• Aucun résultat trouvé

Les facteurs de vulnérabilité de l'aidant familial

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 28-31)

L’étude Pixel (Thomas et al., 2005) observe parmi les aidants de personnes souffrant de démence, une vulnérabilité liée à deux ensembles de facteurs. Le premier concerne les éléments liés à l’évolution de la maladie chez la personne malade, le second implique les caractéristiques propres à l'aidant.

2.6.1 Facteurs liés à l’évolution de la maladie du parent malade

Ces facteurs concernent la dépendance du proche, le déclin de ses fonctions exécutives et le fardeau (Thomas et al., 2005).

2.6.2 Facteurs liés aux caractéristiques de l'aidant familial

Les caractéristiques propres à l’aidant concernent des critères tels que son âge, son état de santé physique et psychologique et l’accès au système de santé pour lui-même (Thomas et al., 2005). Le sentiment de solitude et la qualité de vie du proche impactent la vulnérabilité de l’aidant. Les femmes montrent plus de sensibilité à la vulnérabilité que les hommes. Le concept de vulnérabilité est proche du concept de fragilité. La fragilité « témoigne d’une réduction des réserves physiologiques et d’un amenuisement de l’efficacité des systèmes assurant l’homéostasie du milieu intérieur, limitant ainsi les capacités d’adaptation au stress ou au changement d’environnement » (Thomas et al., 2005, p. 208).

16

Les résultats de l’étude pixel (Thomas et al., 2005) isolaient un groupe à vulnérabilité sévère.

Ce groupe était constitué d’aidants principaux (n= 784), essentiellement de conjointes avec un âge moyen de 68 ans. Ils révélaient deux clusters selon leur qualité de vie. Un cluster était composé de 316 aidants dont 150 hommes et 166 femmes. L’autre groupe appelé aidants fragiles (n=469) était composé de 71 % de femmes avec une moyenne d’âge de 67,6 ans. Ces derniers déclaraient peu de bien-être dans la relation avec l’aidé et rapportaient peu de satisfaction dans la qualité de leur prise en charge.

2.6.3 Sentiment d'abandon et distance sociale de la communauté perçus par les aidants

2.6.3.1 Sentiment d’abandon parmi les aidants familiaux

Une partie de l’étude pixel concernait l’aspect subjectif des difficultés familiales associées à l’accompagnement d’un parent jeune ou âgé vivant au domicile avec une démence de type Alzheimer ou trouble apparenté (Thomas et al., 2005). Ces difficultés étaient évaluées par un auto questionnaire comprenant 42 questions, séparé en deux parties. L’une comprenait des questions concernant les caractéristiques de l’aidé et l’historique de la maladie. L’autre concernait le proche aidant dans sa relation à l’aidé et rapportait ses besoins, désirs, difficultés et plaintes (Thomas et al., 2005). Les questions cherchaient à accéder au ressenti personnel et psychologique lié à l’impact de l’accompagnement. Les proches aidants étaient principalement des hommes (n=29) d’âge moyen de 59,30 ans, les femmes (n=27) déclaraient un âge moyen de 56,33 ans. Il s’agissait principalement de conjoints (n=49), père (n=1), frères ou sœurs (n=5), fils (n=1). Parmi les problèmes rencontrés au quotidien, les aidants rapportaient les visions désobligeantes de l’entourage et de la société vis-à-vis de la maladie (Thomas et al., 2005). Par ailleurs, la principale source de difficultés des proches aidants de déments jeunes (- 60 ans) ou âgés (+ 60 ans) représentait le sentiment d’abandon par la société ou du corps médical (Thomas et al., 2005).

2.6.3.2 Distance sociale de la communauté perçue par les aidants familiaux

Les aidants familiaux sont inscrits dans une démarche de solidarité et d’empathie envers leur parent (Kleinman, 2009). Ce chercheur suggère qu'à travers les soins donnés à leurs proches, les aidants familiaux complètent leur humanité. Mais force est de constater que la communauté sociale ne montre pas autant de solidarité et d’humanité envers les aidants.

