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STATUS QUAESTIONIS

B. Dans le Nouveau Testament

Comme dans l’Ancien Testament, l’évangéliste Marc (ou sa source) utilise le symbolisme de la cécité et de la surdité comme obstacle à la diffusion de la vie divine et il en fait un élément pour construire son livre : John P. Meier explique que la guérison du sourd-muet (Mc 7, 31-37) constitue le pendant de la guérison de l’aveugle (Mc 8, 22-26) et représente la guérison partielle de la surdité et de la cécité intérieure des disciples de Jésus qui ont du mal à le comprendre.41 En Lc 11,14 ou Mt 9, 32-33, Jésus guérit des personnes sourdes et/ou muettes : dans ces deux cas, le mutisme est associé à la possession démoniaque.

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Jésus est encore confronté à cette question de l’infirmité, conséquence du péché, lorsqu’il guérit un paralytique (Mt 9, 1-8 et Mc 2, 1-12) après lui avoir offert le pardon de ses péchés. Ce pardon crée la controverse chez les scribes qui réunissent au pied levé une sorte de petit Sanhédrin parce que, pensent-t-ils, Jésus blasphème en pardonnant les péchés. Or, le blasphème pour les juifs de l'époque consistait en un non-respect de la loi du Temple. En l'occurrence, Jésus prend ici la place du Temple, lieu du pardon des péchés et de réintégration en plénitude dans la communauté croyante.42 Jésus pensait-il vraiment que l’infirmité était une punition divine ? Chez Matthieu et Marc, la guérison n’intervient pas au moment même où il pardonne les péchés mais comme illustration des pouvoirs de restauration de Jésus. Chez Jn 5, 1-18, Jésus rencontre plus tard l’homme qu’il a guéri et le met alors en garde contre le fait que les péchés entraînent plus de malheur que l’infirmité. Toujours dans l’évangile de Jean, la guérison de l’aveugle-né (Jn 9, 1-41) interroge les disciples : est-ce lui ou ses parents qui ont péché ? John P. Meier affirme « Jésus répond en déplaçant le faisceau du projecteur : les disciples le mettaient sur la cause de la cécité de l’homme, et lui le braque sur le sens ultime de cette maladie dans le plan de Dieu : ʺ c’est pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui. ʺ (…) Tout cela débouche sur la grande révélation christologique de la vraie nature de Jésus ».43

Jésus ne fait donc pas d’amalgame entre péché et acquisition d’une infirmité. Il cherche simplement à expliquer symboliquement que le pardon qu’il apporte remet l’homme debout et le réintègre socialement comme conséquence de la guérison d’une infirmité.

42 Voir Jacques BERNARD, Le blasphème de Jésus, Saint-Maur, Parole et silence, 2007, 450 p. Jacques Bernard, prêtre du diocèse de Cambrai (France), est Professeur émérite d’exégèse à l’Université Catholique de Lille.

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II.SITUATIONS DINCLUSION DES PERSONNES HANDICAPEES

Si la Bible témoigne d’une tendance à l’exclusion des personnes handicapées, elle met aussi en avant des infirmités qui deviennent des composantes essentielles de la réalisation de l’œuvre de Dieu : elles peuvent être à l’origine d’une nouvelle alliance avec Dieu ou un vecteur qu’utilise Dieu pour mener à bien son projet de salut. La Bible rend donc compte aussi d’une volonté d’inclusion.

A. Dans l’Ancien Testament

Le livre de l'Exode rapporte que Moïse, sans être muet, avait un problème d'élocution qui le faisait douter de ses capacités. Cependant, le Seigneur l'assure de son soutien, de son aide, et le confirme dans sa mission. Il l’encourage à assumer son handicap et à avancer (Ex 4,11). L’histoire du salut aurait-elle été bouleversée dans son déroulement si Moïse n’avait pas été atteint de cette infirmité ? Pourquoi le rédacteur a-t-il insisté sur ce point ? Peut-être, selon Philippe Lefebvre, pour montrer que Dieu investit le corps et la faiblesse de Moïse pour créer rien de moins qu’une nouvelle religion. Il est en tout cas intéressant de retenir que Dieu n’hésite pas à confier à quelqu’un une mission fondatrice en dépit de ses limites.44

