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L’art divinatoire et les procédés « magico-religieux » : des contributions primordiales à la religion

CHAPITRE 1. LA RELIGION VAUDOU AU BÉNIN : PRÉSENTATION ET APERCU HISTORIQUE

1. Quelques repères historiques et géographiques

1.2 La religion vaudou (Afrique) : entre animisme et naturalisme

1.1.7 L’art divinatoire et les procédés « magico-religieux » : des contributions primordiales à la religion

En Afrique et particulièrement dans l’ancien royaume du Danxomἑ, le besoin presque vital de connaître l’avenir, la cause des évènements passés, la prévision des évènements futurs est importante. Pour chaque grande décision de la vie, on consulte un oracle afin de répondre à ses interrogations. C’est un élément central de la vie d’un vodouisant, le roi lui-même possède son propre Fâ.

1.1.7.1 La divination et le système divinatoire : le Fâ

La divination Fâ serait née dans la vallée du Nil en Egypte et aurait rapidement intégré le milieu Yoruba sans pour autant qu’on en connaisse la date précise (Degbelo, 1992 : 186).

Il s’agit d’un système de divination et d’initiation de l’individu à son propre destin. Il permet un dialogue avec l’ensemble des vòdũn (Kligueh, 2011 :25). L’interprétation des symboles se fait lors d’une cérémonie, encadrée par le devin (bókɔnɔ103). Son rôle est d’interpréter les

103 Leur établissement sur le plateau d’Abomey remonte bien avant l’arrivée des Alladahonou, sans qu’on

connaisse leur date précise. Longtemps persécutés par le pouvoir (ils sont perçus comme des « intellectuels gênants »), ils durent exercer leurs arts dans la clandestinité. C’est sous Agadja que le Fâ retrouva un certain prestige. Une sécheresse qui dura trois ans, poussa le roi Agadja à consulter deux bókɔnɔ d’origine Yoruba. Ils réussirent à mettre fin à cette sécheresse et à restaurer leur art divinatoire auprès des Dahoméen (Degbelo, 1992 : 187).

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signes/figures. Il permet de répondre à diverses questions (à quelles divinités s’adresser pour obtenir une guérison ? Quelle est la cause d’un décès ? Qui a provoqué une mort ? etc.). Il est associé au Legba et est d’origine Yoruba. Il vient de la ville d’Ifè, située au sud-ouest actuel du Nigéria. Les Fons le considèrent comme un vòdũn à part entière, mais un vòdũn « passif » puisqu’il n’a pas d’effet néfaste ou bénéfique sur les hommes. Il les conseille en transmettant les volontés des esprits et n’a pas d’influence directe. Cependant, il peut refuser de parler aux hommes si ceux-ci le délaissent et ne lui offre aucun sacrifice. En ce sens, on pratique un bain annuel appelé « Falilè ».

L’oracle se trouve dans les deux-cent-quarante combinaisons appelées « duvi ». Il s’agit des signes représentant Fâ et qui permettent de définir quelle divinité est représentée (Savary, 1976 : 220). Ce n’est pas un vòdũn, c’est un oracle, un porte-parole de l’ensemble des divinités (Quenum, n.d, : 74). Pour consulter, il est nécessaire de faire appel au bókɔnɔ104105. Pour obtenir cette charge, le futur devin doit apprendre auprès d’un autre prêtre les nombreuses légendes, signes Fâ, leurs valeurs symboliques, l’utilisation des instruments divinatoires et la manière d’interpréter les signes en fonction des questions du consultant. Ces « apprentis devins » commencent leur initiation en assistant quotidiennement à des séances (Fig.10). Soulignons que l’on ne doit pas nécessairement être adepte du vaudou pour consulter. Les Chrétiens, Catholiques, Musulmans ou des personnes adeptes d’autres mouvements religieux consultent le Fâ. Cette consultation n’est pas tolérée par ces religions monothéistes et est effectuée dans le plus grand secret.

104 « Kou, AlôàzƆnWa-adan dô fi dé houn, bô i-ko non », qui signifie « l’homme qui a le rôle de dénoncer et

d’entraver la maladie et la mort » (Quenum, s.d. : 73).

