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La réponse du Canada aux attentats terroristes

CHAPITRE 4 : LA STRUCTURATION DE LA SÛRETÉ DU TRANSPORT AÉRIEN

4.3 La sûreté du transport aérien

4.3.1 La réponse du Canada aux attentats terroristes

Au Canada, c’est Transports Canada qui a l’autorité sur le secteur de l’aviation et la responsabilité d’élaborer un programme de maintien de la sûreté pour les aéroports. Ce programme se fonde sur les spécifications et les pratiques en matière de sûreté

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proposées par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI)56. En 1973, des dispositions relatives à la sûreté aérienne ont été ajoutées à la Loi sur

l’aéronautique et un règlement a été adopté, en vertu duquel les exploitants des

aéronefs canadiens doivent fouiller les personnes, leurs biens personnels ainsi que leurs bagages à titre de condition de transport (Rapport du Comité consultatif, examen de la Loi de l’ACSTA, 2006).

Comme le démontre la figure 5, avant 1985, au Canada, il incombait aux transporteurs aériens d’assurer la sûreté de leurs aéronefs, incluant la sûreté de leurs passagers et de leurs bagages, alors que Transports Canada était responsable de l’établissement de l’ensemble des normes en matière de sûreté pour les aéroports et les compagnies aériennes. De plus, en sa qualité de propriétaire et d’exploitant des principaux aéroports, Transports Canada devait veiller à fournir les équipements et les installations de sûreté aux aéroports, ce qui constituait le premier modèle de partage de responsabilités dans la sûreté du transport aérien canadien.

56 Information tirée du Rapport du Vérificateur général du Canada sur les cessions d’aéroports

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Figure 5 : Les acteurs principaux et l’évolution de la réglementation

Transports Canada

Responsable de l’établissement des normes en matière de sûreté

Privatisation d’Air Canada (1988)

Transporteurs aériens étaient responsables de la sûreté de leurs aéronefs incluant la sûreté

de leur passagers et leurs bagages et ils sous-traitaient aux compagnies privées de sécurité

Création de la Loi de l’ACSTA (2002)

Vente du système de navigation aérienne civile à NAV CANADA (1996)

Programme d’aviation civile amendé, nouvelles mesures plus rigoureuses

Transports Canada

Régulateur et responsable de la sûreté aérienne

LES ACTEURS PRINCIPAUX ET ÉVOLUTION DE LA RÈGLEMENTATION DE LA SÛRETÉ DU TRANSPORT AÉRIEN AU CANADA

OACI : Organisme responsable du système d’aviation civile mondiale (Annexe 17: Protection de l’aviation civile internationale contre les

actes d’intervention illicite)

Contrat de sous-traitance aux compagnies privées de sécurité

Avant 1985 1985 - 2001 2001 à maintenant

Tragédie d’Air India Attentats terroristes du 11/09/01

Transport Canada élabore le Règlement canadien sur la sûreté aérienne

Cessation de la gestion des aéroports au secteur privé (1992-1996) Transports Canada

Toujours responsable de l’établissement des normes en matière de sûreté

Achat d’équipement de radioscopie et formation à tout le personnel des services de sécurité à l’aéroport

ACSTA

Responsable des fonctions administratives et

opérationnelles en matières de sûreté aérienne. La Société d’État veille à ce que le niveau de contrôle soit uniforme partout au Canada

Conseil d’administration

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En 1985, à la suite de la tragédie du vol 182 d’Air India, qui a été détruit au large de la côte ouest de l’Irlande par une bombe, entrainant la mort de 329 personnes, le programme d’aviation civile du Canada est amendé afin d’adopter de nouvelles mesures pour protéger les passagers, les aéronefs et les aéroports. Ces mesures comprennent un contrôle plus rigoureux des passagers et des bagages de cabine ainsi qu’une inspection manuelle ou par radioscopie de tous les bagages enregistrés des vols internationaux57 par les transporteurs aériens. La Corporation de sécurité du transport aérien, une société sans but lucratif appartenant aux entreprises de transport aérien, s’occupe du matériel d’examen radioscopique58. Un consortium dirigé par Air Canada, qui confie la tâche à différents sous-traitants à travers le Canada, est responsable de la sûreté des passagers et de leurs bagages. Les méthodes de travail de ces sous-traitants peuvent varier considérablement d’un aéroport à l’autre59. De la formation est également fournie60 à tout le personnel des services de sécurité des aéroports ainsi qu’aux membres des équipages (Rapport du Comité consultatif, examen de la Loi de l’ACSTA, 2006). On constate donc qu’à la suite de la tragédie d’Air India, le gouvernement canadien a continué de partager la responsabilité de la sécurité avec le secteur privé.