La cécité, dans la Bible, est un exemple très significatif. Elle n’est pas qu’une marque, une conséquence, une sanction du péché. Dans l’Ancien Testament, certains personnages aveugles sont des vieillards qui poursuivent leur ministère quitte à être trahis par leur déficience visuelle. C'est le cas pour Isaac qui confond Jacob et Ésaü (Gn 27). Au chapitre 48 de la Genèse, Jacob, lui-même devenu aveugle,45 profite de

44 Cf. Philippe LEFEBVRE, op. cit., p. 24-25.

45 Si des patriarches sont atteints de cécité, des femmes dans l'Ancien Testament sont atteintes de stérilité, un autre type de handicap dans une société où la valeur sociale de la femme dépendait beaucoup de sa capacité à procréer. Cela souligne l'importance du rôle du handicap dans l'élection divine. Dieu est le non-handicapé par excellence, le parfait, dont le pouvoir agit et choisit en dépit des infirmités des êtres humains. Cf. Rebecca RAPHAEL, Biblical

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cette situation pour ruser et en tirer avantage pour l’avenir du peuple.46

Plus loin, dans le premier livre de Samuel au chapitre 3, le prêtre Éli est aussi aveugle. Lors du récit de la vocation de Samuel, il y a un transfert de la protection de Yahvé envers le prêtre Éli vers Samuel, futur juge. Dans le livre des Rois, Jéroboam qui souhaitait connaître l'avenir de son fils, envoie sa femme déguisée pour tromper le prophète Ahiyya, aveugle. Ce dernier déjoue le piège. Comme Jacob, il est aveugle mais clairvoyant (1 Roi 14, 1-6). Ces situations se révèlent prophétiques, peut-être parce que l'aveugle à une vision différente des choses ? 47

Par ailleurs, dans la Bible, le comportement éthique envers la personne infirme est une des composantes de l’identité de la communauté croyante. Dans le livre du Lévitique 19,14, Yahvé donne à Moïse des injonctions morales destinées à la communauté : elles concernent sa mission de peuple de Dieu. Parmi celles-ci, l'une concerne les personnes handicapées sensorielles : « Tu ne maudiras pas un muet et tu ne mettras pas d'obstacles devant un aveugle, mais tu craindras ton Dieu ». Le Deutéronome 27,18 maudit celui qui égare un aveugle sur le chemin. La communauté est appelée à remplir sa mission de peuple élu et l’un des moyens de mise en œuvre de celle-ci est de se montrer attentive envers la personne handicapée sensorielle et d’adopter un comportement éthique. La Paracha Ki Tavo, un texte talmudique, commente ce verset : la personne aveugle trompée ne peut pas désigner le fautif qui l’a égarée. Dieu va donc intervenir et se charger de châtier celui-ci : il le maudit. Mais le devoir de l’homme n’est

& T Clark, 2008, p. 54, 133. Rebecca Raphaël est professeur de religion à l’Université San Marcos, au Texas.

46 Cf. Jeanne-Marie PAGNOUX, En chemin avec l’aveugle-né, un regard qui délivre, une

parole qui envoie, Coll. Epiphanie, Paris, Cerf, 2011, p. 78-79. Jeanne-Marie Pagnoux est

amblyope. Très engagée dans la vie associative pour la défense des droits des personnes handicapées, elle est aussi théologienne.

47 Cf. Gabriel DELANNOY, Regard sur le handicap ou le coup de foudre de l'aveugle

Bartimée. Éléments historiques, narratologiques et éthiques autour de la péricope de Marc 10,46-52, Mémoire de maîtrise, Faculté de théologie protestante, Université de Strasbourg,

2005, p. 15-16. Toutefois, Mgr. Waldemar Chrostowski, à l’occasion du colloque du Conseil Pontifical pour les services de santé qui s’est tenu au Vatican en mai 2012 sur le thème de la personne non-voyante, précisait que l’Ancien testament ne fait jamais référence à une personne aveugle de naissance qui aurait un rôle importante dans les événements relatés. Cf. Waldemar CHROSTOWSKI, «I ciechi nella Sacra Scrittura», in Dolentium Hominum, n°80, 1012, p. 10. Mgr. Chrostowski est exégète polonais, professeur dans les universités Cardinal Wyszyński de Varsovie et Nicolas Copernic de Toruń, en Pologne.

