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Les études utilisant l’approche subjective de la surqualification

CHAPITRE 1 : LES POLITIQUES D’IMMIGRATION ET LA PERFORMANCE DES

1.2. La situation des immigrants dans le marché du travail : trois problèmes majeurs

1.2.3. La déqualification professionnelle ou la surqualification chez les immigrants

1.2.3.3. Les études utilisant l’approche subjective de la surqualification

Récemment, trois études ont touché le thème de la surqualification des immigrants en demandant directement l’avis des individus eux-mêmes sur la correspondance entre leurs études et leur emploi. La plus récente a porté sur les immigrants et les natifs ayant un diplôme postsecondaire canadien (Boulet et Boudarbat, 2010), la seconde s’est intéressée aux immigrantes hautement qualifiées à Montréal (Chicha, 2009) et la troisième a dressé un portrait plus large en se concentrant sur la surqualification des immigrants au Canada (Wald et Fang, 2008)28.

Dans la première étude ayant utilisé l’approche subjective, Boulet et Boudarbat (2010) ont évalué la perception du lien entre l’emploi exercé et le programme d’études complété des diplômés canadiens cinq ans après l’obtention de leur diplôme (soit en 2005) en s’appuyant

28 Les résultats de ces deux études seront complétés par ceux d’une étude de Boulet et Boudarbat (2010) qui est en cours de publication. Cette dernière s’intéresse particulièrement au lien entre le programme d’études et l’emploi occupé chez les immigrants et les natifs ayant un diplôme postsecondaire canadien.

sur les données de l’Enquête nationale auprès des diplômés (END) de la promotion de 200029.

Leur échantillon est composé de 22 400 diplômés des établissements postsecondaires canadiens âgés de moins de 65 ans, dont 2500 sont des immigrants.

Selon leurs résultats, le lien perçu entre l’emploi et le programme d’études varie en fonction de l’âge à l’immigration, du niveau d’études complété et de la province de résidence. Les diplômés de la maîtrise ou du doctorat sont plus enclins à percevoir un lien étroit entre leur emploi et leur programme d’études autant chez les immigrants que chez les natifs et ce sont les détenteurs d’un baccalauréat qui sont les plus désavantagés sur ce plan. Les résultats montrent aussi que les immigrants arrivés avant l’âge de 18 ans ont également moins tendance à percevoir un lien fort entre leur emploi et leur programme d’études que les natifs et les immigrants arrivés à l’âge adulte. Selon les analyses par province, l’étude a dénoté que les natifs du Québec étaient les plus enclins à percevoir un lien étroit entre leur emploi et leur programme d’études avec un taux de 73,9 % comparativement à 58,9 % en Ontario et 63,9 % en Colombie-Britannique. Les immigrants arrivés avant l’âge de 18 ans du Québec se démarquent aussi puisque 64,6 % perçoivent un lien étroit entre leur emploi et leur programme d’études comparativement à respectivement 46,3 % et 49,9 % chez leurs homologues de l’Ontario et de la Colombie-Britannique.

Pour ce qui est des immigrants arrivés à l’âge adulte, les taux sont pratiquement les mêmes dans les trois provinces et se situent aux alentours de 60 %. Par conséquent, ces résultats

29 Cette enquête comprend une question directe sur la perception du lien entre l’emploi exercé et le programme complété.

révèlent que la province influe sur la perception d’un lien étroit entre l’emploi et les études. Avant d’aller plus loin, soulignons que les résultats de cette dernière étude incluent autant l’adéquation des diplômes de nature verticale qu’horizontale30, tandis que les autres études analysées dans cette section se concentraient plutôt sur l’adéquation verticale. Concernant l’adéquation horizontale exclusivement, une étude récente a montré que la plupart des immigrants récents ne trouvent pas un emploi dans leur domaine et que cela avait un effet négatif sur leur salaire (Girard et al., 2008).

De son côté, Chicha (2009) a réalisé 44 études de cas d’immigrantes résidentes permanentes ou citoyennes canadiennes ayant un diplôme universitaire acquis à l’étranger. Ces dernières sont arrivées au Canada depuis 5 à 12 ans au moment de l’entrevue et ont occupé au moins un emploi à Montréal. La méthodologie utilisée est qualitative, axée sur des entrevues semi- dirigées qui se sont déroulées entre 2006 et 2008 et les immigrantes interrogées devaient être en mesure de bien s’exprimer en français. La définition privilégiée de la déqualification se lit comme suit : « le fait pour une personne détenant un diplôme universitaire d’un certain niveau, d’occuper un emploi dont le niveau d’études requis est inférieur »31. Pour établir la présence de déqualification, l’auteure a directement interrogé les répondantes sur leur scolarité et leur expérience professionnelle avant l’immigration et le titre du dernier emploi occupé à Montréal. Pour savoir le niveau d’études requis par le dernier emploi occupé, Chicha (2009) s’est fiée à la CNP. Malgré l’utilisation de la CNP, nous avons choisi d’intégrer cette étude à

30 L’adéquation verticale réfère à la correspondance entre le niveau d’études de l’individu et celui requis par l’emploi, tandis que l’adéquation horizontale réfère à la correspondance entre le domaine d’études de l’individu et le domaine de l’emploi occupé.

l’approche subjective puisque l’auteure a complété ces informations en demandant directement aux répondantes si l’emploi occupé correspondait à leur formation.

