• Aucun résultat trouvé

Les préparations pharmaceutiques sur le plateau d’Abomey

CHAPITRE 2. LE VODOUISANT FACE À LA MALADIE (ÀZƆ̀N)

2.2 Soigner le corps et l’esprit : cause et diagnostic des maux 1 Identification de la cause de la maladie

2.2.2 Les préparations pharmaceutiques sur le plateau d’Abomey

Le Ministère de la Santé béninois veut assurer la bonne disponibilité des matières premières pour la réalisation des médicaments traditionnels ceux à moindre coût. Pour ce faire, le gouvernement a élaboré la « Liste nationale des plantes médicinales »206 qui recense notamment la liste des plantes médicinales rares (annexe 09).

2.2.2.1 La récolte des plantes, un procédé particulier

Une fois le diagnostic établit, le tradipraticien veille à la confection du remède. Signalons qu’en médecine traditionnelle, le patient est considéré comme un ensemble comprenant le corps (matériel) et l’esprit (immatériel) qui cohabite en symbiose. En cas de maladie, il faut rétablir l’équilibre entre les deux.

204 Cf. TIFFANY et al., 2017.

205 Grmek a démontré, au travers la mise en place du terme « pathocénose », comment la maladie évolue dans le

temps et dans les sociétés. Les progrès de la médecine on permit de freiner le développement d’une maladie.

206 Programme national de la pharmacopée et de la médecine traditionnelle, Ministère de la santé. Rapport de juin

2009 [en ligne]. Adresse URL :

170

Généralement le tradipraticien cueille lui-même les plantes nécessaires (annexe 10). Certaines préparations nécessitent des plantes qu’on ne trouve pas habituellement à proximité. Il se peut que d’anciens tradipraticiens aient cultivé ces plantes en les acclimatant à l’environnement. Elles peuvent être broyées au moyen de mortiers et de pierres sous forme de poudre. La posologie reste approximative et se mesure en morceaux ou en poignée. Il n’y a pas d’injection, de dosage pondérable, etc. La préparation est tout de même perfectionnée puisque le nombre de remèdes médicaux est proche des remèdes pharmaceutiques occidentaux (Desse, 1986 : 24-25).

Pour lutter contre la pénurie de certaines espèces, le gouvernement a mis en place des jardins pour la culture des plantes traditionnelles avec la construction de hangars et la mise en place de points d’eau. Pour le département de Zou et des Collines neuf jardins207, un point d’eau208 et deux hangars209 ont été mis en place. Cette demande répond au souhait des PMT et tradipraticiens locaux et de leur engagement vis-à-vis de ce jardin.

Avant la récolte, les tradipraticiens doivent prendre un certain nombre de précautions. Ils peuvent prier avant d’aller récolter les plantes nécessaires, cacher les plantes immédiatement après la cueillette, les récolter de nuit, etc. Les ancêtres peuvent également imposer des directives pour veiller à la bonne récolte et au bon résultat de la cueillette (Guillemois, 2004 : 39).

L’utilisation de médicaments traditionnels couplés aux médicaments pharmaceutiques est courante. On peut, par exemple, prendre des médicaments sur prescription médicale, mais également prendre une tisane diurétique.

Les tradipraticiens savent les vertus des plantes. Par exemple, le moiringa en Fongbè est utilisé en complément d’autres plantes, l’hysope et de l’akéman pour soigner les maux de têtes. On effectue une pâte avec ces trois plantes que l’on applique sur les yeux au-dessus de la tête quelques minutes (Fig.25– a.). L’hlinwé est consommé en tisane pour soigner les maux de ventre (Fig.25 – b.). La godo est utilisé pour guérir les hernies, réveiller les nerfs et calmer les inflammations (Fig.25 – c). La tchiao est une plante qui est utilisée en lavement anal chez les enfants pour se débarrassé des vers (Fig.25 - d.). Les feuilles de kpinto en Fongbè sont roulées sur elles-mêmes, puis placées à chauffer dans un peu d’eau. On boit le mélange pour soigner la toux (Fig.25 - e.). Les feuilles et la tige de kinkériba en Fongbè sont mises dans un canaris avec