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pas uniquement de ne pas égarer l’aveugle. Il est aussi de l’aider, le conseiller, le guider, partager son expérience. Alors seulement, Dieu bénira cette attitude.48

Bien que le roi David soit décrit comme haïssant les aveugles et les boiteux (2 Sam 5,8), une fois installé à Jérusalem, il héberge à sa cour le petit-fils de Saül et fils de Jonathan, Méribaal, qui était estropié suite à un accident survenu durant son enfance (2 Sam 4, 4 et 2 Sam 9, 1-13). Toute sa famille était morte dans les massacres et les guerres. Il était le dernier descendant d'une dynastie déchue. Il n'accéderait jamais au trône. David fait alliance avec lui. Méribaal, en prenant tous ses repas avec le roi David, devient une personnalité intouchable. Il restera boiteux mais il est totalement restauré socialement, il a vécu un passage, une résurrection.49 D'ailleurs, le mot qui signifie boiteux en hébreu désigne aussi « celui qui saute et passe par-dessus ».50 Sans être une loi, il y a dans cette attitude du roi David une symbolique sociale et religieuse susceptible de faire école pour son peuple.

B. Dans le Nouveau Testament

Le Fils de David, Jésus, s’inscrit dans cette ligne. Pleinement imprégné de la mentalité et des lois de l’Ancien Testament, Jésus est la Parole de Dieu incarnée, vivante, la Nouvelle Torah. Or, il a passé sa vie terrestre à rencontrer et à se laisser approcher par des personnes infirmes (Mt 15,30-31).51 Elles accèdent d’une façon ou l’autre à Jésus

48 Cf. « La Paracha Ki Tavo », (anonyme),in Voir Demain, n° 409, mars-avril 2004, p. 10-11.

49 Mais Olivier Pigeaud, pasteur de l’Église réformée de France et administrateur de la Fondation John Bost, lieu de vie et de soin pour personnes handicapées. propose un autre point de vue : David a peut-être voulu surveiller Méribaal, prétendant éventuel au trône. Il était ainsi sous son contrôle. En recherchant une mainmise sur Méribaal, David ne nie-t-il pas l'identité de la personne handicapée en décidant pour elle ?

Cf. Olivier PIGEAUD, Bible et handicaps, repère, Lyon, Éditions Olivetan, 2010, p. 35.

50 Thérèse GLARDON, Handicap et royauté : le fabuleux destin de Mefibosheth, in HOKHMA, 90/2006, p. 26-42. Thérèse Glardon est bibliste, professeur d'hébreu, à Valeyres-sous-Montagny, en Suisse.

51 Voir aussi Kathy BLACK, Évangile et handicap. Une prédication pour restaurer la vie, Coll. Pratiques n°19, Genève, Labor et Fides, 1999, 165 p. Dans son livre, l’auteur, professeur d’homilétique à la faculté de théologie de Claremont (USA) et pasteur méthodiste, réalise

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et, une fois guérie, elles retrouvent un plein accès à la vie de la communauté. À travers les récits de miracles, l’infirmité est au cœur de la mission de Jésus.

Se prononcer sur le nombre exact de guérisons effectuées par Jésus dans les évangiles est impossible puisque les exégètes ne sont pas d’accord entre eux pour déterminer quels sont les récits qui sont des variantes d’un autre, présent dans un autre évangile ou encore s’il s’agit d’un parallèle littéraire. Il pourrait y avoir environ, récits parallèles compris, une vingtaine de cas de guérison et d’exorcisme dans les quatre évangiles. Mais puisque certains versets en dehors de tout récit des guérisons précises font référence aux miracles (Mc 1, 32-34 par exemple), il est probable que tous n’aient pas été rapportés par les évangélistes.52 Quel est le sens fondamental de ces miracles accomplis en faveur de personnes infirmes ? Selon John P. Meier, « … les miracles des évangiles sont accomplis dans un but premier grandiose. Pour le dire simplement, les miracles de Jésus dans les évangiles sont présentés comme des signes et des réalisations de la puissance miséricordieuse du Dieu d’Israël, qui intervient à la fin des temps pour sauver non seulement des individus mais l’ensemble d’Israël, par l’intermédiaire de son envoyé Jésus. Les miracles sont principalement accomplis en faveur de ceux et celles qui suivent ou qui sont invités à suivre Jésus, à mesure que s’élargit le cercle des disciples. »53

Ces récits de miracles réalisés au bénéfice de personnes infirmes ne seraient-ils pas uniquement symboliques ? En outre, les maladies, les déficiences rapportées ne sont-elles pas toujours décrites de manière trop vague sans préciser la pathologie et sa cause ? C’est le cas par exemple pour l’homme à la main desséchée : est-ce de naissance ou

une analyse exégétique des récits de miracles et de guérisons afin d’en tirer des conclusions pratiques sur l’approche du handicap dans les Églises.