80 Fig.10 : Apprentis assistants le bókɔnɔ (Tanviè)106.

Il existe plusieurs types de divination. La première et la plus courante est la Fakikã qui consiste à une divination par les noix de palmier. Plusieurs instruments sont nécessaires pour pratiquer cet art. On utilise des noix d’un palmier consacrées appelé « Fakwĩ »107. Elles ne sont pas consommables et seul le bókɔnɔ est habilité à les cueillir après un rite visant à apaiser l’arbre. Ces noix sont préparées selon un rituel bien établi et sont toujours utilisées par trente- six répartis dans deux mains, appelées « fasi » (ou « falò ») : la première main mâle comporte dix-neuf noix, la seconde femelle en compte dix-sept108. Ces noix sont conservées dans un fagbã109 ou dans une calebasse et lavées avec une préparation bien précise. Il s’agit d’un mélange de feuilles de rauvolfia vomitoria (Apocynaceae), d’acalypha ornata (Euphorbiaceae),

106 Cliché de V. Tourreil 107 Ifakĩ en Yoruba.

108 Nous avons tenté d’interroger des prêtres et adeptes quant à la représentation de ces chiffres sans succès. 109 Ifajele en Yoruba.

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de triclisia subcordata (Menispermaceae), de kalanchoe crenata (Crassulaceae), de peperomia pellucida (Piperaceae), d’amaranthus hybridus (Amaranthacea), d’ipomea involucrata (Convolvulaceae). Le tout est mélangé dans de l’eau où les noix de palme sont lavées. On doit prononcer les incantations des cent-soixante-quatre odù :

« Òrá, j’ai acheté le nécessaire pour progresser. Òrá, j’ai acheté le nécessaire pour avoir des enfants. Òrá, j’ai acheté le nécessaire pour avoir de l’argent. Òrá j’ai acheté le nécessaire pour construire une maison. Òrá j’ai acheté le nécessaire pour obtenir la gloire de votre main. Òrá, j’ai acheté le nécessaire pour progresser. Amúwàgún, fais que j’aie un bon comportement. Que túnpèmú redresse mon destin. Le chemin de òdúndùn est frais. Le chemin de rinrin est frais. Le feu ne brûlera pas ; Le feu ne brûlera jamais le lit de la rivière. Que ma maison soit fraîche. Mets des enfants dans le ventre de ma femme. Mets la bonne fortune entre mes mains. Fais-en sorte que le jour de la mort et le jour de la maladie n’arrivent pas pour moi » (Verger Fátumbi, 1997 : 315).

La consultation se déroule dans une salle appelée « fagbasa ». Le devin commence la séance par un rite de purification à l’aide d’une préparation à base de sifĩfama et se lave les mains. Le bókɔnɔ et le consultant s’installent autour des instruments divinatoires. Le devin verse de l’eau aux pieds des àsɛɛn et effectue une libation d’alcool pour le Legba. Il demande également une obole pour apaiser le Legba et interroge le consultant sur l’objet de sa visite et les questions auxquelles il souhaite avoir une réponse. Le devin saisit les noix dans la main mâle, puis femelle en déclamant des doléances au Fâ, aux anciens bókɔnɔ ou vòdũn et même aux rois. Il fait passer le tas des dix-sept noix ou celui des dix-neuf noix d’une main à l’autre et marque d’un trait sur le plateau appelé « fatè ». Il démarre son « tableau » à droite, de haut en bas. Par ce moyen il détermine quatre groupes d’un ou deux traits qui lui donnent un signe à interpréter (Fig.11). Une fois le signe identifié, le devin récite les formules qui concernent ce signe. Au travers de ses formules, le consultant découvre les réponses à ses questions (Savary, 1976 : 223).

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Ces seize signes principaux représentent la prémisse de la divination puisque les dunõ peuvent avoir jusqu’à deux-cent-quarante combinaisons possibles, appelées « duvi » (Savary, 1976 : 227).

Second type de divination, celle de l’agũmagã 110 111. Il s’agit d’une consultation basée sur

une cordelette torsadée sur laquelle se trouvent attachés par des nœuds huit demi-noyaux d’avini répartis par quatre, de chaque côté de la corde. Il dispose devant lui la corde en prenant bien soin de disposer de manière égale les noyaux de part et d’autre.

La corde divinatoire peut être de différentes matières : corde (Fig.12 – a.), métal (Fig.12 – b.) ou encore perles (Fig.12 – c.), mais les noyaux d’avini sont toujours au nombre de huit, répartis en deux fois quatre de part et d’autre.

