• Aucun résultat trouvé

VOYAGES VERS LE LAC TANGANYIKA : 1908-1945

2. LES REPORTAGES

Dans l’entre-deux-guerres, et même pendant la Seconde Guerre mondiale, certains voyageurs consa-crèrent de belles pages à leur passage sur les rives du lac Tanganyika dans leurs souvenirs de voyages.

D’autres suivirent plutôt le Lualaba et parfois ses affluents. Ce point ne reproduit que les grands reportages. D’autres descriptions du Tanganyika se trouvent aussi dans des récits de voyage moins

À Albertville, la foule attend l’arrivée des souverains, 1928.

(Collection MRAC Tervuren [fonds Louis de Winter], 1928, droits réservés.)

TANGANYIKA

46

connus. La bibliographie de ce chapitre aidera à les retrouver. À citer, parmi ces voyageurs : le comte Carton de Wiart (1922), Chalux (1923-1924), Julien Vanhove (1938), Tom Marvel (1943-1944).

2.1. LA VISITE DU COMTE CARTON DE WIART : 1922

Henry Carton de Wiart (1869-1951), à qui Albert Ier venait d’octroyer le titre de comte, le 14 no-vembre 1921, entreprit à son initiative personnelle un voyage au Congo belge, de juillet à novembre 1922, en compagnie de son fils Xavier. Il passa par l’Afrique du Sud, où il eut l’occasion de visiter l’Insti-tut de médecine tropicale et les laboratoires de bac-tériologie de Johannesbourg. À Pretoria, il eut un en-tretien avec le général Smuts (Laude 1968 : 175-185).

Ce périple mena le comte Carton de Wiart d’Éli-sabethville à Boma, en passant par Stanleyville, Coquilhatville et Léopoldville. Mais il séjourna éga-lement sur la rive occidentale du lac Tanganyika, notamment dans les missions des Pères Blancs, à Baudouinville et à Mpala. Dans son récit de voyage, il raconte de manière lyrique comment il accosta à Baudouinville :

« […] À dos d’âne, par de rudes sentiers, nous mon-tons vers la mission, suivis, à la mode africaine, par une longue file de porteurs, dont chacun a équilibré sa charge de bagages sur la tête. Après deux ou trois heures de marche, nous touchons au plateau. De larges avenues de palmiers s’ouvrent au travers des cultures. Bientôt les maisons indigènes succèdent aux maisons indigènes, touches bien propres et avenantes. Les bâtiments de la mission, que domine la haute flèche de l’église, se dé-coupent tout roses sur le grand ciel radieux.

Dans la cour principale, pavoisée aux couleurs belges, c’est tout un fouillis de têtes noires crépues et rieuses, d’où montent les Djambo et les souhaits de bienvenue, tandis qu’une fanfare en uniforme prodigue […] [la]

“Brabançonne” dirigée par un jeune Père Blanc, tout barbu sous son grand chapeau rond ; ce brave religieux manœuvre lui-même la grosse caisse et la cymbale, tout en se servant de sa mailloche en guise de bâton de chef d’orchestre. Voici les autres Pères Blancs, toute simplicité, toute énergie, toute bonne humeur. À Baudouinville, ils ne sont qu’une demi-douzaine, car les stations sont nom-breuses, et il faut que les pères se dispersent et se multi-plient pour faire face aux tâches qui les appellent dans toute la contrée. Mais la qualité supplée à la quantité…

Dans cette grande abbaye, que complètent des étables, des champs et surtout des jardins merveilleux et où ateliers et chantiers voisinent avec les écoles dont s’oc-cupent aussi les Sœurs Blanches, les Noirs sont partout chez eux. Rien de touchant et de pittoresque à la fois

