• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 1 : LES POLITIQUES D’IMMIGRATION ET LA PERFORMANCE DES

1.2. La situation des immigrants dans le marché du travail : trois problèmes majeurs

1.2.2. L’emploi atypique : un phénomène plus courant chez les immigrants

1.2.2.4. Les immigrants et le travail à temps partiel

Autant les longues heures de travail que le travail à temps partiel peuvent être considérés comme des formes d’emploi atypiques (Cloutier, 2008). Dans cette sous-section, l’accent sera mis sur le travail à temps partiel, soit les emplois qui offrent moins de 30 heures de travail par semaine. De façon générale, moins un individu travaille d’heures, plus ses gains sont faibles. Pour ce motif, le travail à temps partiel sera vu comme un indicateur de précarité d’emploi puisqu’il va de pair avec une moins grande stabilité financière. Dans les lignes ci-dessous, les résultats de quatre études qui portent sur la prévalence du travail à temps partiel chez les immigrants seront rapportés.

Dans une première étude fondée sur les données des recensements de la population de 1986 à 1996, Badets et Howatson-Leo (1999) ont montré que les jeunes et les immigrants sont proportionnellement plus nombreux à occuper un emploi à temps partiel que la population née au Canada. En effet, en 1995, parmi les travailleurs de 25 à 44 ans, 68 % des jeunes Canadiens de 15 à 24 ans qui n’étaient pas aux études et 58 % des nouveaux immigrants (c’est-à-dire

ceux arrivés depuis 5 ans ou moins) travaillaient à temps partiel ou seulement durant une partie de l’année contre 42 % de la population née au Canada.

Dans une deuxième étude basée sur les données de la première vague de l’Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada (ELIC), Statistique Canada (2003) a examiné la fréquence du travail à temps partiel chez les immigrants. Cette étude renseigne sur le type d’emploi occupé par les immigrants en tout début d’établissement21. Les résultats indiquent que des 44 % des nouveaux immigrants qui avaient trouvé un emploi six mois après leur arrivée au Canada, 79 % travaillaient à temps plein et 21 % travaillaient à temps partiel. Par ailleurs, des différences ont été perçues entre les immigrants selon leur catégorie d’admission. Chez les immigrants de 25 à 44 ans qui occupaient un emploi six mois après leur arrivée, les demandeurs principaux de la composante économique étaient relativement moins nombreux à travailler à temps partiel (14 %) comparativement aux immigrants du regroupement familial (19 %) et aux réfugiés (26 %).

Plus récemment, Statistique Canada (2006) a analysé les résultats des nouveaux immigrants dans le marché du travail deux ans après leur arrivée au Canada à l’aide de la deuxième vague de l’ELIC. Globalement, cette étude indique que la situation des immigrants dans le marché du travail s’est améliorée au fil du temps concernant le travail à temps partiel. En Ontario, parmi les nouveaux immigrants ayant occupé plus d’un emploi au cours des deux premières années d’établissement, 50 % de ceux ayant occupé un premier emploi à temps partiel ont déclaré que leur emploi le plus récent était à temps plein. En Colombie-Britannique, ce même taux était de

44 %. Malheureusement, cette étude n’a pas rapporté ce taux pour la province du Québec ni pour l’ensemble du Canada.

Dans une quatrième étude, les données de l’EPA de 2008 ont été mises à contribution. Cette recherche se démarque des autres par la distinction établie entre le travail à temps partiel volontaire et involontaire. Dans un premier temps, Gilmore (2009) a étudié la probabilité qu’un immigrant du principal groupe d’âge actif (25 à 54 ans) travaille à temps partiel comparé à celle d’un natif du même groupe d’âge (voir tableau 19). À l’aide de ce tableau, on voit que seuls les immigrants arrivés depuis moins de 5 ans au Canada ont une probabilité significativement plus élevée de travailler à temps partiel (13,4 %) que les natifs (11,7 %). En revanche, les immigrants arrivés au Canada depuis plus de 10 ans (11,0 %) ont significativement moins de risque de travailler à temps partiel que les natifs. On pourrait supposer que les immigrants arrivés depuis plus de 10 ans sont susceptibles d’avoir accumulé plus d’années d’expérience de travail que les natifs, ce qui expliquerait ce constat.

