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démocratie directe

A. Le recours devant les instances cantonales

2. Les motifs de recours

Les motifs de recours peuvent viser toute atteinte qui est portée au droit de vote105 ainsi qu’à la préparation d’une votation cantonale ou communale, à son déroulement, à la constatation du résultat et à la validation du scrutin106. Les griefs peuvent ainsi porter sur les conditions formelles et matérielles de validité d’initiatives ou de demandes de référendum. Ils peuvent également concerner la soumission au peuple d’actes sujets à référendum. En principe, les griefs qui concernent des vices de procédure survenus lors d’une assemblée communale doivent déjà être invoqués lors de l’assemblée communale. Si le recourant n’invoque pas les moyens de recours pendant l’assemblée, il ne peut plus les invoquer ultérieurement107.

Le contenu des griefs n’est limité par aucune règle formelle. N’importe quelle irrégularité peut être invoquée, sans égard à sa nature ni à son auteur108. En définitive, il faut tenir pour recevable tout moyen qui permet d’établir que la volonté du peuple a été faussée et que le résultat a pu en être affecté109. 3. Les actes attaquables

Les actes attaquables se définissent de façon large. Si tous les actes communaux (3.2) et la plupart des actes cantonaux (3.1) peuvent être attaqués devant une instance cantonale, les actes du gouvernement cantonal et ceux du parlement cantonal (3.3) font exceptions.

3.1 Les actes cantonaux

Mis à part certaines exceptions110, tout litige en matière de votations cantonales ou de droits populaires est susceptible de recours à l’instance cantonale.

L’objet du recours peut être une décision tout comme une action concrète ou une abstention. Il n’émane pas toujours d’un organe étatique ; il peut être commis par un fonctionnaire subalterne, par un service public comme la poste, voire par un simple particulier111.

105 Inter alia : Arrêt du Tribunal administratif du canton de Zoug du 20 juin 1996, in : GVP 1995/1996, p. 8 : Le Tribunal administratif a estimé qu’une décision de l’exécutif qui violerait le droit qui découle de l’autorisation de démolir une partie d’un bâtiment, n’était pas une violation invocable dans un recours pour violation des droits politiques. En effet, seules les violations du droit de vote des citoyens sont des griefs que les recourants peuvent faire valoir lors d’un tel recours.

106 ATF 114 Ia 267.

107 Arrêt du Conseil d’Etat d’Obwald du 23 mars 1998, in : OW-VVGE 1998, p. 13 ; arrêt de la Standeskommission du canton d’Appenzell Rhodes-Intérieures de 1993, in : GSBV 1993, p. 209.

108 GRISEL (2004), n° 337.

109 HILLER (1990), p. 68 ss ; GANZ (1976), p. 125 ss.

110 Voir infra point 3.3.

111 GRISEL (2004), n° 337.

La jurisprudence rendue par les différentes autorités cantonales s’est souvent appliquée à délimiter les objets susceptibles de recours. La casuistique est très variée. Ainsi, dans les cantons de Lucerne et du Jura, les autorités cantonales ont précisé que seule l’irrégularité des votations populaires peut être attaquée par un recours pour violation des droits politiques ; le recours ne peut pas porter sur une votation qui a eu lieu au sein d’un autre organe, comme par exemple le parlement112.

Le Tribunal administratif genevois a, quant à lui, estimé qu’un arrêté du Conseil d’Etat autorisant l’usage du vote électronique à titre expérimental ne pouvait être objet de recours pour violation des droits politiques. L’arrêté en question qui définissait la procédure électorale en application d’une clause de dérogation législative expresse ne pouvait pas violer la procédure des opérations électorales, puisque celle-ci était justement définie dans ce même arrêté113.

Dans le canton des Grisons, le Tribunal administratif a précisé qu’en matière d’aménagement du territoire, la préparation de la votation ne commence que lorsque l’autorité a décidé de la proposition définitive. En revanche, lorsque l’autorité n’a pas arrêté de solution définitive et n’en est qu’à la phase des projets – dont la procédure de consultation (Mitwirkungsverfahren) fait partie -, on ne se situe pas encore au moment de la préparation de la votation. Le Mitwirkungsverfahren, ne peut dès lors pas faire l’objet d’un recours pour violation des droits politiques114.

Pour le Tribunal administratif thurgovien, la question de savoir si une décision financière doit être soumise au référendum financier peut faire l’objet d’un recours pour violation des droits populaires115. Au contraire, le Tribunal administratif du canton des Grisons a estimé que le budget considéré en tant que tel ne pouvait être un objet attaquable par le biais du recours pour violation des droits populaires au sens du droit cantonal116.

Enfin, le Conseil d’Etat du canton d’Obwald a jugé qu’une convocation à un référendum consultatif n’était pas attaquable par le biais d’un recours pour violation des droits populaires117.

3.2 Les actes communaux

Un recours est ouvert, en dernière instance cantonale, contre tous les actes étatiques rendus en matière de votations communales ainsi que contre toutes les violations des droits politiques communaux invoquées par des particuliers

112 Arrêt du Conseil d’Etat lucernois du 13 janvier 1998, in : LGVE 1998 III, p. 426; arrêt de la Cour constitutionnelle jurassienne du 14 mars 1991, in : RJJ 1991, p. 118.