comme le sans-gêne, fait d’habitude et de confiance, avec lequel à toute heure du jour, grands et petits, hommes et femmes, circulent partout, et jusque sur la barza de la communauté, demandant qui un conseil, qui un remède. Celui-ci a des semences à appareiller, un autre a quelque outil à réparer, celui-là une plaie à pan-ser ; car les pères, qui doivent tout connaître, n’hésitent pas, dans ces régions perdues, à se faire médecins des corps comme des âmes, et chirurgiens au besoin. Voici un pauvre aveugle qui s’est installé confortablement, à la façon de saint Alexis, sous un escalier. Voici, assis au pied d’un oranger, deux jeunes moricauds qui répètent ensemble leurs leçons. Après une palabre qui ne manque pas de solennité, le chef indigène, grand ami de la mis-sion, nous offre le pombe d’honneur sur la terrasse de sa demeure, qui commande la place du Marché. Mieux encore. Voici les œuvres sociales de cette chrétienté du type patriarcal. Les Noirs ont formé, sous la direction des pères, une caisse d’épargne, qui paie du 4,50 % à ses adhérents. Elle compte 552 membres et possède une en-caisse de 9000 francs. Deux sociétés de secours mutuel, l’une pour les hommes, l’autre pour les femmes, sont en plein progrès, et ce sont les Noirs eux-mêmes qui en assurent tous les services. Dans la première, le ver-sement mensuel est de 15 centimes et l’allocation heb-domadaire est de 50 centimes à partir du quatrième jour de maladie. Les mutualistes du sexe faible sont déjà au nombre de 250. Elles reçoivent une prime de deux francs à la naissance d’un enfant et une allocation journalière à partir du quatrième jour. Les jeunes filles ont, elles aussi, une mutualité, destinée à leur assurer un trousseau en cas de mariage. À côté des écoles, un séminaire a été fondé, où j’ai entendu de jeunes noirs répondre en latin et en français, de la façon la plus sensée, à des questions de philosophie et d’histoire.

Tout ce monde se retrouve, le dimanche, dans la grande église. Rien de plus suggestif que le spectacle matinal de cette nef, envahie par un peuple noir, dont les visages forment une grande masse obscure sous les voûtes toutes blanches. Ce peuple chante et prie de toute sa fer-veur. L’évêque coadjuteur [Mgr Huys] officie pontificale-ment. Il a un jeune diacre noir parmi ses assistants […] » (Carton de Wiart. 1923 : 77-79).

Le comte Carton de Wiart fut vraiment impres-sionné par la dynamique religieuse, sociale et éco-nomique de la mission des Pères Blancs, car l’intro-duction des caisses d’épargne et des mutualités à Baudouinville était un franc succès, auquel s’ajoutait aussi le fameux développement agricole effectué par les missionnaires blancs.

Le comte parle aussi de Sainte-Marie de Boma (  ?) [Saint-Louis de Mrumbi] où vivait le capi-taine Léopold Joubert, qui s’occupait, pendant cette période, de ses arbres et de ses enfants. Il ne

man-PREMIÈRE PARTIE : LES EXPLORATIONS ET LES VOYAGES VERS LE LAC « TANGANYIKA »

47

quait pas d’aller de temps en temps saluer ses voi-sins Pères Blancs et leurs prouesses au jeu de tir à la perche, le seul sport qu’ils pratiquaient. Il évoque aussi l’existence, plus au nord d’Albertville, d’une sta-tion en plein développement où les ressources d’acti-vité commerciale se doublaient des chances d’un site charmant. Les Pères Blancs y avaient une jeune et belle mission, non loin de la bourgade naissante de Greinerville (Makala) où l’extraction de la houille se faisait à fleur du sol avec un succès de plus en plus marqué (Carton de Wiart 1923 : 80-81).

2.2. CHALUX, UN AN AU CONGO : 1923-1924

Chalux [pseudonyme du marquis Roger de Cha-teleux] sillonna la colonie belge entre 1923 et 1924.

Ses reportages pour le journal bruxellois Nation belge furent réunis dans un ouvrage intitulé Un an au Congo, publié en 1925.

Chalux visita d’abord les mines d’étain de Ma-nono. Selon ses dirigeants, cette société prospère connaissait toutefois quelques difficultés, surtout en matière de main-d’œuvre : l’entreprise comptait 650 ouvriers où il en fallait 1000. De Manono, le jour-naliste se rendit à Kabalo, d’où il prit le train, droit vers l’est. Le voyage fut pénible, à cause de la cha-leur intense et des mouches tsé-tsé agressives et innombrables. C’est au km 126, à Nyunzu, sous un joli champignon de bambous entouré de bananiers et protégé par un fétiche (!) qu’il prit le déjeuner.

Après, il poussa jusqu’à Niemba, un poste de garni-son situé au km 174. Ensuite il poursuivit garni-son voyage jusqu’à Greinerville ou Makala (charbon), des char-bonnages situés au km 260 (Chalux 1925 : 430-431).

