CHAPITRE 1 : Introduction 1
1.2 La chromatine 27
1.2.3 Régulation de la dynamique de la chromatine 38
1.2.3.2 Les complexes de remodelage de la chromatine ATP-‐dépendants 42
Les facteurs de remodelage de la chromatine ATP-dépendants utilisent l’énergie provenant de l’hydrolyse de l’ATP pour stimuler une activité ADN translocase qui altère les interactions ADN-histone au niveau des nucléosomes cibles. Leur action peut mener à un désassemblage total ou partiel de nucléosomes, à l’échange d’histones pour des variants, à l’assemblage de nucléosomes, ou au mouvement d’octamères d’histones sur l’ADN (Figure 1.16.A-C). Ce remodelage peut rendre accessible des régions de l’ADN pour des protéines d’interaction ou, au contraire, promouvoir la compaction de la chromatine. Les activités de remodelage sont intégrées à d’autres mécanismes, comme les modifications des histones274.
Les facteurs de remodelage de la chromatine sont des complexes multi-protéiques dont la composition est très hétérogène. Ils se distinguent néanmoins par une activité ATPase associée à un nombre varié de sous-unités régulatrices permettant ainsi de contrôler différentes fonctions spécifiques. Tous les complexes de remodelage de la chromatine ATP-dépendants contiennent une sous-unité ATPase de la sous-famille Snf2 capable de mobiliser les nucléosomes en utilisant l’énergie issue de l’hydrolyse de l’ATP. De deux à vingt sous-unités non catalytiques s’associent à l’activité ATPase. Ces sous-unités additionnelles apportent d’autres domaines protéiques, comme des domaines de reconnaissance de MPTs sur les histones, leur permettant de jouer différents rôles. Elles peuvent par exemple réguler l’activité ATPase ou encore cibler la sous-unité catalytique au niveau de sites spécifiques sur le génome. Cela permet alors d’intégrer la réaction de remodelage dans le contexte physiologique d’un processus nucléaire, comme la transcription275,276.
La sous-unité catalytique des enzymes de remodelage consiste en un domaine ATPase associé à des domaines flanquants définis. Cette structure permet de les classifier en quatre familles : SWI/SNF, ISWI, CHD et INO8 (Figure 1.16.D).
Figure 1.16: Le remodelage ATP-dépendant de la chromatine.274,276
A. Modèles de remodelage ATP-dépendant des nucléosomes. B. Certains facteurs de
remodelage sont aussi capables de coopérer avec des chaperons d’histone afin d’assembler des nucléosomes. C. Les complexes de remodelage ont également la capacité d’équilibrer la distance entre des nucléosomes. D. Domaines protéiques caractérisant les familles de facteurs de remodelage de la chromatine ATP-dépendants. Tous les complexes de remodelage possèdent une sous-unité catalytique contenant un domaine ATPase associé à des domaines flanquants uniques.
Les membres de la famille SWI/SNF (switch/surcrose nonfermenting) sont définis par la présence d’un domaine N-terminal HSA (helicase-SANT), connu pour recruter l’actine ou des protéines apparentées à l’actine, et d’un bromodomaine C-terminal liant les lysines acétylées (Figure 1.16.D). Cette famille de facteurs de remodelage, des complexes protéiques d’au moins huit sous-unités, permet le glissement et/ou l’expulsion des nucléosomes, mais ne possède d’activité d’assemblage de la chromatine. La majorité des eucaryotes utilisent deux types de complexes SWI/SNF, composés des sous-unités
Par exemple, les complexes humains BAF (BRG1-associated factor) et PBAF (polybromo BRG1-associated factor) partagent huit sous-unités et diffèrent par la présence des sous- unités BAF180, BAF200 et BRD7 pour PBAF, et BAF250a pour BAF277–280. Les sous-
unités variant entre les deux complexes contribueraient au ciblage, à l’assemblage ainsi qu’à la régulation tissu-spécifique de leurs fonctions. En effet, uniquement PBAF est capable de faciliter l’activation transcriptionnelle ligand-dépendante par les récepteurs nucléaires in vitro et d’activer l’expression des gènes de réponse à l’interféron281,282.
La famille d’ATPases ISWI (imitation switch) possède un domaine C-terminal SANT adjacent à un domaine SLIDE (SANT-like ISWI) qui forment un module de reconnaissance des nucléosomes qui lie l’ADN et les queues non modifiées de l’histone H4283(Figure 1.16.D). Chez l’humain, les homologues de l’enzyme ISWI, Snf2H et Snf2L, s’associent avec une à trois sous-unités additionnelles pour former des complexes aux propriétés différentes. Par exemple, Snf2H est connu pour interagir avec les protéines Tip5, RSF1 et WSTF pour former les complexes NoRC, RSF, WICH et ACF. De nombreux complexes de la famille ISWI, comme ACF et NoRC, catalysent l’espacement des nucléosomes, promeuvent l’assemblage de la chromatine, induisent la compaction de la chromatine et sont généralement impliquées dans la répression de la transcription276. Par exemple,
NoRC joue un rôle dans la formation de l’hétérochromatine et l’extinction de l’expression génique de l’ADN ribosomal (ADNr) en induisant des changements de positionnement des nucléosomes au niveau de la région promotrice de l’ADNr284–286. Cependant, NURF, étant
impliqué dans l’activation transcriptionnelle dépendante de l’hormone stéroïdienne ecdysone, ne répond pas à ces règles générales287.
La famille CHD (chromodomain-helicase-DNA binding) est définie par la présence de deux chromodomaines disposés en tandem dans la région N-terminale du domaine ATPase (Figure 1.16.D). Des motifs structuraux additionnels permettent de subdiviser la famille CHD en trois sous-familles : CHD1, Mi-2 et CDH7288. Les propriétés biologiques des membres de la famille CHD sont hautement hétérogènes. Certains existent sous forme monomérique in vivo, alors que d’autres forment des complexes multi-protéiques. Cependant les caractéristiques exactes de ces complexes restent mal comprises289. Le
complexe le plus étudié est le complexe NURD (nucleosome remodeling and deacetylase) composé des membres Chd3/Chd4 de la sous-famille Mi-2, des histones déacétylases HDAC1/2 ainsi que de protéines MBD liant des motifs CpG méthylés290–292. Il a par
groupe spécifique de gènes au cours du développement de mammifères, de la drosophile et de C. elegans293–296.
La famille INO80 (inositol requiring 80) quant à elle est caractérisée par un domaine ATPase scindé (Figure 1.16.D). Ce dernier garde son activité ATPase et permet l’association avec les protéines Rvb1 et Rvb2 de la famille des hélicases RuvB297,298. Les
complexes INO80 et SWR1, tous deux membres de la famille INO80, interagissent avec les nucléosomes et remodèlent la chromatine soit en déplaçant les nucléosomes, soit en échangeant des histones au sein des nucléosomes. En particulier, de nombreuses fonctions ont été proposées pour le complexe de remodelage INO80. En particulier, il a été suggéré qu’il régule la transcription d’environ 20% des gènes de levure, et cela positivement ou négativement298–300. Il a également été montré que INO80 contrôle la
distribution génomique ainsi que la dynamique du variant d’histone H2A.Z. De plus, il régule l’échange d’histones, étant capable de remplacer un dimère H2A.Z/H2B nucléosomal avec des dimères libres H2A/H2B301.