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Les recherches archéologiques sur le plateau d’Abomey

CHAPITRE 1. LA RELIGION VAUDOU AU BÉNIN : PRÉSENTATION ET APERCU HISTORIQUE

1. Quelques repères historiques et géographiques

1.3 La place de l’archéologie dans les rituels vaudou

1.3.3 Les recherches archéologiques sur le plateau d’Abomey

La géologie de cette région du Bénin est ferrugineuse plus ou moins sableux. Ces sols sont caractérisés par une texture limono-sableux en surface et argilo-sableux en profondeur (Azontonde, 1991 : 256) (Fig.20 et 21).

128 Fig.20 : Carte géologique du Bénin168

129 Fig.21 : Composition des sols du Bénin (Azontonde, 1991 : 252).

Pour l’analyse de ce que fût le royaume du Danxomἑ notamment dans sa période précoloniale, l’archéologie de l’urbanisme est un atout précieux. Les premières études portant sur les villes se sont appuyées sur la population, l’architecture, la religion, les arts et les systèmes politiques. Désormais, ce type de démarche anthropologique est abandonné au profit d’une approche globale incluant l’étude des relations entre les milieux ruraux et les milieux urbanisés. Cette approche appliquée au continent africain révèle la complexité des liens entre ces deux milieux depuis la préhistoire. La période qui débute au XVIe siècle pour se terminer au cours du XIXe siècle est un temps de transformation démographique important en Afrique de l’Ouest. Le commerce et les traites des esclaves dominent cette période. L’exportation d’esclaves transforme en profondeur l’économie et la société. Des réseaux politiques reliant les ports et l’intérieur des territoires se mettent en place transformant la démographie du peuplement de la côte et de l’arrière-pays. Les grandes villes se développent et offrent des

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refuges pour ceux qui fuyaient l’esclavagisme, mais également pour ceux qui souhaitent faire du profit avec le commerce transatlantique. Les populations fuies dans des régions rurales ou montagneuses afin de construire des systèmes défensifs (Cameron, 2015 : 193-194).

Les villes de Cana et d’Abomey prirent une importance considérable au cours du XVIIIe siècle. Abomey est alors une communauté regroupant près de 30000 personnes. Ajoutons à cela des grands marchés régionaux qui l’entourent qui ajoutent près de 15000 habitants aux alentours. Cette configuration permit à cette zone située entre Abomey et Cana de devenir un nœud majeur dans l’administration régionale et dans les routes du commerce (Bay, 1998 : 117). Une majorité de sources orales identifient Cana comme un point de collecte d’esclaves important à destination de grands ports négriers. Les données historiques estiment que 21 à 33% de la population du plateau d’Abomey vivent à Abomey ou Cana. Le reste de la population est disséminé dans les villages aux alentours (Cameron, 2015 : 196).

Dans ces deux villes, le pouvoir politique est concentré dans une série de quinze palais royaux regroupant les pratiques domestiques, rituelles politiques et économiques de l’élite royale. Ces structures servaient de maison pour près de 2000 à 8000 habitants, seulement pour la ville d’Abomey. Le rôle majeur et la puissance politique de la famille royale sont accentués lors des coutumes annuelles et les Xwetanu. Les Xwetanu impliquaient une vénération des ancêtres royaux et exigeaient des sacrifices humains. Le XVIIIe siècle est marqué par un flux de population venu de toute l’Afrique de l’Ouest bien que la majorité fut capturée durant les guerres et asservit en esclaves. Beaucoup de sources orales rapportent que certaines personnes de ces groupes ethniques se sont dispersées, puis réinstallées autour des murs des palais royaux d’Abomey. Cette réinstallation découlerait d’une organisation décrétée par les rois. Ces décrets jouent un rôle dans la structuration de la ville et la structuration du paysage urbain. J.C Monroe avance la théorie que cette réorganisation au sein de la ville répond à un programme mis en place pour réécrire l’histoire et de rendre la population plus hétérogène afin de raviver la mémoire locale. Les échanges commerciaux, centralisés à Abomey et Cana, deviennent un moteur important dans l’organisation étatique que ce soit face aux populations régionales ou mondiales.

