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Les facteurs favorables à la participation sociale

5. LA DISCUSSION

5.1. Les facteurs favorables à la participation sociale

Le cadre conceptuel permettait d’explorer la dimension des facteurs facilitants et ainsi que celle des obstacles sous quatre composantes, soient les caractéristiques individuelles, les relations interpersonnelles, la dynamique organisationnelle et l’environnement. Les prochains paragraphes s’y attardent.

Sur le plan de la composante des caractéristiques individuelles, trois indicateurs se dégagent des résultats de la recherche. Il s’agit des motivations, de la trajectoire biographique, ainsi que le degré d’investissement et d’interdépendance des sphères de vie. En premier lieu, selon Havard Duclos et Nicours (2005), pour être mobilisées, les personnes ont besoin d’y trouver un sens. Il est nécessaire qu’il y ait une motivation qui sous-tend l’implication. Les résultats de la recherche permettent effectivement d’observer que certaines personnes s’engagent afin de se sentir utiles, de donner un sens à leur vie ou de redonner pour ce qu’elles ont reçu et d’obtenir des avantages (Havard Duclos et Nicours, 2005). Parallèlement, les entrevues ont révélé que ces motivations sont susceptibles de différer selon l’âge et la classe sociale. En outre, les aînés s’impliquent généralement afin de se sentir utiles. Ils ont besoin de retrouver cette impression de contribuer à la société qui s’est affaiblie avec leur retrait du marché du travail. Dans son étude portant sur la participation sociale des aînés, Raymond (2007) soutient aussi que la motivation première de cette tranche d’âge est d’aider les autres, de contribuer à quelque chose d’utile, de redonner aux générations futures. De plus, les résultats de la recherche confirment ceux

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obtenus par l’étude de Mondor et al. (2014), à l’effet que les jeunes font particulièrement du bénévolat afin d’acquérir des expériences et compétences en prévision de leur insertion professionnelle. Puis, concernant les personnes ayant un logement subventionné, il s’agit d’une façon de redonner en service pour l’aide financière qu’elles reçoivent.

En deuxième lieu, la trajectoire biographique est représentée par le parcours unique des personnes. Elle fait référence à l’état de santé, l’éducation, la religion, à classe sociale, etc. (Duperré, 2008b; Duperré, 2004). Selon Havard Duclos et Nicours (2005), ces trajectoires conditionnent l’engagement. Dans cette perspective, la socialisation joue un rôle de premier plan afin qu’une personne s’implique lorsqu’elle est rendue adulte. Les enfants s’identifient aux valeurs sociales et politiques transmises par leurs parents. Un modèle parental participant socialement favorisera donc le développement du sentiment d’appartenance à la collectivité chez leurs enfants (Mondor et al., 2014). D’ailleurs, les résultats de la recherche attestent que la majorité des individus qui s’impliquent ont eu une référence parentale qui réalisait du bénévolat. De plus, les écrits soulignent que la participation est principalement le fait de ceux qui sont déjà engagés dans des activités similaires (Ayer et al., 2009; Duperré, 2008b; Raymond, 2007). À cet effet, les résultats montrent que les personnes interrogées ont pour la plupart des expériences de bénévolat qui coïncident avec celle d’« Habitations Vivre Chez Soi ». Ils tentent aussi de contribuer selon les compétences acquises à l’emploi, dans les loisirs, etc.

En troisième lieu, le degré d’investissement et d’interdépendance des sphères de vie correspond à l’énergie déployée dans l’ensemble des rôles sociaux et à leur connectivité (Barré, 2009). Suivant la même orientation que Barré (2009) et Comeau (1995), la recherche indique que la capacité à s’engager varie selon le moment auquel la personne est rendue dans sa vie. Pour un retraité, le fait d’être sans emploi et de ne pas avoir d’enfant à sa charge permet d’aménager plus facilement ses horaires et de réserver des périodes pour la sphère du bénévolat. À « Habitations Vivre Chez Soi », les périodes d’observation participante ont permis de dénoter que les aînés sont majoritaires dans les comités et activités. À l’inverse, les personnes qui atteignent un stade de leur vie qui voit leur

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intégration au marché du travail à temps plein ou celui de fonder une famille ont affirmé avoir diminué ou arrêté leur niveau d’engagement.

