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CHAPITRE 2. LE VODOUISANT FACE À LA MALADIE (ÀZƆ̀N)

2.1 Le vodouisant face à la maladie

2.1.2 Ethnomédecine ou médecine traditionnelle ?

Le terme « médecine » vient du latin « medicina » qui signifie « art de guérir ». Le médecin occupe une position centrale, il est le lien entre l’individu et la connaissance. La médecine se veut rationnelle, mais trois points posent problème. Pour commencer, il s’agit d’une pratique immémoriale, peu importe la période historique, l’Homme a toujours cherché à se soigner et à transmettre son savoir de génération en génération177. Ensuite, il y a une volonté de vouloir ancrer la médecine dans un cadre rationnel et systématique afin d’avoir une guérison de la maladie. Enfin, la médecine diplômante qui découle d’un enseignement précis et universel est mise en place, ce sont les sciences dites « modernes ». Ce point pousse encore plus à faire la dualité qui existe entre tradipraticiens et médecins diplômés (Nathan et Stengers, 1995 : 116- 117). Ces éléments se heurtent au concept de la médecine traditionnelle qui veut que le soin soit systématique, codifié et universel. La médecine traditionnelle s’appuie sur la connaissance des bienfaits des plantes, c’est universellement admis, mais les remèdes que l’on prépare avec ces plantes diffèrent d’un pays à l’autre voire même d’un village à l’autre ! Fréquemment taxée de charlatanisme, la médecine traditionnelle a le même objectif que la médecine moderne,

177 « L’histoire de l’utilisation des plantes en médecine n’as pas d’origine datable. C’est un savoir sans début »

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guérir l’homme. Quelques sceptiques se prendront à qualifier de guérison inexpliquée, sans preuve médicale concrète « d’irrationnelle ».

Avant d’approfondir le sujet, il est nécessaire de définir ce qu’est l’ethnomédecine. Durant de nombreuses années, elle était perçue comme une médecine dite « primitive », « archaïque ». En réalité, il s’agit d’une médecine qui est en opposition avec la médecine occidentale (Walter, 1931 :409).

L’anthropologue français Serge Genest définit cette médecine comme ceci :

« L’ethnomédecine n’entend pas uniquement les pratiques et croyances autrefois taxées de primitives, mais tout comportement relatif à la maladie et à son traitement » (Genest, 1978 :10).

Les chercheurs qui étudient l’ethnomédecine adoptent deux points de vue ; le premier peut être qualifié « d’empiriste » qui se base sur l’acceptation de l’efficacité des médecins non occidentaux lors d’un traitement par phytothérapie. Les chercheurs adoptant ce point de vue sont généralement des médecins, des pharmaciens ou des chimistes.

Le deuxième point de vue peut être qualifié de « symboliste ». Les adeptes de cette position estiment que le traitement consiste à un rituel qualifié de « thérapeutique », couplé à des manipulations qui touchent le psychisme et l’environnement social du patient. Il s’agit généralement d’anthropologues ou d’ethnologues (Genest, 1978 :13).

Pour soigner des maladies, on utilise la science dite de l’ « amasĩnõ » ou de l’« amasĩblotò ». C’est l’utilisation de plantes aux vertus médicinales pour soigner des maladies ou utilisées en prévention. Les Béninois regroupent tous les mots qui proviennent d’une force extérieure et cachée sous le terme de « maladies » (azõ). Or, pour eux, il n’y a pas de « maladie naturelle »178, la maladie à une origine occulte179 (Savary, 1976 :236).

178 Par ce terme, il faut comprendre « maladie » dans un sens médical, qui provient d’un agent extérieur définissable

(microbes, bactéries, etc.).

179 On retrouve le préfixe « azõ » qui désigne la maladie dans le terme « azõdotò » qui désigne un magicien craint

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Il existe également des remèdes prophylactiques notamment pour les enfants. On se sert de l’objet magique Gu n’du wò lo sur eux pour les protéger de diverses fièvres (Savary, 1976 : 242). Les outils sont sommaires : ventouse avec des gourdes ou des cornes d’animaux, etc. On utilise également les vertus astringentes, laxatives, purifiantes, sudatoires, etc., des plantes (ex : les feuilles du goyavier en décoction soignent la dysenterie) (Quenum, n.d. : 145).

