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Les principaux acteurs au contrôle de sûreté aérienne

CHAPITRE 4 : LA STRUCTURATION DE LA SÛRETÉ DU TRANSPORT AÉRIEN

4.3 La sûreté du transport aérien

4.3.3 Les principaux acteurs au contrôle de sûreté aérienne

Le secteur de l’aviation est un secteur complexe avec plusieurs intervenants ou acteurs travaillant sous un même toit, mais sans toutefois faire partie de la même entreprise réseau. La prochaine section donne un aperçu de la complexité du secteur de l’aviation au Canada en présentant des acteurs qui agissent dans le secteur de contrôle de sûreté aérien.

4.3.3.1 Transports Canada

Au début des années 1970, à la suite d’une série de détournements d’avion, les pays membres de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) adoptent une disposition exigeant que chaque pays désigne une autorité pour la protection de l’aviation civile contre les interventions illicites. Le gouvernement du Canada a

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désigné Transports Canada comme son autorité69. Il est l’autorité nationale désignée en matière de sûreté de l’aviation civile (en vertu de l’Annexe 17 de la Convention relative à l’aviation civile internationale) et représente le Canada pour les besoins de l’élaboration des normes de l’OACI. Le Ministère établit les règlements et les normes pour la sécurité, la sûreté et le rendement environnemental du transport aérien et il qualifie les produits, les personnes et les organismes conformément à ces normes. Plus précisément70, il :

- établit les règles et les normes relatives à la sûreté que les transporteurs aériens et les installations de transport, comme les exploitants d’aéroport, doivent appliquer;

- détermine les lieux où la sûreté doit être assurée en désignant des aéroports par le Règlement sur la désignation des aérodromes;

- établit la liste des objets interdits que les agents doivent empêcher d’entrer dans les zones réglementées des aéroports;

- détermine les normes de rendement de l’équipement, établit et tient la liste des systèmes et de l’équipement qui ont la capacité démontrée de répondre aux normes de rendement pour le contrôle et qui correspondent aux normes internationales;

- représente le gouvernement du Canada à l’étranger pour les questions de sécurité du transport et collabore avec ses partenaires internationaux pour assurer l’harmonisation et la coordination du Règlement canadien sur la

sûreté du transport aérien avec ceux des autres pays; et,

- analyse les renseignements de sécurité ayant trait au transport et partage cette information avec certains secteurs du réseau de sécurité aérienne. En résumé, les rôles de Transports Canada dans le transport aérien sont ceux de décideur, d’organisme de réglementation et de locateur des plus gros aéroports du pays.

69 Bureau du Vérificateur général, Rapport d’examen spécial de 2006, p. 7. 70 Bureau du Vérificateur général, Rapport d’examen spécial de 2006, p. 9.

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Suite au 11 septembre 2001 et à la création de l’ACSTA, Transports Canada axe ses efforts sur les aspects de la sûreté aérienne ayant trait à la politique et à la réglementation71. Il est maintenant le régulateur des activités de l’ACSTA et veille à ce que les passagers et leurs bagages soient contrôlés de manière à ce qu’aucun passager avec une mauvaise intention ou un objet de menace ne réussisse à prendre l’avion.

4.3.3.2 Organisation de l’aviation civile internationale (OACI)

L’OACI est une organisation internationale qui dépend des Nations-Unis. Son rôle est de participer à l’élaboration des normes qui permettent la standardisation du transport aéronautique international (les vols à l’intérieur d'un même pays ne sont pas concernés par l’OACI). Elle élabore des politiques et des normes, réalise des audits de conformité, des études et des analyses, fournit une assistance et renforce la capacité de l’aviation grâce à la coopération de 192 États membres et de parties prenantes72. Lorsque l’OACI élabore de nouvelles normes, les pays membres doivent s’y conformer.

4.3.3.3 Transporteurs aériens

Un transporteur aérien est une compagnie aérienne de transport qui a reçu un certificat d'exploitation aérienne de Transports Canada lui permettant de transporter des voyageurs ou tout autre type de marchandise d’un aérodrome à un autre. Comme nous l’avons vu ci-haut, depuis 1988 tous les transporteurs aériens au Canada sont maintenant privés. Le Canada possède plusieurs grands transporteurs internationaux comme Air Canada, WestJet, Porter, Air Transat et Sunwing ainsi qu'un certain nombre de plus petits transporteurs régionaux et de transporteurs de fret73.

71 Whitaker et al., (2006). Plan de vol : Gérer les risques de la sûreté du transport aérien,

Secrétariat sur l’examen de la Loi sur l’ACSTA, Rapport du Comité consultatif, Ottawa. p.12.