Dans cette même étude, Gilmore (2009) s’est aussi intéressé aux raisons motivant la décision d’occuper un emploi à temps partiel (voir tableau 19). Il s’est aperçu qu’il existe des différences significatives entre les immigrants de tous les groupes par rapport aux natifs. Les immigrants arrivés depuis moins de 5 ans sont près de 4 fois plus enclins à travailler à temps partiel parce qu’ils sont aux études (24,4 %) que les natifs (6,4 %). Les immigrants récents sont également plus susceptibles de travailler à temps partiel de façon involontaire (i.e. que ce

n’est pas leur choix mais plutôt une contrainte résultant de difficultés dans le marché du travail) que les natifs (41,0 % contre 29,9 %).

Tableau 19 : Pourcentage de travailleurs de 25 à 54 ans occupant un emploi à temps partiel et motif selon le statut d’immigration en 2008 (%)

Immigrants Population née au Canada (%) Total (%) Arrivés depuis moins de 5 ans (%) Arrivés entre 5 à 10 ans (%) Arrivés depuis plus de 10 ans (%) Emploi à temps partiel 11,7 11,5 13,4** 11,5 11,0**

Motif du travail à temps partiel

Soins aux enfants 23,3 19,0** 13,5** 25,2 18,9**

Poursuite des études 6,4 11,3** 24,4** 15,0** 6,0 Préférences

personnelles 28,4 21,4** 13,2** 15,0** 25,9**

Involontaire 29,9 37,6** 41,0** 38,3** 36,4**

**Écart statistiquement significatif par rapport à la population née au Canada au seuil de 5 %. Source : Gilmore (2009)

Le tableau 19 indique aussi que les immigrants arrivés depuis 5 à 10 ans de même que ceux arrivés depuis plus de 10 ans se retrouvent plus souvent dans les emplois à temps partiel de façon involontaire (respectivement 38,3 % et 36,4 %) que les natifs (29,9 %). La baisse du taux de travail à temps partiel involontaire au fur et à mesure que le temps écoulé depuis l’arrivée au Canada dénote une amélioration de la situation des immigrants avec le temps. Néanmoins, même après plus de dix ans au Canada, le travail à temps partiel involontaire demeure plus fréquent chez les immigrants que chez les natifs.

Les études consultées dans cette sous-section attestent donc que les immigrants récents sont plus touchés par le travail à temps partiel (volontaire ou non) que les natifs, mais qu’au fil du temps, leur situation converge vers celle de ces derniers. Néanmoins, même après plus de 10 ans au Canada, les immigrants se retrouvent significativement plus souvent dans les emplois à temps partiel de façon involontaire.

Jusqu’à présent, les études consultées ont montré que les immigrants sont surreprésentés dans les trois formes d’emploi atypique (ou précaire) analysées, soit le travail autonome, les emplois temporaires et les emplois à temps partiel, lorsqu’on les compare aux natifs. Ce désavantage est encore plus grand pour les immigrants récents. Sous l’angle de la précarité d’emploi, on peut donc prétendre que l’intégration des immigrants paraît problématique surtout lorsqu’on considère qu’une part importante des immigrants admis chaque année l’est pour sa contribution potentielle à l’économie canadienne et que, dans l’ensemble, les nouveaux arrivants sont plus scolarisés que la population née au Canada. Toutefois, la précarité d’emploi ne serait pas le seul aspect de l’intégration des immigrants dans le marché du travail qui pose problème. En fait, selon la littérature, les immigrants auraient aussi de la difficulté à trouver un emploi à la hauteur de leurs compétences. Cet aspect de l’intégration des immigrants dans le marché du travail sera au centre des lignes qui suivent.