Après les attentats du 11 septembre 2001, les attentes du public en matière de sécurité et de sûreté aériennes sont élevées. Plusieurs pays à travers le monde resserrent leurs réglementations et introduisent des changements importants dans leurs institutions et leur gouvernance entourant la sécurité du transport aérien. C’est ainsi que le système canadien de la sûreté aérienne connait une importante transformation. Le budget fédéral de décembre 2001 prévoit la création de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien avec un budget de 1,9 milliard de dollars pour cinq ans. Le 27 mars 2002, la Loi sur l’Administration

canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA) reçoit la sanction royale,

créant ainsi l’ACSTA à titre de nouvelle société d’État le 1er avril 2002. L’ACSTA

57 Information tirée du Rapport du Vérificateur général du Canada sur les cessions d’aéroports

effectué en octobre 2000, p. 10.

58 Rapport annuel de l’ACSTA de 2003, p.8.

59 CANLII, 2013, Securitas Transport Aviation Security Ltd c Syndicat des métallos, # 61643. 60 Malheureusement, le document ne précise pas qui a offert et/ou payé la formation.

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devient responsable des fonctions essentielles en matière de sûreté aérienne, y compris celles liées au contrôle de passagers ainsi que de leurs bagages de cabine et de leurs bagages enregistrés.

Au moment de la création de l’ACSTA en 2002, le gouvernement doit se questionner au sujet de la structure appropriée pour la livraison du service de contrôle de sûreté des passagers et de leurs bagages. Selon une étude de l’ACSTA présentée lors de la revue de la Loi sur l’ACSTA en 2006, intitulée Gouvernance de l’ACSTA : le choix

d’un modèle organisationnel61, le gouvernement fédéral étudie différentes options : l’administration du service de contrôle par les aéroports; la création d’une entité sans but lucratif, à l’extérieur de la fonction publique; la création d’une société d’État; ou garder les fonctions au sein d’un ministère gouvernemental. Toujours selon cette étude, étant donné la gravité des évènements du 11 septembre 2001 et de leurs répercussions sur la sécurité nationale nécessitant une intervention cohérente et décisive à l’échelle nationale, avoir une seule organisation responsable de la réussite ou de l’échec de la sécurité est vu comme la solution par le gouvernement en place. La décision de créer une Société d’État est donc retenue. De plus, la sécurité nationale est considérée comme un « bien public », et non un intérêt privé, ce qui exige par conséquent une surveillance et une gestion par le secteur public. Une fois que le gouvernement décide que la fonction de contrôle de sûreté doit être assurée par un organisme gouvernemental, il doit aussi décider du type d’organisme à créer et du transfert ou non d’une partie ou de toutes les fonctions étatiques relatives à ce service. Toujours selon l’étude sur la revue de la Loi sur l’ACSTA (2006 : 16)

Le gouvernement sentait qu’il était important de maintenir la séparation entre la réglementation de la sécurité du transport aérien (alors gérée par Transports Canada) et les activités de la sûreté du transport aérien (alors gérées par une variété d’organisations - p. ex., les transporteurs aériens étaient responsables du contrôle préembarquement des passagers et de leurs effets personnels). Le nouvel organisme serait responsable des activités de sûreté du transport aérien, alors que Transports Canada conserverait la responsabilité relative à sa réglementation.

61 ACSTA, « Gouvernance de l’ACSTA : le choix d’un modèle organisationnel », Exposé de

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En vertu de la Loi sur l’ACSTA de 2002, l’ACSTA est maintenant la Société d’État chargée d’assurer le contrôle efficace, efficient et uniforme des personnes qui montent à bord d’un aéronef ou qui accèdent aux zones réglementées à partir de points de contrôle, à la vérification des biens en leur possession ou contrôle, ainsi que des articles ou des bagages personnels qu’elles confient au transporteur aérien. Cette loi vient transférer le niveau de responsabilité et d’imputabilité du contrôle des personnes et de leurs bagages des principaux transporteurs aériens à une société d’État. L’étatisation de la responsabilité dans la sûreté du transport aérien au Canada est un changement majeur.

La Loi permet à l’ACSTA d’offrir son service de contrôle de sûreté selon trois modèles de prestation : contrat avec des tiers – fournisseurs de services qui se spécialisent dans la prestation de services de sûreté et de contrôle; modèle d’emploi direct, l’ACSTA embaucherait et gérerait tout son effectif de sûreté directement, et non par l’entremise de contrats avec des tiers; ou par un modèle d’exploitant d’aéroport. Ce dernier modèle prévoit deux options, soit d’autoriser les aéroports à embaucher des agents de contrôle directement comme employés de l’aéroport, ou permettre aux aéroports de sous-traiter à leur tour avec un fournisseur de services (modèle de sous-traitance des aéroports) 62. Depuis sa création, l’ACSTA opère sous le modèle de contrat avec des tiers. Ainsi, malgré l’étatisation de la fonction de sûreté du transport aérien, l’ACSTA opte pour un modèle de prestation de services par des tiers.

4.3.2 La réponse de deux autres pays d’économie de marché de type anglo-