Voir encore Xavier LEON-DUFOUR (ed.), Les miracles de Jésus selon le Nouveau Testament, Coll. Parole de Dieu, 16, Paris, Seuil, 1977, 396 p. Dans cet ouvrage, particulièrement : Pierre GRELOT, « Miracles de Jésus et démonologie juive », p. 59-72.

52 John P. MEIER, op. cit., p. 458-459.

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s’agit-il des conséquences d’un accident ou encore d’une affection telle que l’arthrite rhumatoïde ?54 La gravité et le caractère irréversible ne sont en effet jamais précisés, pas plus que le caractère définitif ou pas de la guérison effectuée par Jésus. Cela ne correspond plus aux critères actuels de reconnaissance des guérisons inexpliquées par la médecine d’une part, et des miracles d’autre part. De fait, il existera toujours vingt et un siècles de distance culturelle et scientifique entre les événements rapportés et la compréhension contemporaine.55 Les analyses exégétiques actuelles attestent néanmoins qu’historiquement, « Jésus a bien accompli des actions considérées par lui et ses contemporains comme des miracles. »56 Faut-il alors essayer de s’attacher à la compréhension individuelle de chaque récit de guérisons miraculeuses pour comprendre la relation de Jésus avec les personnes infirmes ? Les exégètes eux-mêmes sont embarrassés.57 Il est par contre possible de dégager un fil rouge qui révèle l’attitude de Jésus face aux différents handicaps physiques et sensoriels. Cette attitude est un lieu d’annonce eschatologique, de proclamation de la foi et de mission.

Ces miracles se déroulent toujours dans un contexte de foi. Premier cas de figure, la personne infirme prend l’initiative d’interpeller Jésus. Jésus guérit à plusieurs reprises des aveugles, après les avoir laissés formuler leur demande. Il touche leurs yeux, parfois avec de la boue, et les renvoie à leur foi. (Mt 9, 27-32 ; 25, 29-34). Une histoire semblable est racontée par Marc, avec l'aveugle Bartimée (Mc 10, 46-52)58. Deuxième cas de figure : c’est l’entourage qui exprime la demande pour la personne, par exemple Jésus guérit un enfant épileptique à la demande de son père : Mt 17,14-21 ; Mc, 9,14-29 ; Lc, 9,37-43. Jésus met l'accent de façon vive sur la confiance qu'il réclame : la foi est la condition pour qu’il réalise l’exorcisme.59 Dernier cas de figure, c’est

54 Ibid., p. 499.

55 Ibid., p. 476-477.

56 Ibid., p. 464..

57 Ibid., p. 477.

58 Cf. Gabriel DELANNOY, op. cit.,123 p.

59 John P. Meier précise : « Étant donné le caractère primitif des connaissances médicales

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Jésus qui est saisi de pitié et qui fait le premier pas. Dans l'Évangile de Jean, la guérison de l'aveugle-né tient une place à cet égard particulièrement importante.60 Suite à cette guérison, bien que cette fois l’homme aveugle n'ait rien demandé, il est confronté aux pharisiens qui ne comprennent pas et l'excluent de la synagogue. Cela renforce progressivement sa foi en Jésus en lequel il a commencé à mettre sa confiance puisqu’il a suivi l’ordre de Jésus d’aller se laver à la piscine de Siloë.61 Finalement, dans cet épisode, ce n'est pas tant l'homme aveugle et sa guérison qui sont importants mais le fait que la guérison soit le catalyseur des événements suivants et amène celui-ci à professer sa foi en Jésus.