17

Pourtant, le rapport du conseil de bioéthique préconise que l’ensemble de la communauté fasse preuve d’autant de solidarité envers les proches aidants que ceux-ci transmettent de solidarité envers leurs proches parents (Nuffield Council on Bioethics, 2009). D'ailleurs, la littérature rapporte parmi les proches aidants des expériences significatives de soutien dans le contexte de l’aide (Villez et al., 2008). Elles concernent les actions sanitaires et sociales offrant des formules de répit aux aidants de personnes atteintes de MA à domicile, en accueil de jour, cafés Alzheimer, centre de proximité et institutions.

Néanmoins, il est observé majoritairement un délitement des relations sociales autour du proche aidant. De nombreuses études révèlent parmi les aidants familiaux un sentiment d’abandon (Thomas & al., 2005), un sentiment de solitude (Hazif-Thomas & Thomas, 2002), un retrait social du proche aidant (Caron & Caron, 2011), un déficit dans les relations sociales au détriment de la relation avec le proche aidé (Pillemer & Suitor, 2002). Enfin, il est noté la présence de stigmatisation du proche aidant et de son parent aidé souffrant de MA (Pitaud et al., 2007). Par exemple, l’étude de Pin, Bodard, & Richard (2010) évaluait les perceptions, opinions et attitudes à l’égard de la maladie d’Alzheimer. Parmi les répondants, 25 % des proches aidants interrogés se sentaient exclus par l’entourage amical et familial en raison de la maladie de leur proche. Un autre exemple concerne l'étude de Carpentier, Ducharme, Kergoat,

& Bergman (2008). Ces derniers cherchaient à connaître parmi les aidants familiaux les représentations sociales des obstacles à la recherche de soins au cours du premier stade de la maladie. Leurs résultats révélaient que les aidants n’étaient pas tous égaux dans la recherche d’alliance pour nouer de nouveaux liens avec les professionnels. Pourtant, ces réseaux de professionnels offraient une opportunité de soutien social à l’accompagnement du proche.

Cette étude converge avec d'autres recherches mentionnant que la relation parfois fusionnelle, intime et nouée de réciprocité avec le proche, réduit la fréquentation des réseaux de soins, ce qui a pour conséquence le rétrécissement des interactions sociales avec le réseau extérieur (Carpentier et al., 2008). Cette recherche notait aussi la peur de la stigmatisation des proches aidants et de leur parent souffrant de MA, indiquée comme un élément de la réticence à rechercher des soins extérieurs.

Nous venons d'attirer l'attention sur l'interdépendance entre deux proches au sein de la famille et de montrer en quoi la singularité de la MA remaniait leur relation privée et sociale.

Ces constats nous révèlent également que l'aidant familial d'un parent souffrant de MA est soumis à une double problématique. L’une est liée à la vulnérabilité générée par la situation d’aide au parent souffrant de MA, dont les effets ont été largement observés. L’autre est

18

relative aux réactions sociales de stigmatisation face à la MA, dont les sources, les processus et les corrélats ont été beaucoup moins explorés. Pourtant, non seulement la stigmatisation publique touche les personnes souffrant de MA mais encore ce processus contamine leurs proches familiaux sous forme de stigmatisation familiale. De plus les personnes souffrant de MA autant que leurs aidants familiaux peuvent développer des réactions d'internalisation face à la stigmatisation publique, soit le stigmate inte rnalisé chez le proche aidé ou d'affiliation lorsqu'il concerne l'aidant. Enfin, l'environnement social et institutionnel peut être vecteur de stigmatisation structurelle.

En dépit de l'importance des effets délétères de la stigmatisation en général et de la stigmatisation de la MA en particulier, en France nous relevons peu de littérature approfondie sur le sujet. Aussi pour éclaircir les connaissances sur les différentes formes de stigmates, en comprendre l'enjeu et aborder les effets, la partie suivante présente des éléments théoriques et empiriques sélectionnés pour leur pertinence relative à notre sujet de recherche.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 28-31)