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Défis de la PPH et de la PCS dans les contextes ecclésial et médico- médico-social français actuels

ASPECTS GÉNÉRAUX, JURIDIQUES ET PASTORAUX

C. Défis de la PPH et de la PCS dans les contextes ecclésial et médico- médico-social français actuels

Tous les diocèses français n’ont pas les moyens humains et financiers de nommer des responsables ou des délégués PCS et PPH. Sur 107 diocèses recensés, 57 ont un responsable diocésain de PCS et 67 un responsable pour la PPH. 36 évêques ont nommé 2 responsables distincts pour la PCS et la PPH, situation idéale. Dans d’autres diocèses, il y a soit un responsable PCS, soit un responsable PPH, soit une seule personne qui assure les deux fonctions. Enfin, 25 diocèses n’ont ni responsable PCS, ni responsable PPH. Selon Claudie Brouillet, déléguée nationale pour la PPH depuis septembre 2013, la tendance dans certains diocèses est de créer un service commun dédié au handicap qui assure les deux fonctions, avec l'inconvénient de n’être vraiment ni dans la pastorale de la santé, ni dans la catéchèse. Dans un contexte économique difficile pour un certain nombre de diocèses, cette décision peut se comprendre, mais l’expérience montre que pastoralement, elle est défavorable aux personnes handicapées : lorsque deux services doivent porter cette attention, les personnes handicapées sont mieux prises en compte dans le diocèse.

Lorsqu’il n’y a pas de PPH, le Délégué Diocésain à la Pastorale de la Santé assume une PPH dans la mesure de ses possibilités. Théoriquement, cela fait clairement partie de sa mission. Quand il n'y a pas de PCS, c’est toute l'équipe du Service Diocésain de Pastorale Catéchétique qui est censée porter l'attention particulière requise par les personnes handicapées.

Malheureusement dans les deux situations, cela se réduit souvent au

minimum : la réponse aux demandes au coup par coup, sans avoir les

moyens nécessaires à la mise en place de propositions pastorales ambitieuses, soutenues par une communication large qui permette de toucher le plus grand nombre possible de personnes. Or, l’expérience révèle que, dans la pastorale courante, la sensibilisation au handicap n’est

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réalisée dans l’Église que dans les lieux où une pastorale spécialisée est mise en œuvre.471

Enfin, certains évêques, proches pourtant des personnes handicapées, n'ont pas créé de PPH, jugeant que les communautés « Foi et Lumière », présentées dans la partie suivante, étaient suffisamment présentes dans leur diocèse (et soutenues par eux) pour assurer ce souci pastoral. Néanmoins, d’une part, toutes les familles ne peuvent pas vivre l'engagement d’une rencontre par mois à « Foi et Lumière ». D’autre part, « Foi et Lumière » ne répond pas à la mission de relations institutionnelles avec les établissements.

Or, ces relations institutionnelles assurées par les services de PPH, comme de PCS d’ailleurs, sont essentielles pour garantir le mieux possible la liberté et l’exercice du droit à la pratique et à l’éducation religieuse qui ne doit pas être un privilège vécu uniquement dans certains établissements ou que la direction d’un établissement accorderait à certains résidents. Auparavant, la plupart des établissements pour personnes handicapées étaient tenus par des congrégations religieuses et, même sans méthodes pédagogiques particulières, la vie spirituelle imprégnait le quotidien de la Maison qui vivait au rythme de la communauté des frères ou des sœurs. À partir des années 1950, la gestion de bon nombre d’établissements spécialisés a été reprise par des associations non confessionnelles472. Dès lors, non seulement la dimension religieuse et spirituelle n’est plus prise en compte dans la vie de chaque jour mais se trouve cantonnée à des moments précis, lors des rencontres de catéchèse, de groupe de pastorale, de cérémonies, rassemblements tenus parfois en dehors de l’établissement, et n’irrigue plus d’une vision chrétienne de tout homme l’anthropologie sous-jacente à l’esprit de l’établissement.

471 Cf. Jean MARMY, « L’autre mon frère », in Recherches, handicaps et vie chrétienne, n°76, 4ème trimestre 1993, p. 11. Jean Marmy était à l’époque délégué épiscopal à la pastorale spécialisée pour le diocèse de Lausanne, en Suisse.

472 Ou alors, l’association peut être composée, dans son Conseil d’administration, de personnes qui veilleront à l’esprit confessionnel de l’établissement. Dans ce cas, le directeur assure la dimension de service public, fondé sur la laïcité, et le Conseil d’Administration veille au caractère propre.

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Pourtant cette vision chrétienne est différente d’une conception globale de la personne, qui repose plutôt sur des valeurs et à laquelle il est souvent fait référence dans le domaine médico-social : il s’agit de reconnaître qu’il n’est pas possible de contrôler toutes les dimensions d’une personne car elle porte sa part de mystère profond, lié justement à sa spiritualité, ce souffle vital qui met en mouvement et donne une cohérence à l’existence humaine. Or, le handicap provoque chez tous, personnes atteintes d’une déficience comme celles à qui est confiée la tâche de les accompagner au quotidien, professionnellement ou non, des questions existentielles d’ordre spirituel.473