À l’égard de la composante interpersonnelle, les écrits scientifiques ainsi que la recherche montrent que la sociabilité, la solidarité ainsi que les émotions positives vécues dans le groupe sont des indicateurs qui renforcent l’engagement des participants (Duperré, 2008a; Panet-Raymond et al., 2002; Comeau 1995). Concernant la sociabilité, le degré de satisfaction des membres quant à l’ambiance du groupe est élevé aux « Habitations Vivre Chez Soi ». Ceux-ci s’épanouissent à travers les moments agréables qu’ils vivent avec les autres membres. Ils prennent la parole, s’écoutent l’un et l’autre et s’encouragent. Pour certains participants, cette sociabilité s’est progressivement transformée en solidarité. Les membres s’entraident et se côtoient à l’extérieur du groupe, ce qui accentue encore davantage le sentiment d’appartenance ainsi que la participation (Duperré, 2008a). D’ailleurs, des membres n’ont pas hésité à qualifier le groupe de seconde famille, démontrant ainsi un attachement profond entre eux. Les émotions positives interviennent aussi dans différents aspects de l’implication à « Habitations Vivre Chez Soi ». À cet effet, plusieurs émotions évoquées par les participants telles que la fierté, l’amitié, l’humour sont parmi celles qui sont incluses dans l’étude de Duperré (2008a) portant sur la rationalité des émotions dans les processus de mobilisation collective. Celles nommées ci-dessus sont considérées comme étant des facteurs de cohésion interne dans une association. En plus d'augmenter le bien-être des membres et leur appréciation de leur implication, ces émotions favorisent le maintien de leur participation sociale.

Relativement à la composante organisationnelle, les ancrages de la participation sociale peuvent être révélés grâce au travail des intervenants et des administrateurs de l’organisme. D’une part, l’intervenant possède un savoir-être qui correspond aux caractéristiques identifiées dans les écrits scientifiques favorisant le maintien de l’engagement des participants. Son écoute active, le respect qu’il accorde au rythme des personnes et sa sensibilité à leur vécu sont parmi les attitudes que les participants ont évoquées à son égard et qui sont répertoriées par les auteurs dans leur recherche (Gaudreau, 2005; Comeau, 1995). Le type de personnalité de l’intervenant donne aussi confiance aux participants

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d’« Habitations Vivre Chez Soi ». Ils le perçoivent comme un modèle à suivre et souhaitent s’en inspirer à travers leur participation sociale. De plus, à l’intérieur de l’organisme, il y a une proximité qui s’est installée entre les participants et l’intervenant du fait que celui-ci s’engage avec eux dans l’action. Ils ont le sentiment que la relation avec celui-ci se fait d’égal à égal. Comme l’indique Hardina (2003), un organisateur communautaire ayant les capacités de surmonter la distance sociale existante entre lui et les participants accentue le désir de ceux-ci à poursuivre leur implication.

D’autre part, l’accompagnement individuel et collectif instauré par les administrateurs de l’organisme suscite la participation sociale des résidents. Les membres ont signalé qu’ils ont l’opportunité de s’impliquer dans plusieurs facettes de la vie associative, dont l’organisation d’activités, la participation dans des comités ainsi que sur le conseil d’administration. Non seulement ils ont plusieurs possibilités d’engagement, les participants possèdent aussi un pouvoir de décision sur les sujets qui les concernent. Lors des périodes d’observation participante, le chercheur a remarqué que les bénévoles ont des responsabilités. Ils débattent et font des choix éclairés de façon consensuelle ou majoritaire qui ont des répercussions sur leur milieu de vie. De plus, lors des entrevues, ils ont mentionné que les administrateurs sont à l’écoute, prennent en considération leurs besoins et les impliquent dans les processus de décision. Des recherches confirment que ce mode de fonctionnement laissant une grande ouverture à l’implication et étant basé sur le principe de démocratie accentue la participation et le sentiment d’appartenance à l’organisme (Lamoureux et al., 2009; Panet-Raymond et al., 2002; Duperré, 2004; Comeau, 1995). Spécifiquement, l’étude de Comeau (1995) démontre que les associations qui regroupent des membres actifs œuvrent principalement selon un mode de démocratie directe.

En rapport avec la composante environnementale, une analyse de la structure et des enjeux favorable aux projets que l’organisation mène avec les participants facilite le maintien de leur participation sociale (Lamoureux et al., 2009; Duperré, 2008b). Dans le cas d’« Habitations Vivre Chez Soi », le fait d’avoir obtenu du financement de la part du gouvernement pour leurs projets ainsi que pour l’embauche d’un intervenant a permis aux participants d’atteindre leurs buts. Ces victoires concrètes les ont encouragés à poursuivre

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leur participation. De plus, comme le mentionne Duperré (2008b), certains événements déclencheurs peuvent devenir une occasion à haut potentiel de mobilisation. La réalisation des entrevues a eu lieu à la même période que celle que les participants ont qualifiée d’« austérité ». Pour eux, il s’agissait d’un moment où il est nécessaire de supporter davantage les organismes communautaires et de renforcer leur participation sociale. Ce degré d’insatisfaction, lié à l’« austérité », a poussé certains des participants à s’enraciner davantage dans l’action collective. Toujours en lien l’analyse de la structure des enjeux et des opportunités, Comeau (1995) et Ngai et Cheung (1997) stipulent que les membres sont sensibles à la réputation de l’organisme. Une perception positive de l’association véhiculée dans la communauté stimule les participants à continuer leur implication. À cet effet, des visiteurs et des voisins ont émis des commentaires élogieux à l’égard d’« Habitations Vivre Chez Soi ». Cette reconnaissance publique a renforcé la fierté des bénévoles qui s’y engagent.

5.2. Les obstacles à la participation sociale

Sur le plan de la composante individuelle, comme l’indique Duperré (2008b), il ne faut pas s’attendre à ce que chacun participe. Des barrières personnelles telles qu’un déséquilibre des sphères de vie, une trajectoire biographique défavorable ainsi que l’absence de motivation peuvent empêcher les personnes de participer socialement (Turcotte et Gaudet, 2010; Ayer et al., 2009; Desmarquis, 2009; Barré, 2009; Fréchette, 2000, Comeau, 1995). Dans le cas d’« Habitations Vivre Chez Soi », la contrainte du temps a été évoquée par l’ensemble des participants. Pour les jeunes et les adultes, la sphère du travail ou des études et de la famille accapare la majorité de leur temps. Ils se résignent donc à diminuer ou à éliminer les périodes consacrées à la sphère du bénévolat. Dans ce cas-ci, le degré d’investissement dans certaines sphères de leur vie étant prononcé, il rend impossible pour eux de s’impliquer (Barré, 2009). Le manque de temps est aussi un obstacle qui est rapporté par les aînés lors des entrevues. Ceux-ci jonglent avec de multiples implications engendrant ainsi des conflits d’horaire. Ils se retrouvent à prioriser l’une d’entre elles au détriment des autres. L’implication à « Habitations Vivre Chez Soi » est alors compromise. Particulièrement pour cette tranche d’âge, au point de vue de la trajectoire biographique défavorable, l’état objectif de santé détermine leur niveau de volontariat (Raymond 2007).

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En effet, les aînés ont unanimement déclaré avoir ralenti ou abandonné leur implication à un moment dû à des problèmes de santé. Puis, le manque de motivation persuade des bénévoles à mettre fin à leur participation sociale (Ayer et al., 2009). À cet effet, un exemple qui fut observé est celui d’un participant qui a décidé d’abandonner le groupe du jardinage collectif puisqu’il ne s’est pas trouvé une réelle passion pour ce loisir.

En ce qui concerne la composante interpersonnelle, il a été possible de constater une démobilisation des participants aux différents comités et activités d’« Habitations Vivre Chez Soi » à la suite de difficulté d’intégration, d’attitudes et de comportements négatifs ainsi que d’une cassure dans le processus de cohésion idéologique du groupe. Tout d’abord, comme le mentionne Desmarquis (2009), les nouveaux bénévoles sont parfois confrontés à des difficultés d’intégration avec les autres membres du groupe en place, ce qui fait en sorte de diminuer leur participation. Selon les dires des participants, les débuts de leur engagement dans les comités et activités ne se sont pas déroulés sans heurts. Ils ont dû faire face à de la résistance de la part des anciens bénévoles dans leur désir de faire partie du groupe. Selon les propos rapportés dans les groupes de parole, certains ont même abandonné l’idée de s’impliquer parce qu’ils ne se sentaient pas la bienvenue. Ensuite, des attitudes et des comportements négatifs envers des membres peuvent conduire aussi à leur départ du groupe (Desmarquis, 2009). Il y a eu, en effet, des gestes commis de la part de participants envers d’autres qui ont eu un impact sur leur désir de poursuivre leur participation sociale. Certains ont été victimes de moquerie ou de critiques personnelles sur leur travail accompli dans l’organisme. Tandis que des comportements plus subtils, comme chuchoter pendant que la personne émet son point de vue ou se faire couper la parole, ont été aussi des situations vécues par des participants qui ont affecté négativement leur participation.

Toujours en lien avec la composante interpersonnelle, la source de tension dans un groupe peut provenir d’une cassure dans le processus de cohésion idéologique (Duperré, 2008a; Comeau, 1995). Lors de l’analyse des résultats, certains participants ont indiqué comme irritant, celui de ne pas avoir la même vision du groupe. Des participants percevaient le comité comme étant un lieu de socialisation, tandis que d’autres entrevoyaient celui-ci

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comme un groupe axé sur l’accomplissement de projets. Ceux dont leur vision était moins présente dans le groupe manifestaient leur frustration. Ils se sentaient moins concernés et donc leur participation s’est amoindrie. Ce phénomène peut être comparé à ce qu’observait Duperré (2002) pour un regroupement en santé mentale où la participation des membres fluctuait en fonction de la convergence entre la stratégie adoptée par le regroupement à des moments particuliers de son histoire et les raisons pour lesquels les membres participaient. De plus, dans la recherche de Duperré (2008a), il est démontré que lorsque l’aspect de l’entraide ou celui de l’action politique se faisait plus présent dans le groupe, ceux préférant cette fin démontraient un enthousiasme palpable, tandis que les autres ressentaient une certaine lassitude. Ainsi, les participants renforçaient leur sentiment d’appartenance au groupe ou se démobilisaient.

Relativement à la composante organisationnelle, l’absence d’accompagnement individuel et collectif, le manque de communication au sein de l’organisme ainsi que des attitudes négatives de la part des administrateurs et intervenants ont été répertoriés comme des sources de désengagement. Aux « Habitations Vivre Chez Soi », des participants ont déserté les comités et les activités parce qu’ils n’étaient pas soutenus dans leur projet. Ils se sentaient abandonnés par l’organisme. Cet indicateur concorde avec les résultats de l’étude de Foisy (2013) dans laquelle il mentionne qu’un dispositif d’aide et d’accompagnement individuel et collectif est une condition nécessaire à la participation. Sans intervenant, il est difficile de créer des liens significatifs avec les participants et de les appuyer dans leurs actions. Cet auteur indique que l’intégration des personnes aux espaces de participation dans l’organisme devient donc moins accessible. De plus, le manque de communication entre les administrateurs et les participants a aussi été dévoilé comme étant un frein à l’implication. Les résidents de ce milieu de vie recevaient des réponses tardives à leurs questions ou n’obtenaient pas de suivi concernant des projets en branle. Comme l’indiquent Lamoureux et al. (2009), un réseau d’information incompréhensible et inaccessible à l’intérieur de l’organisme suscite des attitudes nuisibles affectant l’implication. Compte tenu de ce qui précède, les résidents ont développé un sentiment de méfiance et de colère vis-à-vis les administrateurs. Ce manque de transparence à leur égard les a rebutés dans leur volonté de participer. Puis, la façon d’agir d’administrateurs et d’intervenants peut être en

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cause dans la perte d’intérêt des participants à demeurer actif dans les groupes (Desmarquis 2009). D’ailleurs, ce fut le cas dans l’organisme « Habitations Vivre Chez Soi » où des membres ont été confrontés à des manières de faire et d’être avec lesquelles ils n’étaient pas d’accord. Il a été question, entre autres, du manque d’écoute, d’imposition d’idées et d’absence de leadership.

Du côté de la composante environnementale, l’analyse de la structure des enjeux et des opportunités a démontré que les organisations, comme celle d’« Habitations Vivre Chez Soi », se heurtent au phénomène de l’individualisme. Cette mentalité que les participants ont nommée « le chacun pour soi » enclenche un désengagement des personnes à la collectivité. Ils ne se sentent pas concernés par les enjeux de leur milieu de vie. Comme le mentionne Havard Duclos et Nicours (2005), ils s’impliquent peu socialement par souci d’autonomie et de liberté.

Pour terminer, les facteurs favorables ainsi que les obstacles à la participation sociale, qui ont été révélés jusqu’à présent dans la discussion, sont similaires à ce qu’il est possible de retrouver dans la littérature, malgré certaines nuances. Toutefois, l’analyse des résultats a permis de déceler certaines caractéristiques uniques au contexte de mixité sociale ayant un impact favorable ou néfaste sur la participation sociale. La prochaine section approfondira ces découvertes.

5.3. Les facteurs et obstacles spécifiques à une habitation collective de mixité sociale