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Les mouvements missionnaires de fidèles handicapés

ASPECTS GÉNÉRAUX, JURIDIQUES ET PASTORAUX

C. Les mouvements missionnaires de fidèles handicapés

Voilà présentés ici deux exemples, l’un classique, assez ancien et connu dans le monde entier, la Fraternité Catholique des Personnes Malades et Handicapées, le second plus original, récent et localisé au diocèse de Poitiers, en France : Voc’Aventure.

508 Cf. Bernadette GUET, « ACE, 50ème anniversaire », in Recherches, conscience chrétienne

et handicap, 3ème trimestre 1987, n°50, p. 6-7. Bernadette Guet était à l’époque responsable du SCEJI à Nantes.

509 Pour mettre en œuvre le projet pédagogique de l’année, les animateurs de clubs ont suivi une formation sur le thème du handicap. En Alsace, ce fut au Baeselbach, à Bourbach-le-Haut. Cette formation était animée par des professionnels travaillant dans le domaine du handicap.

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1. La Fraternité Catholique des Personnes Malades et Handicapées (FCPMH)

Ce mouvement a été fondé à Verdun, en 1945, par le Père Henri François, ayant été lui-même malade, donc sensibilisé à ces questions, sous le nom de Fraternité Catholique des Malades et Infirmes.511 En 1942, étant vicaire et aumônier d’hôpital, le Père François n’arrivait pas à faire face à toutes ses charges et il lui était impossible d’aller visiter les malades de la paroisse à domicile ; il demanda alors à trois paroissiennes handicapées de réaliser ces visites. Puis ils organisèrent des réunions, puis une retraite spirituelle en 1945, acte de naissance de la Fraternité. Ce mouvement ne se définit pas comme étant d’action catholique, car celle-ci est parfois difficile à mettre en œuvre à cause des déficiences. Par contre, il se veut porteur de fraternité vécue comme un apostolat, car tous sont en revanche capables d’amour.512

L’objectif de la FCPMH est missionnaire : permettre aux personnes handicapées de vivre leur foi dans un engagement temporel, et ainsi d’exercer au nom de leur foi leur citoyenneté en sortant de l’isolement, en unissant leurs forces et en se tournant vers les autres, personnes handicapées et valides. Les membres de la FCPMH sont tous concernés à titre personnel par la maladie ou le handicap. Il ne s’agit pas de personnes valides qui organiseraient des rencontres pour eux. Ce sont les personnes malades et les personnes handicapées qui sont missionnaires et évangélisatrices les unes des autres. Idéalement, l’appartenance à la FCPMH ne doit pas être une fin en soi mais un tremplin pour s’engager dans d’autres structures, y compris laïques, telles que des fédérations, des associations représentatives ou des institutions civiles513, bien qu’un

511 Cf. Mgr. FRANÇOIS, « La Fraternité Catholique des malades », in Présences, revue

trimestrielle du monde des malades, n°66, 1er trimestre 1959, p. 44-55.

512 Cf. Michel VANDEWALLE, « la Fraternité des Malades », in Église de Lille, 1968, p. 793-795. Michel Vandewalle était curé à Cassel, dans les Flandres (France).

513 Par exemple, à Valenciennes (Nord), les membres de la FCPMH se sont mobilisés avec Handicap International pour rencontrer la municipalité au sujet des problèmes de parking réservés aux personnes à mobilité réduite.

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certain nombre de personnes ne puissent pas toujours prendre d’autres engagements à cause de leurs limites.514

La FCPMH incite à prendre part le plus possible à la vie de la paroisse, tout au long de l’année et pas seulement au moment des grandes fêtes liturgiques, ainsi que dans différents domaines de cette vie paroissiale : prière, mission, diffusion de la doctrine de l’Église en ce qui concerne les personnes malades et les personnes handicapées, relations fraternelles avec tous, handicapés comme valides.515

La FCPMH prend place dans la pastorale d’ensemble. Depuis 1955, elle est sous la responsabilité de l’évêque diocésain et répond à la mission que celui-ci lui précise. Elle lui en rend compte.516

La Fraternité est par la suite devenue internationale, se diffusant dans différents pays dès 1960.517 Dans les années 1970, en Amérique latine, au Brésil notamment, la Fraternité travailla à diffuser une image positive des personnes handicapées physiques et sensorielles, et à convaincre de leur utilité sociale, autour du slogan « Nos capacités dépassent nos handicaps ». La Fraternité, avec d’autres associations de personnes handicapées, revendiqua leurs droits auprès des instances gouvernementales mais aussi, sous l’influence de la théologie de la Libération, auprès d’un clergé qui les dédaignait.518

514 Cf. « Le malade chrétien et l’engagement temporel », in Présences, revue trimestrielle du

monde des malades, n°84, 3ème trimestre 1963, p. 22-34.