La divination s’effectue toujours avec trois chapelets ; celle du milieu est le message principal véhiculé par le Fâ celle de part et d’autre sont les détails du message. Le consultant révèle l’objet de sa visite à une graine appelée « ajikwĩ ». Cette graine est placée à la droite du bókɔnɔ avec, à sa gauche, un cauris. Il saisit la cordelette par son milieu de la main droite alors que la main gauche retient les deux extrémités de la cordelette afin de la lancer. Suivant la face sur laquelle retombe le noyau (interne ou externe), le devin interprète les signes présents ; en face externe (ouverte) il note deux traits, en face interne (fermée) il note un seul trait. Il procède de même avec le cauris. La réponse est positive quand le signe est ouvert. S’il ne l’est pas, on dit que Fâ refuse et le devin doit découvrir par élimination la cause de ce refus. Lors de ce type de consultation, on peut également utiliser un vô. Il s’agit d’un ensemble de vertèbres de reptiles, de noyaux ou encore de coquillage. Chaque élément correspond à un signe qui peut renvoyer à la maladie, à la mort, à la haine à l’amitié, au bonheur, à la richesse ou encore à la chance (Quenum, n.d :74).

110 Corde divinatoire.

84 a.

b.

c.

Fig.12 : Corde divinatoire de Agũmagã (a. Bókɔnɔ de Tanviè, b. Bókɔnɔ d’Abomey - quartier wankon, c. Bókɔnɔ, d. Bókɔnɔ d’Abomey – quartier d’Agblomè) 112.

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Le bókɔnɔ a également devant lui différents objets. Ces objets ressortent à la demande du Fâ et permettent d’interpréter un message afin de répondre aux questionnements du consultant (Fig.13) :

- Coquillage turritelle commune (A) : signifie que l’on peut se lancer dans quelque chose, quoi qu’il arrive, ça sera un échec,

- Pierre en corme de haricot (B): signifie une maladie (sens différent selon le bókɔnɔ), - Os faunique (C): signifie la mort,

- Morceau de faïence (D) : plainte, conflit.

- Ligui (sorte de fagot de brindilles) (E) : signifie que des gris-gris ont été confectionnés à notre encontre,

- Fleure jaune (F) : notre cœur va prendre une mauvaise décision, - Cauris (G): représente l’homme,

- Hounlankan (graine avec des excroissances) (H): il y a un conflit derrière le consultant, - Perle (I): le Fâ lui-même,

- Coquillage plat (J) : symbolise un revenant, - Kaolin (K) : demande un sacrifice :

- Pierre plate de couleur claire (L) : symbolise le destin

- Graine de lissè (M) : réponse inconnue, on a un problème mais il n’est pas trouvé, - Haricot rouge (N) : le consultant doit faire un sacrifice et confectionner un gri-gri. Les perles qui symbolisent le Fâ sont au nombre de deux puisque l’on ne donne pas une seule chose au Fâ tout va par deux.

Avant de délivrer un message les cordes sont recouvertes d’un tissu blanc, car le Fâ demande quelques minutes pour aller à notre domicile et en fasse le tour afin de répondre à nos questions. Il doit se concentrer, être tranquille.

Signalons que si c’est la première consultation de la journée du bókɔnɔ, il doit prendre un morceau de kaolin en bouche. S’il n’effectue pas ce geste, à chaque consultation c’est son signe Fâ qui ressortira et non celui du consultant.

86 Fig.13 : Objets du bókɔnɔ servant à interpréter le Fâ (Abomey – quartier wankon)113.

113 Source : Cliché de V.Tourreil.

A C N H G D I J E K F L M B

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Troisième type de divination celle du kpõli utilisée lors de la cérémonie du fazũ. Cette cérémonie permet à un individu de connaître sa destinée afin de mettre en adéquation sa vie et sa destinée. Seuls les hommes peuvent recevoir un Fâ complet et définitif. Les femmes et les enfants reçoivent uniquement un Fâ provisoire. Le consultant est appelé « favi », « enfant de favi Fâ». Le favi doit réunir des ingrédients nécessaires à la cérémonie : neuf poulets, deux petites calebasses, seize colas blanche et rouge, seize gousses de poivre atakũ et du poivre gris de lĕlĕkũ, des haricots, des ignames de l’huile de palme, six mètres de tissus blanc, quatre nattes en fibre de palme, des cauris, quatre litres d’alcool de palme, deux bouteilles d’alcools européens et 1000 frs CFA (env. 1,50 €). Les ingrédients essentiels varient selon les demandes des bókɔnɔ. La cérémonie se déroule à la tombée de la nuit dans la case du devin. Le favi effectue un sacrifice pour apaiser le Fâ. Il reçoit les noix consacrées par le bókɔnɔ et aidé des assistants du devin, il effectue lui-même la consultation. Le consultant trace les traits dans la terre qui est, par la suite, récupérée par le bókɔnɔ et mit dans un sac fabriqué avec du tissu blanc avec des cauris114. Une fois la consultation terminée, le consultant repart avec son kpõli, les deux petites calebasses qui renferment les noix qui ont servi à la consultation et parfois une calebasse dans laquelle se trouve une effigie de Legba. Le consultant et le bókɔnɔ prennent un repas ensemble pour clore la cérémonie. La tâche du consultant n’est pas finie, une fois qu’un homme possède son Fâ, il doit effectuer régulièrement des sacrifices pour entretenir la relation qu’il établit avec lui depuis le fazũ. Le bain annuel (falilè), par exemple, permet de laver les noix ayant servi à la divination pour que le Fâ continue d’assurer une protection et divulguer les conseils. Ce bain rituel a lieu la nuit dans la demeure du favi en présence du devin, notamment celui qui lui a remis le Fâ (Savary, 1976 : 224).

