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Facteurs de qualité de vie compromis par la stigmatisation chez les personnes souffrant de MA

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 92-95)

3.1.3.2.5.2 Approche des neurosciences

4. Stigmates, stigmatisation et maladie d'Alzheimer

4.4 Facteurs de qualité de vie compromis par la stigmatisation chez les personnes souffrant de MA

La qualité de vie représente l'équilibre entre la santé physique, l'état psychologique, le degré d'indépendance, les valeurs, les relations à l'environnement et les interactions sociales de l'individu (World Health Organization [WHO], 1995). S'intéresser à la qualité de vie des personnes souffrant de MA revient à considérer la part subjective des effets de la maladie.

C'est se soucier des demandes, du degré de satisfaction et du bien-être des personnes (Mabire

& Gay, 2013; Missotten, Squelard, & Ylieff, 2010). Finalement, son évaluation permet d'adapter la prise en charge au plus près des attentes du patient (Mabire & Gay, 2013).

D'un autre côté, la stigmatisation compromet la qualité de vie des personnes stigmatisées (Rosenfield, 1997; Link & Phelan, 2001) et celle de leurs proches aidants (Chou, Pu, Lee, Lin,

& Kröger, 2009). Le stigmate montre des effets délétères sur la vie des personnes souffrant de démence (Burgener & Twig, 2002; Chapman, Williams, Strine, Anda, & Moore, 2006;

Garand et al., 2009; Graham et al., 2003; Katsuno, 2005; Reidpath, Chan, Gifford, & Allotey, 2005). La stigmatisation est associée à un appauvrissement des interactions sociales en raison d'un processus de distance sociale marqué par l'évitement, l'ignorance ou l'exclusion.

Inversement, les interactions constituent un facteur important de qualité de vie des personnes souffrant de MA (WHO, 2012), indépendamment d'autres facteurs (Missotten et al., 2010), la qualité des relations représente un critère d'influence positive dans la vie des personnes souffrant de démence (Clare et al., 2014). Une étude longitudinale sur 5 ans a interrogé des personnes démentes et leurs aidants (n = 1500) sur les facteurs qui soutiennent ou diminuent leur qualité de vie. Parmi leurs résultats, la perte de contact avec les amis, l'isolement et le sentiment de solitude constituaient des éléments d'altération (Clare et al., 2014).

Le lieu de résidence influe sur la vie de la personne souffrant de MA (Missotten et al., 2010).

D'ailleurs, Clare et al., (2014) mentionnent que le confinement au domicile représente un indicateur objectif d'appauvrissement de qualité de vie de la personne souffrant de démence Parallèlement, l'évolution de la maladie prédit l'institutionnalisation de la personne malade en établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Bérard et al. (2015) notent que 63

% des personnes souffrant de MA ou maladie apparentée résident à leur domicile ou équivalent, quand 37 % vivent en institution. Mais, le changement de résidence vers l'EHPAD peut conduire à un sentiment de stigmatisation voire d'expérience de discrimination du patient et de son aidant (Pitaud et al., 2007). A vrai dire, il n'y a pas de consensus observé sur la

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perception de stigmatisation selon le type de résidence des personnes souffrant de sévères désordres mentaux (Depla, De Graaf, van Weeghel, & Heeren, 2005).

4.4.1 Pourquoi la distance sociale envers une personne souffrant de MA affecte-t-elle sa qualité de vie ?

Les comportements de distance sociale affectent la qualité de vie parce qu'ils compromettent le sentiment d'appartenance de l'individu (Depla et al., 2005). En effet, les processus de coopération et d’interdépendance développés au cours de l'évolution (Smart Richman &

Leary (2009) ont affirmé la nécessité humaine d’appartenance (Baumeister & Leary, 1995).

Elle se réalise à travers une identité acceptée et valorisée par les pairs (Tajfel & Turner, 1979) qui sécurise le sujet sur sa place parmi les autres dans la société (Schmitt, Branscombe, Postmes, & Garcia, 2014).

