groupes aussi divers que l’Université de Dar-es-Salam, l’Institute of Kiswahili Research, Tanzania Episcopal Conference et les mass media. Les efforts ont donné lieu à un recueil de termes recommandés publié en 1990, Kamusi

Sanifu ya Isimu na Lugha, comprenant 1 439 termes.

Selon Antia (2000 : 21), c’est la vision socialiste des dirigeants qui a servi de moteur aux efforts de motivation des Tanzaniens dans ce domaine :

The motivation for work on terminology in Swahili in Tanzania came precisely from the place accorded this language in the socialist vision (ujamaa) of the country’s leaders.

Plusieurs domaines étaient touchés par la création terminologique, notamment le commerce, l’économie, la science, la gestion et l’administration, les mathématiques et l’agriculture.

En Ethiopie, le programme pour la terminologie a été également important dans le développement du pays. Le gouvernement éthiopien a collaboré avec l’United Nations Interim

Fund of Science and Technology for Development (UNIFFSTD) pour développer la

terminologie en amharique. Ainsi, le projet intitulé Science Technology Terms Translation

Project (STTP) a été lancé en 1987, permettant la création de termes dans plusieurs domaines,

notamment la géologie, la botanique, la zoologie, la chimie, la nutrition, la physique, la statistique, l’électromécanique, l’architecture… (Voir Awoniyi 1982).

Nous notons au passage que la grande majorité de ces efforts de planification linguistique et terminologique ont eu lieu dans les pays à orientation socialiste, ce qui nous conduit à voir la main de l’idéologie dans les choix. On sait que dans les pays à orientation socialiste la tendance est à la planification centrale qui permet souvent à l’Etat d’intervenir dans un aspect quelconque de la vie du pays—économique, social, politique, linguistique, etc.—pour maintenir un équilibre, pratique qui se démarque nettement de la tendance dans les pays capitalistes où les

sous-systèmes sont considérés comme autorégulateurs et donc capables de revenir à l’état d’équilibre eux-mêmes par le seul jeu des forces en présence.

Le cas de l’Afrique du sud (RSA) est forcément un peu différent. Des facteurs idéologiques et historiques et des facteurs liés à l’organisation des systèmes éducatifs ont longtemps inhibé le développement de la terminologie dans les langues indigènes. La politique linguistique de la République d’Afrique du sud ne favorisait pas ces langues. Avant 1947, la langue anglaise et l’afrikaans étaient les seules langues officielles, et les langues indigènes étaient négligées comme le souligne Alberts (1998) :

The government policy in language promotion before 1994 stipulated that the promotion of the African Languages was the task of the former national states and the self-governing regions, and not that of the South African Government. The Language Boards for the African languages responsible for terminological work in the former Republic of South Africa did very little work in this regard. (Alberts 1998 : 10)

Une section terminologique du National Language Service (NLS) s’occupe du développement de la terminologie et a pour mission de créer des terminologies dans les langues indigènes de l’Afrique du sud ainsi que de promouvoir les politiques gouvernementales visant la mise en œuvre de la politique linguistique concernant les langues techniques. Alberts (1998) décrit ainsi les objectifs de cette direction terminologique de la NLS :

[…] implementation and maintenance of national policy and strategies concerning technical languages in order to promote scientific and technical communication in all South African Language communities […] to standardise technical and scientific concepts and definitions and to provide equivalents […] in all the official languages and different domains – from grassroots level up to the highest tertiary level (Alberts, 1998 : ibid.).

Cette direction terminologique du NLS a également pour mission de diffuser des informations terminologiques sur Internet. Pour atteindre cet objectif, une formation terminologique dans les langues sud-africaines a été organisée dans les années 1990 à l’intention des linguistes des différentes communautés linguistiques impliquées dans l’effort (voir Alberts, 2008 : 18- 19).

La validation des termes créés devait être le fait des populations locales parlant la langue. Pour qu’un terme soit considéré comme validé, il doit être utilisé dans l’enseignement, la recherche, la traduction, etc.

