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Cinq types de capitalisme d’Amable (2005)

CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE DE RECHERCHE

1.2 Analyse comparative du capitalisme

1.2.2 Cinq types de capitalisme d’Amable (2005)

Pour Amable (2005), c’est la hiérarchie des institutions3 qui expliqueraient mieux la diversité des modèles capitalistes. Il propose une typologie élargie, qui reconnaît la contribution d’autres acteurs que les entreprises, comme l’État. Selon lui, les méthodes de comparaison des traits institutionnels un à un ne sont pas adéquates

2 La hiérarchie des formes institutionnelles peut se définir comme l’importance et la place que

certaines institutions jouent dans un marché concurrentiel.

3 Pour Amable (2005 :13 et 93), la hiérarchie des institutions c’est lorsque des règles de niveau

supérieur déterminent la conception et le mode de changement des règles de niveau inférieur. La hiérarchie institutionnelle est définie par rapport aux règles qui régissent la conception et les possibilités d’évolution des autres règles.

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pour traiter de la variété des modèles de capitalisme. En ne retenant que leurs effets sociaux, elles laissent de côté les complémentarités éventuelles entre un trait institutionnel et un autre. La complémentarité institutionnelle provient de l’interdépendance des institutions sur les processus décisionnels des agents. La complémentarité institutionnelle est importante car elle permet la combinaison d’institutions afin de livrer des performances au niveau macro-économique (Amable 2005). Les cinq principaux domaines institutionnels d’Amable pour l’analyse comparative sont les suivants :

1) La concurrence sur les marchés de produits : ce domaine est principalement caractérisé par l’intensité de la concurrence. Les modèles de capitalisme possèdent des particularités selon le type de concurrence sur les marchés de produits. L’auteur a choisi de mesurer ce domaine par des indicateurs de réglementation des marchés qui permettent d’évaluer les niveaux et la nature des réglementations s’appliquant à l’activité économique. Ces indicateurs contribuent à décrire les arrangements institutionnels définissant l’état de la concurrence. Par exemple, pour mesurer le contrôle de l’État, Amable utilise des indicateurs abrégés tels que l’actionnariat public et l’implication publique dans la gestion des entreprises. Un autre exemple de mesure serait les obstacles à l’activité d’entreprise; les indicateurs abrégés et suggérés par l’auteur sont l’opacité réglementaire et administrative, les charges administratives pour la création d’entreprises et tout autre obstacle à la concurrence tels que les barrières juridiques à l’entrée ou l’exemption au droit de la concurrence.

2) Le rapport salarial et les institutions du marché du travail : Amable propose trois dimensions du rapport salarial :

o la protection de l’emploi, « à savoir si les décisions d’embauche et de licenciement sont relativement faciles pour les directions d’entreprises et impliquent des dépenses d’un faible niveau ou si l’emploi est protégé, c’est-à-dire que les marchés du travail sont moins flexibles » (Amable, 2005 :166). Le principal indicateur utilisé par l’auteur pour

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mesurer la flexibilité est la distinction entre les contrats temporaires et les contrats permanents. Pour cet indicateur, il différencie les coûts reliés au licenciement, les statuts d’emploi, l’ancienneté des employés ainsi que la durée et les types des contrats temporaires.

o le mode de négociation salariale et des relations industrielles, à savoir « si la négociation salariale est centralisée ou décentralisée, si les relations industrielles peuvent être caractérisées comme corporatistes ou non corporatistes » (Amable, 2005 :166). Les indicateurs de mesure proposés par l’auteur sont la coordination des négociations, la centralisation et le corporatisme ainsi que la densité syndicale, les conflits ou les relations entre la direction et les employés.

o les politiques d’emploi, c’est-à-dire toutes les mesures qui ont été mises en œuvre à la suite de hausses du taux de chômage et de tout autre programme d’emploi. Les indicateurs proposés par l’auteur sont la part du Produit intérieur brut (PIB) que le pays investit dans l’emploi public, dans les programmes pour les handicapés, dans les allocations de chômage, dans les programmes pour la jeunesse et dans des programmes généraux pour le marché du travail.

3) Les systèmes financiers : Pour Amable (2005 :187), « les systèmes financiers présentent des particularités importantes pour une analyse comparative de l’environnement institutionnel des économies capitalistes ». Les indicateurs proposés pour faire l’analyse des systèmes financiers couvrent plusieurs aspects importants de la relation de financement. Il propose d’analyser la source des fonds, le développement et la dynamique des marchés financiers, la gouvernance d’entreprise et le capital-risque. 4) La protection sociale : « Les systèmes de protection sociale sont

caractérisés par le type de risques qu’ils couvrent et la mesure dans laquelle ils les couvrent » (Amable, 2005 :193). Les indicateurs proposés par l’auteur pour mesurer cette dimension sont les suivants : part des dépenses sociales publiques dans le PIB, dans les dépenses publiques totales; part des

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allocations familiales totales dans le PIB; part des dépenses publiques d’allocations de vieillesse dans les dépenses publiques totales; part des dépenses publiques pour le survivant dans les dépenses publiques totales et dans le PIB.