Une pratique oraculaire du Fâ utilise des perles appelées « afasi-kuè » ou « monnaie de Fâ »115. Il s’agit de perles longues, jaunes et perforées. D’autres perles sont broyées en poudre pour être étalées sur le plateau divinatoire116 afin de pouvoir y dessiner les différents signes pour conjurer un mauvais sort ou guérir une maladie (Iroko, 1993 : 3).

Il existe d’autres pratiques de divination :

114 Il symbolise la vie matérielle du favi.

115 Ce surnom peut être mis en rapport avec la valeur monétaire qu’elle représente. Les perles participent à la

capitalisation de la société. Elle participe également à une capitalisation funéraire (comme les cauris).

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Celle du sĩkikã qui est une consultation dans de l’eau. Le devin regarde fixement une calebasse remplie d’eau. Il se frotte les yeux et voit des signes, qu’il interprète.

La pratique du dpõdōo qui consiste à hypnotiser le demandeur afin de déchiffrer les raisons de sa situation. Ce type de divination est assez rare.

La pratique du zèkikã ou consultation par la jarre. Ce type de divination se déroule dans les temples vòdũn par le prêtre. Ce dernier accomplit un rite pour s’attirer la faveur du vòdũn afin d’entendre sa voix dans une jarre renverser sur l’autel. Cette pratique est rare.

La pratique de l’akwèkikã qui est une consultation de l’avenir par les cauris et serait rattachée au Fâ. Le devin au moyen de cauris, compte quatre par quatre et interprète les signes du Fâ. Il peut également utiliser des noix de palme.

La pratique du vikikã qui consiste en une consultation avec des noix de cola. Ce procédé est courant puisqu’il est employé lors des sacrifices afin de déterminer la volonté des vòdũn. On jette les quatre cotylédons d’une noix de cola rouge et on y interprète les signes du Fâ.

Pour s’attirer les bonnes grâces et obtenir des réponses on peut effectuer des offrandes alimentaires. Ces offrandes sont généralement composées d’igname, d’huile de palme ou encore brochet fumé, le tout assaisonné de sel et de poivre (Quenum, n.d : 76). L’inconvénient de ces procédés est qu’ils peuvent fournir qu’une réponse fermée à savoir « oui » ou « non » contrairement au Fâ qui fournit des réponses nuancées en raison de l’interprétation et de la personnalité du consultant (Savary, 1976 : 219).

À la fin de la consultation, un repas est partagé avec le bókɔnɔ. Ce partage de nourriture permet un rapprochement entre plusieurs personnes.

1.1.7.2 Les pratiques « magico-religieuses »

Qu’elle soit bonne ou mauvaise, la magie au Bénin fait appel à divers vòdũn connus de tous ; Legba pour les rituels de Kènèsi, Gou (violence) Sakpata (variole) les Tòhossou (brousse), etc.

89 Les kènèsi

Il s’agit d’un groupe de vòdũn qui possède des propriétés magiques, capables de protéger son possesseur de mauvais sorts. Les personnes qui rendent un culte à ce groupe de vòdũn sont considérées comme des êtres qui excellent dans l’utilisation de la magie défensive.

Les adeptes des kènèsi sont réunis en couvent comme les autres divinités et sont perçus comme des personnes détentrices de pouvoirs magiques inimaginables. Ces derniers sont persuadés d’agir pour le bien. Le pouvoir de sorcellerie se transmet de diverses façons s’il est inscrit dans sa destinée (Henry, 2008 : 102).