Parlant de la terminologie à l’heure actuelle en Afrique du Sud, Antia (2015 : 471), dit :

Terminology also figures prominently in the structures that the Implementation Plan expects to be part of translating the language policy into reality. The National Language Service, as the Language Planning Office, is charged with coordinating the Implementation Plan. It has an entire division devoted to terminology called the Terminology Coordination Section. The section implements, initiates and oversees a range of terminology-related projects.

Malgré les efforts récents pour le développement de la terminologie en Afrique du Sud, tout ne va pas bien :

Within a few years of its formulation, South Africa’s post-apartheid multilingual policy programme began to elicit criticism related either to its very conceptualisation and/or implementation. Both the evidence and reasons offered for the view that all is not well with the policy are very relevant to terminology insofar as they suggest the following: (1) fewer than expected opportunities for the development and use of terminology in especially the new official languages have materialized and (2) the development of terminology is in some cases detached from activities valued by users, or it is based on assumptions that are at variance with sociolinguistic reality (Antia, 2015: 475).

L’activité terminologique n’a débuté au Nigeria que dans les années 1970 avec des projets sur les glossaires techniques (Project for Primary School Science 1978), la terminologie juridique (Projet du NERDC 1980-1991), la métalangue (1981-1991), un projet portant sur les trois langues majeures : haoussa, igbo, yoruba.

Parmi les autres projets sur le développement terminologique des langues nigérianes, on peut citer le projet portant sur l’enseignement primaire sur six ans, qui a pour but de permettre l’emploi de la langue yoruba comme langue d’enseignement de toutes les matières (à l’exception de l’anglais qui sera enseigné comme langue seconde) durant toute la scolarité, le

à Calabar en 1978. Chacun de ces projets vise la production de glossaires dans ces langues indigènes.

Au nord du Nigeria, dès le début de l’indépendance en 1960 on a introduit l’anglais dans le système éducatif. Ce changement de politique était nécessité par le fait que cette partie du pays était en retard par rapport aux autres régions s’agissant du taux de pénétration de l’éducation à l’occidentale. Cette politique fut à la base de quelques travaux terminologiques avant la formulation de la National Policy on Education en 1977 et puis la promulgation de la Constitution fédérale en 1979.

[…] a Straight-for-English policy was adopted at independence, a policy which sought to introduce English as early as possible into the educational system. (Antia 2000 : 23)

Les propos d’Ajulo (2000) à propos de la politique linguistique nigériane, qui soutient qu’il n’existe nulle part un document intitulé « Politique des Langues au Nigeria », vont dans la même direction que ceux d’Antia (2000). Si un jour un tel document devait voir le jour, ce serait sans doute un compendium de documents qui existent déjà :

A document specifically called “Language Policy for Nigeria” has not emerged. However, given the fact that the country has witnessed an endless wave of launching of National Policies on different aspects of governmental business, there is every reason to surmise that one day a “National Language Policy” is to be formulated and launched. (…) In the final analysis, the “National Language Policy” might emerge as a codification of the existing linguistic practices, usages and conventions adopted in accordance with provisions of those documents (Ajulo 2000 : 222).

Pour corroborer les propos d’Antia, Bamgbose (2016) dit :

From 1977 since the first edition of the National Policy on Education (NPE) first appeared, there have been five further editions in 1981, 1998, 2004, 2007, and 2013. Each edition adds more sections or chapters or effects a re-arrangement of subjects in the curriculum at different levels of primary and secondary education. The most extensive so far is the sixth edition of 2013, which virtually modifies the basis and scope of the previous versions of the policy. […]. However, a close examination of the NPF will show that the frequency of the revisions of the Policy has little to do with experience during the operation of a previous Policy (Bamgbose 2016:1).

