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Les procédures inquisitoire et accusatoire sans efforts conjoints

Dans le document Analyse économique de l'expertise judiciaire (Page 111-119)

2.4 Le coût espéré des expertises

2.4.1 Les procédures inquisitoire et accusatoire sans efforts conjoints

nous comparons dans un premier temps la procédure inquisitoire à la procédure accusatoire sans efforts conjoints. Dans un second temps, nous comparons la procédure accusatoire avec efforts conjoints aux deux précédentes.

2.4.1 Les procédures inquisitoire et accusatoire sans efforts

conjoints

Le coût espéré des expertises en procédure inquisitoire est donné par la probabilité qu’une décision autre que le statu quo soit prise, multipliée par le montant de la rémunération inci- tative wι. Compte tenu du lemme 2.1, le coût espéré des expertises en procédure inquisitoire est donné par :

1 − (1 − z)2=        (1 + λ)k si λ ≤ λ1 λk(1−(1−z)2) z(1−z) si λ > λ1 (2.36) Le coût espéré des expertises en procédure accusatoire est donné par la probabilité qu’une décision autre que le statu quo soit prise, multipliée par le montant de la rémunération inci- tative wα. Compte tenu du lemme 2.2, le coût espéré des expertises en procédure accusatoire est donné par :

2 (wα

z(1 − z)) = 2k (2.37)

Nous pouvons formuler la proposition suivante :

Proposition 2.1. Le coût espéré des expertises est strictement inférieur en procédure in-

quisitoire (respectivement en procédure accusatoire sans efforts conjoints) si λ < 1−z 1−z 2 (res- pectivement si λ > 1−z 1−z 2). Pour λ ∈  1 − z, 1−z 1−z 2 

, le coût espéré des expertises est supérieur en procédure accusatoire sans efforts conjoints alors même que la rente versée à l’expert en procédure inquisitoire est strictement positive.

Démonstration. Lorsque l’expert obtient une rente nulle en procédure inquisitoire, c’est-à-

dire pour des valeurs faibles de λ telles que λ ≤ 1 − z, la procédure inquisitoire est la moins coûteuse car (1 + λ)k < 2k. Pour des valeurs plus importantes de λ telles que λ > 1 − z, l’expert obtient une rente, et le coût de l’expertise en procédure inquisitoire est donné par

λk(1−(1−z)2)

z(1−z) . La rente de l’expert augmente avec λ, de telle sorte que le coût de l’expertise

en procédure inquisitoire devient supérieur au coût des expertises en procédure accusatoire sans efforts conjoints si :

λk1 − (1 − z)2 z(1 − z) >2k ⇔ λ > 1 − z 1 − z 2 (2.38) De plus, on constate que 1−z

1−z

2

> λ1, si bien que pour des valeurs de λ telles que λ ∈



1 − z, 1−z 1−z

2



, l’expert obtient une rente strictement positive (car λ > λ1), alors que le

coût de l’expertise en procédure inquisitoire est inférieur au coût de l’expertise en procédure accusatoire sans efforts conjoints (car λ < 1−z

1−z

2).

Ces résultats sont illustrés sur le graphique 1, qui représente le coût espéré des expertises en procédure inquisitoire et en procédure accusatoire sans efforts de recherche conjoints, suivant la valeur de λ. Λ 1 Procédure accusatoire Procédure inquisitoire 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 Λ 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0

[Graphique 1 : k = 1 et z = 1 3]

Premièrement, si les efforts de recherche conjoints bénéficient d’économies d’échelle impor- tantes, avec λ ≤ 1 − z, la rente des experts est nulle quelle que soit la procédure utilisée. La rémunération espérée des experts est fixée de manière à rembourser le coût des efforts de recherche, c’est-à-dire de manière à saturer la contrainte de participation de l’expert. Le coût des efforts de recherche (et donc le coût des expertises compte tenu de l’absence de rente) est plus faible pour un expert qui réalise des efforts de recherche conjoints en pro- cédure inquisitoire, plutôt que pour deux experts réalisant chacun un effort en procédure accusatoire. La procédure inquisitoire est donc moins coûteuse que la procédure accusatoire. On voit sur le graphique 1 que si les efforts de recherche conjoints bénéficient d’économies d’échelle importantes (λ ≤ 1 − z), une augmentation de λ augmente le coût des expertises en procédure inquisitoire, du fait de l’augmentation du coût des efforts de recherche conjoints (les économies d’échelle diminuent). Cependant, cette augmentation du coût des expertises en procédure inquisitoire suivant λ reste relativement limitée, car λ n’a aucun effet sur la rente de l’expert, qui reste nulle.