Inversement, le rejet social menace les différentes composantes de la vie des individus. C'est ainsi que la discrimination perçue (Paradies, 2006) comme l'expérience de discrimination (Major & O'Brien, 2005) provoquent des conséquences émotionnelles et cognitives immédiates à tel point que l'on note des effets délétères sur la santé (Smart Richman & Leary, 2009) notamment sur la qualité de vie (Depla et al., 2005).

L'étude de Harmann & Clare (2006) interrogeait des personnes diagnostiquées au premier stade de la MA qui déclaraient se sentir exclues des relations sociales. Katsuno (2005) réalisait une étude qualitative parmi 23 personnes souffrant de MA au stade débutant. Les participants déclaraient une bonne qualité de vie. Néanmoins, l'analyse de leur discours révélait majoritairement l'expérimentation d'une souffrance devant la dévaluation et l'ignorance de leur personne. Ils rapportaient la peur de la perte de leurs amis et celle de l'isolement. Koopmans, van der Molen, Raats, & Ettema (2009) effectuaient une étude sur l'association entre les troubles du comportement et la qualité de vie parmi 39 patients au dernier stade de la démence. Leurs résultats indiquaient une corrélation négative entre la sévérité de la maladie et les relations sociales. Les patients, malgré leurs faibles capacités de communication verbale, déclaraient toute l'importance des relations sociales pour leur qualité de vie (Koopmans et al., 2009).

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4.4.2 Stigmate structurel et qualité de vie des personnes souffrant de MA

Le stigmate structurel représente un indicateur social de santé (Hatzenbuehler & Link, 2014).

Un exemple de discrimination structurelle concerne l'implantation de lieux de consultations et d'informations ou de soins peu accessibles (Link & Phelan, 2006) qui peut s'avérer complexe pour l'accès et l'orientation des personnes souffrant de MA. Un autre exemple est visible dans les institutions qui hébergent des personnes souffrant de MA, dont certains secteurs sont cloisonnés ou retirés de la vie de la collectivité au prétexte de sécurité, de déambulation incontrôlée ou de sévères troubles du comportement. Inversement, l'accessibilité au voisinage, le sentiment de sécurité comme la participation sociale représentent des ressources sociales importantes pour la personne souffrant de démence (Clare et al., 2014).

Link & Phelan (2006) mentionnent que le stigmate structurel positionne les personnes dans une situation sociale désavantagée en raison de la limitation de leurs ressources, ce qui contraint leur accès à des facteurs protecteurs (ex : réseau social) et potentiellement ajoute à l'embarras de la maladie au point que la discrimination structurelle réduit les ressources sociales, les opportunités (Link & Phelan, 2001) et compromet la qualité de vie des personnes.

L'examen de la stigmatisation dans la qualité de vie des personnes souffrant de MA représente un enjeu de santé publique. Comme l'augmentation du nombre de personnes souffrant de MA suit l'augmentation de la longévité, le nombre de personnes démentes pourrait atteindre 14 millions en Europe d'ici 2050 (Mura, Dartigues, & Berr, 2010). Ensuite, les politiques publiques recherchent l'amélioration de la qualité vie des personnes démentes tant au domicile qu'en institution. Contraires à cet objectif, les effets délétères de la stigmatisation peuvent entraîner une altération de la santé des personnes souffrant de MA et de leurs aidants, d'où le désavantage pour la qualité de vie des personnes souffrant de MA et leurs aidants qui laisse présumer de soins plus coûteux dont la collectivité pourrait en partie faire les frais (Bérard et al., 2015).

Malgré ce contexte, aucune étude à notre connaissance, ne s'est intéressée au lien entre stigmatisation et qualité de vie des personnes souffrant de MA. Particulièrement, aucune étude à notre connaissance ne s'est intéressée au lien entre stigmate familial perçu par l'aidant et qualité de vie de son proche souffrant de MA.

Ce sera l'objet de l'étude N°4.

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