Selon les résultats obtenus par Chicha (2009), 43 % des 44 immigrantes interrogées occupaient un emploi qui n’exigeait aucun diplôme postsecondaire et parfois ni même un diplôme d’études secondaires, 25 % occupaient un emploi exigeant un diplôme postsecondaire inférieur à leur niveau de scolarité et seulement 32 % occupaient un emploi correspondant à leur formation. Or, 65 % des immigrantes de l’échantillon sont déqualifiées. L’auteure a aussi trouvé que les immigrantes membres des minorités visibles étaient plus susceptibles d’être déqualifiées que les autres immigrantes et que, par le fait même, le pays d’origine avait un effet sur la probabilité de déqualification. Les immigrantes diplômées des domaines non scientifiques avaient aussi plus de risque d’être déqualifiées que les autres. Par ailleurs, ce rapport de recherche révèle que la connaissance prémigratoire du français n’a pas un effet déterminant sur le risque des immigrantes d’être déqualifiées à Montréal.

Dans la troisième étude consultée, Wald et Fang (2008) ont utilisé les données de l’Enquête sur le milieu de travail et les employés (EMTE) de 1999. Leur échantillon est composé de 23 252 salariés âgés de 18 à 64 ans dont 3562 sont des immigrants. Parmi ces derniers, 778 sont arrivés récemment au Canada, soit depuis 10 ans ou moins. Pour établir si les sujets sont surqualifiés ou non, Wald et Fang (2008) ont comparé le niveau de scolarité atteint par le travailleur au niveau de scolarité minimum que ce travailleur juge nécessaire pour occuper son poste (exigences scolaires perçues). Ils ont par la suite réparti les travailleurs en trois catégories, ceux qui sont surqualifiés, ceux qui sont adéquatement qualifiés et ceux qui sont

sous-qualifiés. À titre indicatif, les travailleurs surqualifiés ont un niveau de scolarité supérieur à celui qu’ils perçoivent nécessaire pour occuper leur poste.

Le tableau 25 montre que les natifs ont moins de risque d’être surqualifiés (31,3 %) que les immigrants non récents (34,6 %) et les immigrants récents (47,8 %). Les immigrants non récents sont ceux arrivés depuis plus de 10 ans et les immigrants récents sont ceux arrivés depuis 10 ans ou moins. Ainsi, ces auteurs ont trouvé que près de la moitié des immigrants récents étaient surqualifiés par rapport à leur emploi en 1999 contre moins du tiers des natifs. Aussi, selon leurs résultats, cette prédisposition augmente lorsque l’immigrant récent vit dans un ménage dont la langue parlée n’est ni l’anglais ni le français.

Tableau 25 : Niveau de qualification des travailleurs par rapport à leur emploi selon le statut d’immigration, Canada en 1999 (%)

Natifs Immigrants non récents Immigrants récents

Adéquatement qualifiés 51,6 48,8 41,2

Surqualifiés 31,3 34,6 47,8

Sous-qualifiés 17,2 16,6 11,0

Total1 100,0 100,0 100,0

1L’arrondissement explique que le total est parfois légèrement différent de 100,0 %. Source : Wald et Fang (2008)

Pour résumer la littérature sur la surqualification, on peut dire que les immigrants au Canada sont plus susceptibles de se retrouver dans un emploi pour lequel ils sont trop qualifiés comparativement aux natifs, peu importe l’approche méthodologique utilisée. Les études consultées ont aussi décelé plusieurs facteurs influant sur la probabilité d’être surqualifié, soit le niveau de scolarité, l’expérience de travail, les connaissances linguistiques, le domaine

d’études, l’âge à l’immigration, le pays d’origine, le sexe, le statut de minorité visible, le temps écoulé depuis l’arrivée au pays et la province de résidence. Toutefois, les difficultés d’intégration des immigrants dans le marché du travail canadien par rapport aux natifs ne s’arrêtent pas là. Les désavantages vécus par les immigrants des points de vue de la précarité d’emploi et de la surqualification s’accompagnent bien souvent de salaires plus faibles. La prochaine sous-section vise à présenter les principaux constats qui ressortent de la littérature sur ce sujet.