5) Le secteur éducatif : Pour Amable (2005 :207), « l’impact économique des systèmes éducatifs ne peut pas être analysé indépendamment de la qualité des services éducatifs et des relations avec l’industrie. La complémentarité des systèmes éducatifs avec d’autres systèmes est importante spécialement avec les marchés du travail en raison des besoins en compétences de l’industrie et avec les systèmes de protection sociale à cause du besoin de protéger les compétences spécifiques ». Les indicateurs de mesure que l’auteur propose sont la mesure et la nature de la standardisation des programmes d’études, le degré de différenciation ou de stratification entre programmes « généraux » et « professionnels », le degré de flexibilité du système, c’est-à-dire l’existence ou non d’une « deuxième chance », la nature de la formation professionnelle, à savoir si celle-ci s’appuie principalement sur l’école ou sur l’emploi, ainsi que le type de financement principal, public ou privé, du système.

À la suite de son analyse, en utilisant ses cinq domaines institutionnels, Amable (2005) identifie cinq modèles de capitalisme : le modèle fondé sur le marché (qui s’apparente avec le modèle d’ÉML de Hall et Soskice (2001)), le modèle social- démocrate, le modèle européen continental, le modèle méditerranéen et le modèle asiatique.

Le modèle fondé sur le marché est très sensible à la concurrence. La compétitivité des entreprises reposera en partie sur la flexibilité de l’emploi de même que sur le développement des marchés financiers pour s’adapter à un environnement compétitif changeant. Il y a absence ou, présence très minime, d’un système de protection sociale. Ce modèle se rapproche énormément de celui du modèle des économies de marché libérales d’Hall et Soskice (2001). Selon Amable (2005), le Canada figure dans ce modèle de capitalisme.

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Le modèle social-démocrate est organisé selon des complémentarités institutionnelles très différentes du modèle fondé sur le marché. Il y a une protection modérée de l’emploi et un haut niveau de protection sociale. L’accès à la formation est facile. Les négociations salariales sont coordonnées.

Le modèle européen continental ressemble au modèle social-démocrate mais avec « un niveau plus élevé de protection de l’emploi et une protection sociale moins développée. Un système financier centralisé facilite l’élaboration de stratégies à long terme pour les entreprises. Les négociations salariales sont coordonnées et une politique des salaires fondée sur la solidarité est développée. La formation professionnelle de la main-d’œuvre n’est pas aussi poussée que dans le modèle social-démocrate » (Amable, 2005 :26). Une des critiques de ce marché selon Amable serait son incapacité à se réformer. La rigidité du marché du travail empêcherait des ajustements de main-d’œuvre et le changement structurel. La diminution de la population active mettrait en danger les systèmes de protection sociale et leur maintien imposerait des niveaux de taxation nuisibles à la compétitivité des pays européens.

Le modèle méditerranéen « est fondé sur plus de protection de l’emploi et moins de protection sociale que le modèle européen continental. La protection de l’emploi est rendue possible par un niveau relativement bas de concurrence sur les marchés de produits et l’absence de contraintes de profit à court terme en raison de la centralisation du système financier » (Amable, 2005 :26).

Le modèle asiatique « dépend fortement des stratégies industrielles de grandes firmes, établies en collaboration avec l’État et d’un système financier centralisé, qui permet le développement de stratégies à long terme (Amable, 2005 :26). Il y a absence de protection sociale et un manque de marchés financiers sophistiqués. L’étude empirique de la diversité des capitalismes d’Amable (2005) permet de réaliser que certains pays qu’on aurait facilement classés dans la catégorie des économies de marché coordonnées se sont retrouvés dans d’autres catégories, ce

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qui est en ligne avec Hall et Soskice (2001), qui avaient trouvé de grandes différences entre ces pays d’économies de marché coordonnées4.

Le modèle d’analyse d’Amable (2005) est intéressant car il présente des domaines institutionnels qui viennent compléter ceux de Hall et Soskice (2001) en donnant une perspective d’analyse économique tout en tenant compte des complémentarités entre les domaines institutionnels.

1.2.3 Trois modèles de Schmidt (2002) selon la géographie et l’intervention de