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LES EXPÉDITIONS ANTIESCLAVAGISTES

L’INTÉGRATION DU « TANGANYIKA » DANS L’ÉTAT INDÉPENDANT DU CONGO

3. LES EXPÉDITIONS ANTIESCLAVAGISTES

Quatre expéditions furent dirigées vers le lac Tan-ganyika et le Haut-Katanga dans le cadre de la lutte antiesclavagiste. La décision de l’envoi de ces expédi-tions faisait suite à la conférence antiesclavagiste qui s’était ouverte à Bruxelles le 18 novembre 1880, dont l’Acte général établi le 2 juillet 1890 fut ratifié par un grand nombre de gouvernements occidentaux. Les négociations diplomatiques durèrent pratiquement trente mois.

Une Société antiesclavagiste vit le jour à la suite de la propagande faite par le cardinal Lavigerie et de la Conférence antiesclavagiste. Son but était de concourir à l’abolition de la traite, conformément aux articles sixième et neuvième de l’Acte général de Berlin (novembre 1884-février 1885). Le lieutenant Jacmart fut nommé président du Conseil-direc-teur et reçut comme adjoint, en qualité de direcConseil-direc-teur technique, le capitaine adjoint d’état-major Émile Storms, un ancien de l’Association internationale africaine, de 1882 à 1885. L’objectif de cette associa-tion était de constituer au lac Tanganyika une bar-rière infranchissable par les caravanes esclavagistes et d’établir une croisière sur le lac au moyen d’un ou deux steamers. Quatre expéditions furent lancées vers cette région (Lejeune-Choquet 1906 : 73-76 ; Gardet 1913 : 61-67).

3.1. PREMIÈRE EXPÉDITION

Rentré en Belgique le 3 mars 1890, au terme de son premier service à la Force publique aux Falls, Édouard Hinck (1860-1917) fut choisi par la Société antiesclavagiste pour diriger cette première expé-dition. Il embarqua à Anvers le 16 juin 1890 (Coo-semans 1951 : 474-476) avec Paul van de Kerchove (1847-1917) comme compagnon de route.

L’expédition arriva à Boma le 5 août suivant, mais van de Kerchove, qui était chargé du recrutement de

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porteurs et de l’organisation des transports, tomba gravement malade et dut renoncer à la poursuite du voyage. Il rentra immédiatement en Belgique et fut remplacé par Camille Ectors (1870-1929) (Jadot

& Coosemans 1955 : 457-458 ; Coosemans 1952 : 285-286).

À Léopoldville, l’expédition rencontra d’énormes difficultés, parce que tous les services de transport étaient réquisitionnés pour une expédition à destina-tion du Haut-Uele. En conséquence, celle d’Édouard Hinck dut patienter de longs mois et ne put se mettre en route que le 12 août 1891 pour les Falls, où elle arriva le 22 septembre.

La tâche de l’expédition était de remonter le Congo et le Lomami, de se fixer vers le 4e degré de latitude sud et d’assurer la liaison avec la région du Tanganyika où opérait Jacques. C’est par cette voie que l’on espérait pouvoir acheminer les pièces déta-chées d’un steamer appelé à croiser sur le lac. L’expé-dition était à Kibonge le 10 novembre, à Riba-Riba le 24 novembre et finalement à Bena-Kamba, le but du voyage, le 7 décembre 1891.

Peu après son installation, les Arabes de Nyangwe se soulevèrent, massacrèrent la mission commerciale d’Hodister. Des ngwana se révoltèrent à leur tour et fermèrent la route du Tanganyika. Le 9 avril 1892, le lieutenant Hinck reçut l’ordre de lever le poste de Bena-Kamba. Au même moment, il était atteint d’une ophtalmie jugée très grave et il regagna l’Europe. Le 11 août, il embarqua à Banana. Ainsi, la première expédition ne put mettre son projet à exécution.

3.2. DEUXIÈME EXPÉDITION

La direction de la deuxième expédition antiescla-vagiste fut confiée à Jules Jacques (1858-1928), qui avait déjà entamé une carrière congolaise au début de 1887. Rentré de l’EIC en mai 1890, il accepta le com-mandement de cette expédition qui allait reprendre les routes ouvertes antérieurement par Cambier et Popelin. C’est le 13 mai 1891 qu’il embarqua à Naples pour Bagamoyo (Engels 1951 : 497-504).

Le lieutenant Gustave Renier (1867-1914) et les volontaires Henri Docquier (1865-1896) et Alexis Vrithoff (1867-1892) le secondaient dans sa tâche (Hennequin 1948 : 785-787 ; Coosemans 1951 : 294-297 ; 962-964).

