CHAPITRE 1 : Introduction 1
1.2 La chromatine 27
1.2.3 Régulation de la dynamique de la chromatine 38
1.2.3.1 Les enzymes catalysant les modifications post-‐traductionnelles des histones 38
Alors que les premières MPTs des histones ont été découvertes il y a plus de 50 ans238,
l’identification des enzymes catalysant ces modifications et leur lien avec la régulation de la transcription n’ont été élucidés que 30 ans plus tard239,240. Depuis, un certain nombre de coactivateurs transcriptionnels comme CBP/p300 ont été identifiés comme ayant une activité intrinsèque histone acétyltransférase (HAT)241. De la même façon, plusieurs
corépresseurs de l’activité transcriptionnelle, comme Rpd3, ont été montré comme présentant une activité histone déacétylase (HDAC)179.
Les enzymes
Les enzymes modifiant les histones sont classées par familles, avec entre autres les histone acétyltransférases (HATs), les histone déacétylases (HDACs), les histone méthyltransférase (HMTs), les histone démethylases (HDMs), les kinases et les phosphatases.
Les HATs peuvent elles-mêmes être groupées en trois familles en fonction de leur domaine catalytique : les GNATs (Gcn5 N-acteyltransferase) comme Gcn5, PCAF et Hat1 ;; la famille MYST nommée par ses membres fondateurs MOZ/Morf, Ybf2, Sas2 et Tip60 ;; et une classe orpheline ne possédant pas de domaine HAT consensus comprenant par exemple p300/CBP et Taf1242. En général, en opposition aux HATs, les
dont les membres sont apparentés à la protéine Rpd3 de levure, la classe II (HDAC 4-7, 9 et 10) est apparentée à la protéine Hda1p de levure et la classe IV contient un seul membre, HDAC11. Les HDACs de la classe III quant à elles sont des enzymes dépendantes du co-enzyme NAD (nicotinamide adenine dinucleotide) apparentées à la protéine Sir2 de levure243. Les HATs tout comme les HDACs font généralement partie de
complexes multiprotéiques et la même enzyme peut participer à différents complexes aux fonctions spécifiques242,244. Les HATs et les HDACs ne ciblent pas uniquement les
histones. En effet, elles catalysent également des modifications sur des protéines non histone dans le noyau, le cytoplasme et la mitochondrie245.
La méthylation des histones a lieu principalement au niveau des histones H3 et H4 (Figure 1.15). Plus de 60 HMTs, catalysant le transfert de groupements méthyle du donneur SAM (S-adenosylmethionine) à des résidus amines (lysines et arginines), ont été identifiées chez l’homme. L’état de méthylation d’un résidu donné (mono-, di- ou tri-méthylation) permet une régulation fine de sa fonction biologique246. Contrairement à d’autres MPTs, la méthylation peut jouer un rôle actif ou répressif en fonction de son état et de sa position sur l’histone. Deux grandes familles d’HMTs existent : les methyltransférases ciblant les lysines (KMT, pour lysine (K) methyltrasferase) et celles ciblant les arginines. En particulier, basé sur la séquence et la structure de leur domaine catalytique, les KMTs peuvent être classifiées en deux sous-groupes : la famille DOT1L (DOT1-like) et la famille à domaine SET (Suppressor of variegation, Enhancer of zeste, Trithorax)247. La réversion
de la méthylation quant à elle, a été décrite pour la première fois en 2004 avec la découverte de la déméthylase de la lysine 4 de l’histone H3 (H3K4) LSD1 (lysine specific demethylase 1), aussi connue sous le nom de KDM1A (lysine specific demethylase 1A)248. Il existe deux grandes familles de déméthylases de lysines définies par leur structure et leur mécanisme d’action: la famille LSD et la famille à domaine Jumonji249. Les activités HMTs et les HDMs peuvent faire partie de complexes multi-protéiques et également modifier des protéines non histones.
Figure 1.15: Les enzymes régulant la dynamique des principales méthylations de lysine des histones H3 et H4.250
Différents résidus lysine peuvent être méthylées sur les histones H3 et H4. Ces modifications sont réversibles, des histone déméthylases contrecarrant l’effet des histone méthyltransférases.
