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L’impact de la mixité sociale sur la participation sociale

4. LA PRÉSENTATION DES RÉSULTATS

4.5. L’impact de la mixité sociale sur la participation sociale

À travers l’analyse des données, la mixité sociale est apparue comme étant un phénomène qui influence la participation sociale. La mixité intergénérationnelle et la mixité socioéconomique peuvent être déterminantes dans la participation sociale des bénévoles à « Habitations Vivre Chez Soi ».

Tout d’abord, au point de vue des facteurs favorables de la composante individuelle, il y a des bénévoles qui ont décidé de demeurer et de participer socialement aux « Habitations Vivre Chez Soi » afin d’atteindre la mission de l’organisme, c’est-à-dire de vivre en communauté tout en étant ouvert aux différences. Ceux-ci partagent des valeurs d’inclusion de tous dans un même milieu de participation sociale. Ils ont été interpellés par l’aspiration à la mixité sociale.

Tout d’abord, quand j’ai connu le projet, je savais qu’il y avait de la proximité entre les voisins et c’était important qu’entre voisins on ait des échanges et aussi le projet en soi, il est conçu pour qu’on se mélange entre plusieurs générations et je trouvais ça intéressant de voir les autres un peu comme ma famille. (Participant 4)

Quand je suis venue vivre ici, c’est le genre de projet qui me plaisait. C’est l’idée que les gens ne sont plus catégorisés. Je suis contre l’idée des projets qui font que les personnes âgées sont ensemble, handicapées, familles, etc. pour que tous vivent seuls. Enfin un projet où tout le monde va vivre en groupe. On est fait pour vivre en groupe ou en société. Quel beau projet! Surtout pas trop gros. Il faut que nous soyons là pour tout le monde pas seulement pour les personnes âgées. (10e groupe de parole)

Quand je suis arrivé ici, on avait vu que le but c’était d’avoir aussi de l’entraide entre les différentes personnes. C’était même écrit dans nos contrats. Il faut vouloir participer. Cela m’interpellait parce que je me disais que je vais pouvoir le faire. (Participant 2)

Toutefois, selon les propos relatés lors des entrevues et des groupes de paroles, ce but est difficile à atteindre. Sur le plan des obstacles de la composante interpersonnelle, la mixité sociale est à l’origine de conflits de cohabitation qui compromettent la participation sociale dans le milieu de vie. À cet effet, les différences de réalité vécues entre les familles et les

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personnes âgées compliquent le tissage de relations harmonieuses dans les espaces de participation sociale.

On n’a pas de vie communautaire entre les autres blocs. Il y a quand même une différence de génération, c’est difficile. Il y a un écart générationnel, mais je respecte les personnes âgées. Je me sens moins dans mon élément. Je suis plutôt discret. (9e groupe de parole)

Dans notre communauté [nom de la communauté d’origine], les enfants bougent beaucoup, parlent fort, mais ici tout se fait en silence. Cela crée des frictions, car les personnes âgées aiment ça quand c’est tranquille. (Participant 4)

Quelques fois, au début du projet potager, si on fait la comparaison d’âge de chaque participant, entre moi et les autres participants, on a un petit écart. On comprend que plus qu’on est vieux, plus que parfois nous sommes têtus. (Participant 8)

Parallèlement, l’absence d’un endroit commun afin que les différents groupes sociaux interagissent entre eux est un obstacle de la composante organisationnelle qui rend aussi difficile l’apprivoisement de chacun. La salle communautaire est située dans l’immeuble destiné aux personnes âgées. Les aînés profitent donc de la proximité de la salle communautaire pour y tenir plusieurs activités, tandis que les familles et les personnes seules n’ont pas le sentiment qu’ils peuvent y venir. De plus, les résidents des immeubles voisins ne possèdent pas la clef de la salle communautaire pour une question de sécurité. Ils doivent donc demander la permission pour y accéder, ce qui complique davantage l’appropriation du lieu. Ces deux éléments font en sorte que les familles et les personnes seules, même si dans les faits la salle communautaire est disponible pour l’ensemble des résidents d’« Habitations Vivre Chez Soi », ont l’impression qu’ils ne sont pas la bienvenue. Au final, les résidents ont peu d’occasions et de lieux pour se côtoyer et surmonter les préjugés et la peur de l’autre.

C’est sûr que dans mon cas, j’essaye de me mettre à la place des autres pour comprendre leur réalité et leur façon de voir la vie selon leur âge et leur expérience. Je n’ai pas eu des prises de bec avec eux, mais éventuellement c’est difficile parce que je remarquais surtout que les personnes âgées, elles ont une mentalité un peu erronée de certaines choses par exemple pour le partage des

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espaces. C’est un peu égoïste. J’ai toujours ressenti ça et ça été exposé dans les rencontres. Ils nous voient comme les autres d’enface, au lieu comme nous la communauté, nous les trois bâtiments, nous les trois groupes. Ça ressort beaucoup que les représentants plus âgés sont très réticents. Ils ont peut-être peur étant donné qu’ils ne nous connaissent pas. Ils ne nous font pas confiance. Pour la salle communautaire, ils vont toujours avoir peur que quelqu’un vient pis fasse de quoi. Je ne sais pas s’il y a déjà eu des problèmes, des vols, mais je ne pense pas parce que sinon nous serions au courant. (Participant 4)

Ici, c’est comme un petit quartier relié par les trois blocs et on devrait offrir plus facilement à la collectivité la salle pour les trois blocs. Il serait agréable d’avoir plus de lieux communs et de services communs. (2e

groupe de parole).

Des personnes ont des réticences à ce que les jeunes et d’autres personnes viennent à la salle communautaire de peur qu’ils ne se promènent sur les étages. (3e groupe de parole)

Il existe une vie communautaire qui est à l’Argousier, mais c’est leur vie communautaire. Je me sens à l’extérieur. On dirait que la salle communautaire leur appartient. Ce n’est pas une vraie salle communautaire. L’accessibilité est difficile. (7e groupe de parole)

Bref, l’aménagement des espaces publics ne favorise pas l’acceptation durable des différences et la participation sociale au sein d’« Habitations Vivre Soi ».

Toujours en lien avec les obstacles de la composante organisationnelle, la participation sociale en contexte de mixité sociale serait accentuée si un intervenant y était totalement dédié et proposait des activités qui rejoignent l’intérêt de tous les groupes représentés. D’ailleurs, les résidents d’« Habitations Vivre Chez Soi » ont proposé d’engager une ressource additionnelle dans l’organisme qui serait sensible aux particularités de chacun et supporterait des activités qui conviendraient à tous.

Ça prendrait deux personnes au lieu d’une pour travailler à HVCS dont une personne uniquement à l’animation communautaire. (3e

groupe de parole)

Ce serait intéressant d'avoir une personne de plus qui travaille à HVCS pour parrainer de nouveaux projets qui ne soient pas juste des activités. (6e groupe de parole)

Faire un peu plus d’activités en fonction des intérêts communs, des activités choisies entre nous. (1er groupe de parole)

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Dans le rapport final sur la vie communautaire d’« Habitations Vivre Chez Soi » découlant des groupes de parole, l’une des recommandations est d’embaucher un employé afin d’animer des activités intergénérationnelles et interculturelles. Suite à ce rapport, les membres du conseil d’administration ont décidé de recruter un agent de vie communautaire. Selon un participant à l’entrevue, sa venue a favorisé la participation sociale de bénévoles plus jeunes.

Ils l’ont engagé. J’étais bien content qu’il y ait un changement. Le fait d’avoir cet employé-là contribue à ce qu’il y ait une meilleure ambiance. En général, on s’aperçoit aussi qu’il y a des nouveaux bénévoles qui s’impliquent, qui sont plus jeunes un peu. Cela change l’ambiance. (Participant 2)

En définitive, le contexte de mixité sociale joue un rôle non négligeable dans la participation sociale des résidents à « Habitations Vivre Chez Soi ». Au départ, la mixité sociale est perçue comme une motivation à s’engager dans l’organisme. Toutefois, les discordances de mode de vie entre les différents groupes sociaux provoquent des conflits de cohabitation et amenuisent la participation sociale dans les activités et comités à « Habitation Vivre Chez Soi ». Afin d’atteindre une cohésion sociale et de stimuler la participation dans un milieu de mixité sociale, il semble opportun d’aménager adéquatement des lieux publics neutres où chacun pourra s’apprivoiser et désamorcer les préjugés. Puis, le support d’un animateur communautaire, destiné à faciliter les relations entre les résidents de différents âges et classes socioéconomiques, ressort comme étant une condition optimale afin d’assurer la participation sociale de tous.

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