L’ethnologue français Pierre Verger180 a réalisé un corpus de trois-cent-trente-deux recettes (oògùn) basées sur les plantes utilisées pour soigner divers maux. Ces recettes regroupent trois mille cinq-cent-vingt-neuf noms de plantes Yoruba qu’il a traduit en cent quatre-vingt-six noms scientifiques. Ces recettes ne sont pas utilisées seules, elles sont accompagnées d’incantations appelées « ofò ». Ces incantations se transmettent oralement. Il s’agit généralement d’une déclamation des actions attendues par cette plante (Verger Fátumbi, 1997 : 20-21). En annexe 08 se trouvent des exemples de différents oògùn accompagnés de son ofò suivant les cas (douleurs, infections, etc.). Certaines préparations traditionnelles ne peuvent être efficaces qu’après avoir récité l’incantation. Certains sont tentés de placer les remèdes nécessitant ce genre d’incantation dans la catégorie ésotérique (Sofowora, 1996 : 21-22). Il est parfois nécessaire d’accompagner ses préparations d’un rituel et/ou sacrifice pour apaiser les dieux. L’origine de ses incantations reste floue, Amélie Degbelo émet l’hypothèse qu’elles auraient été élaborées dans des couvents et sont connues uniquement par un groupe très restreint de privilégié (Degbelo, 1992 : 602).

Contrairement à la pharmacopée française, qui est régie par un cadre législatif avec un ouvrage référentiel consulté par les médecins, pharmaciens, la pharmacopée africaine s’appuie sur une connaissance orale qui se transmet entre tradipraticiens (Desse, 1986 : 17). Signalons cependant qu’il existe plusieurs pharmacopées africaines qui diffèrent selon les régions, les traditions et les éléments thérapeutiques qui sont présents dans l’environnement. À ces éléments thérapeutiques on peut leur attribuer des vertus magiques qui diffèrent selon les peuples.

Définissons un autre concept, celui de la « médecine traditionnelle ». Il s’agit d’une :

« Combinaison globale de connaissances et de pratiques, explicables ou non, utilisées pour diagnostiquer, prévenir ou éliminer une maladie

180 Son nom complet est Pierre Fátúmbí Verger. Fátúmbí signifie « Ifa l’a fait renaitre » en Yoruba. Ce titre fait

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physique, mentale ou sociale, et pouvant se baser exclusivement sur l’expérience et les observations anciennes transmises de génération en génération, oralement ou par écrit […] en tenant compte du concept originel de la nature qui inclut le monde matériel, l’environnement sociologique, qu’il soit vivant ou mort et les forces métaphysiques de l’univers » (Sofowora, 1996 : 17).

L’OMS définit la médecine traditionnelle comme ceci :

« La médecine traditionnelle est la somme des connaissances, compétences et pratiques qui reposent sur les théories, croyances et expériences propres à une culture et qui sont utilisées pour maintenir les êtres humains en bonne santé ainsi que pour prévenir, diagnostiquer, traiter et guérir des maladies physiques et mentales. Elle est parfois qualifiée de médecine « parallèle » ou « douce ». Utilisée depuis des milliers d'années, ses praticiens ont beaucoup apporté à la santé humaine, surtout en tant que prestataires de soins de santé primaires au niveau communautaire »181.

Actuellement, l’OMS développe un programme (2014-2023) pour renforcer ce mode de médication en épaulant les états qui cherchent à développer et faire contribuer la médecine traditionnelle aux soins, mais également de mettre en place une réglementation pour les produits, les pratiques et l’encadrement des praticiens.

On peut retrouver dans certains écrits le terme de « médecine indigène ». Il est perçu comme péjoratif et renvoi à une idéologie coloniale. Le terme « médecine populaire » est également fréquemment rencontré. Ce terme renvoie plus à des traditions, des croyances populaires adoptées par un groupe d’individus (Sofowora, 1996 :18).