Il existe une quantité importante de terminologies pour nommer la sorcellerie ; adze en ewe, azĕ en fon, aje en yoruba. Il en va de même pour les sorciers ; azèto, azondato (littéralement «àzƆn: maladie » et « da : préparer » – de la nourriture) (Henry, 2008 : 101). Néanmoins, ce type de « magicien » est considéré comme bon, contrairement aux azõdotò. Le collège des kènèsi117 agit à la vue de tous et tente de contrer les activités des azõdotò qui eux agissent dans l’ombre, en secret pour nuire à la collectivité. Il existe plusieurs centres de kènèsi à Abomey (ex : Atîbosu dans le quartier Hountondji). Ce vòdũn est la base d’une société secrète appelée Kénés. Les adeptes de cette société connaissent les propriétés des plantes et composants utilisés pour la confection d’objets magiques. Cette société est spécialisée dans l’exploitation d’objets ayant touché un mort. Elle est connue pour déterrer et dérober les cadavres afin de fabriquer des objets « magico-religieux » (Brand, 2001 : 287).

Les Bô

« Bô » signifie « amulette » en Fon. L’objectif est de se prémunir contre des manifestations néfastes ou provoquer une action bénéfique. Réaliser une classification complète est difficile en raison de la quantité d’amulettes existantes. Il est toutefois possible de les classer par groupe en fonction de la composition de leurs noms et de leurs objectifs (Le Hérissé, 1911 : 148) :

Bôglo. Il s’agit d’une contre-amulette (« bô » signifie « amulette » et « è glo » signifie « qui résiste »).

Yoro-bô (« yoro/yiro » signifie « appeler »). Cette amulette aspire à la richesse, approvisionne les magasins, provoque l’amour.

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Afignon-ho-tchi (« afignon » signifie « misère, difficulté », « ho » signifie « parole » et « tchi » signifie « éteindre »). Elle contre les querelles lors de fête, apaise les difficultés, mais permet également à un criminel de se cacher et de dissimuler son affaire.

Sou-Kpikpa (« sou » qui signifie « fermer », « kipika » signifie « réflexion »). Permet de rendre irresponsable les gens, de les pousser à tuer, à voler.

Gnonou-mon-ho-bô (« gnonou » signifie « femme », « é mon hoé » signifie « elle est enceinte »). Comme son nom l’indique cette amulette est pour les femmes enceintes.

Vi-bô (« vi » signifie « enfant »). Il s’agit d’une amulette qui favorise la fertilité.

Azon-Gblè-bô («àzƆn» signifie « maladie » et « gblé» » signifie « casser, détruire »). Sert à se prémunir des maladies.

Adjôto-bô, mèhouto-bo (« adjôto » signifie « voleur », « mèhouto » signifie « assassin »). Sert à se préserver contre les voleurs, les assassins, etc.

Il y a également le chakatou utilisé pour empoissonner à distance ou à faire pénétrer dans le corps de l’ennemi des éléments néfastes. Le zindô-bô favorise le sol et empoisonne un malfaiteur qui se sent menacer ou l’aide à disparaître. L’ylo permet d’attirer la clientèle. Le sou- kpikpa118 permet d’endormir l’entendement chez quelqu’un afin de lui porter atteinte (Quenum, n.d. : 78-79).

Les matériaux utilisés sont variés : tissus, liqueurs, argent, volailles, etc. Ceux qui les fabriquent119 ne tiennent pas de magasins, ils les fabriquent à la demande. La remise de la commande fait l’objet d’une mise en scène ; le fabricant de l’amulette effectue une donation d’une pincée de poivre (takoun) à son client. Il doit avaler une pincée de poivre, se frapper la poitrine avec la main droite et porter à la bouche le reste du poivre pour le recracher sur l’amulette. Quatre cauris sont enfilés sur une paille, le fabricant et le demandeur prennent la paille à chaque extrémité avec la bouche et chacun prend deux cauris. Le client peut également, avant de recevoir son amulette avaler un mélange, généralement tenu secret, de plusieurs éléments afin de renforcer son pouvoir. Ces étapes rituelles ont pour objectif « d’activer » l’efficacité de l’amulette. Elles sont la représentation de l’expression « gbô gbè » qui signifie « coupe l’herbe » où l’on comprend le sens de « rendre grâce » dans ce sens « qu’il soit rendu grâce à Dieu et l’amulette agira » (Le Hérissé, 1911 : 150). Certaines amulettes peuvent être

118 Parfois orthographié « soukpikpa ».

119 Chaque béninois peut fabriquer des amulettes. Certains possèdent un savoir-faire pour les confectionner. Les

sorciers sont généralement des experts avec une renommée importante ce qui leur confère une source de revenus