Depuis 2000, le projet « Abomey Plateau Archaeological Project » sous la direction de l’historien et archéologue J. Cameron Monroe de l’Université de Californie - Santa Cruz (UCSC) en partenariat avec l’Université d’Abomey-Calavi et de la direction du Patrimoine

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Culturel du Bénin est en place. Ce projet a pour objectif d’étudier la dynamique de transformation politique et économique du commerce des esclaves en Afrique de l’Ouest. La vision de cette étude se base sur une approche paysagère au travers des enquêtes régionales et des fouilles. Ce projet améliore les connaissances de cette partie de l’Afrique subsaharienne notamment dans la période précoloniale. Il examine 27 structures réparties sur 34 hectares. Les éléments matériels mis au jour sont mis en relation avec les sources orales et les données écrites afin d’être interprétés et pour dater les structures. Sur la figure 22, les ellipses en pointillé indiquent la distribution directionnelle des sites pour les XVIIe et XIXe siècles.

Fig.22 : Carte de répartitions des différents sites datés du XVIIe au XIXe siècle identifié par l’« Abomey Plateau

Archaeological Project » (Cameron, 2015 : 200).

Les sources montrent que le XVIIe siècle est une période qui ne connut pas beaucoup de constructions dans cette région. La dynastie Fon étend son influence sur le territoire, mais cette

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autorité vise à contrôler le commerce sur le plateau et sur les régions avoisinantes mais également contrôler le commerce inter-côtier (Le Hérissé, 1911 :295). Les rois d’Abomey se désintéressaient du contrôle des campagnes qu’ils laissaient sous la houlette des élites rurales. Durant ce siècle, les liens politiques entre villes et campagnes à Abomey étaient limités. Les structures qui nous sont parvenues montrent une concentration du pouvoir sur la ville d’Abomey (Monroe, 2015 : 201).

Au cours du XVIIIe siècle, la construction de plusieurs palais à Abomey et aux alentours montre une croissance des différentes villes et leur rôle dans la répartition de l’installation de la population. C’est également une période de transformations des routes du commerce. Cependant, l’arrière-pays dahoméen est absent de ces échanges commerciaux durant cette période.

Au XIXe, les paysages ruraux se modifient avec la construction de palais dans ces zones extra-urbaines. Ils sont majoritairement construits à distance de ces deux villes. Ces constructions à distance de ces grandes villes suggèrent la mise en place d’un pouvoir des élites royales au niveau local.

Entre ces palais, tout un réseau de souterrains se met en place. Ils permettent un déplacement des militaires en cas de guerres. On dit que l’armée dahoméenne disparaissait devant l’ennemie pour réapparaître devant lui. L’archéologue Klaus Randsborg avancent l’hypothèse que ces souterrains ont joué un rôle crucial quant au développement du pouvoir durant cette période (Randsbord, 1998 :215). Les archéologues danois Klaus Randsborg et Inga Merkyte avance une nouvelle hypothèse, il s’agirait d’un système servant à l’extraction et au stockage de l’eau en parallèle de leurs fonctions militaires (Monroe, 2007 : 349-373).

L’association des souterrains et des différents sites qu’ils relient sur le plateau laisse suggérer un système élaboré de défense, mais également un moyen de communication sécurisé (Monroe, 2015 : 207). Ils créent un système de maillage relationnel entre les différentes structures qui couvrent l’ensemble du plateau d’Abomey (Fig.23).

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Fig.23 : Carte des sites souterrains identifiés sur le plateau d’Abomey (Monroe, 2015 : 206).

Une grande partie des recherches archéologiques s’intéresse à la modification de l’organisation des villes et des paysages par les traites négrières transatlantiques. Les populations locales collaborent avec les Européens dans ce commerce et modifient de ce fait l’architecture des villes pour faire transiter les esclaves jusqu’à Ouidah. Parmi ces travaux, celui de Kenneth Kelly sur la ville de Savi, ancienne capitale du Royaume de Hueda, a contribué à comprendre la nature de ce royaume et des relations avec le commerce des esclaves. Elle a estimé l’expansion de la ville de 75 000 et 81 000 personnes (Kenneth, 1995 : 214). Elle a également travaillé sur le palais royal de Savi, notamment les murs effondrés de l’ancien palais.

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Un fossé enserrant le palais a également été mis au jour. La fonction de ce fossé est à vocation symbolique plus que défensive (Cf. Kenneth, 2004).

De nombreux travaux de recherche ont vu le jour (Cf. Adande, 1984, Adande, 1989, Kelly, 1996, 1997, 2001, 2002 et 2004). Ces projets ont un objectif commun, retrouver les traces archéologiques pour comprendre les royaumes précoloniaux et leurs implications dans le commerce transatlantique des esclaves.