72 Site de l’OACI, www.icao.int consulté le 16 mars, 2019.

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Par exemple, Air Canada est un transporteur aérien du Canada qui transporte des voyageurs à l’intérieur du pays (fournit des services passagers réguliers directs sur 64 aéroports au Canada) et à l’international. Il s’arrête dans plus de 200 aéroports

répartis sur six continents. Il transporte plus de 41 millions de passagers chaque année et emploie plus de 30 000 personnes74. Les transporteurs aériens ont comme objectifs de transporter des passagers et du fret de manière sécuritaire et compétitive. Un retard du départ d’un transporteur aérien peut avoir des répercussions économiques et commerciales importantes. Il est dans leur intérêt de s’assurer que les délais pour le contrôle de sûreté de leurs passagers soient respectés.

4.3.3.4 Administrations aéroportuaires

Comme nous avons vu précédemment, jusqu’aux années 1990, les aéroports du Canada étaient détenus, exploités ou subventionnés par le gouvernement fédéral, par l’intermédiaire de Transports Canada. Le gouvernement canadien a approuvé en 1987 une série de principes directeurs visant à orienter la mise sur pied d’administration aéroportuaires ainsi que les négociations liées aux cessions (p. ex., il n’y a aucune augmentation de financement par le gouvernement, les administrations sont assujetties à la Loi sur la concurrence du Canada, elles sont des sociétés sans but lucratif, etc.). À l’adoption de ces principes directeurs a succédé, en 1989, l’adoption de 36 principes supplémentaires visant à donner à Transports Canada davantage de directives sur les négociations pour la première série de cessions. Les principes directeurs et supplémentaires expriment un certain nombre d’attentes, par exemple :

- Les exigences pour le gouvernement en matière de financement global des aéroports n’augmenteraient pas à long terme par suite de cession;

- L’évaluation des aéroports à céder se ferait en fonction de leur juste valeur marchande, avec examen approprié de leur potentiel de gains;

- Les administrations aéroportuaires seraient viables sur le plan financier;

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- Les administrations aéroportuaires fonctionneraient sans lien de dépendance avec le gouvernement et sans recourir à lui à des fins financières;

- Les aéroports seraient cédés à des entités sans but lucratif;

- Il y aurait une garantie minimale d’emploi de deux ans pour les employés de Transports Canada nommés pour une période déterminée et touchés par la cession; et,

- Il y aurait obligation de se conformer aux normes et règlements de Transports Canada sur la sécurité et la sûreté.

La Politique nationale des aéroports de 199475 exige que Transports Canada demeure le propriétaire des aéroports cédés du Réseau national d’aéroports (RNA) et continue de garantir l’intégrité et la viabilité à long terme du réseau. Avec cette politique, le gouvernement introduit d’autres principes – soit des principes de responsabilité envers le public – à respecter au cours de la deuxième série de cessions. Ces principes visent à élargir l’obligation de reddition de comptes des administrations aéroportuaires. Entre autres, ces principes prévoient que le gouvernement fédéral ne nommera pas le conseil d’administration, mais qu’il proposera la candidature de deux ou trois membres au conseil de chaque administration aéroportuaire. Ces principes stipulent également des obligations en ce qui a trait aux exigences en matière de conflit d’intérêts, de consultations auprès de la collectivité et d’appels d’offres ouverts.

Une administration aéroportuaire se veut une société sans but lucratif créée aux termes d’une loi fédérale (Loi sur les corporations canadiennes, maintenant la Loi

canadienne sur les sociétés par actions) ou provinciale, selon le cas, pour gérer et

exploiter un réseau aéroportuaire local et des entreprises commerciales connexes. Elle est responsable de toutes les activités aéroportuaires et des projets d’immobilisations comme l’agrandissement des aérogares et l’amélioration des pistes. Elle est également chargée de fournir des services d’urgence, d’aménager les terrains aéroportuaires à diverses fins, comme l’installation d’hôtels et autres

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activités commerciales et de louer de l’espace pour les boutiques, les restaurants et les nombreuses autres entreprises de services aux voyageurs. Elle doit également fournir de l’espace pour le service de contrôle de sûreté de l’ACSTA. Le gouvernement canadien conclut des baux à long terme avec chaque administration aéroportuaire, mais conserve la propriété de l’aéroport. Les baux, d’une durée de 60 ans, sont assortis d’une option de renouvellement pour 20 années supplémentaires.

Selon le rapport du Vérificateur général (2000 :13) :

Les administrations aéroportuaires – les AAL et les AAC – sont en grande partie des monopoles et jouissent d’un marché captif. Elles peuvent, sans être réglementées, établir des frais (p. ex., frais d’atterrissage) pour financer des travaux d’immobilisation et les activités aux aéroports, faire n’importe quel type de placement et accumuler de grandes réserves – en franchise d’impôt.

