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démocratie directe

A. Le recours au gouvernement cantonal

Paradoxalement, la procédure de recours en matière de droits politiques fédéraux débute devant le gouvernement cantonal (6.). L’article 77 LDP prévoit en effet deux voies de recours devant l’exécutif cantonal, l’une pour la violation des dispositions sur le droit de vote et l’autre pour les irrégularités affectant les votations. Ces recours doivent satisfaire à quatre conditions formelles pour être recevables : celles-ci ont trait aux motifs du recours (1.), aux actes attaquables (2.), à la qualité pour agir (3.) et au délai de recours (4.).

La nature du jugement rendu par le gouvernement cantonal sera également exposée (5.).

1. Les motifs du recours

Le législateur fédéral a délimité de façon précise les griefs invocables devant le gouvernement cantonal.

Par le biais du recours touchant le droit de vote (art. 77 al. 1 lit. a LDP), les recourants peuvent faire valoir la violation de dispositions spécifiques portant sur le domicile politique (art. 3 LDP), le registre des électeurs (art. 4 LDP), les modalités de vote que sont le vote à l’urne, le vote par correspondance, le vote électronique et le vote par procuration (art. 5 al. 3 et 6 LDP), ainsi que l’attestation de la qualité d’électeur des signataires de demandes de référendum et d’initiatives populaires (art. 62, 63 et 70 LDP). Le recourant peut également se plaindre de ce que l’autorité inférieure a méconnu des faits déterminants222.

Par le biais du recours touchant les votations (art. 77 al. 1 lit. b LDP), le recourant peut faire valoir toutes les irrégularités affectant les votations fédérales qu’elles soient liées à l’appréciation des faits ou à l’application de la loi. Il peut ainsi dénoncer des erreurs de calcul, des fautes de procédure, une

221 Il n’y a qu’une instance en cas de recours contre les décisions de la Chancellerie fédérale, voir infra point B.2.1.

222 GRISEL (2004), n° 315.

intervention illicite des autorités dans la campagne référendaire, le non-respect de la liberté de vote et tout ce qui est de nature à frapper le scrutin d’invalidité223.

Le mémoire de recours doit être motivé par un bref exposé des faits (art. 78 LDP). Il ne doit pas forcément être accompagné des preuves, dont le fardeau n’incombe pas au recourant224.

2. Les actes attaquables

Les actes attaquables par le biais d’un recours au gouvernement cantonal peuvent être regroupés en deux catégories.

La première comprend les actes susceptibles de violer le droit de vote. Elle compte les décisions prises en vertu des articles 3 et 4 LDP concernant l’inscription au registre des électeurs, la privation des droits civiques, la délivrance d’une carte de légitimation, l’admission au scrutin, les décisions rendues en application de l’article 5 al. 3 et 6 LDP qui ont trait au vote par correspondance ou par procuration ainsi que les attestations accordées ou refusées aux listes de signatures en vue d’une demande de référendum ou d’une initiative populaire en vertu des articles 62 et 63 LDP. Ces différentes décisions émanent généralement d’une autorité communale. Il peut toutefois arriver qu’elles soient émises par le gouvernement cantonal lui-même. Le recours est alors assimilé à une requête de nouvel examen225.

Entrent dans la seconde catégorie les actes attaquables par le biais de l’article 77 al. 1 lit. b LDP qui couvrent toute la procédure de votation, depuis la convocation aux urnes jusqu’à la publication des résultats. Il ne s’agit donc pas nécessairement d’une décision ; le recours peut avoir pour objet un acte accompli sans forme, une abstention fautive de l’autorité ou des agissements illicites de particuliers226.

En revanche, le gouvernement cantonal n’est pas compétent pour entrer en matière sur des recours formés contre le message explicatif du Conseil fédéral, ni sur l’intervention des autorités fédérales dans la campagne référendaire227.

223 GRISEL (2004), n° 316.

224 ATF 101 Ia 240.

225 GRISEL (2004), n° 313.

226 Idem, n° 314.

227 Arrêt du Conseil d’Etat du canton des Grisons du 4 mai 1999, in : ZGRG 4/99, p. 128 ; arrêt du Conseil d’Etat du canton de Lucerne du 11 janvier 1994, in : LGVE 1994 III, p. 316 ; arrêt du Conseil d’Etat du canton de Lucerne du 14 mars 2000, in : LGVE 2000 III, p. 420 ; arrêt du Conseil d’Etat bernois du 5 juin 2005, in : JAB 2006, p. 105.

3. La qualité pour recourir

La qualité pour former un recours pour violation des droits politiques fédéraux au gouvernement cantonal appartient à chaque citoyen actif et même, pour le recours touchant le droit de vote (art. 77 al. 1 lit. a LDP), à tout individu qui prétend être électeur. Elle revient également aux associations politiques, aux partis politiques, aux comités d’initiative ou aux comités référendaires qui s’engagent dans la campagne ou qui participent à la récolte des signatures.

