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Les scandales logiques à la gouvernance environnementale internationale

Dans le document La R evue du CGDD (Page 22-26)

Pour illustrer cet ensemble de malentendus « internationaux », je voudrais me prêter maintenant à une brève comparaison symétrique entre le système de gouvernance pratiqué par la société kasua auprès de qui je travaille depuis 20 ans en Nouvelle-Guinée et ceux mis en place par les divers projets de développement durable en vigueur sur leur territoire. Cette comparaison me semble utile pour mettre en évidence la complexité des conflits juridico-écologiques que provoquent les différences conceptuelles présidant à la destinée des hommes.

Elle précisera que la crise ainsi soulevée ne représente en fait que l’épiphénomène d’un scandale plus vaste, celui des limites que rencontre le paradigme naturaliste dans ses manières hégémoniques et anthropocentriques de penser, d’acter et d’évaluer les relations entre les humains et les non-humains, et au-delà de ses incapacités à promouvoir chez les autres un état d’harmonie entre les hommes et entre les hommes et leur nature.

Le scandale logique d’une désécologisation durable

Parce que son territoire forestier recèle une unique et formidable biodiversité encore préservée, que les 550 individus la composant sont reconnus comme les propriétaires de cette richesse biologique mais aussi comme formant une culture sous-développée et non civilisée, la société kasua est aux prises depuis le milieu des années 90 avec plusieurs projets de développement concernant son milieu naturel : projets d’exploitation industrielle des ressources forestières ou fossiles, projets de législations nationale et internationale de l’environnement, projets scientifiques d’inventaire biologique ou encore projets de conservation de la nature.

La forêt tropicale des Kasua est devenue multi-investie. Mais, cette pluralité de la biodiversité forestière présentée et proposée aux Kasua par ces acteurs étrangers (industriels ou ONG, scientifiques ou juristes), est-elle vraiment réelle ? En d’autres termes, leur propose-t-elle réellement une manière de penser la nature - et donc leur culture - tout aussi plurielle ? Au regard de cette comparaison symétrique, il apparaîtra que non.

Ces visions aussi diverses soient-elles en apparence sont en fait comme les feuilles dans une forêt, dissemblables en leur ressemblance. En revanche, leur similitude « camouflée » est bien structurellement et formellement dissemblable de la conception juridico-écologique kasua. Ainsi, la première différence, et la plus cruciale, réside dans le champ d’application du droit que ces visions appliquent. Pour les développeurs qui légitiment leur acte chez les Kasua dans une constitution, un traité, une charte, un code ou encore un contrat, le champ du droit est de gérer et d’organiser la vie entre les hommes car sa fonction est « de dire le sens de la vie en société ». Pour les Kasua, la vie en société ne connaît pas de telles limites : l’ensemble du milieu forestier est également socialisé car l’ensemble de la biodiversité participe au même principe éthique qui gouverne les rapports entre les humains, l’échange réciproque de vie et de mort. En d’autres termes, la nature et ses composantes ne procèdent pas d’une réalité juridique distincte, autonome de celle des hommes. Humains et non-humains sont des partenaires sur un pied d'égalité en tant que sujets capables d'agir, de réagir et donc d'interagir avec les autres, avec le monde qui les entoure et qui n'est qu'un. Aussi, “le sens de la vie en société” signifie pour ce peuple “le sens de la vie dans une nature socialisée” ou bien, “le sens de la vie dans une société écologisée”.

La seconde différence, intrinsèquement liée à la première, réside dans les distinctions que le système établit entre ses catégories juridiques et la manière dont il instrumentalise la communication entre ces éléments artificiellement dissociés. Si le droit occidental “nomme, classe, départage”, il “fixe également des hiérarchies entre les valeurs” catégorisées (Ost 1995: 20). La catégorisation que sous-tendent nos projets de développement apposent sur le monde réel une même et seule frontière, reconnaissant deux seuls et mêmes domaines : celui des hommes et celui des autres, en l'occurrence les êtres forestiers. D'ailleurs, chacune de

ces visions accorde à cette frontière les mêmes pouvoirs omnipotents en l'investissant des mêmes critères