Deuxièmement, pour des valeurs intermédiaires des économies d’échelle réalisées sur les ef- forts conjoints, avec λ ∈1 − z, 1−z

1−z

2



, la rente de l’expert en procédure inquisitoire devient positive. Malgré cela, le coût des expertises en procédure inquisitoire reste moins important que le coût des expertises en procédure accusatoire. En effet, en procédure inquisitoire, la réduction du coût des efforts de recherche due aux économies d’échelle fait plus que com- penser l’augmentation du coût dû à l’apparition d’une rente à verser à l’expert. Lorsque les économies d’échelle réalisées sont telles que λ ∈ 1 − z,1−z

1−z

2



, une augmentation de λ augmente à la fois le coût des efforts de recherche conjoints et la rente à verser à l’expert en procédure inquisitoire. La somme de ces deux effets explique pourquoi, comme on peut le voir sur le graphique 1, le coût des expertises augmente plus rapidement suivant λ pour des valeurs intermédiaires que pour des valeurs importantes (λ ≤ 1 − z) des économies d’échelle.

Troisièmement, si les économies d’échelle dont bénéficient les experts sur les efforts conjoints sont peu importantes, voire négatives, avec λ > 1−z

1−z

2, le juge est obligé, en procédure in-

quisitoire, de verser une rente strictement positive à l’expert afin de l’inciter à réaliser des efforts de recherche conjoints. La rente versée à l’expert augmente suivant λ, de même que le coût total des efforts de recherche. La faible valeur des économies d’échelle sur les ef- forts conjoints, à laquelle s’ajoute une rente élevée à verser à l’expert, rend les expertises en procédure inquisitoire plus coûteuse qu’en procédure accusatoire sans efforts de recherche conjoints.

2.4.2 La procédure accusatoire avec efforts conjoints

Compte tenu du lemme 2.3, le coût espéré des expertises en procédure accusatoire avec des efforts conjoints est donné par :

wα(2zβ (1 − zβ)) =        2(1 + λ)k si λ ≤ λ2 2λk(1−zβ) z(1−β) si λ > λ2 (2.39)

Nous pouvons formuler la proposition 2.2, qui s’intéresse à la comparaison du coût espéré des expertises en procédure inquisitoire et en procédure accusatoire sans efforts de recherche conjoints.

Proposition 2.2. Le coût espéré des expertises en procédure accusatoire sans efforts de

recherche conjoints est inférieur au coût espéré des expertises en procédure accusatoire avec efforts de recherche conjoints.

Démonstration. Lorsque les experts obtiennent une rente nulle en procédure accusatoire avec

efforts conjoints (λ ≤ λ2), le coût espéré des expertises en procédure accusatoire avec efforts

conjoints est supérieur au coût espéré des expertises en procédure accusatoire sans efforts conjoints car 2k (1 + λ) ≥ 2k. Lorsque les experts obtiennent une rente strictement positive en procédure accusatoire avec efforts conjoints (λ > λ2), le coût espéré des expertises en

expertises en procédure accusatoire sans efforts conjoints si : 2λk (1 − zβ)

z(1 − β) >2k (2.40)

Cette inégalité est toujours vérifiée pour λ > λ2 (c’est-à-dire si les experts obtiennent une

rente strictement positive en procédure accusatoire avec efforts conjoints).

L’intuition de la proposition 2.2 est la suivante. En procédure accusatoire sans efforts de recherche conjoints, la rémunération de chaque expert est fixée de telle sorte que celle-ci, en espérance, est égale au coût de l’effort de recherche de chaque expert en faveur de la partie qui l’a engagé, c’est-à-dire k. En procédure accusatoire avec efforts conjoints, la rémunération de chaque expert est fixée de telle sorte que celle-ci, en espérance, est égale au coût de l’effort de l’expert pour trouver à la fois des preuves favorables à la partie qui l’a engagé et des contre-preuves, auquel s’ajoute éventuellement une rente à verser aux experts si les économies d’échelle sont suffisamment faibles. Ainsi, cette rémunération est au moins égale à k(1 + λ). Le coût des expertises, qui est donné par la rémunération espérée à verser aux experts, est supérieure en procédure accusatoire avec efforts de recherche conjoints. Nous nous intéressons maintenant, dans la proposition 2.3, à la comparaison du coût espéré des expertises en procédure inquisitoire et en procédure accusatoire avec efforts de recherche conjoints.

Proposition 2.3. Le coût espéré des expertises en procédure inquisitoire est strictement

supérieur au coût espéré des expertises en procédure accusatoire avec efforts de recherche conjoints si : λ >21 z −1  (2.41) Et si : 4z − 2 + z2(1 + β) > 0 (2.42)

Si les conditions (2.41) et/ou (2.42) ne sont pas satisfaites, alors le coût espéré des expertises en procédure inquisitoire est inférieur au coût espéré des expertises en procédure accusatoire avec des efforts de recherche conjoints.

Démonstration. Lorsque les experts obtiennent une rente nulle en procédure accusatoire avec

efforts conjoints comme en procédure inquisitoire (λ ≤ λ2 et λ ≤ λ1), le coût espéré des ex-

pertises en procédure accusatoire avec efforts conjoints est strictement supérieur au coût espéré des expertises en procédure inquisitoire car 2k (1 + λ) > (1 + λ) k.