4. Le délai de recours

L’article 77 al. 2 LDP pose un premier délai de trois jours à partir de « la découverte du motif du recours ». Ce délai a un caractère relatif. Le citoyen est ainsi obligé de présenter ses griefs rapidement et le gouvernement cantonal peut, le cas échéant, remédier sans tarder au défaut constaté, si possible avant la votation.

L’article 77 al. 2 LDP établit un second délai qui échoit « le troisième jour après la publication des résultats dans la Feuille officielle du canton ». Ce délai est de nature absolue. Un délai si court se justifie par un souci de sécurité et de dignité du corps électoral : il serait inconvenable que les décisions populaires soient remises en cause après plusieurs semaines228.

Ces deux délais sont de nature péremptoire et entraînent la péremption du droit de recours auprès du gouvernement cantonal et de l’autorité fédérale.

5. Le jugement

Le gouvernement cantonal dispose d’un pouvoir d’examen libre tant pour la constatation des faits que pour l’application du droit. Il exerce ce pouvoir d’office, indépendamment des moyens soulevés par les recourants.

L’article 79 al. 1 LDP prévoit que le gouvernement cantonal est tenu de statuer dans les dix jours qui suivent le dépôt du mémoire. Si le jugement est rendu avant le scrutin de la votation, il remédie naturellement aux irrégularités (art. 79 al. 2 LDP). Si le jugement intervient après la clôture de la votation, la loi dit simplement que « le gouvernement cantonal rejette le recours sans approfondir l’examen de l’affaire s’il constate que les irrégularités invoquées ne sont ni d’une nature ni d’une importance telles qu’elles ont pu influencer de façon déterminante le résultat principal de la votation ou de l’élection » (art. 79 al. 2bis LDP).

Demeure la question de savoir si le gouvernement cantonal est habilité à proclamer la nullité du scrutin d’une votation fédérale dans le canton, lorsqu’il

228 GRISEL (2004), n° 321.

constate que son issue a été faussée de manière illicite. S’il paraît logique que l’autorité qui tranche le recours puisse également casser l’acte attaqué229, le seul responsable de la validation des consultations populaires fédérales demeure le Conseil fédéral (art. 15 LDP). Ce dernier procédera d’office à un nouvel examen de l’affaire. S’il n’aboutit pas aux mêmes conclusions que le gouvernement cantonal, il déclarera valable le scrutin sur le plan cantonal et fédéral. Dans le cas contraire, il examinera si le vote du canton en cause est susceptible d’affecter de façon déterminante celui de toute la Confédération.

Ce n’est que si une telle influence est vraisemblable que tous les électeurs ou seulement ceux du canton en cause pourront être rappelés aux urnes230. 6. Appréciation critique de la compétence du gouvernement

cantonal

Il peut paraître paradoxal que la procédure de recours en matière de droits politiques fédéraux débute devant l’exécutif d’un canton et non pas devant le Tribunal administratif fédéral. Cette procédure a deux inconvénients principaux.

D’abord, l’autorité saisie a souvent pris la décision attaquée, de sorte qu’elle est juge et partie. Mais elle a surtout, par la force des choses, un pouvoir limité, puisque la validation du scrutin appartient au Conseil fédéral (art. 15 LDP)231.

Ensuite, en excluant le recours préalable à une autorité judiciaire cantonale, le législateur fédéral permet une dérogation à la garantie de l’accès au juge de l’article 29a Cst. L’article 29a Cst. garantit pour tout litige un accès à une autorité judiciaire qui examine librement les faits et les questions de droit. Or, lors d’un recours pour violation de droits politiques fédéraux, la première instance n’est pas une autorité judiciaire et la seconde instance, le Tribunal fédéral, dispose d’un pouvoir d’examen limité quant aux faits (art. 105 LTF)232.

Si une telle exception au principe de l’accès au juge est, pour certains, clairement inconstitutionnelle233, elle se justifie, à notre sens, parce que la décision finale du Tribunal fédéral doit intervenir dans les meilleurs délais, afin d’éviter que la votation fédérale en cause ne doive, le cas échéant, être répétée234.

229 Idem, n°324.

230 GRISEL (2004), n° 325.

231 Idem, n° 311.

232 BESSON (2006), p. 430.

233 BESSON (2006), p. 430 ; SCHEFER (2001), p. 523 ss.

234 MCF du 28 février 2001, FF 2001, p. 4125 ; AUER/MALINVERNI/HOTTELIER (2006 I), n° 2092 ; GRISEL (2004), n°

311.

B. Le recours en matière de droit public au Tribunal fédéral