"agissants". La frontière est tout d'abord franche au sens où elle impose l'impossibilité d'une identification positive entre les composants des deux catégories retenues. Pour ces conceptions exogènes, seuls les hommes sont des êtres sociaux, seuls les hommes sont des êtres culturels, seuls les hommes sont des êtres juridiques et donc politiques. En somme, seuls les hommes sont considérés comme les acteurs, les sujets des actions à entreprendre sur la nature. Et ce, précisément, en opposition à tous les autres qui sont autres car dépourvus de ces attributs, car objets seulement et immuablement pourrions-nous rajouter. La frontière qu’instaurent ces projets n'est pas seulement franche, elle est également fixe et dicte une hiérarchie entre ses catégories qu’il est impossible de transgresser. À l’inverse, et sans prôner pour autant la confusion des genres, le système kasua ne segmente pas le réel dans des catégories fixes et opposées telles nature/culture, objet/sujet. Parce que leur droit a pour fonction de gérer les rapports qui s’étend au-delà de la sphère humaine aux composants de leur environnement, leur système se veut plus englobant, assimilant dans la sphère juridique la dimension écologique des non-humains. A fortiori, l’altérité -comprise comme catégorie-, évolue constamment et graduellement au sein de ce continuum relationnel, et ce, au gré des participants aux échanges dont elle tire son essence, privilégiant ainsi la processualité des références plutôt que la stabilité des critères fixés abstraitement par les catégories juridiques. Ce contraste radical s’étend bien évidemment aux rapports juridiques censés lier les Kasua à leur forêt. Destituant les êtres forestiers de leurs attributs d'être vivants, c'est-à-dire d'être agissants et relationnels, tous les projets en question dénient le caractère fondamentalement réciproque des rapports qu'entretiennent les hommes avec les êtres vivants. Ils ne retiennent qu'une seule dimension relationnelle : l'unilatéralité qu'expriment limitativement la propriété et l'appropriation de l'objet par le sujet. Ils n’instituent qu’un seul régime juridique, celui essentiel du régime monofonctionnel. Aussi, acculés à n'échanger qu'entre sujets humains, les Kasua se désécologisent de ce qui était leur milieu. Acculés à la passivité et donc à l'impuissance d'interagir dans l'enceinte des sujets, les êtres forestiers se chosifient et se « patrimonialisent » en objets à utiliser, à légaliser, à commercialiser, à quantifier, à étudier, ou encore à protéger par le seul sujet, l’homme, seul « maître et possesseur » du champ juridique du développement durable. Un tel réductionnisme est un non-sens pour le droit coutumier des Kasua. Comme je l’ai mentionné, il est un droit de la relation à l’autre, relation étendue aux non-humains considérés sur un pied d’égalité. Autrement dit, c’est un droit qui s’enrichit du lien, non de l’objet.

L’unilatéralité relationnelle instituée par la propriété n'est donc pas valorisée. Les Kasua lui préfèrent l’usufruit qui privilégie la relation entre les êtres en mettant l’accent sur leur interdépendance pour assurer la reproduction du tout. Dans leur société, l’individu n’hérite que d’un droit d’usage sur ses terres. En aucun cas, il ne détient un pouvoir de droit réel sur son territoire : il ne peut en disposer, le céder ou le vendre à un étranger de sa communauté. Si propriété il y a, elle est détenue par sa communauté. Unique dépositaire, elle est responsable en partenariat avec les esprits titulaires d’une sorte de patrimoine territorial, reçu des ancêtres qu’elle se doit de transmettre aux générations à venir. Le territoire est ainsi perçu comme le “ trust ” du droit anglo-saxon ou encore comme “ une chose commune ” au sens défini par l’art. 714 du Code Civil Français : “ Il est des choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous”. Ce statut de l’usufruit régit sans exception tous les rapports entre les hommes et les ressources forestières composant leur territoire. Il est d’ailleurs incontournable car les espèces sauvages ne sont jamais considérées comme des « choses sans maître » : elles sont sous la tutelle des communautés spirituelles. Comment les Kasua pourraient-ils prétendre de leur propre chef de les exploiter impunément ou encore de les préserver et se substituer aux esprits tutélaires ? Pour ce peuple, la biodiversité doit donc se comprendre dans sa traduction littérale, c'est-à-dire la diversité des formes de vies, lesquelles vivantes ou imaginaires ont toutes en commun d'être les acteurs du monde que les Kasua habitent. En d’autres termes, la biodiversité forestière n’est pas le