En réalisant des guérisons physiques, Jésus rappelle que la foi passe par le corps : « Ce sont d'abord les sens qui permettent de comprendre, bien avant les idées. Les yeux, les oreilles, le toucher, emportent vers "le croire !".»62 Pour ce faire, Jésus utilise des procédés utilisés par les guérisseurs de l'époque, aussi bien juifs que païens. Mais la guérison est une œuvre de Dieu qui opère dans l’âme de la personne et provoque une conversion.63 En outre, Jésus déconstruit la mentalité religieuse de son époque. Il guérit au Temple ou le jour du Sabbat, espace et temps réservés à Dieu (Mt 12, 9-13 ; 21-14) alors que les aveugles et les boiteux étaient, semble-t-il, exclus du Temple (2 Sam 5,8)64. La formule « aveugle et boîteux » dans la Bible désigne souvent toutes les

psychosomatiques et les phénomènes comme l’épilepsie étaient souvent attribués à la possession démoniaque. Si Jésus se considérait comme appelé à lutter contre ces maux qui empêchaient ses compatriotes israélites de bien vivre, il était tout naturel pour lui, Juif du Ier

siècle, de voir cette dimension spécifique et de son ministère dans le cadre de l’exorcisme. »

John P. MEIER, op. cit., p. 322.

60 Voir Jeanne-Marie PAGNOUX, op. cit., p. 55-66.

61 Cf. Louis AVAN, « Les 27 occurrences de la cécité dans la Bible », in Voir demain, n° 431, août-octobre 2008, p. 3-9. Louis Avan est professeur honoraire au Conservatoire national des Arts et Métiers, ancien administrateur de l'association Voir ensemble, et membre de son conseil pastoral. Voir ensemble est une association catholique de personnes aveugles.

62 Daniel HUBERT, Paroles de Dieu au présent. Souffles bibliques et cris de vie en résonance, Paris, L'harmattan, 2001, p 19. Daniel Hubert est religieux bénédictin, psychanalyste.

63 Cf. Jean POTIN, op. cit., p. 256.

64 Cependant, il n'y a pas d'autres traces dans la Bible attestant qu'ils avaient réellement l'interdiction d'entrer dans le Temple. Toutefois, cela démontre une tendance générale et ancienne à les rejeter. Cf. Olivier PIGEAUD, op. cit., p. 24.

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personnes touchées par le handicap.65 Il en fait les premiers dans le Royaume de Dieu (Lc 14) et les donne en exemple de foi et de grâce.

Les personnes bénéficiaires des miracles se trouvent alors souvent en position de disciples et deviennent missionnaires parce qu’elles annoncent ce que Jésus a accompli pour elles.66 Les témoins ne restent pas indifférents non plus : certains se sont mobilisés en amont pour permettre le miracle en parlant à Jésus de la personne, en allant la chercher, en sollicitant Jésus, puis certains critiquent le geste de Jésus, tandis que d’autres sont renforcés dans leur foi. La relation avec Dieu du bénéficiaire du miracle et d’un certain nombre de témoins est renouvelée.67 L’humanité entière est invitée à venir à la Lumière de la foi, à être ainsi guérie de ses maux et à partir en mission.68

Jésus accomplit ce qu’avait annoncé le prophète Isaïe (Is 35, 4-6 et Lc 7,22). Les guérisons qu’il opère sont signes que le Royaume est, grâce à lui, déjà présent et le pouvoir du Mal brisé (Lc 11,20) : les

65 Cf. Id., p. 14.

66 Ce n’est pas le cas pour les neuf lépreux en Luc 17, 11-19 de qui ne reviennent pas rendre grâce à Jésus. John P. Meier explique : « les neuf qui ne reviennent pas vers Jésus pour

exprimer leur gratitude reçoivent seulement une guérison physique ; et en cela ils sont perdants. Seul le samaritain reconnaissant est décrit comme ayant la foi (…); et Jésus déclare que sa foi ne lui a pas apporté seulement la guérison physique, mais aussi le salut (…). C’est une chose d’être guéri par Jésus ; c’en est une autre de voir dans cette guérison un gage de l’action salvatrice de Dieu à l’œuvre en Jésus, de répondre avec foi à ce gage donné en exprimant louange et reconnaissance et d’être ainsi assuré du salut réalisé par Jésus. » John P. MEIER, op. cit., p. 526.

67 John P. Meier précise toutefois : « Concrètement, cet aspect de relation religieuse personnelle peut varier d’un récit à l’autre et d’un évangélistes à l’autre. Par exemple, Luc a encore plus tendance que Marc à considérer la foi comme un résultat produit par le miracle. Et encore Marc ne donne-t-il pas toujours au thème de la foi la même place ou la même insistance. Parfois la foi de la personne ou des personnes qui adressent la demande est