Les aéroports du RNA représentent des milliards de dollars en revenus aéroportuaires et autres possibilités d’affaires, p. ex., hôtels, restaurants et concessions de vente au détail. Les administrations aéroportuaires peuvent créer des filiales capables de générer encore plus de revenus provenant d’activités d’affaires « hors de l’aéroport ». Elles ne versent aucun paiement au moment de la cession. Toutefois, le gouvernement touche une allocation sous forme de paiement de loyer au cours des 60 années de la durée de chaque bail.

Par exemple, l’administration aéroportuaire qui administre l’aéroport Pierre-Elliot Trudeau de Montréal a été créée en 1992. Elle est une Société sans but lucratif et sans capital-actions responsable de la gestion, de l’exploitation et du développement en vertu d’un bail conclu avec Transports Canada qui arrive à échéance en 2072. Elle est gérée par un conseil d’administration d’un maximum de quinze administrateurs, dont deux sont nommés par le Gouvernement du Canada76. Ces administrations aéroportuaires ont comme principale responsabilité la gestion de l’exploitation et du développement de l’aéroport ou des aéroports (national ou international), selon le cas. Comme nous avons vu ci-haut, la gestion et l’exploitation

76 Site web de l’Administration aéroportuaire de Montréal, ADM, www.admtl.com/fr/adm consulté le

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incluent les activités telles que la gestion et l’exploitation des services immobiliers et commerciaux, les services de transports et de stationnement, l’ingénierie et la construction, les communications et affaires publiques, etc. Par exemple, en 2017, l’Aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal comptait 250 établissements actifs sur les sites aéroportuaires qui généraient un total de 60 000 emplois, dont quelques 27 000 sur le site même de l’aéroport. Toutefois, l’Aéroport n’emploie directement que 573 de ces 27 000 travailleurs77.

Le tableau 13 offre un exemple d’intervenants dans un aéroport78. Tous ces intervenants ont des employés qui travaillent à l’aéroport. Le tableau ne présente pas une liste complète des ces différentes organisations mais permet d’illustrer la complexité et le nombre important de ces travailleurs dont l’employeur n’est pas l’administration aéroportuaire.

Tableau 13 : Exemple d’intervenants dans un aéroport canadien Transports Canada (régulateur)

Aéroports canadiens (AAL et AAC) Types d’organisa- tions Lignes aérien- nes

ACSTA ASFC79 Aéroport Détaillants/ Commer- çants Autres services ex. : pompiers, déneige- ment, police80 Types d’entreprises (privée ou publique) Secteur privé Agence – Secteur parapublic (se rapporte à un conseil d’administra -tion) Agence - Secteur public (se rapporte directe- ment au Ministre de Gestion Secteur privé OSBL81 Secteur privé Secteur public et privé

77 Rapport annuel de l’Administration aéroportuaire de Montréal, 2017, p. 4.

78 Dans l’étude des auteurs Rubery, Cooke et al., (2003 :272), ces derniers avancent qu’il pourrait y

avoir jusqu’à 270 employeurs différents dans un même aéroport.

79 L’ASFC est l’Agence des services frontaliers du Canada

80 Les aéroports sous-contractent différents services tels le déneigement, les services d’électricité,

la plomberie, les services de pompiers et d’intervention policière. Selon la taille de l’aéroport, ces services peuvent relever de différentes juridictions et même certains de ces services peuvent être privés. Par exemple, certains aéroports ont leur propre service d’incendie ou de déneigement.

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Transports Canada (régulateur) Aéroports canadiens (AAL et AAC) Types d’organisa- tions Lignes aérien- nes

ACSTA ASFC79 Aéroport Détaillants/ Commer- çants Autres services ex. : pompiers, déneige- ment, police80 Sous- traitance : Secteur privé Sécurité publique Canada Relations de travail Syndi- qués Non syndiqués Employés sous- traités : syndiqués Syndi- qués Syndi- qués (Cols bleus) et Non syndi- qués (gestion et employés de bureau) Non syndiqués Dépendam- ment de l’organisation Ex. : services de pompiers syndiqués

Juridiction Fédérale Fédérale Fédérale Fédérale Provinciale Provinciale/ Municipale

Ce tableau brosse un aperçu des quelques 27 000 travailleurs qui œuvrent à l’Aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal de manière quotidienne. L’objectif d’une administration aéroportuaire est de s’assurer que l’ensemble de ces travailleurs, qu’ils soient ses employés directs ou non, répondent à une éthique de travail professionnelle et performante afin de préserver sa réputation et d’attirer les grands transporteurs et voyageurs aériens pour une plus grande part du marché. Nous avons vu dans cette section qu’il existe plusieurs intervenants dans le secteur aéroportuaire canadien. Ces intervenants proviennent autant d’organisations privées que publiques qui se côtoient de façon quotidienne et dont les objectifs d’affaires variés influencent les rapports de production et d’organisation de leurs travailleurs respectifs.

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4.4 Description de notre étude de cas : l’Administration canadienne de la