La caravane prit la route vers le Tanganyika le 12 ou 13 juillet 1891. Elle arriva à Karema vers le 16 octobre, y séjourna jusqu’au 20, et traversa ensuite le lac Tanganyika pour rejoindre le capitaine

Joubert et les Pères Blancs à Saint-Louis de Mrumbi, à côté de Mpala. L’expédition se mit à explorer la rive occidentale afin de trouver une position stratégique.

C’est ainsi que, le 3 janvier 1892, le capitaine Jacques fonda Albertville, qui était à la fois un réduit défen-sif, une résidence et le centre d’où partiraient des expéditions vers l’intérieur.

Le 5 avril, après une période d’escarmouches, le lieutenant Gustave Renier et Alexis Vrithoff déci-dèrent d’attaquer le boma des ngwana situé non loin de leur fort. Malade, le capitaine Jacques ne put par-ticiper aux combats. Vrithoff mourut au cours de cette opération, atteint d’une balle.

Incapable de déloger les ngwana, le capitaine Jacques demanda à l’État des secours rapides et des fusils, afin de continuer la fortification d’Albertville.

D’une part, Alexandre Delcommune vint à sa res-cousse, le 24 août 1892, avec la troupe du capitaine Joubert, juste à temps pour qu’il puisse résister aux assauts des ennemis ; d’autre part, la Société anti-esclavagiste n’avait pas attendu son appel désespéré pour envoyer une troisième expédition, qui arriva le 5 décembre 1892.

3.3. TROISIÈME EXPÉDITION

C’est le major d’artillerie Albert Long (1858-1932) qui commandait cette troisième expédition antiesclavagiste. Il était entouré du lieutenant Joseph Duvivier (1867-1894) et du sergent Henri Demol (1866-1896). L’expédition arriva à Zanzibar, le 6 mai 1892, et entama la traversée du continent, le 18 juin.

À Tabora, qu’elle atteignit le 30 août, la caravane se divisa en deux colonnes : celle de Joseph Duvivier, qui atteignit Albertville le 5 décembre 1892, et celle d’Albert Long, qui gagna Karema, le 3 janvier 1893.

Le lieutenant Duvivier prit le commandement du poste d’Albertville en l’absence du capitaine Jacques.

Profitant de la discorde causée par la famine dans le camp des ngwana, il envoya Henri Docquier tenter l’assaut du boma arabe, que ce dernier enleva après une vive fusillade. Albertville fut ainsi débarras-sée des assiégeants. Ce premier coup dur pour les Arabes fut en quelque sorte le signe annonciateur de la fin de leur règne.

3.4. QUATRIÈME EXPÉDITION

Entre-temps, la quatrième expédition était déjà en route sous les ordres du lieutenant Georges Descamps (1855-1903), un ancien du Congo.

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Le 2 juillet 1889, comme commissaire de district-adjoint, il accompagnait le commissaire de district Paul Le Marinel, chargé d’une mission au Katanga.

Il regagna la Belgique le 19 août 1892 (Coosemans 1952 : 212-217).

Le lieutenant Descamps embarqua le 2 avril 1893 à Amsterdam pour Londres d’où il partit, le 13 avril, en compagnie de deux adjoints : Fernand Miot (1854-1941) et Chargois. Cette expédition ne suivit pas les chemins classiques : Zanzibar, Baga-moyo ou Boma, mais prit plutôt la voie du Zam-bèze et du Shiré. Après son arrivée à Chinde, aux bouches du Zambèze, elle mit trois mois à suivre la vallée de ce fleuve et de son affluent, le Shiré. À partir de Karonga, elle connut de grandes difficul-tés à faire traîner deux canons par ravins, rivières, le long de sentiers et de précipices. Elle atteignit Aber-corn, le 20 septembre, et, finalement, Albertville, le 4 novembre 1893.

Ce renfort permit aux agents d’Albertville d’en-lever Mtoa aux esclavagistes. Le capitaine Jacques laissa alors Albertville à la garde de Fernand Miot et de Moray et partit avec Descamps, Long, Docquier et Chargois pour tenter de rejoindre Francis Dha-nis à Kabambare (Maniema) et l’appuyer contre une éventuelle attaque du chef arabisé Rumaliza. La puis-sance des ngwana fut progressivement brisée.

Arrivé en fin de terme de service, le lieutenant Jacques remit le commandement au lieutenant Des-camps et quitta Albertville pour l’Europe par la côte orientale, le 5 février 1894. Avec la collaboration de Long et Chargois, Descamps poursuivit la pacifica-tion des environs du lac Tanganyika. Il traqua égale-ment les ngwana sur les rives du lac Moëro et rentra fin octobre 1894 à Mtoa.

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CHAPITRE 2

LE TANGANYIKA ET LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE