• Aucun résultat trouvé

Les études ayant utilisé l’approche statistique de la surqualification

CHAPITRE 1 : LES POLITIQUES D’IMMIGRATION ET LA PERFORMANCE DES

1.2. La situation des immigrants dans le marché du travail : trois problèmes majeurs

1.2.3. La déqualification professionnelle ou la surqualification chez les immigrants

1.2.3.2. Les études ayant utilisé l’approche statistique de la surqualification

Dans cette partie, les résultats de trois études seront rapportés. La première porte sur la discordance entre l’emploi et la scolarité des immigrants très qualifiés aux États-Unis (Chiswick et Miller, 2009). La deuxième porte plutôt sur les problèmes de transfert du capital humain des immigrants dans ce même pays (Chiswick et Miller, 2007). Bien que ces deux études ne touchent pas la situation de surqualification des immigrants dans le marché du travail canadien, la méthode utilisée par les auteurs pour évaluer la surqualification des immigrants est pertinente à analyser aux fins de notre recherche. En outre, non loin du Canada, l’étude de la situation des immigrants aux États-Unis peut servir de point de comparaison pour interpréter la situation canadienne. La troisième étude s’est intéressée à la déqualification professionnelle au Québec selon le sexe, le statut d’immigrant et l’appartenance à une minorité visible (Boulet 2012).

Chiswick et Miller (2009) ont utilisé la technique de l’Appariement Réalisé26 ou l’approche statistique pour mesurer le degré de qualification des travailleurs par rapport à leur emploi. Tel que nous l’avons dit précédemment, cette approche peut se baser sur la moyenne ou le mode. Puisque la méthode statistique fondée sur la moyenne tend à sous-évaluer la surqualification dans la mesure où l’individu doit avoir un niveau de scolarité qui dépasse la moyenne d’un

écart-type (Chiswick et Miller, 2007), les auteurs ont davantage misé sur des analyses effectuées à partir du mode. Pour appliquer cette technique, ils ont utilisé les données à usage public du recensement de la population des États-Unis. Leur échantillon est composé des hommes âgés de 25 à 64 ans qui ont occupé un emploi rémunéré en 1999.

Le tableau 22 rapporte les taux de surqualification des hommes natifs et immigrants aux États- Unis basés sur l’approche statistique modale. Celui-ci nous renseigne sur le fait que, lorsqu’on considère tous les niveaux de scolarité confondus, la proportion des immigrants qui sont surqualifiés (29,1 %) est légèrement inférieure à celle des natifs (33,4 %). De plus, les immigrants ont beaucoup plus de risques d’être sous-qualifiés (45,0 %) dans leur emploi que les natifs (26,3 %), ce qui signifie qu’ils possèdent un niveau de scolarité inférieur à celui requis par leur emploi.

Tableau 22 : Taux de surqualification des hommes américains de 25 à 64 ans selon leur statut d’immigration en 1999 (%)

Tous les niveaux de scolarité

Natifs Immigrants

Surqualifiés 33,4 29,1

Adéquatement qualifiés 40,2 26,0

Sous-qualifiés 26,3 45,0

Total1 100,0 100,0

1 L’arrondissement explique que le total diffère légèrement de 100,0 %.

Source : Chiswick et Miller (2009)

Par conséquent, ces taux indiquent que les immigrants des États-Unis ont une situation relativement plus avantageuse que les natifs concernant l’adéquation entre leur niveau de

scolarité et celui exigé par leur emploi. Donc, sur ce point, la situation des immigrants aux États-Unis diffère de celle des immigrants du Canada27.

Par contre, lorsque les auteurs ont considéré seulement les travailleurs ayant un baccalauréat ou un diplôme universitaire supérieur au baccalauréat, la situation s’est inversée (voir tableau 23). En fait, parmi les détenteurs d’un baccalauréat ou plus, ils ont trouvé que les immigrants étaient surqualifiés dans une proportion de 62,5 % contre seulement 50,3 % pour leurs homologues nés aux États-Unis. De plus, lorsqu’ils ont conservé seulement les détenteurs d’une maîtrise ou plus, ils ont estimé un taux de surqualification de 79,0 % chez les immigrants comparativement à 69,7 % chez les natifs. Ainsi, aux États-Unis, la prévalence de la surqualification augmente avec le niveau de scolarité, et ce, surtout pour les immigrants.

Tableau 23 : Taux de surqualification des hommes américains très qualifiés âgés de 25 à 64 ans selon leur statut d’immigration en 1999 (%)

Baccalauréat et + Maîtrise et +

Natifs 50,3 % 69,7 %

Immigrants 62,5 % 79,0 %

Source : Chiswick et Miller (2009)

Dans une étude antérieure, Chiswick et Miller (2007) ont examiné les difficultés de transfert international du capital humain des immigrants à l’aide des mêmes données et ils se sont également centrés exclusivement sur les hommes en emploi âgés de 25 à 64 ans. À l’aide de l’approche statistique basée sur le mode, ils ont trouvé une relation positive entre l’expérience

27 Ce qui peut s’expliquer par le fait que les immigrants admis aux États-Unis sont dans une grande proportion peu qualifiés contrairement aux immigrants du Canada. Il est donc moins probable d’être déqualifié lorsqu’on ne

de travail prémigratoire (i.e. acquise à l’étranger) et la probabilité d’être surqualifiés chez les immigrants aux États-Unis. Par surcroît, l’augmentation du nombre d’années d’expérience de travail local fait aussi décroître cette probabilité chez les natifs. Selon ces auteurs, ceci signifie qu’il est plus difficile d’estimer la valeur de l’expérience acquise à l’étranger que celle acquise dans le marché du travail américain. Cette difficulté semble toutefois tourner en faveur des immigrants aux États-Unis puisque l’expérience prémigratoire réduit les risques d’être surqualifiés et accroît les chances d’être sous-qualifiés par rapport aux exigences de leur poste. Donc, les résultats de cette étude indiquent que l’expérience de travail est aussi un facteur susceptible d’influer sur la probabilité d’être surqualifié et que le lieu d’obtention de cette expérience semble aussi avoir une certaine importance.

En s’appuyant sur la méthode proposée par Chiswick et Miller, Boulet (2012) a examiné la déqualification professionnelle au Québec selon le sexe, le statut d’immigrant et l’appartenance à une minorité visible. Dans cette étude, l’auteure a utilisé les fichiers confidentiels du recensement de la population de 2006 pour estimer le degré de déqualification professionnelle des travailleurs de 25 à 54 ans résidant au Québec. Le tableau 24 expose les résultats obtenus. Le degré de déqualification réfère à l’ampleur de la déqualification; la déqualification de 3 niveaux est caractérisée par la déqualification maximale pour un diplômé. Par exemple, un individu possédant un baccalauréat et exerçant un emploi ne requérant aucun diplôme est déqualifié de 3 niveaux, tandis qu’un diplômé du collégial exerçant un emploi requérant un diplôme d’études secondaire est déqualifié de 1 niveau.

À partir du tableau 24, on peut constater que les hommes natifs non membres d’une minorité visible sont les moins nombreux, toutes proportions gardées, à être déqualifiés (16,2 %), suivis des hommes natifs membres d’une minorité visible (19,5 %), des femmes natives non membres d’une minorité visible (21,6 %) et des femmes natives membres d’une minorité visible (24,2 %). Du côté de tous les groupes d’immigrants, le taux de déqualification est plus grand que celui de leurs homologues natifs.

Tableau 24 : Proportion de travailleurs de 25 à 54 ans selon le degré de

déqualification, le sexe, le statut d’immigrant et l’appartenance à une minorité visible au Québec en 2006 (%) Adéquatement qualifiés Déqualifiés de 1 niveau Déqualifiés de 2 niveaux Déqualifiés de 3 niveaux Total déqualifiés Hommes non membres d’une minorité visible

Natifs 83,8 11,4 4,8 0,0 16,2

Immigrants 71,5 14,2 14,3 0,1 28,5

Hommes membres d’une minorité visible

Natifs 80,5 12,8 6,6 0,0 19,5

Immigrants 66,9 14,3 18,5 0,3 33,1

Femmes non membres d’une minorité visible

Natives 78,4 15,8 5,8 0,0 21,6

Immigrantes 67,8 16,8 15,4 0,1 32,2

Femmes membres d’une minorité visible

Natives 75,8 15,5 8,7 0,0 24,2

Immigrantes 62,6 19,3 17,6 0,4 37,4

Source : Boulet (2012)

Cependant, le fait d’être une femme et d’appartenir à une minorité visible conduit aussi à un risque de déqualification supérieur. En fait, chez les immigrants, les hommes non membres d’une minorité visible affichent le taux de déqualification le plus faible (28,5 %), suivis des femmes non membres d’une minorité visible (32,2 %), des hommes membres d’une minorité

visible (33,1 %) et finalement, des femmes membres d’une minorité visible (37,4 %). Ainsi, selon les résultats de cette étude, on peut voir que les natifs sont proportionnellement moins nombreux à être déqualifiés que les immigrants, que les femmes sont proportionnellement plus nombreuses à être déqualifiées que les hommes et que le fait d’appartenir à une minorité visible entraîne un taux de déqualification plus élevé que le fait de ne pas appartenir à une minorité visible. Les femmes immigrantes membres d’une minorité visible présentent donc le taux de déqualification le plus élevé.