La première kinase phosphorylant une protéine histone a été identifiée en 1968251. Depuis,
des phosphorylations ont été identifiées sur l’ensemble des histones, les plus caractérisées étant celles de l’histone H3. Ces modifications sont catalysées par des kinases distinctes qui sont principalement spécifiques à certains résidus, bien qu’un résidu puisse être phosphorylé par plusieurs kinases252. Le rôle mécanistique précis de la phosphorylation des histones dans la régulation de la structure de la chromatine n’est pas encore complètement élucidé. Elle semble néanmoins jouer un rôle dans la transcription, la réparation, la mitose et l’apoptose. Par exemple, la phosphorylation de la serine 10 de l’histone H3 (H3S10) par différentes kinases est importante pour la régulation de l’activation génique. En effet, la phosphorylation de ce résidu par les kinases MSK (mitogen- and stress-activated kinase) 1 et 2 et par la kinase RSK2 (ribosomal S6 kinase) joue un rôle dans l’activation de gènes de réponse précoce à la stimulation par des mitogènes comme c-fos et c-jun253–255. Par ailleurs, la phosphorylation de H3S10 médiée
par IKK-α (IκB kinase-α) a lieu au niveau de promoteurs répondant à la voie NF-κB suite à la stimulation par des cytokines256. De plus, cette phosphorylation peut être catalysée
par la kinase Pim1 au niveau de gènes cibles de Myc, contribuant ainsi à leur activation transcriptionnelle après stimulation par des facteurs de croissance257. Le rôle des
Recrutement des activités enzymatiques
La combinaison précise de modifications d’histones spécifiques à un locus donné est contrôlée par le ciblage des enzymes catalysant ces modifications à une région du génome et par la spécificité intrinsèque de ces enzymes pour un substrat donné. Dans le cas de la transcription, le ciblage des MPTs sur les nucléosomes dépend d’interactions entre des enzymes modifiant les histones et des régulateurs transcriptionnels se liant spécifiquement à certaines séquences de l’ADN.
À titre d’exemple, le complexe HAT de levure SAGA interagit avec les domaines d’activation d’un grand nombre d’activateurs transcriptionnels spécifiques, permettant ainsi de cibler l’activité HAT à des régions promotrices spécifiques in vivo258–260. De la même
façon, des récepteurs nucléaires hormono-dépendants non liés à leur ligand interagissent avec des complexes HDAC, comme NCoR (nuclear receptor corepressor) et SMRT (silencing mediator for retinoid and thyroid hormone receptors), pour diriger l’activité histone déacétylase au niveau de certains gènes afin de réguler la répression de leur expression261. En plus d’être ciblées par l’intermédiaire de régulateurs spécifiques, les HMTs de levure Set1 et Set2 peuvent s’associer directement à l’ARN Pol II afin de catalyser la méthylation des lysines 4 et 36 de l’histone H3 (H3K4 et H3K36), respectivement, au cours de l’élongation262–265.
Une stratégie très différente utilise des courts ARNs non codants pour diriger la méthylation de la lysine 9 de l’histone H3 (H3K9) au niveau de la chromatine localisée à proximité des centromères. Ce mécanisme est le mieux décrit chez la levure S. pombe où les régions centromériques, caractérisées par des séquences répétées, sont transcrites à de faibles niveaux266,267. Les ARNs résultant sont alors pris en charge par la machinerie d’interférence à l’ARN qui les transforme en courts ARN non codants (siARNs) capables de s’associer au complexe RITS (RNA-induced transcriptional silencing complex)268,269. Le nouveau complexe ribonucloprotéique ainsi formé est ciblé au niveau des répétitions centromériques par l’intermédiaire de complémentarités de séquences ARN-ARN avec des transcrits centromériques naissants ou ARN-ADN centromérique et permet de recruter l’HMT Clr4p à ces régions270,271. La méthylation d’histone qui en suit mène au recrutement
de protéines comme l’homologue de HP1 (heterochromatin protein 1) qui contrôle la formation de structures d’hétérochromatine hautement condensées nécessaires à la fonction des centromères272. Un mécanisme similaire existe chez les mammifères,