“pour-soi ” mais le “ avec-soi” (Berque 2000:101) ; elle participe pleinement de leur définition d'être, de leur devenir. Le régime juridique qui en découle tend logiquement vers la multiplicité et la multifonctionnalité8,  l’utilitarisme vers le multispécifique plutôt que l’anthropocentrique9. Alliant les intérêts conjugués -individuels et collectifs, humains et non humains-, il est un régime de la complexité et de la diversité dans lequel l’intérêt de tous prévaut sur celui du particulier, le collectif des humains10. Ce qui explique certainement que cette éthique écologique soit rigoureusement enseignée au cours du rituel initiatique qui promeut l’avènement

8 À la différence du régime monofonctionnel qui prêterait à l’espace un à trois types de fonctions, un même espace chez les Kasua, quelle que soit sa superficie, est l’enjeu et le lieu d’une multitude d’activités aussi diverses que variées (chasse, cueillette, culture itinérante, activités sexuelles, artistiques, spirituelles, contemplatives, ludiques, pédestres, sacrés, zoologiques, etc.). Ces activités peuvent être cumulées ou pratiquées par différents individus, ou encore exercées selon le calendrier des saisons. L’usage et la co-production des ressources forestières sauvages prônent une même multiplicité contraire à l’industrialisation monospécifique que notre système promeut. À titre d’exemple, la tribu porte pour 600 plantes recensées plus de 1 400 différents usages et la variété de leur mode d’exploitation est toute aussi impressionnante.

9Si les Kasua prêtent 1 400 usages aux 600 arbres identifiés, ils prêtent 481 autres usages que puiseraient la faune et les esprits de ces mêmes espèces herborisées. Différents des usages humains, cette utilité contredit toute idée que nous aurions affaire à un penchant anthropomorphique des Kasua.

10Les Kasua adoptent, sans le savoir, la théorie de Locke qui soumet la “juste appropriation” individuelle à une double condition : “que l’usage qu’il fera de son bien prohibe toute forme de gaspillage et qu’il reste suffisamment de ressources de même qualité disponibles pour les autres”, à quoi elles ajoutent une troisième condition, plus déterminante quant à la préservation du milieu forestier : que l’usage individuel ne contredise pas la reproduction de la nature socialisée déterminante quant à la préservation du milieu forestier.

d’une nouvelle génération d’hommes et femmes kasua destinée à participer de la co-régénération du milieu forestier.

Le scandale logique à l’estimation de l’inestimable

Nous l’aurons compris. La conception de la biodiversité, et au-delà, de la place de l’homme dans l’univers que véhiculent les divers projets de développement ne relève en fait, que d’une seule et même conception : le naturalisme occidental. Les dissemblances ne sont donc pas d’ordre ontologique, elles traduisent seulement les différents usages et mises en pratique de cette cosmologie dualiste. Ce qui explique que ces acteurs exogènes puissent s’associer opportunément pour estimer une évaluation des biens et des services rendus par la nature-objet. Ainsi en est-il de l'association des juristes d'une part, et des scientifiques d'autre part, avec les industriels et les conservateurs. La première combinaison nous enseigne en effet que les exploitants et protecteurs de la nature adhèrent communément à la philosophie du droit occidental et à sa logique binaire qui désigne la propriété comme âme universelle de toute législation gouvernant la relation de l’humain à ces non humains. La dissemblance, car dissemblance il y a, repose sur le traitement que ces exploitants et protecteurs de l'environnement tirent respectivement de cette conception juridique dualiste. Si les premiers usent - abusent ? - de la catégorie des « objets sans maître » pour qualifier juridiquement les non-humains forestiers dans le but mercantile de dévaloriser socialement et écologiquement leur valeur d’exploitation et s'autoriser la pratique d’une coupe non sélective, les seconds à l'inverse valorisent la propriété foncière kasua reconnue par la Constitution papoue pour combler le "déficit d'appropriation" dont souffre la biodiversité ; un déficit qui serait, selon les économistes de l'environnement, la cause de la destruction massive de la nature (Hardin 1968). La seconde combinaison exprime cette même ambiguïté aux apparences paradoxales. L'intervention des scientifiques dans les projets d'exploitation ou de conservation de la biodiversité démontre tout d’abord que ces acteurs partagent incontestablement la conception scientifique" d'une nature séparée des activités sociales, peuplées d'entités soumises à des lois universelles"11 (Descola 1999 : 215). Seulement, si pour les industriels, cette intervention de la science a pour but de qualifier et de quantifier "objectivement" les arbres afin d'évaluer économiquement le stock des ressources à exploiter et à dédommager, pour les seconds, il s'agit de qualifier et de quantifier