207 Agbangnizoun, Bohicon, Zogbodomey, Zakpota, Ouinhi, Savalou, Dassa-Zoumé, Savè et Covè. 208 Agbangnizoun.

171

de l’eau sur le feu pendant 30 min et bu matin, midi et soir pendant 3 jours pour soigner le paludisme (Fig.25 – f). Aucune donnée scientifique n’approuve les résultats de l’utilisation de ces plantes.

172

a. b. c.

d. e. f.

Fig.25 : Exemples de plantes médicinales présentes au Bénin (a. moiringa, b. hlinwe, c. godo, d. tchiao, e. kpinto, f. kinkeriba)210.

173 2.2.2.2 La posologie

Il n’y a pas de posologie claire et définie en médecine traditionnelle béninoise. Les quantités sont souvent exprimées en « poignée » en « verre à bière », « verre à liqueur » ou en unité (une graine, trois racines, etc.). Les posologies, bien qu’approximatives, se transmettent de génération en génération en correspondance avec l’expérience du tradipraticien ou les accidents de prescriptions passées (Guillemois, 2004 :40). En annexe 11 se trouve la transcription écrite d’un entretien oral avec un habitant d’Abomey, Armand Guéhou. Ces prescriptions de remèdes traditionnelles se passent au sein de la famille. Bien que la posologie soit approximative, les résultats sont bénéfiques.

2.2.2.3 Les modes d’administrations

Les préparations pharmaceutiques peuvent prendre plusieurs formes ; il peut s’agir de concoction, c’est-à-dire une préparation généralement sous forme liquide contenant un grand nombre d’ingrédients. Il peut également s’agir de décoction qui est une préparation qui a mijoté, puis refroidit avant d’être placée dans des récipients pour une consommation quotidienne. Les infusions se préparent avec de l’eau bouillante, la tisane est une préparation à base d’extraits aqueux ressortie lors d’une décoction. La macération est quant à elle un procédé qui macère dans un liquide durant une longue période (généralement sept jours minimums). La préparation est ensuite clarifiée, généralement par décantations (Sofoxora, 1996 : 25) Les préparations peuvent également être prises sous forme de gélule, poudre ou encore cataplasme. Chaque terme à une traduction qui indique l’utilité du médicament :

Le terme « jặngojặn », signifie « serrer nœud serré ». Il s’agit de comprimer utilisés pour soigner les douleurs articulaires. Les comprimés « gbàxú », signifie « casser dans l’os » et désignent les comprimés utilisés pour les courbatures.

Le terme « amasìn », signifie « l’eau (sìn) des feuilles (amá) ». Il est utilisé pour désigner les tisanes, mais se généralise désormais aux médicaments pharmaceutiques des industries.

Le terme « atínkèn », signifie « arbre (atín) bourrelets (kèn)». Ce terme est utilisé pour désigner les comprimés et gélules. Les gélules sont perçues comme un dérivé des arbres.

174

Pour les vendeurs de médicaments industriels, le terme « atínkènnò »211 est préféré à celui de « amasinnò », réservé aux vendeurs de produits végétaux (feuilles, écorces, etc.) On parle également de « mì kpo gò kpo » qui signifie « avaler avec la capsule » et désigne les gélules (Baxerres, 2014 : 156-162).

Adŏmasìn désigne un médicament qui fait uriner, c’est-à-dire des tisanes. Les tisanes sont généralement à base de feuilles, de racines ou d’écorces. Leur capacité à faire uriner contribue à l’élimination des déchets de l’organisme et donc au traitement des maladies comme le palu, la rougeole, la tension, les hémorroïdes, mais également à combattre des symptômes gastro-intestinaux, bucco-dentaires, courbatures, etc.). L’adŏmasìn est également utilisé en remède prophylactique.