Pire, ce droit à la pratique et à l’éducation religieuse est trop souvent bafoué pour diverses raisons : ne pas créer de différence entre les résidents de religions différentes au nom de la laïcité, manque d’encadrement pour accompagner les personnes à un office, crainte d’une incompétence ou d’une manipulation des personnes handicapées de la part des ministres des cultes, ou, situation scandaleuse, sanctionner d’une personne handicapée à cause de son comportement en la privant de participation à une activité cultuelle, comme elle serait privée d’une sortie par exemple (il s’agit clairement ici d’une situation de maltraitance, mais qui peut se produire).474 Toutefois, les relations entre les catéchistes en PCS ou les accompagnateurs de PPH se passent dans certains cas très bien, en

473 Cf. Bruno CAZIN, Établissements sanitaires et médico-sociaux d’inspiration chrétienne :

vivre et faire vivre nos spécificités aujourd’hui, Conférence donnée pour le diocèse de

Vannes, 1er avril 2014.

474 Voir une enquête de 1979 sur l’éducation à la foi dans les établissements. Elle date de 35 ans, mais un certain nombre de réponses données sont encore d’actualité, outre les chiffres qui pourraient différer. Cf. Nicole DU VIGNAUX, « Enquête sur l’éducation de la foi dans les établissements », in Ombres et Lumière, n°44, février 1979, p. 9 à 17. Pour garantir au mieux une vie spirituelle dans l’établissement où réside leur proche handicapé, des familles ont parfois uni leurs forces pour fonder des petits foyers d’inspiration chrétienne, gérés par des associations. Mais il est souvent difficile d’assurer leur pérennité, y compris dans l’esprit chrétien qui animait les parents fondateurs. La bonne volonté et les belles intentions du départ ne suffisent pas toujours dans la durée. Des dissensions peuvent naître entre les familles, entre les membres des Conseils d’Administration. Les exigences législatives ou administratives dans le domaine médico-social sont entre outre parfois lourdes à mettre en œuvre pour des petites structures. Cf. Henri FAIVRE, « L’éducation spirituelle de nos enfants : ne jamais démissionner », in Ombres et Lumière, 1er trimestre 1991, n°93, p. 27-28. Cf. aussi Henri FAIVRE, « Laïcité à la française : pour la fin d’une exception », in Ombres et Lumière, n° 158, 2ème trimestre 2007, p. 8-10. Henri Faivre est engagé depuis plusieurs années dans divers associations de parents au service des personnes multi handicapées. Il est membre du conseil de la CNSA.

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témoigne l’exemple d’un groupe de PPH situé dans un quartier populaire de Lille, considéré comme un partenaire éducatif à part entière par les responsables d’un des foyers de vie, laïc, dont certains résidents fréquentent assidûment le groupe de PPH implanté sur la paroisse. Cette collaboration pacifique et constructive permet à l’Esprit-Saint de travailler plus efficacement dans les cœurs de chacun, y compris des paroissiens, que dans un établissement d’inspiration chrétienne où chacun défend son pré carré, entre partisans d’une défense des valeurs d’origine et d’une fidélité au passé confessionnel et exigences professionnelles managériales, techniques, administratives.

Outre la pastorale et la catéchèse spécialisée, les pasteurs sont enfin aidés dans leur mission auprès des personnes handicapées par des mouvements, des groupes, des associations de fidèles qui travaillent souvent en partenariat avec les services diocésains. Certains seront présentés maintenant, d’autres au chapitre suivant.

III.ROLE DES ASSOCIATIONS ET DES MOUVEMENTS CHRETIENS

Cette troisième partie ne pourra être exhaustive quant à la présentation de toutes les structures existantes et à la description de celles qui seront citées. L’objectif est plutôt de décrire les besoins et les intuitions qui ont présidé à la fondation de celles-ci, ainsi que le projet chrétien qu’elles proposent à leurs membres. D’emblée, indiquons que la raison fondamentale de la création ou l’ouverture de mouvements ou d’associations d’Église aux questions du handicap et aux personnes concernées est une réponse contre l’exclusion et la solitude. Ces fidèles ne trouvaient pas leur place dans les associations et mouvements ecclésiaux ordinaires d’action catholique, d’apostolat, de spiritualité. Il s’agit de permettre aux personnes handicapées de vivre ces diverses propositions ouvertes à chacun dans l’Église et de grandir dans leur vie chrétienne, entre elles ou avec des personnes qui ne sont pas handicapées.

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Ces mouvements et associations se sont développés au début du XXème

siècle. Ils étaient axés sur les malades, comme le soulignent bon nombre de leurs dénominations, mais concernaient aussi les personnes handicapées, notamment suite à une maladie. Dans les années 1930, il existait quelques dizaines de mouvements d’apostolat, d’action catholique ou de spiritualité de personnes handicapées, recensés dans l’Église de France. Pour n’en citer que quelques-uns : l’Apostolat des Malades ; l’Union Catholique des malades ; l’Union des Malades Missionnaires ; l’association catholique des Malades de Berck ; l’Apostolat de la Souffrance ; les Cadets du Christ souffrant ; la Croisade eucharistique des enfants malades ; l’Amicale Notre-Dame d’Espérance (Enfants de Marie malades, allongées ou aveugles). Un Secrétariat Catholique des Enfants Malades fédérait un certain nombre de ces œuvres.475Ces mouvements se sont développés autour de l’idée que les personnes malades et les personnes handicapées sont les premiers évangélisateurs de leurs frères malades et handicapés.