Le Nigeria essaye de mettre en place progressivement une politique linguistique pour pouvoir accélérer son développement scientifique et technique. Dans cette optique, le gouvernement a lancé des projets pour la création de termes dans neuf langues nigérianes (haoussa, igbo, yoruba, efik, edo, fulfulde, kanuri, tiv, izon) dans lesquels la terminologie sert à la fois de projet de développement linguistique et d’enrichissement terminologique dans le cadre de la mise en œuvre de la politique de multilinguisme du gouvernement fédéral. Les sciences ne peuvent être enseignées en langue indigène en l’absence de termes scientifiques. En 1978, le gouvernement fédéral, par le biais du Ministère de l’Education et du Centre National des Langues (National

Language Centre, NLC), a organisé un atelier sur la terminologie à l’université d’Ife dont le

but était de compiler des glossaires techniques et scientifiques pour les écoles primaires. Ce projet a donné lieu à la publication d’un ouvrage en trois volumes intitulé A Vocabulary of

Primary Science and Mathematics avec plus de mille entrées. Chaque volume comprend trois

langues (le premier volume comprend les langues fulfulde, izon et yoruba, le deuxième les langues edo, igbo et kanuri, le troisième l’efik, le haoussa et le tiv).

Avant les congrès de 1981 sur les langues nigérianes—tenus à Lagos en septembre pour la langue yoruba, le même mois à Oguta pour la langue igbo, et en décembre à Kano pour la langue haoussa—on ne connaissait pas de projets de recherches sur les langues indigènes. Ce n’est qu’après ces congrès que les linguistes ont véritablement commencé à mener des recherches sur ces langues. Ainsi Emenanjo, en 1991, a créé des termes pour désigner les notions de la phonologie igbo. Par exemple, l’aspiration (mkpọnuume), la consonne (mgbochiume), le dialecte (olumba), la nasale (ụdaimi), la nasalisation (mkponiimi), le synonyme (myiwèrè) et la voyelle (ụdaume). Et bien avant, en 1981, le Nigeria Educational

Research Development Council (NERDC) a entrepris de mettre en œuvre l’enseignement des

Fusionné avec le National Language Centre (NLC) en 1988, le NERDC continue de soutenir les projets sur les métalangages. En conséquence, la Society for Promoting Igbo Language and

Culture (SPILC) ainsi que la Hausa Studies Association (HSA) ont bénéficié des fonds du

NERDC pour leur permettre de constituer des glossaires de termes métalinguistiques en haoussa, igbo et yoruba. Chaque glossaire contient plus de deux mille termes.

Rappelons encore la Constitution de 1979 de la République Fédérale du Nigeria, qui stipule à l’article 51(1) que les affaires de l’Assemblée nationale seront conduites en anglais, ainsi qu’en haoussa, en igbo et en yoruba lorsque des mesures appropriées auront été prises à cet effet. Par conséquent, en 1980, l’Assemblée Nationale a demandé au NLC de développer des termes en haoussa, igbo et yoruba permettant d’atteindre l’objectif fixé par la Constitution, à savoir permettre l’emploi de ces langues dans les délibérations des députés. Le fruit de ce travail, intitulé Quadrilingual Glossary of Legislative Terms (English, Hausa, Igbo, and Yorùba), a été publié en 1991. L’ouvrage compte 18 000 entrées, soit 4 500 termes par langue. En dehors de cette démarche de l’Assemblée Nationale, d’autres efforts ont été faits par les associations pour la promotion des langues.

Le gouvernement du Nigeria a également établi en 1993 un centre de recherche sur les langues nigérianes, le National Institute for Nigerian Languages (NINLAN), qui regroupe des chercheurs travaillant non seulement sur les langues majeures mais aussi sur d’autres langues nigérianes. Il est chargé de développer les langues nigérianes et de générer des termes nouveaux. Chaque année, il organise des ateliers et des colloques axés sur le développement des langues nigérianes mais aussi sur la traduction et la terminologie.

Certaines universités nigérianes travaillent aussi dans le même sens. Par exemple, l’Université de l’État d’Abia par le biais du Centre de Langues a créé des programmes en traduction et en terminologie au niveau de la maîtrise et du doctorat pour les langues indigènes.

3.2.LES OBJECTIFS DE LA TERMINOLOGIE DANS LES LANGUES