Lorsque les experts obtiennent une rente strictement positive en procédure accusatoire avec efforts conjoints comme en procédure inquisitoire (λ > λ2 et λ > λ1), le coût espéré des

expertises en procédure inquisitoire est strictement supérieur au coût espéré des expertises en procédure accusatoire avec efforts conjoints si :

λk1 − (1 − z)2

z(1 − z) >

2λk (1 − zβ)

z(1 − β)4z − 2 + z

2(1 + β) > 0 (2.43)

Sous cette condition, il existe une valeur de λ, que nous appelons λ, telle que, pour λ > λ, le

coût espéré des expertises en procédure inquisitoire est strictement supérieur au coût espéré des expertises en procédure accusatoire avec efforts conjoints, du fait de la rente importante qui est versée à l’expert en procédure inquisitoire. Ce seuil est donné par :

λk1 − (1 − z)2 z(1 − z) = 2k (1 + λ) ⇔ λ= 21 z −1  (2.44) Ainsi, si la condition (2.43) est satisfaite, la comparaison du coût espéré des expertises en procédure inquisitoire et en procédure accusatoire avec efforts conjoints apporte les résultats suivants. Pour λ ≤ λ1, les experts n’obtiennent pas de rente quelle que soit la procédure, et

la procédure accusatoire avec efforts conjoints est strictement plus coûteuse que la procédure inquisitoire. Pour λ ∈ (λ1, λ′), l’expert obtient une rente uniquement en procédure inquisi-

toire, mais cette dernière reste strictement moins coûteuse que la procédure accusatoire avec efforts conjoints. Pour λ ∈ (λ, λ

2), l’expert continue à obtenir une rente uniquement en pro-

cédure inquisitoire. À cause de cette rente, la procédure inquisitoire devient plus coûteuse que la procédure accusatoire avec efforts conjoints. Pour λ > λ2, les experts obtiennent une

rente quelle que soit la procédure, et la procédure inquisitoire est strictement plus coûteuse que la procédure accusatoire avec efforts conjoints.

Si la condition (2.43) n’est pas satisfaite, alors le coût espéré des expertises est supérieur en procédure accusatoire avec efforts conjoints quelle que soit la valeur de λ.

L’intuition de la proposition 2.3 est la suivante. Initialement, si les économies d’échelle sont maximales (λ = 0), le coût espéré des expertises est deux fois moins élevé en procédure inquisitoire qu’en procédure accusatoire avec efforts conjoints. Lorsque le montant des éco- nomies d’échelle augmente mais reste suffisamment faible (les experts n’obtiennent pas de rente), chaque expert réalisant un effort de recherche de contre-preuve, le coût des expertises en procédure accusatoire avec efforts conjoints augmente deux fois plus rapidement qu’en procédure inquisitoire, et le coût des expertises reste ainsi deux fois plus élevé en procé- dure accusatoire avec efforts conjoints qu’en procédure inquisitoire. Cependant, lorsque les économies d’échelle sont suffisamment faibles, la situation peut s’inverser à cause de l’appa- rition d’une rente à verser aux experts pour les inciter à l’effort, et le coût des expertises peut devenir plus important en procédure inquisitoire qu’en procédure accusatoire avec ef- forts conjoints. En effet, sous la condition (2.42), la rente obtenue par l’expert en procédure inquisitoire augmente beaucoup plus rapidement qu’en procédure accusatoire avec efforts conjoints lorsque les économies d’échelle diminuent.

Les résultats des propositions 2.2 et 2.3 sont illustrés sur les graphiques 2 et 3. On observe que pour des valeurs relativement faibles des économies d’échelle, la comparaison du coût espéré des expertises dans les procédures inquisitoire et accusatoire avec efforts conjoints dé- pend de la valeur des paramètres λ, β et z. En effet, par rapport à la procédure inquisitoire, le coût espéré des expertises est inférieur en procédure accusatoire avec efforts conjoints si la condition (2.42) est satisfaite et lorsque λ est suffisamment élevé, et inversement si λ est faible et/ou si la condition (2.42) n’est pas satisfaite. Notons que dans ces deux procédures, l’évolution du coût espéré des expertises suivant λ obéit à la même intuition : la rente et le coût des efforts de recherche des experts augmentent lorsque les économies d’échelle dimi- nuent, ce qui induit une augmentation du coût espéré des expertises. On observe par ailleurs

que, par rapport à la procédure accusatoire sans efforts conjoints, le coût espéré des exper- tises en procédure accusatoire avec efforts conjoints est toujours supérieur, quel que soit le niveau des économies d’échelle.

Le graphique 2 présente une situation où la procédure accusatoire avec efforts conjoints est plus coûteuse que les deux autres procédures, quelle que soit la valeur du paramètre λ.

Procédure accusatoire Procédure accusatoire

(efforts conjoints) Procédure inquisitoire Λ1 Λ2 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 Λ 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.0

Coût espéré des expertises

[Graphique 2 : k = 1, z = 3

4 et β = 0.1]

Le graphique 3 présente une situation où, pour des valeurs suffisamment faibles des écono- mies d’échelle, la procédure inquisitoire est plus coûteuse que la procédure accusatoire, même quand les experts réalisent des efforts conjoints dans cette dernière.

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