Sur quoi repose la guérison dans la médecine traditionnelle ? Elle repose sur deux éléments essentiels et indissociables ; le premier est la connaissance des vertus médicinales reconnues des plantes. Le second repose sur le côté psychologique de la guérison avec la déclamation d’incantations. Elles jouent sur la psychologie du patient qui aide à la guérison. Selon Tobie

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Nathan, ethnopsychiatre, le premier médicament au monde est la prière juste avant le sacrifice de poulet fréquemment pratiqué pour conjurer une maladie, un mauvais sort, être favorable au destin d’un individu, etc. (Nathan et Stengers, 2012 : 56-57). Le mot « prière » vient du latin « prex/precis » qui signifie « supplications, vœux » (Simão et Caldeira, 2016 :1). Il existe plusieurs types de prières ; la plus courante est celle dite d’« intercession », c’est-à-dire une doléance demandée par le prieur pour une autre personne. La seconde est la « prière de pétition », c’est-à-dire une sollicitation pour demander de l’aide pour soi-même. La prière permet de se connecter avec soi-même, mais également avec un être sacré dans le but d’obtenir ce que l’on souhaite. L’acte de prière est reconnu par les scientifiques comme une thérapie complémentaire.

Une analyse d’étude réalisée par une équipe médicale brésilienne et portugaise sous la direction de Talita Prado Simão, démontre que dans douze études analysées, sept démontrent que la prière quotidienne à un résultat positif en réduisant notamment l’anxiété auprès des proches du patient (Simão et Caldeira, 2016 :2-3). En 2007, une autre étude réalisée aux États- Unis a fait ressorti qu’au travers l’analyse de dix adultes, quatre ont eu recours à une médecine alternative (médications naturelles, exercices de relaxation, ostéopathie, acupuncture, etc.) au cours des douze derniers mois pour différentes pathologies (diabète, anxiété, dépression, douleurs chroniques, etc.). Pour les enfants, un sur neuf a eu recours à des médications alternatives (Barnes et bloom, 2008 :1).

Au XIXème siècle, la psychiatrie est reconnue comme une discipline médicale à part entière. Les troubles mentaux longtemps expliqués, justifiés, par des esprits maléfiques, de «démon » trouvent une explication scientifique. Dès cet instant, l’association « religion/psychologie » est frappée d’anathème. Durant le XXème siècle, de nombreux spécialistes se sont penchés sur l’influence de la religion sur la santé. La majorité des études concluent que la religion n’a aucune influence sur la santé mentale. Elle est considérée comme non pertinente voire de causer des émotions malsaines ou des névroses (Koenig : 2004 : 1195). Il faut attendre la fin du XXe- début XXIe siècle pour que la religion et les influences qu’elles engendrent sur le psychique soient prises en considération en tant qu’élément indissociable de la vie, d’une culture propre à un individu (Jakovljević, 2017 :82). Selon le médecin canadien William Osler, la foi religieuse a toujours été un facteur essentiel dans la pratique de la médecine et lie le croyant à chaque élément de la vie. Il précise également que « rien dans la vie n’est plus merveilleux que la

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foi »182 et en vante les effets (Osler, 1810 : 1470). En 1975, Le docteur Franck Jérôme rejoint l’idée de William Osler en précisant que la foi et le contexte religieux sont des éléments de stimulations dans la guérison beaucoup trop absente des formations médicales (Frank, 1975 :130).

La religion et la psychiatrie ont un point commun, celui d’avoir été étiqueté, un temps, comme élément « pseudo-scientifique ». La foi est un élément positif pour la guérison en plaçant le psychique dans un état d’esprit salutaire. La recherche a prouvé que cet état d’esprit influe sur le traitement, les attentes du patient et le résultat. La santé spirituelle répond à un processus particulier (Jakovljević, 2017 : 84) :

1. Découverte de la maladie et but personnel,

2. Mise en place de valeurs qui vont servir de motivation pour emprunter le chemin de guérison,

3. Récupération et guérison personnelle (estime de soi, optimisme, pensée positive, etc.). La foi, qu’elle soit religieuse ou non, influe sur la confiance des soins médicaux qui conduit à un effet placebo183 positif, la « foi salutogène » est motivée par un élément intrinsèque, propre à l’individu et se décompose en plusieurs étapes (Levin, 2009 : 89) (Tabl.04).

182 « Nothing in life is more wonderful than faith » (Osler, 1810: 1470).

183 « L’effet placebo » qualifie les « médecines non savantes dont nous ne sommes pas capables d’expliquer

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Étapes Processus

Comportement / Conation

La foi guérit en insufflant des pensées positives qui renforcent le corps et accentue l’effet salutogène.

Interpersonnel

La foi peut créer une communauté, un groupe social qui partage les mêmes idéaux et qui sert de soutient d’encouragement pour l’individu malade184.

Cognitive La foi met en place un état d’esprit qui pousse à la guérison innée du patient.

Affective La foi met en place des émotions qui apaisent le patient et attenue les effets indésirables

Psychophysiologique La foi offre de l’espoir sur l’avenir qui permet au patient de supporter la douleur.

Tabl.04 : Schéma mécanique de l’effet salutogène de la foi (Levin, 2009 : 89).

Pour le médecin suisse Paul Tournier, le corps l’esprit et l’état d’esprit doivent être pris en considération pour mener à bien une guérison. La foi et la psychiatrie doivent être considérées comme des pratiques sociales, indissociables dans l’analyse et la gestion de la maladie (Jakovljević, 2017 : 86).

Une étude réalisée par l’Université de Pennsylvanie sur 177 patients adultes en ambulatoire dans un service de pneumologie a rapporté que sur cet échantillon, 51% se décrivent croyants, dont 90% estiment que la prière influence sur la guérison, 45% rapportent que leurs croyances influencent sur leurs prises de décision dans le domaine médical. 94% pensent que le corps médical devrait prendre en compte les croyances religieuses des patients, notamment en cas de pathologies lourdes. 45% des personnes qui se déclarent « non-croyantes » s’accordent sur le fait que les médecins devraient prendre en considération les croyances religieuses du patient (Ehman et al., 1999 : 1803).

Une autre étude réalisée par le centre universitaire Duke en Caroline du Nord sur un échantillon de 337 personnes admises dans un service de cardiologie a rapporté que 90% d’entre eux déclarent utiliser la religion, dans un degré plus ou moins important, pour faire face à la maladie. 40% ont indiqué que la croyance est l’un des facteurs les plus importants dans le traitement et le soin. Les patients indiquent également que les croyances et les pratiques religieuses sont une source de réconfort, d’espoir d’autant plus si les troubles sont chroniques (Koenig, 2004 :1194).

184 Une étude réalisée par Crowley et Jenkinson démontre les effets négatifs et positifs des groupes thérapeutiques

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Le psychiatre américain Harold Koenig précise qu’avant l’an 2000, plus de 700 études ont été réalisées pour définir le rôle entre la religion et la santé mentale. Il en ressort que 500 d’entre elles démontrent l’association positive entre la santé mentale et la religion puisque cette dernière favorise un bien-être complet et diminue la toxicomanie. Il en ressort également que les patients croyants ayant suivi une thérapie religieuse en association avec un traitement ont une guérison beaucoup plus rapide que les patients laïques ayant seulement suivi le traitement recommandé par le corps médical. Quatre-vingt-treize études s’intéressent à la dépression et montrent que pour soixante d’entre elles la religion diminue cet état dépressif, soixante-huit études s’intéressent aux suicides et cinquante-sept démontrent que la religion diminue le nombre de suicides, soixante-neuf études s’intéressent à l’anxiété, trente-cinq démontrent que la religion diminue cet état de stress, 114 études s’intéressent à l’optimisme quatre-vingt-onze de ces études démontre un plus grand optimisme chez les personnes croyantes (Koenig, 2004 : 1195).

Cependant la croyance religieuse n’a pas forcément que des effets bénéfiques puisqu’elle affecte la prise de décisions médicales. En 2003, une étude réalisée sur 100 patients atteints d’un cancer aux poumons à un stade avancé a démontré que les sept facteurs susceptibles d’influencer la décision sur le traitement chimiothérapique sont, dans l’ordre des priorités (Silvestri et al., 2003 : 1379) :

1. Les recommandations de l’oncologue, 2. La foi en Dieu,

3. La capacité de traitement pour guérir la maladie, 4. Les effets secondaires,

5. Les recommandations du médecin de famille, 6. Les recommandations du conjoint,

7. Les recommandations des enfants.

La foi est en seconde position dans la prise de décision, devant l’avis des proches et de la famille, ce qui démontre son influence chez certains croyants. La religion peut également entraîner des conflits avec les soins médicaux (ex : les témoins de Jehova n’acceptent pas les transfusions sanguines ou la greffe d’organe, les Chrétiens membres de l’Église Réformée orthodoxe sont contre la prise d’antibiotiques, etc.). Elle peut également créer un état spirituel qui nuit aux résultats. Le patient se demande pourquoi il doit subir ça, les prières restantes sans réponses, le croyant pousse sa réflexion plus loin (pourquoi est-il puni par son Dieu, a t’il pêché ? etc.) qui peut le conduire à un état de stress important. La foi et les croyances religieuses

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peuvent interférer avec le diagnostic de la maladie et la mise en place du traitement (Koenig, 2004 : 1196).