Chalux arriva finalement au km 273, à Albert-ville. Il fut logé au sommet d’une colline d’accès sin-gulièrement difficile dans une maison démontable du type « maison danoise ». La maisonnette était à l’abri sous un hangar de chaume. Lui qui rêvait d’un majestueux lac Tanganyika se déclara un peu déçu.

Il s’attendait à quelque chose de prodigieux, à un lac dont l’étrange et puissante beauté donnait le vertige.

Il reconnaissait que le lac Tanganyika était beau, mais d’une beauté toute classique, non africaine et primitive. Les montagnes qui l’entouraient étaient impressionnantes, mais n’avaient rien de mystérieux, de « continent noir », dans tout ce qu’il avait pu voir.

Le lac, lisse comme un miroir quand il le contem-pla pour la première fois, lui donnait une impres-sion de sérénité, d’immensité et de majesté, mais Chalux s’était attendu à « un gouffre géant aux eaux

sans cesse agitées […] à un gouffre entouré de cimes gigantesques, chaotiques, effarantes, à un spectacle d’Apocalypse, symbolisant farouchement ce centre de l’Afrique sauvage […] » (Chalux 1925 : 433).

« D’un côté du ravin, l’agglomération est Albertville-Grands Lacs ; de l’autre, c’est Albertville-État. Au pied de la colline s’étend une plaine sablonneuse ; là se trouvent, en partant du petit port et en se dirigeant vers l’ouest, la gare, les ateliers du chemin de fer, des hangars, des bu-reaux du CFL, la poste, l’Interfina, quelques maisons de commerce tenues par des Grecs ou des Hindous, et un village de travailleurs, – rangées de champignons jaunes sur le sable jaune.

Albertville-Grands Lacs : maisons des Blancs qui tra-vaillent à la Compagnie. Albertville-État : bureaux et ha-bitations (celles-ci véritablement charmantes) des divers fonctionnaires. Là aussi rôtissent au soleil : la Banque du Congo belge, le CSK (Comité spécial du Katanga) et, dans une boucle de la petite rivière Kalemie, le camp militaire.

Albertville est fleurie, pimpante et toute jeune. Je crois même qu’elle est la benjamine des cités congolaises : elle a deux ans […] Le gouverneur général Lippens arrive à Albertville en 1921. Il y avait alors 60 habitants, presque tous employés aux Grands Lacs. M. Lippens voit clair ; il veut ici une ville et promet un crédit d’un million.

M. Van den Bogaerde, commissaire de district, s’attelle aussitôt à la besogne, sans personnel technique. Travaux interrompus en 1923, faute de crédits. Mais il y a main-tenant 225 Européens et une cinquantaine d’Asiatiques ici, et la petite ville, qui porte le nom du Roi-Soldat, est assurée d’un bel avenir. Le commerce se développe […] » (Chalux 1925 : 434-435).

Au début de son développement commercial, il existait déjà à Albertville de fortes communautés grecque et hindoue. Elles accaparaient tout le com-merce et attiraient leurs compatriotes au Congo et il fallait, en conséquence, toujours selon Chalux, appliquer strictement l’ordonnance de 1922 sur l’im-migration. Il voyait donc d’un mauvais œil l’afflux des Grecs et des Hindous.

Quelques colons agricoles s’étaient aussi instal-lés dans la région du lac Tanganyika. Chalux cite d’abord les noms de certains : Thysbaert et Hubert, établis depuis cinq ans, respectivement à Tumbwe et à Baudouinville. Ces colons possédaient une conces-sion de 800 hectares où ils avaient planté du café et pratiquaient l’élevage. En outre, ils encourageaient les autochtones à cultiver du blé, des pommes de terre d’Europe et du tabac. Ils achetaient leurs pro-duits pour les expédier vers Stanleyville (Chalux 1925 : 436).

TANGANYIKA

48

Vers le sud du lac, un nommé Bruneau essayait de mettre en valeur le plateau de Katele dont le cli-mat convenait à l’élevage. Il avait installé un mou-lin et commercialisait de la farine de froment d’une excellente qualité, prétend Chalux. Il cultivait aussi avec succès le ricin et l’arachide. On parlait aussi d’un autre colon, Van Hyfte, un pêcheur originaire de Blankenberge, arrivé dans la région avant la guerre avec une mission d’études envoyée par « l’Ibis ».

D’après les dires des gens, sa pêche dans le lac avait quelque chose d’une pêche miraculeuse, car il récol-tait certains jours jusqu’à 500 kilos de poisson. En outre, il possédait 40 hectares de caféiers et diverses autres plantations (Chalux 1925 : 436).