515 Cf. Paul-Thierry D’ARGENLIEU, Pierre DELAGOUTTE, … Et nous voilà vivants ! La

Fraternité Catholique des Malades, Coll. L’Evangile au XXème siècle, Paris, Cerf, 1966, p.

119-120.

516 Cf. Id., p. 217-234.

Cf. « Fraternité Catholique des Malades et Handicapés, Motion du Congrès Interdépartemental réuni à Rodez le 4 juin 1972 », in Bulletin religieux du diocèse de Tarbes

et Lourdes, n°25, 22 juin 1972, 54ème année, p. 312-315.

517 Par exemple, elle tient un Congrès à Rome en 1972, avec 450 délégués d’Europe, Amérique, et Madagascar. Cf. Père DE RIVIERES et Madeleine DUPUY, « Fraternité Catholique des Malades et Handicapés, Congrès de Rome, 5 au 10 avril 1972 », in Bulletin

religieux du diocèse de Tarbes et Lourdes, n°14, 6 avril 1972, 54ème année, p. 174-176. Le Père de Rivières et Madeleine Dupuy étaient responsables régionaux de la FCPMH.

518 Gildas BREGAIN, « Le rôle des associations de personnes handicapées au Brésil dans la promotion d’identifications valorisantes (1930-2010) », intervention au cours du séminaire

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En 1995, elle prit le nom de Fraternité Chrétienne Intercontinentale des Personnes Malades Chroniques et Handicapées Physiques. Il s’agit d’une association internationale de fidèles, de droit pontifical, présente dans 51 pays, en Europe, Afrique, Amérique et Asie. Elle est basée en Espagne.519

2. Voc’aventure

Voc’aventure a été créé sous l’impulsion de Mgr. Albert Rouet, dans le diocèse de Poitiers, en France. Il s’agit de répondre aux demandes de personnes handicapées mentales souhaitant se mettre au service de l’Église. Un engagement dans une congrégation religieuse ou l’accès au sacrement de l’ordre n’est pas envisageable pour eux, mais Voc’Aventure les accompagne dans leur réflexion sur la façon dont ils peuvent se rapprocher de Dieu et « rendre l’autre ami de Jésus ». Cela peut être en s’engageant dans la catéchèse des petits ou la PCS et notamment la préparation aux sacrements, car certains ont, par leur langage propre, une réelle capacité à évangéliser les autres personnes handicapées. Cela peut être aussi en servant la messe, en s’investissant en équipe liturgique, en distribuant le journal paroissial en porte à porte, etc. L’important est de s’appuyer d’une part sur les capacités de la personne handicapée à réaliser une mission ecclésiale exigeant une action précise et d’autre part sur sa vie spirituelle, vécue en lien avec cette action. Selon le type de déficience, l’engagement dans la durée n’étant pas toujours envisageable, l’expérience dure de deux à trois ans. Avant de s’engager dans une mission d’Église (dont le début est signifié solennellement à l’occasion d’une eucharistie, avec remise d’un objet-symbole de cette mission), les personnes handicapées sont accompagnées dans leur discernement pendant plusieurs mois, durant lesquels est notamment travaillée l’acceptation par la personne de ses limites et de ses capacités (comme, finalement, dans tout

EHESS : École des Hautes Études en Sciences Sociales. Gildas Bregain était à l’époque doctorant en histoire, à l’Université de Rennes.

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cheminement vocationnel, pour tout un chacun).520 Enfin, Voc’Aventure fonctionne en liens très étroits avec une congrégation religieuse (les Filles de la Croix), le Conseil épiscopal et des médecins.