"objectivement" le capital naturel afin d'évaluer écologiquement le stock des ressources à préserver des activités humaines. La dissemblance n'est toujours pas de « nature ». Aucun de ces acteurs ne remet en cause le paradigme dualiste, ni le rôle qu'il alloue aux humains, à savoir celui d'être les maîtres et possesseurs des objets naturels. La dissemblance repose là encore sur les traitements différentiels que supportent le naturalisme occidental et les différents instruments pour tenter d’évaluer ce capital naturel tant convoité. D'ailleurs, ces traitements différentiels ne sont ni contradictoires ni exclusifs. Pour atteindre leurs objectifs de conservation, les protecteurs ne manquent pas de réifier certains êtres naturels en valeur marchande (et nous y reviendrons), et les industriels de financer ces mêmes protecteurs pour "conserver" un territoire qu'ils exploitent massivement. Ces échanges financiers seront d’ailleurs systématiquement valorisés dans leur campagne de communication respective par la juxtaposition de leurs logos respectifs ou encore par l’ajout d’une ligne de remerciements dans le générique final des documentaires naturalistes réalisés à l’effigie d’une nature forestière intacte car à peine effleurée par des Kasua dont les apparitions fulgurantes -mais toujours costumés de plumes-, les assimileraient volontiers à des oiseaux de paradis.

Ainsi, d’un point de vue purement logique et conceptuel, ces associations entre développeurs ne surprennent pas davantage. Les développeurs partagent plus qu’il n’y paraît, y-compris les tendances néolibérales qu’empruntent volontiers les protecteurs pour poursuivre leurs fins et assurer simultanément la reconduction de leur programme et des salariés qui s’y emploient12. Cependant, si ces associations inter-développeurs sont bien envisageables car intelligibles conceptuellement, elles expliquent sans contradiction mais a contrario l’incapacité manifeste de ces acteurs à associer pleinement et dans leurs pratiques les Kasua à leur projet de développement. Il est vrai que pour y parvenir, encore faudrait-il qu'ils admettent la portée non universelle de leur ontologie commune et admettent ainsi que les Kasua ne partagent pas leur vision objectivée des êtres vivants et la place affranchie et supérieure que l'homme s'octroie dans l'environnement. Sont-ils seulement à même de le faire ? Les nombreux désaccords sur l’estimation du « capital naturel » kasua et ses outils pour l’évaluer vont témoigner des formidables difficultés à dégager ensemble une estimation commune et partagée de la forêt. Le premier désaccord s’est ainsi naturellement exprimé à propos de la valeur à accorder aux arbres exploités par la compagnie industrielle13. En effet, à la stupeur que provoqua la coupe massive et bruyante de la forêt succéda la stupeur de constater que tous les troncs ainsi coupés ou endommagés

11D’ailleurs, jamais les Kasua ne seront conviés à participer activement aux inventaires biologiques de leur forêt.

12 Pour une étude critique du néolibéralisme adopté par la conservation et leurs acteurs, je vous renvoie à la synthèse de Buscher, Sullivan, Neves, Igoe & Brockington, 2012.