113 Arrêt du Tribunal administratif genevois du 5 avril 2005 n° ATA 192/2005, in : RDAF 2005 I, p. 383.

114 Arrêt du Tribunal administratif des Grisons du 2 septembre 2003, in : PVG 2003, p. 25 (28-29).

115 Arrêt du Tribunal administratif du canton de Thurgovie du 6 novembre 1996, in : TVR 1996, p. 51.

116 Arrêt du Tribunal administratif des Grisons du 5 mars 1991, in : PVG 1991, p. 14.

117 Arrêt du Conseil d’Etat d’Obwald du 11 avril 1994, in : OW-VVGE 1994, p. 3.

(art. 88 al. 2 LTF). Il n’y a pas d’exceptions prévues pour les actes du parlement communal ou de l’exécutif communal comme c’est le cas au niveau cantonal118.

Le registre électoral que chaque commune est obligée de tenir est un exemple particulièrement parlant d’acte communal susceptible de recours : chaque citoyen actif peut se plaindre auprès du conseil communal de ce que son nom ou celui d’autres citoyens actifs n’y a pas été inscrit ou encore de ce que des personnes n’ayant pas l’exercice des droits politiques dans la commune ont été enregistrées. La décision de l’autorité communale peut alors être portée devant l’autorité cantonale de recours compétente.

De même, la décision relative à la validité des initiatives communales prise par l’autorité communale compétente peut faire l’objet d’un recours soit au Tribunal administratif cantonal119, soit au Conseil d’Etat120, soit encore à la Cour constitutionnelle121 suivant les cantons. Il en va ainsi également de la décision de soumettre une dépense au référendum facultatif ou obligatoire.

3.3 Les exceptions

L’article 88 al. 2 LTF permet aux cantons122 de ne pas prévoir de voie de recours contre tout acte du gouvernement et du parlement cantonal123. Le recours en matière de droit public pour violation des droits politiques (art. 82 lit. c LTF) est alors directement ouvert contre ces actes. C’est donc le droit fédéral qui comble une lacune dans la protection juridique de certains droits politiques cantonaux.

Ainsi, dans la plupart des cantons, le recours au Tribunal fédéral est directement ouvert contre une décision relative à la validité d’une initiative populaire cantonale prise par le parlement cantonal124. La pratique des autorités politiques cantonales échappe ainsi largement à la compétence du juge cantonal. Certains cantons toutefois, à l’instar des cantons de Bâle-Ville125,

118 BESSON (2006), p. 432.

119 Art. 155 et 156 de la loi du 6 avril 2001 sur l’exercice des droits politiques (LEDP) du canton de Fribourg (RS/FR 115.1).

120 Art. 89, al. 2 de la loi sur les droits politiques du 5 mai 1980 du canton de Berne (RS/BE 141.1) ; art. 158 Stimmrechtsgesetz du 25 octobre 1988 du canton de Lucerne (RS/LU 10).

121 Tel est le cas dans le canton du Jura : art. 108 point c de la loi sur les droits politiques du 26 octobre 1978 (RS/JU 161.1).

122 C’est le cas du canton du Jura : arrêt de la Cour constitutionnelle jurassienne du 14 mars 1991, in : RJJ 1991, p. 118. C’est également le cas du canton de Lucerne : arrêt du Conseil d’Etat lucernois du 26 mai 1998, in : LGVE 1998 III, p. 426.

123 Pour une critique de cette exception, voir SCHEFER (2001), p. 526.

124 Art. 117 al. 1 de la loi fribourgeoise sur l’exercice des droits politiques (LEDP) du 6 avril 2001 (RS/FR 115.1) ; art. 66 cstc/GE ; art. 59 cstc/BE ; art. 107 al. 3 de la loi neuchâteloise sur les droits politiques (LDP) du 17 octobre 1984 (RS/NE 141) ; art. 59 al. 2 cstc/GL.

125 Art. 16 Gesetz betreffend Initiative und Referendum (IRG) du 16 janvier 1991 : « Der Entscheid des Grossen Rates über die Zulässigkeit oder Unzulässigkeit einer Initiative kann beim Verfassungsgericht durch Beschwerde angefochten werden ».

de Bâle-Campagne126, de Vaud127, des Grisons128 et du Jura129 ont confié à la Cour constitutionnelle ou au Tribunal administratif le soin de trancher les litiges relatifs aux initiatives populaires en première instance.

Est-il opportun d’instituer une voie de recours cantonale contre la décision parlementaire relative à la validité des initiatives populaires cantonales ? Telle est la question qui se pose depuis quelques décennies. Si les premiers cantons à avoir instauré une telle voie sont ceux qui ont consacré une juridiction constitutionnelle complète en matière de contrôle abstrait de normes130, une instance cantonale a été introduite récemment dans le canton de Vaud, où ni les lois d’origine parlementaire ou gouvernementale, ni les ordonnances ne sont soumises à un contrôle. Les avantages de cette solution sont doubles. Elle contribuerait, d’une part, à développer une juridiction constitutionnelle cantonale propre et indépendante qui s’affranchirait de la jurisprudence du Tribunal fédéral. Comme l’instance cantonale est compétente pour se prononcer sur des recours en matière d’initiatives communales, elle possède déjà une jurisprudence bien établie en matière d’initiative populaire.

L’extension de son champ d’application aux initiatives cantonales lui permettrait de prendre plus d’ampleur. D’autre part et surtout, l’instauration d’une instance cantonale permettrait de résoudre le problème de surcharge du Tribunal fédéral131.