Une plante peut être considérée comme « la gardienne vivante face aux menaces de l’inconnaissable » (Benoist, 1993 : 14).

2.2.2.4 Le rôle de la faune dans la guérison

Le rôle de la faune n’est pas à négliger. Il n’est pas rare de transférer une force, une attitude d’un animal à un mal. Par exemple, les pieds de perdrix ou d’antilope utilisés en association avec des feuilles bien spécifiques aident le nourrisson à effectuer ses premiers pas. La chauve-souris et l’awlegbe (en association avec des éléments végétaux) aident une femme à favoriser sa fécondité. Les cauris (ressemblant à des yeux) sont utilisés pour soigner des maux ophtalmiques, les os de buffle ou d’éléphant fortifient un patient. Un poisson nommé « siko » en Fongbè réputé pour sa grande capacité pulmonaire était utilisé pour soigner un rythme cardiaque défaillant, etc. (Degbelo, 1992 : 530). Actuellement, des animaux morts sont en vente sur les marchés pour la fabrication de remède à des fins plus ou moins bénéfiques (Fig.26).

Les minéraux ne sont pas exclus puisque la roche des termitières par exemple, aide à soigner les plaies, les brûlures, la gale, etc. Les plantes se développant à proximité des termitières ont également des vertus réputées exceptionnelles (Degbelo, 1992 : 234).

175 2.2.2.5 Les méthodes prophylactiques

Il existe des solutions pour protéger les individus des maladies. Par exemple, des talismans de protection sont confectionnés. Les oudès212 sont des amulettes aux nombreuses vertus : éloignent les maléfices, guéris, protège contre le mauvais œil, etc. Les matières qui composent ces amulettes sont variées : plumes de perroquet, poils d’animaux, griffes ou dents d’animaux, cordes, cauris, etc. On ne fait pas d’offrandes à l’oudès c’est un instrument de protection et non un pouvoir actif comme les vòdũn (Bouche, 1885 : 125).

L’objectif est de protéger une personne d’une maladie ou de favoriser sa chance par exemple. La composition est secrète. Généralement c’est le bókɔnɔ ou le tradipraticien qui est en charge de la réalisation. Le composé est tenu secret, mais la divulgation de la composition peut se monnayer.

212 Ce mot est traduit en Français par le terme « ligature » du latin ligatura qui signifie « lier », « enchainer »,

176 Fig.26 : Animaux morts en ventes au « Marché aux Reines » à la périphérie d’Abomey213

177

2.2.2.6 Les soins médicaux dans les couvents vaudou

Un couvent vaudou est une structure dans laquelle les :

« Prêtres vaudous utilisent des méthodes de diagnostic « spirituel », ainsi que des différents types de traitement, faisant appel à la force de guérison des plantes. À chaque vaudou sont associées des substances végétales, minérales et organiques. Seuls les prêtres et les initiés du couvent savent ces compositions et ne les divulguent pas. Des rituels accompagnent le traitement et des libations aussi » (Hounkpe, s.d :2).

Les couvents des liens de retraits lorsqu’un individu souhaite connaître les causes d’une maladie assez longue et en venir à bout. Généralement la disposition est commune à tous les couvents ; on y trouve une cour avec, en amont, un marché où l’on vend de la nourriture, des boissons, des objets utilisés pour le culte, des vêtements, des objets du quotidien, etc. C’est dans cette cour que se déroulent généralement les cérémonies publiques et les cultes de possession. Cet espace est enserré par un ensemble de pièces. Chaque pièce correspond à une divinité. À l’intérieur on y trouve un autel sur lequel sont disposées des représentations de cette divinité accompagnée d’offrandes et d’objets rituels (Schott-Billmann, 1977 : 54-55). Un patient peut y rester une ou plusieurs nuits en attendant un pressage un songe pour comprendre l’origine de sa maladie214.