En 1866, une Américaine du nom de Mary Baker Eddy chute sur un trottoir verglacé. Le médecin lui diagnostic une commotion cérébrale accompagnée d’une paraplégie. Lors de sa convalescence elle demanda qu’on lui amène une bible afin de méditer sur le pouvoir de guérison du Christ. Elle médita pendant trois jours. Elle raconta que lors de sa lecture du chapitre 9, verset 2 de Matthieu185 elle ressentit une sensation étrange qui la fit se lever, s’habiller et marcher. Dès lors elle mit en place un courant religieux186 basé sur l’inexistence de la matière et sur le fait que la guérison est celui de la prière. La maladie n’est pas réelle puisque Dieu ne peut pas avoir créé la maladie et la souffrance pour l’homme. Il en est de même pour la mort (son mari Asa Gilbert Eddy décéda en 1882 d’un arrêt cardiaque. Elle impute ce décès à un « poisson mental » envoyé à distance par des élèves rancuniers (Dericquebourg, 2001 : 48). Si l’on comprend ce principe, la guérison est effective (Dericquebourg, 1983 : 171). Dans sa jeunesse, cette Américaine était une adepte du mesmérisme, du magnétisme et de l’homéopathie. Il lui arrivait de tester sur des patients l’effet placebo de certaines pilules homéopathies notamment sur la guérison d’œdème (Dericquebourg, 1998 : 113). Ce mouvement regroupe toujours de nombreux adeptes qui se tournent vers Dieu pour guérir au travers de prières.

Sigmund Freud analyse que l’état psychique d’attente de guérison déclenche des effets sur le psychique qui mène à la guérison du malade. Il distingue deux types d’attente :

1. L’attente anxieuse qui peut déclencher la maladie, 2. L’attente croyante qui agit sur la guérison.

Pour le célèbre psychiatre, la guérison se fait chez les croyants qui sont dans une prédisposition psychologique à la guérison, généralement acquise par la vénération d’un élément religieux ou à un déplacement dans un lieu saint. À cet état d’esprit il faut coupler la volonté du malade à ce repentir de ses fautes et à exprimer sa foi. Il reconnaît cependant que l’attente croyance associée à une médication encadrée par des professionnels de santé conduit à une guérison (Freud, 1983 : 170).

185 « Et voici, on lui amena un paralytique couché sur un lit. Jésus, voyant leur foi dit au paralytique : « Prends

courage, mon fils, tes péchés te sont remis » » (Évangile selon Mathieu ; chapitre 9 verset 2).

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Chez le vodouisant, beaucoup d’interdits sont à respecter afin d’éviter de s’attirer le mauvais sort notamment dans le domaine de la santé. Par exemple, à Cana ou Abomey, une femme mariée dont le mari est en vie et qui donne ses faveurs à un beau-frère ou beau cousin est frappée d’albuminurie. Les femmes adultérines non soumises à une purification par leur mari pouvaient être frappées de démence tout comme le mari trompé. Si un individu venait à rompre un pacte de sang, il tomberait irrémédiablement malade187. Aucun remède ne vient à bout de sa maladie. On dit que les esprits de ses ancêtres viennent le tourmenter. Ses interdits révèlent une sorte de guerre psychologique qui conduit un homme faire rentrer dans son subconscient les symptômes liés à une pathologie qu’il peut provoquer lorsqu’il sait intérieurement qu’il s’est mal conduit. Il s’agit de la « pathogénèse des maux » qui est en lien avec une violation d’interdit (Degbelo, 1992 : 125). Cette pathogénèse est également un moyen de pression sociétal qui peut pousser une communauté tout entière à bien se comporter afin d’éviter un désastre communautaire tel qu’une épidémie de rougeole imputée à Sakpata et ses fils, les Yévu.

La maladie véhicule également un message pour annoncer un évènement proche ; un abcès est signe d’une naissance gémellaire prochaine, un voyage de bon augure, la fin d’un asservissement par exemple. Autre exemple, un panaris (« ajozon » ou « klébésé ») à la main