13La compagnie malaysienne Rinbujau qui détient 80 % du bois exporté en Nouvelle-Guinée et a obtenu de l’État une concession pour

étaient évalués d’après une même et unique unité comptable, le m3, soit une mesure qui ne différenciait pas les essences des arbres exploités. Cette indifférence spécifique présidant à l’estimation de la valeur de l’être arborescent à dédommager était absolument incompréhensible pour les Kasua qui reconnaissaient la singularité de chacun des arbres peuplant leur forêt comme chacun des multiples rôles qu’il joue au sein de l’écosystème forestier : la protection des sols, l’alimentation et l’habitat de la faune à 80 % herbivore, l’habitat des esprits ou encore les nombreux usages et services qu’en tire l’humanité. Aucun de ces critères pourtant remarquables car majoritairement écocentriques n’était pourtant pris en compte dans l’estimation des arbres coupés. Se prévalant de la loi du marché qui évince les valeurs intrinsèques et d’usage au profit de la valeur d’échange, la compagnie ne versait que la somme correspondant au prix international du bois exotique coupé au m3, soit à peine l’euro. Un autre désaccord se manifesta lorsqu’il fut question pour une compagnie pétrolière venue prospecter, de dédommager la destruction d’espaces forestiers tenus pour sacrés par les Kasua. La loi du contrat prévoyait bien ce type de dédommagement cependant les termes en étaient précis : il concernait limitativement « les édifices culturels : habitats, église, jardins, cimetière14». Or, si les sites sacrés endommagés étaient bien des sites que l’on pouvait qualifier raisonnablement de sites culturels, ils étaient dans leurs formes des édifices dits naturels : là, un arbre habité par un esprit-oiseau qui délivre aux chasseurs le gibier, ici une crique où évolue une anguille ancestrale et d’ailleurs endémique qui entretient une relation symbiotique avec un certain martin-pêcheur, etc. Souhaitant éviter tout conflit avec la population locale, la compagnie accéda à la demande en dédommagement mais refusa catégoriquement le montant de la somme réclamée laquelle correspondait à la valeur inestimable15 que ces sites représentaient pour les Kasua. Les raisons invoquées étaient simples : la composition hybride de ces sites -végétale + minérale + animale + spirituelle mais en aucun cas humaine- ainsi que leur propriété éphémère et non intemporelle rendaient ces édifices hybrides impropres au dédommagement des lieux culturels prévu par la loi.

Ces antagonismes se répétèrent au gré des destructions que subissait la forêt sous la marche rigide de l’industrie. Cependant, ils n’étaient pas le privilège des seuls industriels dont l’ambition marchande était bien comprise des Kasua. Les valeurs prônées par les protecteurs allaient également rentrer en conflit avec celles des Kasua. En effet, forte de ses désaccords constants avec les compagnies, la société Kasua avait décidé d’organiser sur son propre chef une réunion de tous ses membres afin d’évaluer et fixer collectivement le prix pour chacune des espèces de leur forêt qui viendrait à être endommagée par des étrangers16. La réunion dura deux semaines ; deux longues semaines au cours desquelles les Kasua s’adonnèrent à un inventaire exhaustif de toutes les espèces et de tous les usages et services qu’elles offraient dans leurs échanges forestiers quotidiens. La réunion se clôtura par une grande cérémonie à laquelle les esprits titulaires, l’ethnologue et les membres des ONG de conservation étaient conviés dans le but de recevoir leurs accords implicites de principe. Or, certaines évaluations firent l’objet de vives discussions de la part des protecteurs et plus particulièrement celle concernant le casoar pour lequel les Kasua avaient attribué la valeur de

Ces antagonismes se répétèrent au gré des destructions que subissait la forêt sous la marche rigide de l’industrie. Cependant, ils n’étaient pas le privilège des seuls industriels dont l’ambition marchande était bien comprise des Kasua. Les valeurs prônées par les protecteurs allaient également rentrer en conflit avec celles des Kasua. En effet, forte de ses désaccords constants avec les compagnies, la société Kasua avait décidé d’organiser sur son propre chef une réunion de tous ses membres afin d’évaluer et fixer collectivement le prix pour chacune des espèces de leur forêt qui viendrait à être endommagée par des étrangers16. La réunion dura deux semaines ; deux longues semaines au cours desquelles les Kasua s’adonnèrent à un inventaire exhaustif de toutes les espèces et de tous les usages et services qu’elles offraient dans leurs échanges forestiers quotidiens. La réunion se clôtura par une grande cérémonie à laquelle les esprits titulaires, l’ethnologue et les membres des ONG de conservation étaient conviés dans le but de recevoir leurs accords implicites de principe. Or, certaines évaluations firent l’objet de vives discussions de la part des protecteurs et plus particulièrement celle concernant le casoar pour lequel les Kasua avaient attribué la valeur de

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