Chalux visita également le camp de Niemba, qu’il peignit comme un camp idyllique situé au milieu d’une belle forêt non loin de la Lukuga, déversoir du lac Tanganyika dans le fleuve Lualaba-Congo. Les travaux d’installation de ce camp militaire avaient commencé en 1919. Le bois, la terre à briques, des pierres etc. se trouvaient sur place. Cela avait permis la construction rapide de jolies villas pour les offi-ciers blancs, les magasins, les ateliers, un corps de garde, les habitations de la troupe noire et un arc de triomphe au bord de la voie ferrée. À côté d’un ter-rain d’exercices, il y avait des cultures : 70 hectares de manioc, d’arachides et de haricots ; 3000 jeunes palmiers, 300 arbres fruitiers et un potager de luxe.

L’effectif se composait de 13 Européens et de 515 Noirs (Chalux 1925 : 436-437).

2.3. LES REGARDS DE JULIEN VANHOVE SUR LE TANGANYIKA : 1938

Après la fin de son mandat, Julien Vanhove (1905-1976), administrateur de territoire à Basankusu, dans la province de l’Équateur, parcourut la colonie d’un bout à l’autre (Nécrologie de Julien Vanhove 1977 : 59-63), de 1936 à 1938. Après un séjour dans le Maniema, il se dirigea vers le Tanganyika.

Il avait hâte d’atteindre Albertville, parce que l’état de santé de son compagnon de route, un employé de la Belgikaor, imposait d’urgence son transfert à l’hôpital de la ville. En y entrant, il fut émerveillé par l’immense nappe du Tanganyika reflétant la lumière rose du matin et par la ravis-sante église moderne qui, tel un phare, dominait la ville et le lac de sa tour blanche. De même, l’im-posante gare de chemin de fer des Grands Lacs le long du port ne manqua pas de le subjuguer, ni la file de magasins en bordure d’une allée de cocotiers

frémissant sous la brise du large de le fasciner…

(Vanhove 1943 : 113).

À la mission des Pères Blancs, il rencontra un vieux religieux français, le père Ferrach, virtuose de la baguette de coudrier. Celui-ci avait déjà découvert plusieurs points d’eau, au plus grand ébahissement des Noirs, qui l’entouraient d’un respect mêlé de crainte. La terrasse de la mission était toute garnie de jarres débordant de fleurs folles et odorantes.

Il visita ensuite les cités congolaises, encore à l’état de villages, et le centre extra-coutumier flambant neuf avec ses services administratifs : les impôts, l’état-civil, le tribunal avec ses juges indigènes en toge noire, le dispensaire, et des maisons bien ali-gnées surgissant du sol à flots continus. Il termina sa tournée par l’hôpital pour Blancs, où régnait le docteur Lejeune, et l’hôpital pour Noirs, dirigé par le médecin italien Sera.

En découvrant Baudouinville où il était arrivé la veille de l’ordination de deux nouveaux prêtres noirs, il ne put cacher son admiration pour l’œuvre des Pères Blancs de cette belle mission, qu’il décrivit comme un havre de paix et un foyer de civilisation.

Il y rencontra Mgr Victor Roelens, déjà vénérable vieillard, mais encore lucide après un demi-siècle d’apostolat missionnaire, et l’abbé Stefano Kaoze,

« […] curé de Kala, première paroisse confiée entiè-rement à des prêtres de couleur […] assis à côté de l’abbé Kaoze, pendant le dîner de gala qui a suivi la messe, j’ai été frappé par l’expression de douceur et de finesse à la fois de son visage, ainsi que par le caractère de réelle dignité qui se dégageait de toute sa personne » (Vanhove 1943 : 118).

Le Tanganyika possédait, non seulement, les plus vieilles missions, mais il forma aussi les premiers prêtres noirs du Congo. Ces deux phénomènes seront largement décrits ultérieurement.

2.4. L’EXPLORATION CONGOLAISE DE L’AMÉRICAIN TOM MARVEL : 1943-1944

De janvier 1943 à novembre 1944, l’Américain Tom Marvel, fonctionnaire de l’United States Office of War Information ayant siège à Léopoldville, fit un grand périple à travers le Congo. Une visite dans la région du Tanganyika était, bien entendu, à l’agenda. Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale (1940-1945), il réunit toute ses expériences dans un ouvrage, The New Congo, dont la traduction française, Le Nouveau Congo, parut quelques années plus tard.

PREMIÈRE PARTIE : LES EXPLORATIONS ET LES VOYAGES VERS LE LAC « TANGANYIKA »

49

Tom Marvel raconte que de nombreuses per-sonnes, à qui il avait annoncé sa visite à Albertville, lui dirent qu’il n’y avait rien à voir dans cette ville, simple terminus de chemin de fer. Mais Albertville lui plut, avec sa jolie église moderne perchée sur la colline, sa cité indigène propre et gaie le long du lac et ses résidences merveilleusement situées à flanc du coteau caressé par la brise fraîche du lac (Marvel 1948 : 242).

Pour l’Américain, Albertville remportait presque la palme du meilleur climat parmi les villes congo-laises. Moins élevée que les localités du lac Kivu (elle n’est qu’à 600  m d’altitude environ), mais pas aussi basse que les postes le long du fleuve non plus, Albertville ne connaissait ni les brumes froides des unes, ni la chaude moiteur des autres.

Albertville était le port d’entrée de toutes les mar-chandises en provenance de l’Orient vers le Congo belge, après un transit inévitable par Dar es Salaam et Kigoma. Marvel décrit alors la monumentale gare en pierre, aux bâtiments aussi longs que tout un quar-tier de la ville, s’arrêtant sur un long môle avancé dans le lac. Môle sur un côté duquel les vagues du Tanganyika venaient se briser avec fracas, tandis que sur l’autre, les steamers et les barges se serraient contre un quai de 250 mètres de long pendant les actives opérations de transbordement.

Marvel évoque ensuite l’omniprésence et la toute-puissance du CFL, non seulement comme gestion-naire du rail, mais aussi comme celui des docks, de la cale sèche et des barges, des steamers et d’autres bateaux. À ce propos, il raconte cette incroyable anecdote :

« Une remarquable cale sèche de 111 mètres de longueur et 18 mètres de large, creusée dans la partie de la rive pro-tégée par le môle, permet la réparation des plus grands bateaux du lac. La cale sèche ressemble à un gigantesque bassin de natation qu’on aurait vidé de son eau et les vaguelettes du port viennent lécher de lourdes portes qui retiennent les eaux du lac. La cale sèche, à son plein niveau, était du reste très utilisée comme bassin de nata-tion, jusqu’au jour où, en en pompant les eaux, on décou-vrit au fond deux crocodiles battant furieusement l’air de leurs queues. Depuis lors, les vapeurs eurent la cale sèche pour eux seuls […] » (Marvel 1948 : 242-243).

Le CFL organisait également une école de navi-gation pour indigènes à Albertville. L’enseignement tendait à former des timoniers habiles pour le lac et le fleuve. Parallèlement, des cours réservés à des Congolais qui se destinaient à devenir mécaniciens

de locomotives étaient dispensés. Bien entendu, le CFL s’occupait aussi d’hôpitaux, d’écoles et des cités indigènes pour son personnel noir, qui comptait alors environ 11 000 ouvriers.

Son observation sur la rivière Lukuga, l’émis-saire du lac Tanganyika vers le fleuve Congo, est intéressante :

« Autrefois, la Lukuga – ce chenal de drainage du lac – était souvent obstruée par des herbes et par des bancs de sable amoncelés par les vagues. Ce phénomène pro-duisait de considérables variations du niveau du lac.

On a veillé à régulariser le débit de la Lukuga ce qui – à part les perturbations peu probables dues à des tremble-ments de terre – a été aisé à pratiquer, en maintenant le déversoir dégagé d’herbes. On a ainsi stabilisé le niveau du grand lac et on a facilité, par conséquent, la construc-tion sur sa rive de bâtiments, de quais et de parcs. On a même envisagé la possibilité de rendre la Lukuga na-vigable au moyen d’écluses. De cette façon les vapeurs du Congo pourraient remonter jusqu’au Tanganyika »

On a veillé à régulariser le débit de la Lukuga ce qui – à part les perturbations peu probables dues à des tremble-ments de terre – a été aisé à pratiquer, en maintenant le déversoir dégagé d’herbes. On a ainsi stabilisé le niveau du grand lac et on a facilité, par conséquent, la construc-tion sur sa rive de bâtiments, de quais et de parcs. On a même envisagé la possibilité de rendre la Lukuga na-vigable au moyen d’écluses. De cette façon les vapeurs du Congo pourraient remonter jusqu’au Tanganyika »